ILEANA SCORSESE ► thylane blondeau

« Je crois que j’ai toujours été heureuse… ‘Fin, j’ai toujours eu tout ce don’t j’avais envie. Les vêtements qui remplissent l’énorme dressing que j’ai à la résidence, toutes ces sorties que mes parents acceptent de me payer, toutes ces folies que j’ai… Vraiment, je n’ai jamais manqué de rien financièrement, et même au niveau amour. Mes parents étaient toujours là pour moi, à me chouchouter, à essayer de me faire sourire par tous les moyens… Je suis leur troisième fille mais je crois que je suis comme… leur princesse, ‘fin en tout cas, c’est le surnom qu’ils me donnent à la maison. Avec mes sœurs, avant, c’était plus simple. Quand j’étais encore petite, innocente, que je ne connaissais encore rien à la vie… On passait notre temps à jouer ensemble, elles étaient toujours là à me protéger des dangers de la vie, puis maintenant… je suis seule. On passe notre temps à se cracher à la figure, à essayer de se rabaisser les unes les autres… Je donne l’impression de n’en avoir rien à faire, mais si vous saviez à quel point ça me fout la haine… », j’ai soupiré, assise sur ce sofa en cuir, les yeux posés sur cette psy que je vois maintenant depuis mes quinze ans. J’ai jamais voulu la voir, mais… mes parents ont vraiment pas aimé me voir partir déprimer, cloitrée chez moi pendant des semaines, refusant de sortir… Plus petite, j’avais déjà l’habitude d’être photographiée quotidiennement, à chacun de mes faits et gestes avec ma famille. Quand on sortait au restaurant, quand j’allais à l’école, quand je sortais de chez moi, quoi… Ça m’affectait pas énormément puisque je n’avais pas encore l’âge d’aller sur internet, de pouvoir regarder la télévision quand je le voulais… Puis, c’est vers mes quinze ans que j’ai complètement pété un câble. Parce que c’est vers cet âge-là que tu prends pleinement conscience de tout ce qui se passe dans ta vie, de ces foutus paparazzis qui te suivent à chacun de tes déplacements, de toutes ces photos et articles que tu peux voir te concernant sur le net et qui ne sont pas toujours sympathiques à voir… J’ai pas du tout supporté ça, contrairement à mes sœurs, puis… j’ai pété un câble. Depuis, mes parents me forcent à voir ce psy une fois toutes les deux semaines pendant une heure. Une heure que je trouve très longue, mais parfois très utile. Ces séances me permettent de me livrer, de dire des choses que je ne dirais à personne. Des choses sur moi, sur ma famille… Des choses que j’ai besoin de dire mais que je n’ai pas forcément le droit de raconter.

« Ça va mieux depuis ma première visite. Je vais mieux. J’arrive à supporter ces vautours qui passent leur temps à m’espionner et à mal parler de moi sur internet, mais… c’est quand même dur. Je sais pas si c’est ça le pire, ou si c’est le fait que je n’ai rien demandé de tout ça. Oui, j’aime ce que je fais : ces rôles que je joue, ces marques pour lesquelles j’ai la chance de poser. J’ai énormément de chance, et j’en ai bien conscience. Mais parfois, je sais pas… j’aimerais bien être née autrement, avoir une autre fille. Plus calme, plus simple. Avec des sœurs qui m’aiment, avec des amis qui seraient là pour moi, des parents qui ne passeraient pas maintenant leur temps en dehors de la maison. Ça m’aurait fait du bien, je crois. Et je pense que je m’en serais mieux sortie. Maintenant, je me dis que j’aime quand même la vie que j’ai… Mais pas la personne que je suis. », j’me déteste. Je déteste cette image que je donne aux gens, ce comportement que j’ai… parce que je suis pas foutue d’accepter la façon dont j’ai été faite, la douceur et cette gentillesse chez moi qui font que je n’ai jamais réussi à avoir réellement des amis. La solitude, je m’y suis habituée… mais bon sang, qu’est-ce que c’est mieux d’être accompagnée.

« On arrête pas d’en parler, je sais… Mais j’arrive pas à arrêter. Je me comporte comme une salope, une garce. Parce que je sais que quand je suis cette personne hyper sympa, légèrement timide, bah… personne n’ose me parler, personne ne m’approche. Bien sûr, certains le font parce que je suis une Scorsese. Mais Dieu sait à quel point je déteste ça. Je veux être appréciée à ma juste valeur, pour celle que je suis… Pas parce que j’ai un nom connu ou que je passe à la télé. Ça m’énerve… », je me redresse légèrement pour passer une main dans mes cheveux, enlevant cette petite mèche brune qui est venue perturber ma vision. « C’est compliqué. Ma vie est compliquée. Je sais qu’il y a pire, mais… j’aimerais être proches avec mes sœurs, j’aimerais avoir des gens sur qui compter. Et à part mes parents, bah… j’ai personne. », c’est compliqué de vivre dans une famille de huit enfants. Parce qu’il y a toujours des préférés, parce qu’il y a toujours des conflits… J’ai la chance d’être la petite princesse de la famille, d’être celle que les parents veulent toujours gâter, chouchouter. Mais j’ai aussi la malchance d’être celle qui se trouve dans tous les conflits. Et putain, qu’est-ce que ça me déchire le cœur. Mais je fais semblant de ne pas être affectée, de toutes les détester.

Peut-être qu’à la rentrée, mon entrée à Harvard pourrait me rapprocher d’Antonella. Elle y est aussi, et il y a de grandes chances que je rejoigne sa maison. Elle aussi est actrice, donc… Je ne sais pas si ça pourrait être une bonne idée ou non, vu comment on se comporte quand elle passe à la maison… « À la rentrée, je rentre à Harvard. Je voulais pas trop, au début… C’est mes parents qui m’ont convaincue d’y aller. Si je m’étais écoutée, j’aurais déjà arrêté les cours. Mais ils disent que ça pourrait m’aider à vaincre certaines difficultés et que ça pourrait être bénéfique pour ma carrière d’aller à la fac d’Harvard… C’est pas une si mauvaise idée finalement, donc… j’ai craqué. Et je suis inscrite. En arts visuels. Je sais pas trop si je vais me plaire là-bas, si je vais me faire des amies, si je vais avoir la belle vie… Si ça part en cacahuètes, je prendrais sur moi. », merci papa et maman. Vous savez très bien que je ne suis pas à l’aise, entourée d’autant de personnes de mon âge. Mais vous avez eue la merveilleuse idée de me proposer d’y aller.
« Enfin bref… Pour l’instant, tout va bien. On verra comment ça se passera quand je ferais ma rentrée là-bas. On m’a proposé d’avoir une chambre là-bas mais je pense que je vais me prendre une colocation… ou peut-être une petite villa. J’en sais rien, on y est pas encore de toute faç… », je n’ai pas eu le temps de terminer ma phrase que ma séance était terminée. Je me suis levée, je lui ai serrée la main, lui ai souhaité une bonne soirée puis… je suis partie. À dans deux semaines.