LEMY - on attendra l'hiver pour s'écrire qu'on se manque

on attendra l'hiver pour s'écrire qu'on se manque

Romy & lewis

Je laisse tomber mon téléphone sur mon lit, attrape une légère veste, enfile mes baskets et me faufile en dehors du cottage pour disparaître dans la nuit. Je sais déjà où se trouve le parc d'attraction dont j'ai parlé à Lewis, ça me fait un avantage sur lui. Prétentieuse que je suis, je m'imagine que c'est moi qui vais gagner cette course. Je me crois sûrement plus rapide et plus maline que je suis, mais ce sentiment me donne des ailes et me fais traverser le village à la vitesse de la lumière. En tout cas j'en ai l'impression à chaque fois que le sens le vent me fouetter le visage et me pousser vers ma destination. Parfois, je me surprends à lâcher un petit rire qui vient se perdre dans la nuit, ou faire des bons pour éviter les trotoirs ou les poubelles. J'ai l'impression d'avoir douze ans à nouveau. Non dix. Non six. J'en sais rien, je m'en fous. Je me sens vivante et c'est tout ce qui compte. Tellement vivante que je finis par oublier que j'avais rendez-vous et que je fais des pauses dans ma course pour aller sauter dans des flaques ou me pendre par les bras à un arbre. Je me rends pas vraiment compte de ce que je fais en réalité et mes médecins m'avaient prévenu que ça serait comme ça. Heureusement, dans un élan de lucidité, je me souviens que j'avais rendez-vous. Ou j'avais rendez-vous avec Lewis au parc d'attraction. Et le dernier arrivé serait une poule mouillée. Merde. En l'occurence, si j'arrive dernière, je serais vraiment mouillée, vu l'état de mes baskets. Je reprends donc ma course en essayant de rester concentrée cette fois, et je lâche un énorme soupire une fois arrivée. Soupire d'épuisement, puis un peu de déception puisque je vois qu'il est déjà arrivé. C'est une défaite donc. Mais je reprends sourire en entendant le ton qu'il emploie. Ca fait plaisir de ne plus entendre sa voix pour m'insulter. « Ferme la, j'ai été déconcentrée ! » je dis en riant pour prendre ma défense. Mais je ne vais pas dénier sa victoire. Tant pis pour moi, j'en ferais pas tout un plat. Je m'approche de lui, pour le dépasser et terminer face au portail du parc d'attraction. « Tu me fais l'échelle puis je t'aide à monter ? » je lui propose d'un ton malicieux. Promis je le laisserais pas planté de l'autre côté. Même si ça serait tentant de me faire la belle avec son sac à dos plein de merveilles.

✻✻✻

CODES © LITTLE WOLF.

on attendra l'hiver pour s'écrire qu'on se manque

Romy & lewis

Quand je demande à Lewis de m'aider à grimper le portail, ça me paraît être une évidence. Je parle pas de galanterie à deux balles, de toute façon, j'ai toujours trouvé que c'était des conneries tout ça. Pourquoi un mec devrait se montrer galant envers une femme ? C'est supposé dire que les femmes sont faibles et qu'on doit les aider, sinon elles ne se débrouillent pas seules ? La galanterie c'est juste une façon de plus de différencier les hommes des femmes, de donner des droits aux uns sur les autres. Moi je suis pour l'égalité des sexes, je suis pour dire que les femmes sont aussi fortes que les hommes. D'ailleurs, si on me met contre un mec dans un ring, je suis prête à parier que je le mets KO en deux crochets bien placés. Demandez à Maxwell, il sait de quoi je parle. Alors quand je passe devant le nez de Lewis pour qu'il me fasse la courte échelle, c'est pas pour faire ma princesse. Non, c'est parce que j'ai toujours été comme ça. A prendre ce que je veux dans la vie, sans demander aux autres. Je prends les devants, je m'impose. Je suis une fille d'action, je reste pas plantée les bras croisés sur ma poitrine. Sauf que Lewis vient réclamer le droit de passer avant moi, parce qu'il est arrivé le premier. Je me tourne vers lui en arquant un sourcil, amusée de le voir me faire une telle remarque. « Mmh bon d'accord. Je vais être bonne joueuse pour une fois, j'te laisse passer en premier. » je finis par céder. Après tout, pourquoi pas. Je veux bien être une gamine sur les bords mais je vais pas faire un caca nerveux pour ça. C'est pas comme si c'était la première fois que j'entrais dans un parc d'attraction par effraction. Puis le voilà qui me demande ce qu'il a gagné. « Attends, j'te laisse entrer en premier, c'est pas assez ? » je lance en plantant mes poings sur mes hanches. C'est vrai ça, c'est pas assez ? Qu'est-ce qu'il veut encore ? J'essaye de soutenir son regard, j'essaye de pas sourire alors que lui il sourit. J'essaye de rester sérieuse, et lui il me balance sa fumée au visage. Je l'écarte d'un geste de main en toussant. Le con. « C'est déjà pas assez que j'accepte de me mette à genoux devant toi, pour te faire la courte échelle ? » je m'amuse à rajouter en faisant sonner cette phrase lourde de sous-entendus. Il me cherche, je le cherche. Car je me souviens bien de ses propres mots, ils sont encore écrits noir sur blanc sur mon téléphone portable. Puis je recule d'un pas et dégage mon bras de la bretelle de mon sac à dos pour le faire passer devant moi et farfouiller dedans. « Tiens, si tu veux j'ai ça, mon médecin a dit de pas en abuser. » je lâche dans un haussement d'épaules. J'ai dans la main une boîte de médicaments. Je pense qu'il m'en reste encore pas mal chez moi. Enfin j'espère. Je verrais bien demain de toute façon. J'suis pas du genre à réfléchir avant d'agir hein.

✻✻✻

CODES © LITTLE WOLF.

on attendra l'hiver pour s'écrire qu'on se manque

Romy & lewis

Je pourrais dire que Lewis m'exaspère à faire son malin face à moi. Je pourrais dire que c'est qu'un connard, qu'il se la joue vraiment cool pour un mec qui voulait plus me parler il y a quelques semaines. Sauf que je pense pas à tout ça. J'y pense pas parce que j'ai pas envie de me rappeler de mauvais souvenir. Parce que je suis là pour qu'on s'amuse, qu'on passe un bon moment, comme à l'ancienne. Puis parce que l'air de rien, ça me plaît bien. Je dois être complètement débile, singulièrement conne. Un peu comme ces chiens qui restent avec leur maître. Sûrement parce que j'aime bien souffrir, car dans le fond, c'est ça non l'histoire ? Lewis et moi, on se fait du mal, puis on en redemande. On se donne le bâton pour recevoir les coups, ce rendez-vous en est la preuve. Alors en récompense, je lui file mes médicaments. Je sais qu'ils sont plutôt forts car ils aggravent souvent mes difficultés à me concentrer. Mais je suppose qu'on a pas vraiment besoin de réfléchir ce soir. Qu'il vaut limite mieux qu'on pense à rien, sinon on va repenser à nos conflits et s'engueuler à nouveau. Je le regarde avaler quelques pilules, un léger sourire aux lèvres. Vas-y Lewis, oublies que tu m'en veux. Puis il me demande de me mettre à genoux. Je lâche un rire. « Connard. » je dis avant de m'exécuter, réunissant mes deux mains pour qu'il puisse prendre appui dessus. « A trois tu sautes. » je dis, avant de commencer le décompte. « Un, deux ... trois ! » je dis en levant les mains de toutes mes forces pour l'aider à décoller du sol et se loger sur le haut du portail. Je suis tombée sur le cul en l'aidant et je lève la tête vers le ciel pour vérifié qu'il ait réussi à grimper. « T'as l'air d'un pigeon sur ton perchoir. » je dis pour me moquer de lui. Puis je me relève, repasse le bras dans la bretelle de mon sac à dos et jette un coup d'oeil au portail. A mon tour. Mais comment ? « Bon, tu m'aides ou bien tu vas me laisser plantée là ? » je lui lance d'une voix autoritaire. Parce que je compte pas rester ici alors qu'il s'amuse avec mes médicaments.

✻✻✻

CODES © LITTLE WOLF.

on attendra l'hiver pour s'écrire qu'on se manque

Romy & lewis

Je le regarde perché sur son portail. A cet instant, il pourrait se tirer sans moi, aller se marrer tout seul dans ces attractions endormies, vider sa bouteille et m'abandonner de l'autre côté de la grille. L'espace d'une seconde, je peux croire à cette possibilité. Après tout, n'est-ce pas lui qui souhaitait ne plus jamais me revoir ? Parce qu'il en avait marre de mes conneries, marre que je sois même pas assez sérieuse pour ses beaux yeux. Marre de moi, il faut le dire. Car je suis mes conneries tout autant que Flaubert est Bovary. L'un ne va pas sans l'autre. Il a aimé mes travers jusqu'à les détester, il en a abusé comme on abuserait de stupéfiants. Et maintenant, je ne doute pas quand il dit qu'il est bien sans moi. Je doute pas que ma distance puisse le préserver. D'ailleurs, c'est moi qui lui ai proposé de venir ici, d'entrer par effraction dans un parc d'attraction. C'est encore moi qui lui file des médicaments sans avoir cherché à lire la notice ou la posologie. C'en est à se demander qui de nous a la plus mauvaise influence sur l'autre. Qui de nous va tirer l'autre vers le fond. Mais là, tout de suite, il est question de m'élever car je suis toujours au sol alors que Lewis a déjà une jambe vers la liberté. « Remonte moi ou je te caillasse. » je le menace en réponse à sa taquinerie. Très sincèrement, j'en serais capable et il le sait. Je m'en fiche de lui faire mal s'il se prend un caillou sur le coin de la tête. Il me doit bien ça, moi c'est une rame que je me suis prise. C'est pas parce qu'on peut s'amuser ensemble que je vais me laisser faire. Il finit par se pencher vers moi et me proposer s'attraper sa main, prétextant qu'il n'y a pas toutes la nuit. Je lui lance un regard moqueur avant de prendre sa main dans la mienne et prendre appuis avec mes pieds sur un enfoncement dans le portail. Parce que j'ai pas non plus énormément confiance en ses gros bras. En en trois secondes, je suis assise en face de lui, dominant à mon tour l'étendue du parc d'attraction. Je laisse échapper un soupire de satisfaction. « C'est partit. » je finis par dire avant de passer mon autre jambe par dessus le portail, puis me pendre par les bras pour me laisser tomber au sol. J'ai l'habitude de sauter si haut, voire même plus haut. Je faisais ça presque tous les soirs pour m'échapper de mes familles d'accueil. Une fois, j'ai même réussi à parcourir cinquante kilomètres en bus et autres moyens de transports avec une cheville foulée. « Tu veux qu'on commence par quoi ? » je demande à Lewis qui ne tarde pas à me rejoindre. Je suis pas guide touristique, j'ai pas vraiment un planning de ce qu'il y a à faire. Moi je suis juste là pour faire des conneries, il y a pas d'ordre précis pour ces choses.

✻✻✻

CODES © LITTLE WOLF.

on attendra l'hiver pour s'écrire qu'on se manque

Romy & lewis

Quel est l'intérêt de se balader dans un parc d'attraction en pleine nuit ? C'est vrai, la journée, les manèges tournent, mais une fois que tout le monde est parti, le silence reprend possession des lieux. J'admets que ça peut paraître débile d'entrer par effraction dans un parc fermé mais moi ça me fait marrer. C'est le genre d'endroit qui peut vite faire peur, dans lequel notre imagination commence à bouiller et créer mille et un scénarios tordus. C'est presque lugubre, angoissant. Ca fait battre le coeur un peu plus vite quand on entend le vent faire grincer un siège ou s'envoller un papier. Je suis pas une grande adepte des films d'horreur mais j'aime l'adrénaline. Pour le moment, Lewis et moi on est cools, on vient seulement de passer le portail, on est encore essouflés de notre petit numéro de gymnastique. Je lui demande par quoi il veut commencer, parce que moi-même j'en ai pas la moindre idée. De toute façon, c'est pas comme si on avait un choix de dingue, c'est pas comme si les manèges allaient se mettre à tourner pour nous. Je hoche la tête alors qu'il me propose d'avancer et d'aviser. Comme il veut. Après tout, on est là pour lui. Lui qui s'ennuyait pendant ce Summer Camp. « Passe moi alors quelque chose à boire, l'escalade m'a donné soif. » je lui demande en tendant le bras vers lui. J'ai la gorge sèche et l'esprit sobre, une combinaison que j'apprécie guère. Je dis pas que je suis de celles qui ont besoin de boire pour s'amuser, c'est plutôt comme une habitude qui a finit par me coller à la peau. Puis en passant la soirée avec Lewis, c'était un peu une évidence, il l'a lui même dit dans un de ses sms, qu'il prenait une bouteille. Je me tourne vers lui alors qu'il me demande ce que j'ai fait depuis ma sortie de l'hôpital et je souris en retour à son sourire contagieux. « Pas grand chose. Rien de plus que l'ordinaire. » je réponds en détourant mon regard de lui. C'est la vérité. Puis quand bien même, j'ai pas spécialement envie de lui parler de ma vie. On s'était mis d'accord pour ne plus s'embarquer dans ces conneries. J'ai pas envie d'être à nouveau celle qui fout tout en l'air parce qu'elle dit quelque chose qu'elle devrait pas. « Viens, on va sur le carousel. » je finis par dire sans lui retourner la question. Pas besoin de faire ma polie, j'ai pas envie de l'entendre me dire qu'il s'est tapé je ne sais combien de filles. La dernière fois il m'a raconté qu'il en avait emmenée une aux urgences, j'ai eu ma dose. Je me dirige donc vers le manège endormis et en fais le tour pour trouver où j'ai envie de m'asseoir. Sauf que voilà, une meilleure idée me frappe. Je me faufile jusqu'à la cabine de supervision et me débrouille pour trouver une façon pour faire fonctionner le manège. Après une minute de recherche, je finis par trouver, la musique s’enclenche et le carousel tourne sur lui-même. « TADAM ! » je m'exclame en courant comme une gamine vers un cheval.

✻✻✻

CODES © LITTLE WOLF.