JUST LIKE FIRE - MELINE

Just like fire

S’il y a bien une chose que j’ai appris en prison c’est de ne jamais surestimer personne. Ce sont les personnages les plus imposants qui s’écrasent le plus rapidement face à la difficulté, face à plus fort qu’eux. Méline m’a l’air d’être une grande gueule, un peu comme ces chihuahuas que l’on croise au bras de chaque dinde superficielle qui a trop regardé les émissions de Paris Hilton, elle aboie beaucoup depuis tout à l’heure mais je n’ai pas encore eu l’occasion de la voir mordre, elle ne doit pas savoir comment on fait. Personne n’est parfait. Bon, j’aimerais prendre le temps nécessaire pour apprécier comme il se doit cet échange savoureux mais nous sommes en soirée et j’attends toujours de pouvoir m’amuser. Il est plus que certain que j’en serais incapable tant que la jeune femme sera là, dans mes pattes, à m’empêcher de profiter comme il se doit de cette fenêtre censée me rafraichir et me revigorer. Le fait qu’elle m’accuse d’avoir trois ans pourrait me blesser au plus profond de mon âme, faudrait-il encore que je lui accorde l’importance et le crédit nécessaire pour m’atteindre. A la place, je me contente d’exploser de rire, un rictus bien trop exagéré pour être naturel. « J’ai gardé une âme d’enfant, que veux-tu ! » Trêve de plaisanterie, il est temps pour elle de s’en aller, mon pote est suffisamment ivre pour accepter sans même sourciller, ce qu’il ne tarde pas à faire à mon plus grand plaisir. Je me tourne vers Méline, le sourire le plus condescendant du monde aux lèvres. « Je te raccompagne volontiers, tu n’avais qu’à demander ! » Et sans plus attendre je la surplombe de mon avant-bras que je pose contre sa nuque afin de l’escorter de la manière la plus amicale possible. Nous atteignons la porte que j’ouvre avec joie et entrain. « Ton carrosse n’est pas avancé ! Dehors ! »  

Méline faisait partit de ces personne qui ne disposait d'aucune patience. Et clairement, si depuis le début elle se trouvait plutôt courtoise -du moins de son point de vue- ça n'allait pas tarder à changer. Et là, il allait clairement s'en mordre les doigts pour avoir osé agir de cette manière avec elle. Elle était certainement la dernière personne sur terre qu'il fallait emmerder. Disposant d'aucune éthique elle n'aurait probablement aucun souci à lui faire vivre un enfer et fallait quand même préciser qu'elle était plutôt douée dans ce domaine. Le pire ? Il continuait dans ce sens là plaçant son bras derrière sa nuque pour l'entraîner -la pousser- vers la sortie et si la brune n'opposait pas grande résistance, c'était seulement pour mieux frapper par la suite. Dehors ? Elle riait joyeusement avant de s'hisser sur la pointe de ses pieds pour lui murmurer. Tu ne sais même pas ce qui t'attends. Oh non, il ne se doutait pas une seule seconde de ce qu'elle aillait lui faire. NE ME TOUCHE PAS ! qu'elle hurlait à plein poumons, des larmes commençant à rouler sur ses joues. LAISSE MOI ! Comédienne ? Ouais. Elle mériterait même un oscar pour la performance qu'elle était en train de faire. Attrapant son téléphone, elle composait le numéro d'urgence. J'vais appeler les flics, je vais tout leurs dire. Allez, dans ta gueule.

Just like fire

Je ne suis pas du genre à descendre aussi bas, les gamineries ça n’a jamais été mon truc et j’ai toujours fait en sorte de me tenir éloigné des conflits. J’en ai eu ma dose en prison, croyez-moi, excepté que là-bas on savait exactement à quoi s’attendre. Il n’existait pas le moindre coup bas, pas ce genre de petites engueulades ne volant pas très haut. Je ne dis pas que les histoires là-bas brillaient par leur maturité, loin de là, leur déroulement était tout aussi pitoyable mais nous répondions immédiatement avec nos poings et nous passions quasi-immédiatement à autre chose. Une putain de chaine alimentaire, la loi du plus fort. Toutes ces choses m’ont énormément fait grandir, j’ai appris de mes blessures, des mauvais coups du sort, du viol, des tentatives de meurtres… Je me suis endurci comme jamais, peut-être trop pour craindre mes adversaires. Méline n’a rien dans sa manière de se comporter qui puisse me forcer à m’inquiéter, je ne vois pas le danger me guetter. Je ne sais pas me méfier, je fonce tête la première sans me poser de questions, c’est mon truc, impulsif jusqu’au bout. Je la pousse gentiment vers la sortie, heureux d’obtenir un tel dénouement alors qu’elle s’arrête brusquement pour me mettre en garde, j’ignore ce qui m’attends d’après elle. « Je ne me fais pas de soucis là-dessus ! » Pourquoi ? Parce qu’il n’y a rien qui m’attend, nous ne nous reverrons probablement jamais qui plus est. Tout à coup la meuf pète un plomb, nous improvise sa meilleure crise de larmes tandis que les regards des invités les plus proches se tournent vers nous. Je reste de marbre, un sourire en coin tandis qu’elle menace d’appeler les flics. « Tu vas leur dire quoi ? Que t’as été virée d’une soirée privée ? Vas-y, fais-toi plaisir, j’peux même composer le numéro pour toi si tu veux ! »  

Et puis faut croire que son petit numéro marche bien puisque les regards des plus proches se retournent pour contempler la scène. Princesse est donc ravie de savoir pleurer sur commande, disons qu'à ce moment précis, ça l'arrange plutôt bien. Celui qui veut jouer se fait prendre et puisqu'elle n'est pas dans l'optique de lésigner sur les actions, elle compte bien lui donner une vengeance digne de ce nom. Ne me sous estime pas qu'elle chuchote avec un semi sourire. Oh non, jamais. C'est une bien piètre erreur que de croire qu'elle ne peut pas être une adversaire redoutable. Compose le numéro, prends la voix tremblante. Elle attends à peine d'entendre une voix au bout du combiné qu'elle joue la panique extrême, mêlant larme et confusion. Il a pété les plombs.. Il.. Il m'a frappé. Et elle surjoue la crise de larme donnant finalement l'adresse à laquelle elle se trouvait. Roh, fais pas cette tête, ça va bien s'passer. Et les bleus que lui avait infligé Noah servirait de témoignage contre lui. Elle sourit fière d'elle, recule d'un pas mettant ses mains devant sa personne comme une barrière de protection. M'approche pas.. M'approche pas. Elle prend la voix tremblante, laisse jaillir une nouvelle crise de larme. Ouais, elle est forte ce à jeu et ça lui plaît.

Just like fire

Cette fille est horrible, et pas dans le sens positif du terme. Je pourrais saluer sa capacité à se salir les mains, à se comporter comme une garce, j’en suis tout à fait capable mais elle utilise de trop grosses ficelles pour que je puisse lui tendre mon chapeau sans forcer le trait. Pas moyen d’être sincère avec une telle personne, il n’y a rien à sauver, tout est pourri jusqu’à la moelle si vous voulez mon avis. Je suis à deux doigts de remporter le match de la soirée en parvenant à la mettre à la porte, je m’imagine déjà la fin de cette nuit placée sous le signe de la festivité, de l’amusement et du lâcher prise. J’ai clairement sous-estimé la bestiole qui fait preuve d’une aptitude déconcertante et ô combien dégoûtante lorsqu’elle se met à jouer la comédie comme personne dans cette pièce. Je serais presque attendri par cette crise de larmes, je le serais surement si je ne me trouvais pas face à elle, tout aussi acteur de cette pièce qu’elle est en train de créer. « Tu te crois maline ? T’es pitoyable ! » User de ses capacités pour forcer un trait sans valeur, manipuler pour mieux parvenir à ses fins… Tout ce que je déteste, j’aurais plutôt tendance à opter pour la précision et la sincérité, chacun sa manière de faire. Je ne cautionne pas et ne cède pas, tel le roseau. Je ne la vois pas pianoter sur son téléphone mais j’entends le contenu de son appel, si je me trouvais à l’autre bout du fil je serais le premier à croire en son petit manège. Je reste sur le cul, pas certain qu’elle se soit vraiment attelée à appeler la police, serait-elle capable d’une telle atrocité ? Elle dépasse les bornes et je me retourne, indécis, en direction des autres à la recherche de soutien. Je n’ai pas levé la main, pas même eu le moindre geste pouvant ressembler à de la violence, rien du tout. « Comment comptes-tu faire avaler ton histoire aux flics avec autant de témoins qui iront à l’encontre de ce que tu racontes ? » Je reste perplexe, dépourvu d’une partie de ma confiance qui commence lentement mais surement à se fissurer, je sens la carotte… Il y a une carotte quelque part !