A mesure que j’hurle, je sens que ça devient vrai. Je sens que ça prend de l’ampleur et de la consistance. Je me vexe de moi-même parce que les premières notes sonnent faux, comme si je me retenais encore d’affronter ce moment, de livrer bataille aux faux démons. Mais la main de Gabrielle qui sert la mienne et ses hurlements qui reprennent ont raison de toute résistance. Comme si mon corps ne répondait plus de lui-même. Je sers, je sers sa main fort, je crois que je lui fais même mal. Et je ne réfléchis plus, à rien, à rien du tout. Tout disparait encore plus, comme à chaque fois qu’on est ensemble, mais en pire. C’était comme si sans le savoir, on touchait le néant du bout du nez. J’hurle à plein poumon toute la rage, la colère, la peine, la tristesse, la mélancolie, la nostalgie, la haine, la joie interrompue, la frustration, la nervosité, le vide, le manque, l’absence, qui m’habitent. Je les déverse, les gerbe à la gueule du monde comme si je le défiais de m’en faire pâtir plus. Et je me redresse dans ce duel, je me redresse, tends les bras, insulte ce foutu ciel qu’a construit nos illusions. Je ne le crois plus, je le déteste, comme un enfant rebelle qui vient se révolter contre son père. Je hurle et ça me fait mal, dans tout mon corps, j’ai mal. Mais j’sens en moi que cette fois, il n’y a pas de larme. La pureté d’une négation jetée au vent comme si elle avait été la seule molécule constitutive de ma personne. Et tout à coup, tout s’éteins. Je remarque que j’étais seul à hurler, j’suis essoufflé, mes bras tombent, je baisse à peine la tête. Je sais que je n’ai pas gagné ce duel, mais au moins maintenant, le ciel sait. Il sait qu’il ne m’aura pas, qu’il ne me fera pas tomber, que je serais à tout jamais son rejeton indiscipliné. Je ne bouge pas, pas même quand Gabrielle me rejoint et qu’elle me prend dans ses bras. Je suis droit comme un piqué, fatigué, épuisé. J’pourrais tomber, mais y a cette force que je ne soupçonnais pas qui vient de se réveiller. J’crois que c’est elle qui me l’a insufflé, j’crois que c’est elle qui m’a réveillé. J’lève les yeux vers elle quand elle se met à parler, avec la dévotion d’un pieu pour son idole. J’ne pourrais pas décrire avec les mots ce que je ressens à cet instant précis pour elle. Tout ce que j’sais, c’est que rien au monde ne pourra défaire cette certitude : Elle est moi, et je suis elle. De mes mains j’attrape son visage et l’embrasse du front à la joue, de la joue au menton, du menton aux lèvres, et les lèvres encore deux fois. J’voudrais avoir plus que ma chaire pour lui montré à quel point je l’aime, à quel point je la crois : « Je t’aime », dis-je tandis que j’embrasse encore sa joue, « je t’aime », et encore ses lèvres, « je t’aime putain », et encore un baiser. Et je finis par l’étouffer dans mes bras pour que jamais elle s’en échappe. Là, les pieds dans l’eau, déstabilisés par la houle des vagues, je me rallume à son contact. La sert contre moi comme si je voulais qu’elle et moi nous ne fassions qu’un. Et sous la lune austère, il y a ces deux garnements. Ces sacripants qui ne sont pas de votre monde, qu’ont saisit l’illusion. Vous pourrez les châtier, ils ne tomberont pas. Vous pourrez les torturer, ils ne failliront pas. Parce qu’à eux deux, ils font sauter l’illusion. Ils sont jeunes, fous, fougueux, adolescents. Incompris et inconstants. Mais ils sont purs. Ils sont la vérité. Et je la serre dans mes bras jusqu’à l’étouffer tandis que le monde tout entier s’est dissipé, pour de bon. Spoiler:Je ne sais pas ce que tu en dis, mais je pense qu'on peu clôturer le RP sur ça