(flashback) happy&nevada ✗ boire un verre

A la base, Nevada n'était pas censé sortir ce soir. Mais bon, c'était la fin des examens et il avait eu l'envie d'aller boire un petit verre avant de rentrer à la maison où James l'attendait certainement, à moins qu'il ne soit encore au cabinet. Dans tous les cas, il lui avait envoyé un message pour le prévenir qu'il ne rentrerait pas de suite. Et puis il s'était naturellement dirigé vers son deuxième bar de prédilection, son premier étant le Paint Bar. En entrant, il s'était dirigé vers le comptoir, près duquel il s'installait entre deux personnes. Il se fichait en réalité d'entre qui il était, il voulait juste prendre un verre, une bière, se détendre. Et c'était bien normal, après tout, c'était des choses de son âge. Il commanda donc une bière avant de jeter un regard curieux à côté de lui. Et à son plus grand étonnement, c'est un visage familier qu'il reconnut. Il se souvenait bien de lui, c'était un ami de James, il chercha son nom plusieurs secondes durant dans sa mémoire, il n'était pourtant pas difficile à retenir. Happy, voilà. Il ne l'aimait pas trop, à vrai dire, il le prenait surtout pour une menace, mais bon, il ne lui avait rien fait de spécial en réalité. C'est bien pour ça que, après avoir réfléchi de longues minutes et peser le pour et le contre, il se pencha vers lui pour lui parler, légèrement mal à l'aise. « Mh, salut Happy. » Même dans sa voix, on pouvait voir qu'il était mal à l'aise. Il soupira alors et secoua doucement la tête en posant son regard dans le sien. « Écoute, j'suis désolé pour les pics la dernière fois. Ca r'monte à loin, j'sais. Mais j'suis quand même désolé, voilà. » Happy ne pouvait pas imaginer l'effort que ça lui demandait de faire des excuses, lui qui n'avait pas l'habitude de s'excuser pour quoi que ce soit. Il espérait tout de même qu'il voit l'effort qu'il avait fait malgré tout.

Après une longue journée à switcher de cliente en cliente pour amasser suffisamment d’argent, Happy s’octroya une soirée off. La facture d’hôpital concernant sa mère pourrait être payée, il avait donc l’esprit tranquille. Inutile de se tuer à la tâche ou d’user son carnet d’adresses pourtant bien rempli de clientes… elles seraient toujours fraîches et disposes le lendemain, une fois ses batteries rechargées. Il pénétra par conséquent dans le premier bar qu’il trouva à proximité de l’endroit où il se trouvait actuellement, dont il n’avait même pas prêté attention au nom. L’américain portait une tenue assez chic, à savoir une veste de costard noire, une chemise blanche assez ouverte sur son torse musclé, et un pantalon mettant en valeur son corps. Une tenue pouvant « jurer » avec l’atmosphère du bar mais il s’en moquait bien : ce n’était pas le plus important. Le jeune homme ne comptait pas aller se changer juste pour boire un verre. Il s’accouda donc au comptoir, le visage en paix, commandant une bonne bière bien fraîche à la pression. A aucun moment il n’imaginait que quelqu’un se pencherait vers lui pour s’exprimer et encore moins qu’il s’agirait de Nevada… le petit ami de James, son frère de cœur. « Salut Nevada » répondit-il sans haine, sans sarcasme, juste pour lui faire comprendre qu’il savait qui il était et que non, il n’avait pas oublié sa petite scène de jalousie… compréhensible, mais pénible tout de même. Il arqua cependant un sourcil de surprise face à ce mea culpa complètement inattendu. Il eut même envie de lui demander si sa bière n’était pas empoisonnée ou droguée à quelque chose… mais à la place, il se racla légèrement la gorge, coopératif. « Je pensais pas que tu t’excuserais… je suis agréablement surpris et j’accepte tes excuses. Tu sais, James t’aime et il est à toi, hein ? C’est un frère pour moi. Un frère, pas autre chose. »

Si Nevada n'avait pas l'habitude de s'excuser, il ne s'était pourtant pas gêné pour le faire maintenant auprès de Happy, bien qu'il ait été réellement mal à l'aise. Il aurait très bien pu changer de place, l'ignorer, et ne pas lui adresser la parole, ni un seul regard, pour ne pas faire d'histoire, ne pas risquer de s'en prendre une. Mais non, il avait voulu faire un effort pour que James soit content, même si lui était tout à fait méfiant avec ce Happy. Il ne le sentait pas, c'était tout. Il faut dire qu'étant amoureux, c'était un peu normal. Et Happy était un bel homme, qui connaissait James mieux que Nevada, enfin, c'était supposément ce qui était censé être vrai. Heureusement pour lui, Happy vit les efforts qu'il avait fait pour venir à lui s'excuser, lamentablement, mais s'excuser quand même. Il hocha vivement la tête à ses paroles. « Ouais, il est à moi. » "C'est mon mien", qu'il aurait répondu s'il s'agissait d'une conversation rieuse avec un ami. Mais il était le plus sérieux du monde, il avait confirmé ses paroles avec un aplomb tel qu'on aurait pu penser qu'il parlait d'une chose bien plus sérieuse. « Un frère. Pas autre chose. Compris. » dit-il ensuite en hochant de nouveau la tête. Il eut un petit soupir alors qu'il regardait sa bière encore pleine et fraîche entre ses doigts, ne sachant pas quoi dire de plus, après tout, ils n'étaient pas copains.

La réponse de Nevada arracha un petit sourire amusé à Happy. Oh il ne se moquait pas du tout de lui, car qui sait comment l’américain réagirait si, par aventure, il tombait amoureux et voyait une sorte de concurrence à l’horizon ? Sûrement serait-il tenté de foncer dans le tas plus violemment encore que son interlocuteur du jour ne l’avait fait l’autre soir. Voilà pourquoi il ne lui en tenait pas vraiment rigueur, et partait plutôt du principe qu’accepter ses excuses, c’était aussi ôter une belle angoisse à James. « Beaucoup de monde lui tourne autour ? » s’intéressa-t-il, juste histoire d’en causer. Nevada pouvait le lui dire à lui, la jalousie faisant également partie de son tempérament, qu’il le veuille ou non. Après tout, il ne s’agissait pas là d’un sentiment que l’on pouvait aisément dominer… plus on aime une personne, plus on s’y accroche, et plus on craint de la perdre, logique. Néanmoins, la compréhension du jeune homme le surprenait et lui faisait plaisir, car il devait intérieurement se battre bec et ongle pour ne pas envoyer purement et simplement bouler Happy. De quoi provoquer la réaction suivante chez l’américain : « je t’offre une autre tournée pour fêter ça ? »

La jalousie était quelque chose de nouveau pour lui. Évidemment, il n'avait été en couple qu'une seule fois, et cette fois-là était très spéciale. Il n'avait jamais réellement été jaloux. Mais ne le devient-on pas lorsque nous sommes sûrs d'avoir trouvé la perle rare, l'amour de notre vie, notre âme soeur ? Bien sûr que si, c'est une évidence. Pas parce qu'on le désire, mais parce qu'on ne le contrôle pas. Et ce n'est plus une question de confiance. A la question de Happy, Nevada grimaça automatiquement au souvenir de toutes ces paires d'yeux collés sur son amour. Il but de longues gorgées de sa bière avant de soupirer plus ou moins lourdement. « C'est rien d'le dire. Tu verrais tous ces regards, toutes ces intentions malsaines qu'on peut lire à travers leurs yeux pervers et vicieux.. Et parfois ça s'voit même pas. C'est qu'après qu'on réalise. Ca, c'est les pires, s'tu veux mon avis. C'est un peu pour ça que j'me méfie de tout le monde. » Oh non, il ne cherchait aucunement d'explications à son comportement. Il ne voulait pas se justifier, il assumait d'être ce qu'il était, même si cela devait parfois l'amener à s'excuser platement. En terminant sa bière, il hocha la tête à sa proposition. « J'veux bien, merci. » Il lui adressa alors un fin sourire, commençant à peine à se détendre.

En écoutant les propos de Nevada, l’américain comprit mieux pourquoi une telle méfiance était née en lui. Pas étonnant. Les gens restaient des êtres foncièrement égoïstes… Happy ne le savait que trop bien. Certes, il ne pouvait pas vraiment avoir un avis avec poids là-dessus, étant donné qu’il exerçait tout de même la profession de gigolo, mais tout de même. Il hocha positivement la tête, preuve qu’il commençait un brin à comprendre les multiples pics que son interlocuteur lui avait lancé lors de leur dernière soirée ensemble. « De toute façon il y aura toujours des gens pour convoiter ta moitié, c’est clair et net. Je pense même que ça pourrait m’arriver aussi. Vois-tu, de mon côté, il y a cette fille… bon c’est pas gagné avec elle. Mais je crois que je défoncerais quelques faces si quelqu’un tentait de l’approcher avec des intentions… que j’estimerais peu recommandables. » Une façon comme une autre de dire que son cœur pouvait être pris, dans un avenir proche. Tout dépendrait du fameux Summer Camp, et de comment les choses allaient évoluer entre eux. Happy répondit au sourire de Nevada par un autre franc sourire, à la fois étonné et content qu’ils puissent être sur la même longueur d’ondes. « Tu veux boire quoi dis moi ? »

Nevada était plutôt content qu'il commence à le comprendre. Il suffisait pourtant de jeter un seul et unique regard à l'homme de sa vie pour qu'on voit sa beauté incomparable, et qu'on se doute qu'il soit regardé à fond par tout le monde, parfois seulement pour ses tatouages, la plupart du temps parce qu'on aimerait bien se le faire. Enfin, c'était normal, James était un bel homme, et ce n'était pas Nevada qui dirait le contraire. Lui aussi avait eu des pensées salaces en le voyant pour la première fois. « Ouais, bah qu'ils la convoitent pas trop ma moitié parce que j'suis un vrai connard quand j'm'y mets. » Et même s'il ne savait pas taper, pourrir la vie des gens avait été sa seule façon de combler son temps libre autrefois. Alors, il savait parfaitement comment s'y prendre. Heureusement d'ailleurs pour Happy qu'il ne le convoitait pas réellement. « Oh. Bah t'sais au début tu remarques pas trop. C'est quand t'es vraiment avec cette personne, genre en couple, que tu te mets à voir tous ceux qui lui tournent autour.. Même si je l'ai remarqué bien avant pour ma part.. » Il repensait surtout au début, quand James le narguait à emballer des filles devant lui. C'était le pire, et s'il devait recommencer, Nevada ne supporterait pas ça. En réfléchissant, le jeune artiste haussa les épaules en faisant rouler sa bière vide entre ses doigts. « J'veux bien une manzana, s'te plaît. »

Happy ne pouvait pas s’empêcher de chercher à comprendre, pas seulement parce que James souhaitait qu’il s’entende mieux avec Nevada, mais également parce que leurs situations pouvaient avoir des points communs. Certes, l’américain ne se mettait pas encore dans la catégorie ‘en couple’ mais cela pourrait arriver. Il n’irait pas jusqu’à expliquer à son interlocuteur que son boulot de gigolo l’empêchait un engagement sur le long terme, car ce serait mettre entre les mains du jeune homme une carte maîtresse de la vie d’Happy. Risque qu’il n’était pas encore prêt à prendre avec un presque parfait inconnu. « Tu protèges ton territoire. Ça sonne assez logique de mon point de vue » admit-il finalement, bien qu’il ait déjà accepté les excuses de Nevada et que leur accrochage soit désormais derrière eux. Du moins il songeait ainsi. « Je ne suis pas sûr qu’il faille attendre d’être vraiment avec la personne pour remarquer ! J’observe beaucoup les gens. Je ne connais pas encore totalement mon degré de jalousie car ma vie sentimentale est compliquée mais je pense que je remarquerais les regards séducteurs des autres » expliqua-t-il en soupirant. Surtout qu’Happy ne s’était pas facilité la tâche, choisissant quelqu’un d’aussi compliqué que lui, et ayant tendance à ne pas faire confiance à autrui. Leur discussion n’empêcha pas l’américain de commander une manzana pour Nevada, et d’opter pour un cuba libre de son côté. « Je pense qu’on peut trinquer en fait, non ? »

La jalousie n'était pas forcément quelque chose de logique, mais elle venait d'une pensée logique. Parfois c'était maladif, mais Nevada se modérait tout de même. Il faisait totalement confiance à James, c'était surtout aux autres en qui il n'avait pas confiance. James était capable de repousser des avances, mais juste le fait qu'il reçoive des avances faisait rager Nevada. Cette pensée l'insupportait, et parfois, il se faisait beaucoup de films. Comme il l'avait déjà fait avec Happy. « Ouais c'est logique. Mais j'fais pas que le protéger, j'le défends aussi. » Il haussa les épaules. Si Nevada ne savait pas frapper, son principal défaut était qu'il savait parfaitement comment manipuler un esprit pour l'amener à penser certaines choses, jusqu'à lui faire faire ce qu'il voulait. Il avait grandi ainsi, en faisant ça, surtout pour se protéger, mais s'il avait arrêté de le faire pour James, il n'hésiterait pas à recommencer si on touchait à la prunelle de ses yeux. « Ouais c'est vrai. Mais crois moi, on le remarque d'autant plus quand on est avec la personne. Quitte à se faire des films. » Assura-t-il en hochant la tête. Il prit ensuite son verre entre ses doigts et hocha de nouveau la tête en souriant. « J'pense aussi. A quoi on trinque ? »

« Tu le défends ? » réagit-il aux propos de Nevada, fronçant légèrement les sourcils au passage. « On s’en prend à James en ce moment ? » Happy avait souvent défendu son frère de cœur par le passé mais il pensait que l’avocat n’avait pas d’ennemi à ce moment précis. Peut-être que son petit ami entendait par là qu’il le défendait pour éviter toute avance amoureuse. Il imaginait assez mal quelqu’un de son gabarit détruire la tronche d’un autre ou même d’une femme… pas seulement d’un point de vue physique mais avant tout parce qu’il n’avait pas l’air d’être quelqu’un se battant souvent. En revanche, il l’imaginait très bien faire de l’esprit, manipuler. Bien qu’il n’en soit pas certain, puisque Nevada n’avait jamais tenté la chose et heureusement d’ailleurs. « Moi je me fais déjà des films en général alors en amour je serais pire que tout je pense. En fait j’essaye de m’imaginer en mode en couple mais je pense que je réagirais comme ça » admit-il avant de prendre son verre en main et de proposer un toast à son interlocuteur inattendu de ce soir. « Bah… on peut trinquer à notre réconciliation ? Je pense qu’on peut appeler ça comme ça ! »