Who's spying on who ? :: Veïa

Cela faisait une paye que Happy ne s’était pas assit sur un banc, un bouquin à la main, dont il levait le nez de temps à autre pour observer les passants. Ce parc, en Nouvelle-Écosse, était juste parfait pour profiter du beau temps et ne pas se prendre la tête sur ce qui l’attendrait à son retour à Harvard. Au bout de quelques instants, cependant, il remarqua au loin une jolie jeune femme, un carnet à la main. Ses coups d’œil vers elle étaient brefs, autant que possible, mais il lui arrivait de croiser son regard, lui intimant de reprendre sa lecture. Il ne savait plus bien s’il l’observait noter des choses, ou si elle l’observait, elle, de son côté. L’envie d’aller lui poser la question était forte… mais pour l’heure, il préférait rester assit là où il se trouvait depuis un moment déjà.

Il était difficile pour moi de changer mes habitudes même en période de saison estivale. J'espérais même pouvoir faire des observations encore plus intéressante étant donné que je me trouvais dans un autre pays. Je faisais des allés et venues dans ce parc toujours mon cahier en main , mais je n'avais pas encore trouvé la perle rare. J'étais concentré à observer un jeune homme solitaire sur le banc et à ma grande surprise nos regards se croisaient souvent. Est-ce que j'étais vraiment en train de vivre ce que je faisais vivre aux âmes qui se promènent. Je me demandais en quoi je pouvais attiré son attention ainsi , moi il m'en fallait peu pour écrire , juste quelques détails et l'inspiration prenait part au bout de mon crayon. Puis , j'arrêtais d'écrire pour le fixer plus longuement , plus intimement pour savoir la suite. 

Apparemment, cette jeune demoiselle semblait avoir la bosse de l’écriture, ou à tout le moins une inspiration de fer car elle grattait le papier avec vigueur. Du moins Happy considérait-il la chose ainsi de là où il se trouvait, c’est-à-dire à quelques mètres de là. Leurs regards continuaient de se croiser, d’ailleurs, à la plus grande surprise de l’américain. Cette inconnue cherchait-elle à lui faire comprendre qu’elle pouvait autant le stalker qu’il le faisait actuellement ? Possible. Mais quelques secondes durant, il osa soutenir son regard, cessant de le fuir. Ce fut à ce moment précis qu’il se décida à se relever, parcourant les quelques mètres les séparant pour venir lui adresser la parole. Sans animosité, sans arrière pensée, juste comme ça. « On se connaît ? »

Je ne pourrais pas terminer ce récit cette fois si , puisqu'il m'accompagnait dans mes observations. Cela me déstabilisait énormément et en même temps je voulais en savoir plus. Un nouveau mystère à porter de main, je ne pourrai jamais m'en lasser. Il se releva et il venait vers moi. Un petit sourire en coin venait fleurir sur mes lèvres en me disant que j'aurais ma réponse, sauf s'il était comme moi silencieux et aussi secret que je pouvais l'être. Une phrase toute simple venait fendre l'air sans toute fois briser l'état paisible du parc. «Non je n'observe pas les gens que je connais.» Je me décalais pour lui faire une place sur mon banc s'il en avait envie. Je continuais de le regarder sans mal, sans jamais broncher, car c'était une de mes spécialités.

Deux êtres aussi secrets l’un que l’autre se rencontrant, c’était aussi cocasse que surprenant. La curiosité d’Happy venait d’être piquée au vif, d’où le fait qu’il ait franchi ces quelques mètres pour lui demander si, par un heureux hasard, elle le connaissait. D’où, c’était une bonne question, mais cette dernière lui répondit par la négative. Cette inconnue, aux cheveux blonds comme les blés, semblait aussi observatrice que lui, et cela lui arracha immanquablement un large sourire amusé. « Serait-ce que tu aimes observer autrui toi aussi ? » Il connaissait déjà la réponse, mais s’assit néanmoins sur le même banc qu’elle, acceptant silencieusement son invitation. A aucun moment Happy n’essaya de lire les notes de son carnet. Il ne voulait pas interférer dans sa vie privée, hors de question. « Je suis à la fois curieux de savoir ce qui t’a intéressé en moi et à la fois je ne veux pas être indiscret. Plutôt inconfortable… »

Plusieurs fois dans ma vie , ma curiosité ne m'avait pas toujours aidé , mais cette fois elle semblait être clémente avec moi et elle m'offrait une nouvelle boite de pandore à observer. Je me demandais même si j'allais être désorienté de rencontrer une âme aussi secrète que la mienne , elle avait étrangement la même couleur et la même texture. Je refermais mon carnet pour l'enfouir dans mon sac , personne n'avait eu la chance de poser le regarde sur ses pages remplie d'encre encore et j'espérais que ça reste ainsi. «Tu connais déjà la réponse il me semble. » Ma voix était douce et accueillante. Je suis ce velours qui aime apprendre à connaitre les gens , malgré ma que je suis plutôt solitaire. «Ça serait mal de te dire que c'est un secret ?» Est-ce que ça sera surtout frustrant de ne pas te donner la réponse que tu attends.

Voir cette presque parfaite inconnue ranger son carnet dans son sac arracha un sourire à Happy. Il n’aurait jamais été indiscret, mais elle ne le connaissait pas, donc comment en être sûre hormis en rangeant son précieux carnet ? De toute façon, il la savait désormais aussi observatrice que lui, peut-être même davantage, car elle n’avait pas les mêmes raisons que lui d’observer les gens. Lui appréciait de pouvoir choisir de potentielles clientes… « J’avoue c’était aussi évident pour toi que pour moi » admit-il en haussant les épaules, regardant en face de lui pour ne pas la gêner. L’observation n’était plus la même maintenant qu’ils s’étaient adressé la parole. « Mal ? Non pas du tout. Il y a d’autres choses pour lesquelles ma curiosité n’est pas assouvie et puis d’un autre côté… tu ne sauras pas non plus de ton côté » fit-il d’un ton malicieux, lui accordant désormais un regard. « On se présente ou ça reste aussi secret ? »

Maintenant qu'il était près de moi je dessinais chacun de ses traits dans ma tête. Un bel homme il n'y avait aucun doute la dessus , mais encore je voulais savoir de quoi était composé son esprit. Il n'allait pas être une tâche facile , car il jouait au même jeu que moi en nous laissant libre cours à une conversation discrète. Nous voulions chacun creuser plus loin , mais nous avions du mal à ouvrir la porte à l'autre. «Je comprends que tu ne veules pas me le dire , mais crois moi je finirais par le savoir. » Un petit élan de confiance qui se faisait sentir de ma voix suivit d'un mon rire enfantin. Il voulait savoir mon prénom et je n'étais pas assez sauvage pour ne pas lui donner. J'étais même trop délicate pour ne pas lui donner en échange. «Veïa et toi? » Un prénom venant d'un autre continent , mais qu'il avait surement remarqué bien avant vu mon accent.

La remarque de la douce inconnue arracha un petit rire discret à Happy. Cette sorte de confiance qu’elle dégageait avait tendance à l’amuser, c’était mieux que d’avoir envie d’en pleurer en même temps. « Je te souhaite bien du courage… mais tout a un prix chez moi. Si tu veux me connaître, il faudra me donner des infos en échange. Sinon je ne pense pas que tu aies un jour connaissance de la moindre chose à mon sujet » reprit-il avec le même élan de confiance. Il agissait avec une telle discrétion depuis trop d’années pour se faire attraper juste par une inconnue, si douée soit-elle. Aussi vrai qu’il ne pourrait sûrement rien savoir d’elle à moins qu’elle ne joue cartes sur table, il ne comptait pas lui offrir en pâture sa vie privée, si précieuse à ses yeux. Il fallait qu’il se protège également. « Je m’appelle Happy. Pas de blague, c’est vraiment le mien… enchanté Veïa, c’est un joli prénom que tu as là. »

Je m'étais donné un défi personnel , car pour une fois je pouvais observer de près et pas seulement de loin. J'ai toujours été cette personne discrète qui arrive à se fondre dans la masse , mais cette fois j'avais été prise dans mon propre jeu malgré moi. Il me donnait du courage pour arriver à dénicher un moindre indice sur sa personne. Tu n'as rien à craindre je suis cette âme silencieuse qui erre sans vraiment avoir de maison je sais garder des secrets. Les gens ne me portent pas forcément d'attention , car je vis encore dans un monde enfantin. «C'est tout à fait normal.» Il me donnait la première information sur son identité. «Merci ! T'en fais pas j'aime bien tout ce qui est orignal.» J'aime bien tout ce qui sort de la norme. Et en plus il porte le nom de la joie.