Once upon a time
Avec ma famille, nous étions en vacances en France. Ce pays était la destination préférée de maman, si on ne compte pas l'Italie, l'Allemagne et l'Angleterre ou autres pays avec une très riche culture. Les vacances dans cette famille se passaient surtout dans les musées, monuments historiques, en gros tout ce qui se rapportait à la culture. Cette fois-ci, nous étions au château de Versailles à déambuler à travers les pièces, quand la plupart des visiteurs restaient quelques minutes dans une pièce puis passait à l'autre, nous, nous restions un moment dans chacune et nos parents s'amusaient à nous expliquer pleins d'histoires par rapport aux objets présents et les détails de certains tableaux. Nous étions arrivés dans une salle où les murs tenaient deux immenses tableaux. L'un deux a attiré mon attention, à vrai dire, j'ai été hypnotisée par lui. Le couronnement de Napoléon, la grandeur du tableau m'avait impressionné, à côté ma taille d'une petite fille de huit ans paraissait ridicule. J'étais tellement fascinée à observer les personnages peints que je n'ai pas fait attention à ma bouche qui s'est entrouverte. Je pense que c'est à ce moment là que ma passion pour les vieilleries et l'art s'est réveillée, pour le plus grand bonheur de mes parents.
De retour de voyage, j'ai remarqué qu'il y avait du mouvement dans la maison à côté de la notre. Les Jones avaient déménagé sans avertir personne, ce qui a surpris tout le monde mais tant mieux, ils étaient vraiment bizarre. Après avoir jeté mes sacs dans ma chambre, je me suis faufilée dans le jardin pour essayer d'apercevoir ceux qui seront nos nouveaux voisins. Ne voyant pas grand chose, je suis allée sur la rue pour mieux voir. J'ai aperçu un couple qui avaient l'air charmant, une petite fille d'environ 4/5 ans et un petit garçon qui avait d'avoir mon âge. Même si je mourrais d'envie d'aller à leur rencontre, ma timidité m'en empêchait, s'il me trouvait bizarre et déménagerait aussi vite qu'ils sont arrivés ? Pour une fois, j'ai réussi à vaincre ma timidité et je suis partie vers la direction du petit garçon. "Bonjour, je m'appelle Kadence. J'habite la maison juste à côté de la tienne." "Moi c'est Jarod" Nous jouions tous les deux avec nos jambes, ne sachant pas quoi se dire, je souriais légèrement quand il me regardait. Une chose que maman m'avait appris, toujours sourire et paraître polie devant des inconnus, au moins tu montres que tu as une bonne éducation et que tu ne te fiches pas d'eux. Trouvant le silence pesant, j'ai décidé de briser la glace. [color=#9e1981]"Tu veux venir voir ma tortue ? Elle s'appelle Ninja et elle tellement vieille qu'elle aurait pu être née en même temps que les dinosaures !"/color] J'avais piqué sa curiosité, son regard méfiant m'indiquait qu'il ne croyait pas à ce que je venais de dire. Pourtant, j'ai toujours connu cette tortue et une fois papa m'a affirmé que Ninja était très vieille, un peu comme papy papyrus. "C'est pas possible, une tortue ne peut pas vivre aussi longtemps" "Je t'assure, elle est vraiment très très vieille. Viens je vais te la montrer" Sans qu'il puisse dire quelque chose, je lui ai pris la main pour l'emmener chez afin de lui prouver que j'avais raison. Voyant un petit garçon inconnu chez lui, mon père l'a regardé bizarrement. J'ai dû lui expliquer qu'il était le nouveau voisin à la place des Jones et que je voulais lui montrer Ninja. Après avoir eu l'accord de mon paternel, j'ai entrainé le garçon dans le jardin où la tortue mangeait paisiblement de la salade. "Je te présente Ninja, ma très vieille tortue. T'as vu, elle marche vraiment lentement mais elle est gentille. Oh et t'approche pas trop d'elle, elle a tendance à mordre les gens qu'elle ne connait pas." Tout doucement, il avança vers l'animal qui ne faisait pas attention à nous, je pense qu'il a peur d'être trop près de Ninja avec ce que j'ai dit. Pour lui montrer qu'elle était quand même gentille, je l'ai pris dans mes bras pour qu'il la caresse. "Si elle voit que tu es mon ami, elle ne va rien faire" Tout doucement, il posa sa main sur la tortue puis caressa la carapace. Un sourire se dessina sur ses lèvres, content de l'exploit qu'il venait d'accomplir.
Même si le début de notre amitié ne le présageait pas, Jarod et moi sommes en couple. C'est à l'âge de douze ans qu'il m'a fait sa demande, bon il n'y avait rien de très romantique mais c'était mignon. Peu de temps après, j'ai fait la connaissance de ceux qui allaient devenir mes meilleurs amis, Bonaventure et Lucy. Un quatuor du tonnerre, nous avons fait les quatre cents coups ensemble. Passer des soirées dans les bars, pour rentrer bourrée chez mes parents et essayer de rester clean devant eux, c'était avec eux que je l'ai fait.
J'avais seize ans le jour du bal de promo, à quatre, nous avons loué une limousine pour la soirée, se mettre dans l'ambiance avant d'arriver au lycée. J'étais dans ma chambre à me préparer, en attendant Jarod, Maman est entrée dans ma chambre et elle s'est occupée de me coiffer. Quand elle a eu fini, elle s'est assise derrière moi en prenant soin de se mettre sur le côté pour pouvoir me regarder à travers le miroir. J'ai toujours admiré chez ma mère sa beauté et son regard bienveillant envers tout le monde. Papa me disait souvent que j'avais hérité de sa beauté innocente, un compliment qui me faisait toujours sourire. "Tu es vraiment magnifique Kadence" "Merci maman" Elle avait ce regard chaleureux, mais je pouvais aussi déceler une pointe d'inquiétude dans ses yeux bleu océans. "Tu me promets de faire attention à toi ? Vu ce qu'on entend en ce moment.. Je ne voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose.." "Rassure toi maman, je n'y vais pas toute seule. On sera quatre et Jarod fera en sorte que je ne m'éloigne pas de lui. Puis, tu sais que je ne ferais pas de bêtises." Elle parut soulagée d'entendre qu'on sera plusieurs et que Jarod sera là pour me protéger. Je me retrouve à présent en dehors de la maison en train de faire des grands signes à mes parents avant de m'engouffrer dans la limousine.
La meilleure soirée de ma vie ! Après avoir raccompagné Bonaventure et Lucy, j'ai proposé à Jarod de rester dormir à la maison, proposition qu'il a tout de suite accepté. Avoir la maison rien que pour nous, une perspective qui nous offrait bien des choix pour finir en beauté la soirée. Nous sommes montés dans ma chambre, la tension entre nos deux corps montait petit à petit. Il avait toujours été attentionné envers moi, ne me précipitant jamais, il voulait que l'on soit sur la même longueur d'onde. Ce soir-là, j'avais envie d'aller plus loin avec lui, il était mon premier amour et c'est avec lui que je devais perdre ma virginité. On n'avait pas besoin de parler, tous les deux nous savons ce qu'on voulait et comment cela allait finir. Nous étions tous les deux un peu gauche mais il a été doux et rien que pour cela, j'en garde un très bon souvenir.
Une nouvelle page de notre histoire s'écrivait, fini la grande maison familiale et bonjour le petit appartement universitaire. Avec l'autorisation de nos parents, Jarod et moi avons emménagé ensemble. Bonaventure et Lucy nous avait rejoint, le quatuor allait envahir Harvard ! J'allais enfin pouvoir apprendre à devenir une archéologue, passer mes journées dans la poussière à jouer avec des os et des vieilleries. Présenté de cette manière, ça ne donne pas tellement envie mais les professeurs présents sont très compétents dans leur domaine et il paraît qu'ils proposent des stages à travers le monde. Tout avait l'air parfait, mais une chose avait changé avec cette nouvelle, un petit détail qui gâchait tout. Je ne sais pas comment c'est arrivé et ce qui avait dans l'air pour que ça change, mais je me suis rendue compte que je ne ressentais pas que de l'amitié pour Bonaventure, il y avait quelque chose de plus complexe. Pendant un moment, j'ai refoulé ces sentiments me disant que ce n'était rien de bien important et que ça allait me passer. Sauf que non, à chaque fois que je le voyais, cette sensation s'intensifiait. Nous avons réussi à tenir pendant quelques années, à ne pas craquer face à nos impulsions. J'aimais Jarod mais aussi Bonaventure, cependant je ne savais pas qui choisir. Je voulais faire ma vie avec Jarod, il représentait tout pour moi et je ne pouvais pas imaginer quelqu'un de plus doux. Mais Bonaventure.. Il avait ce truc en plus qui faisait tout et qui me ferait presque envie de tout balancer pour le rejoindre. Jusqu'au jour où on a craqué. En novembre 2013, nos corps se sont rencontrés, on a fait l'amour comme pour se dire qu'on s'aimait, qu'on ne pouvait plus faire semblant qu'il n'y avait rien. Sauf qu'après, je n'ai pas assumé d'avoir fait ça à Jarod. S'il était au courant, tout serait foutu. Déjà à commencer par notre relation, puis son amitié avec Bonaventure et le pauvre se sentirait trahi, non personne ne devait être au courant. Je vivrais avec ce secret jusqu'au jour où je ne pourrais plus le cacher.
Janvier 2013, le changement. J'avais donné rendez-vous à Jarod à l'université pour qu'on puisse travailler ensemble. On aurait pu le faire à la maison -j'aurais dû insister plus- mais les tentations étaient multiples et au final, nous n'aurons pas travaillé. J'avais rejoins une amie de ma promotion à un arrêt de bus, elle aussi voulait aller travailler à la bibliothèque. Un de nos professeurs nous avait donné à faire un énorme dossier sur la ville de Jérusalem, autant dire qu'on allait passer des nuits dessus. C'est en riant que nous nous sommes rendus sur le campus, sauf que rien n'était comme d'habitude. Les gens couraient dans tous les sens, certains crier mais impossible d'entendre clairement ce qu'il disait. M. Murlock, le fameux professeur du dossier, est venu en courant vers nous "Partez les filles ! Un fou s'est introduit dans les bâtiments et menace de tout faire sauter ! Partez tant qu'un malheur n'est pas encore arrivé !" Mon visage s'est décomposé sur place. Les deux hommes que j'aimais se trouver à l'intérieur alors qu'un malade se baladait avec une bombe. J'avais perdu toutes mes couleurs et le sourire innocent qui ornait mon visage. Une seule chose me venait à l'esprit à ce moment-là, entrer et sauver Jarod et Bonaventure, sauf que mon professeur m'a pris par le bras et m'a jeté en arrière, hurlant de nous éloigner au maximum des bâtiments. Nous avons couru jusqu'au maximum où nous avons pu aller. Les forces de l'ordre ont stoppé notre course, disant qu'il valait mieux que l'on reste à l'intérieur du campus pour notre sécurité. Rester ici alors qu'un fou menace de tout faire péter ? Il en était hors de question mais nous n'avons pas eu le choix. On attendait là où d'autres aussi se tenaient, à voir si nous allons tous mourir ou non. Les minutes ressemblaient à des heures, l'angoisse montait beaucoup trop vite. J'en avais marre d'attendre, je voulais avoir des nouvelles, savoir si tout le monde allait bien, si mes amis allaient bien. J'allais vers un homme quand une première détonation s'est fait entendre. Puis, plusieurs. Le chaos pesait partout, des personnes ensanglantées couraient partout, on essayait de calmer les choses mais les personnes étaient beaucoup trop choquées et secouées par ce qu'il venait de se passer, que rien ne se faisait dans le calme. J'avais été touché mais très légèrement, une petite plaie sur le visage qui allait vite guérir. Je n'avais rien comparé à d'autres. Les ambulances venaient et partaient aussi vite, amenant les victimes dans les hôpitaux les plus proches et toujours aucune nouvelle de Jarod et Bonaventure. "Viens Kadence, ça ne sert à rien de rester ici. Allons plutôt dans un hôpital pour voir si on peut aider et retrouver des personnes qu'on connait" J'ai accepté son offre, elle se sentait capable de conduire. Arrivée là-bas, nous avons attendu des heures et des heures avant d'avoir des nouvelles. Bonaventure était dans un sale état mais les médecins avaient l'espoir de le voir vivant. "Et Jarod ? C..C'est mon petit ami. Il est grand, au moins 1.85 m, les yeux noisettes et les cheveux châtains..euuh.. Il portait un t.shirt Hollister et un jean noir avec des converses bleues électriques. O..On ne peut pas le rater.. Oh et il a un collier avec une dent de requin." C'est quand j'ai évoqué le collier que le médecin a réagi. Il m'a demandé de le suivre, ce que j'ai fait tout en demandant s'il allait bien. Nous étions devant une porte, il s'est arrêté et m'a regardé puis a baissé le regard. Après une grande inspiration, il a commencé à parler : "Je vous préviens que ce que vous allez voir est très dur.. Mais nous avons besoin de vous pour identifier un corps... qui correspond à la description que vous avez fait de votre petit-ami." Un sentiment de panique m'a traversé, jamais je n'aurais pensé à avoir identifier un corps, moi qui pensait retrouver Bonaventure et Jarod sain et sauf, bon peut être avec quelques bobos mais en vie. J'entre dans la pièce d'un pas fébrile et la main tremblante, La pièce était blanche, impersonnelle, avec quatre cadavres allongés sur des tables en inox. Le médecin s'approcha d'un corps et après mon autorisation, souleva le drap. Automatiquement, mes deux mains se sont portés sur ma bouche puis les larmes commencèrent à couler. Difficilement, j'identifie le corps inerte comme celui de Jarod. Un choc, comment tourner la page après ça ? Après m'être calmée, j'ai décidé d'aller voir Bonaventure pour avoir au moins une vision positive et me dire qu'il y en a un des deux qui va survivre. Il n'était pas encore réveillé, il avait l'air paisible et apaisé comme si rien ne s'était passé. Je me suis assise sur le siège juste à côté de lui, lui prenant la main je n'ai pas arrêté de le regarder. "Jarod est mort et j'ai dû identifier son corps.. Tu peux pas savoir ô combien c'était horrible de voir celui que tu aimes froid et sans vie. Je ne sais pas comment je vais faire pour arriver à surmonter ça.. Puis si tu suis le même chemin que lui, là je ne pourrais jamais m'en remettre. Je t'aime Bonaventure, ça j'en suis sûre. Mais c'est beaucoup trop pour moi, je suis désolée.." Tout au long, les larmes s'aventurèrent sur mon visage, ne cessant pas de couler. L'image n'arrêtait pas de revenir dans ma tête, je ne pouvais pas la chasser, elle revenait à chaque fois. Et voir l'autre homme que j'aimais dans ce lit d'hôpital relié à des machines était l'image de trop. En un fragment de seconde, j'ai décidé de partir loin d'ici, loin de tout ce qui me rappelait cette horreur que tous les étudiants venaient de vivre. J'avais besoin d'un endroit neutre pour m'aider à aller de l'avant, essayer de tout mettre en ordre.
Pendant trois ans, je suis partie à Jérusalem pour les études. Maman et papa ne voulait pas que je retourne à Harvard après ce qu'il s'est passé et je l'avoue, moi non plus. Personne n'était au courant de mon départ et tant mieux, je ne voulais pas dire au revoir à tout le monde, je ne voulais pas être en contact avec ce qui me rappelait ce jour-là. J'ai continué ma vie là-bas avec M. Murlock, il donnait des cours à l'université, lui aussi demandant sa mutation à l'autre bout du monde. Les débuts ont été difficiles, je pleurais toute seule dans ma chambre me sentant seule sans repère. Mais Murlock était là pour moi, nous savons tous les deux ce que nous ressentons et je pense que cela nous a aidé à surmonter ensemble cette épreuve. Il avait beau s'approcher de la cinquantaine mais il restait encore très séduisant et beau. J'ai eu une aventure avec lui, rien de bien sérieux, c'est juste que nous étions deux à avoir vécu la même chose, à avoir perdu quelqu'un d'important dans cet attentat et se retrouver loin de tout, ça a favorisé certaines choses. Ce petit manège a duré pendant un an, dans un sens, cela m'a aidé, à faire le deuil de Jarod et le deuil de mon ancienne vie. Puis, il a eu une occasion de partir quelque part en Afrique sur un site archéologique pour une grande découverte. Il m'a proposé de venir avec lui mais j'ai refusé, je devais mettre un terme à notre liaison qui n'aurait rien donné sur le long terme. J'ai continué d'étudier l'archéologie tout en faisant des stages pour me perfectionner. De temps en temps, mes parents me rendaient visite, voir si j'allais mieux que la dernière fois et si je voulais rentrer à la maison. Ce n'est qu'il y a quelques mois que j'ai évoqué ce désir de rentrer. J'ai attendu la fin de l'année scolaire pour poser définitivement mes bagages à Harvard, je devais finir mes études là où j'ai commencé et je devais retourner là-bas pour finir ce travail. La seule chose que je sais par rapport à Bonaventure, c'est qu'il est vivant, dans quel état ? A-t-il une petite amie ? M'en veut-il ? A-t-il toujours des sentiments envers moi ? Je ne pourrais pas répondre à ces questions car je n'ai plus de nouvelles de lui depuis trois ans. Une seule chose dont je suis encore sûre, c'est que rien n'a changé pour moi, je l'aime toujours.