SERGIX ≈ YOU BETTER FUCKING KIDDING ME.

T'avais essayé d'être productif en cette fin de matinée. Après avoir au moins trois fois cette semaine remis au lendemain tes choses à faire, t'as finalement décidé de t'activer, histoire de ne pas te mettre en retard et de décaler par trop de flemme tes sorties de vidéos – après tout, la clé du succès était la constance, et tu te devais d'être régulier si tu ne voulais pas finir aux oubliettes. Après avoir tourné et commencé à monté la vidéo, tu décidais de te vider la tête en descendant de ta chambre pour aller dans le hall, voir si tu pourrais traîner un peu avec des potes. Et c'est là que tes yeux se posaient sur une tête blonde, que tu connaissais que trop bien. Sergeï. C'est vrai qu'il était de retour depuis quelques jours. D'habitude, t'aurais été content de le revoir, et tu te serais un peu intéressé sur ce qu'il aurait vu et ce qu'il aurait fait de beau en Russie. Pas cette fois. « Heeeeeeeeey stranger. » Tu saluais sans grand enthousiasme, t'affalant complètement sur l'autre bout du canapé de la Winthrop House, appuyant bien sur l'adjectif qui servait à lui faire remarquer son comportement. Parce que oui, le con, il a voulu se la jouer silence radio après quelques jours dans son pays,  et il avait décidé de ne plus répondre à tes messages, de ne plus donner de nouvelles. Rien. Alors c'était comme ça qu'il se comportait lorsqu'il voyageait ? Il en venait à oublier complètement ses potes et s'attendait ensuite à une standing ovation pour son retour ? La blague. « T'étais de retour ? Et moi qui pensais que tu étais mort. » Tu lâchais, ni vu ni connu, tout en attrapant ton téléphone et en pianotant dessus, histoire de faire le mec qui faisait juste la conversation sans vraiment que ça le touche.

Un petit retour aux sources, quelques jours en Russie, y a pas à dire cela faisait un bien fou. Bien que je ne sois pas très proche de mes frères qui étaient restaient dans leur Russie natale, sans avoir évolué le moins du monde. Oui quelques fois j'avais un peu comme l'impression que nous vivions dans deux mondes différents, eux cloîtrés chez eux et moi qui m'ouvrais à tout ce qui pouvait s'offrir à moi. Mais autant dire que quatre à cinq jours c'était réellement la meilleure chose, j'étais en train de péter un câble là bas. Y a pas à dire, j'étais bien mieux à Harvard, à contrôler ma vie, sans que Pierre, Paul ou Jacques n'y mettent leur grain de sel. A peine arrivé, j'avais eu le droit à voir les vidéos du compte de Felix, toutes les vidéos qu'il avait tourné en ma compagnie, et les gros yeux de mes frères et même de mon père, comme si j'étais une honte pour la famille Ivanov. Malgré tout ils avaient bien raison, j'avais réellement changé, car si aujourd'hui toute cette situation me faisait plus rire qu'autre chose, car malgré tout je m'éclatais bien avec Félix, nous avions deux modes de vie totalement différents et pourtant, le feeling était là. Mais aucunement j'aurais pu accepter un instant qu'on me fasse passer pour un gay, non je ne pouvais pas, c'était plus fort que moi, et en me mettant face à la réalité, à ce jeu, à ce truc qui tournait mal, ou c'était mal.
Mais plongé dans mes pensées alors que j'avais bel et bien le cul installé sur le canapé de la Winthrop, les pieds sur la table qui se trouvait juste devant, j'entendais la voix de ce fameux Félix, avant de le voir passer devant moi pour s'installer à l'autre bout du canapé, étrange, mais valait peut être mieux ainsi après tout. Toute cette histoire était du n'importe quoi, le monde me croyait gay par sa faute et autant dire que cela me faisait iriser les poils rien que d'y penser.  Sa voix pleine de reproches, j'comprenais rien, no way mec. « Oui depuis deux jours. Oui j'ai bien failli finir mort d'ailleurs avec tes vidéos à la con que tu mets sur le net ... Tu sais c'était peut être drôle un instant, mais merde Felix, j'suis pas comme toi, moi .... !  » Je laissais la phrase en suspens pour ne pas dire des choses que je pourrais regretter par le futur, mais non moi j'étais pas gay, j'aimais pas les mecs, j'aimais les mecs qui aimaient les mecs, j'étais peut être snob, rigide d'esprit mais c'était comme cela.

Tu avais l'impression à avoir de plus en plus de mal à le cerner, et pour tout avouer, tu détestais ça. Tu avais besoin de savoir comment marchait la personne en face de toi. Et tu étais le genre de mec qui était rusé et très observateur, et qui pouvait lire dans l'âme d'une personne après quelques petites paroles et grâce à l'aide de quelques gestes inconscients qui définissaient une habitude de comportement – sauf que Sergeï, il semblait changer tout le temps depuis quelques semaines. Comme si tu ne le comprenais plus, comme si tu ne pouvais plus prévoir la manière dont il allait agir ou réagir face à telle ou telle chose. Et c'était frustrant. Tu savais bien qu'il n'était pas intéressé par toi, et tant pis, vous aviez tout de même réussi à devenir amis. Alors c'était quoi ces grosses conneries qui le faisait pratiquement couper les ponts d'une heure à l'autre ? Tu tournais ton visage vers lui à ses paroles, le regardant vraiment pour la première fois depuis que tu étais entré dans la pièce, et tu lâchais un petit rire d'incrédulité. « Excuse-moi ? » Tu disais, plus pour la forme qu'autre chose, un sourcil s'arquant alors que tu te concentrais sur la fin de sa phrase. Il avait fait des rêves érotiques chelous avec toi comme protagoniste pour qu'il redevienne si coincé du cul ou c'était quoi le problème ? Tes yeux se plissaient légèrement, et tu t'approchais un peu de lui en penchant ton torse, un grand sourire calculateur se dessinant sur tes lèvres. « Dis-moi, Sergeï, comment suis-je ? » Tu demandais de ta voix un peu plus basse, le ton mielleux – à mi chemin entre le mec qui tente de séduire l'autre, et celui de l'homme qui attend avec un plaisir mal contenu que l'autre face un faux pas et dise des paroles qu'il allait amèrement regretter.

Si j'avais su qu'à peine arrivé sur Harvard je me retrouverais directement confronté à Felix, j'crois que je serais finalement peut être rentré beaucoup plus tard. Juste pour éviter de le croiser. Ça ne faisait même pas dix minutes que je me retrouvais tranquille sur le canapé qu'il avait débarqué avec sa mine des mauvais jours ou du mec qui avait des reproches à me faire, et cela n'a pas loupé, rien que le stranger voulait tout dire. Il répondait du tac au tac avec son sourire de petit branleur, quelques fois je me demandais ce qui faisait que lui et moi pouvions être si proches et complices, alors que quelque fois il avait plus une tête à claque qu'autre chose. Même si apparemment il semblait ne rien comprendre, Alzheimer précoce pour le beau suédois ?« Tu sais que tes vidéos vont jusqu'en Russie. Tu vas super fier de toi, tu as des followers même sur le vieux continent ... » J'applaudissais des deux mains en le regardant maintenant qu'il daignait un bref instant me regarder, avec son sourire calculateur, je levais les yeux au ciel à son interrogation, il voulait vraiment que j'aille au bout de ma pensée ? « Tu es un petit jeune qui veut une notoriété et qui est prêt à tout pour l'avoir ... Point barre ! Et me demande pas plus j'risquerais de dire des trucs que je pense pas réellement... » Je me levais d'un bond, pour faire les cent pas avant de me diriger vers la machine à café pour m'en prendre un. « Tu veux un truc ? » Oui j'savais quand même me tenir en communauté et malgré tout Felix restait Felix.

Tu ne comprenais toujours pas ce qu'il cherchait à faire. Oui, t'es vidéos allaient jusqu'en Russie, et alors? Fallait-il que tu ressentes une émotion spéciale ? Fallait-il que tu aies peur, ou que tu te sentes embarrassé ? Les Russes aussi aimaient les youtubers qui étaient mignons, avaient l'air adorables et faisaient des choses sans aucune personnalité, wow, shoking. « C'est normal. Ils savent ce qui est bien. Je n'vois pas en quoi je, ou ils, devraient avoir honte. » Tu disais sincèrement dans un haussement d'épaule, alors qu'il tapait des mains comme pour se moquer de ta notoriété à l'autre bout du globe – t'inquiète pas Sergeï, il ne faut pas être jaloux, tes compatriotes nous shippent certainement, t'auras aussi de la notoriété là-bas buddy. Tu lui demandais alors de pousser sa pensée, et qu'il admette haut et fort ce qu'il voulait dire par ne pas être comme toi. Mais il était un lâche, et prenait un chemin différent que celui dont tu étais sûr il avait failli dire plus tôt. Tu reniflais un petit rire. « Oh mais dit tout ce qui te passe par la tête, après tout, on est pas hypocrite entre nous. En attendant, j'vois pas le mal d'être un jeune en quête de notoriété : j'ai des ambitions et je les réalise, point. » Tu avouais, avant que le Winthrop se relève et commençait à marcher dans le salon. Tu hésitais une demi-seconde. Tu étais parti pour réellement répondre, et lui demander de te sortir un macchiato de la machine à café, et puis ton esprit s'est dit merde, et à décidé de changer complètement de comportement. Il voulait te reprocher des choses que tu ne comptais pas changer en toi, il se mettait d'un coup à critiquer comment tu étais et quelles étaient tes valeurs – alors pour la peine, si tu pouvais le rendre encore plus mal à l'aise, tu allais le faire. Parce que dans cette pièce, quelqu'un devait changer, et ce n'était pas toi. « Tes fesses. » Tu répondais alors avec un naturel qui en surprendrait plus d'un, ton sourire charmeur que tu ne pouvais cacher, alors que ton regard s'abaissait pour reluquer ce fameux fessier musclé, comme si même à travers ce jean tu pouvais tout à fait tout observer.  

Si cela continuait il allait être content car il allait réussir à me faire sortir de mes gonds, j'avais envi de lui balancer toutes les horreurs qu'on avait pu me servir à moi le fils Ivanov, de bonne famille, celui qui devait suivre les traces de son père et ne surtout pas se laisser entraîner dans les ambitions d'un petit con qui voulait juste faire vendre quitte à bousiller la réputation des gens. Oui il pouvait se montrer au monde entier, mais sans moi, non je ne ferais plus parti de son petit jeu qui faisait certainement vendre, du moins à Moscou ça jasait dans le quartier et ça me rendait fou. Ils m'avaient tous regardés comme si j'avais fait la pire connerie de ma vie, sauf que non merde j'avais juste laissé une chance à un mec qui finalement en valait la peine. « Tu sais quoi tu as raison, tu resteras sur tes positions ! Mais la prochaine fois tu m'affiches pas dans le monde entier ...» C'était les plans tordus, les sous entendus auxquels j'avais fini par rigoler du fait qu'il faisait en réalité cela pour me faire partir en furie, et aujourd'hui c'était bien parti pour recommencer sur cette lancée. En quelques mots seulement, il me traita d'hypocrite et je crus bondir au plafond, et son rire qu'il savait manier à la perfection, des fois j'aurais envi de le pourrir tellement il était un petit jeune con. « Un petit con, branleur, accroc à ses followers, qui raconte de la merde à longueur de journée. Donc arrête de fantasmer que toi et moi on finira ensemble, déjà j'ai réussi à t'apprécier j'trouve que c'est déjà pas mal. Mais être associé à un homo en Russie ou du moins dans mon quartier c'est pas possible ! Et encore moins s'afficher avec un gay ... J'veux dire tu assumes tes penchants tordus, tes idées farfelues avec les mecs, passent encore parce que j'peux pas te changer, mais avec un autre ...  » Non plus moi, on aurait pu être potes certes, c'est dommage, on s'éclatait bien, on en faisait des conneries et pourtant c'était fini ! Pour toujours ! Le petit bol d'air frais en Russie, ou la "persécution" que j'avais subi m'avais remis les cases en place, dans le droit chemin comme certains m'avaient dit. Ils avaient peut être raison après tout je salissais la famille en faisant cela. Indépendant comme personne, j'avais toujours voulu faire mes choix par moi même, jamais suivre les ordres de mes parents, de mes proches et pourtant à cet instant ils avaient surement raison, et pour la première fois de ma vie j'allais les laisser me dicter mes actes. Sortant le café que je venais de commander, la phrase de Felix résonna dans ma tête, il ne lâchait réellement jamais l'affaire. Je me raidissais d'un coup, alors que je retournais sur le canapé, sans même lui adresser un regard, daigner répondre à sa provocation, il n'aurait plus de pouvoir sur moi, plus de doigt d'honneur, de "va te faire Felix" ... rester calme ! Et pourtant je bouillonnais ! Il me mettait à bout ce petit con ... sauf que malgré tout je restais dans la pièce, comme si au fond ça ne m'énervait pas tant que ça, ou alors qu'une embrouille de plus ou de moins ça ne changerait pas ma vie. « Et puis arrête de me regarder comme ça, j'ai l'impression d'être un bout de viande, j'ai connu plus valorisant ...  »

Tu attendais à ce qu'il soit complètement clair avec toi, mais ça ne venait toujours pas. Il préférait te parler de tes vidéos plutôt que de s'expliquer de lui-même quant à son attitude ses derniers jours, alors comme tu étais un petit con toi aussi, tu entrais dans son jeu – après tout, quand il en aura marre, il finira par parler franchement. Il n'y avait d'ailleurs rien de bizarre avec tes vidéos. Tu faisais comme tous les autres faisaient, et ce n'était pas vraiment de ta faute si les gens semblaient aimer suivre tes aventures et regarder ta jolie tête sur leurs petits écrans afin d'égayer leurs journées – il n'avait jamais eu ce genre de problème avant, alors qu'est-ce qui lui prenait maintenant de ne plus vouloir apparaître dans tes vlogs ? « Depuis quand t'es devenu si coincé ? Quoi, t'as revu une vidéo où t'avais un bouton sur ta joue et ça t'a mis des complexes ? Pète un coup mec, les gens s'en foutent totalement des tes petites imperfections. » Tu disais en levant tes yeux au ciel, parce que là, le mec il allait se la jouer diva encore pire que toi. Vous étiez amis, c'était pour cela que quelque fois, on pouvait le voir en premier plan alors que vous déliriez, ou en arrière plan pendant que tu marchais dans le campus ou dans Boston. Ce n'était pas plus compliqué que ça. Mais tu le poussais un peu plus, parce qu'il avait sûrement envie de parler un peu plus de toi – tu étais tellement intéressant, ça se comprenait. Alors, comment te voyait-il ? Qu'est-ce qui vous différenciait tant ? Apparemment, le sujet lui plaisait, et tu l'écoutais faire son petit monologue, avant de lâcher un petit rire, secouant ton visage lorsqu'il commençait à parler de ton orientation sexuelle – arf, encore ? Il ne s'en était toujours pas remis malgré toutes les blagues que tu faisais dessus ? « Je m'en bas totalement les couilles. » Tu commençais dans un rire, parce que ô man, c'était risible. Qu'est-ce que tu en avais sérieusement à foutre de l'opinion de petits cons russes agissant comme des pucelles choquées à la moindre gaîté passant devant leurs yeux quand ça ne touchait ni de près ni de loin à leur petite vie bien rangée ? Qu'ils acceptent ou pas ta présence, tes vidéos, ta personnalité et ta sexualité, ce n'était pas ton problème. Ils pouvaient tout simplement détourner les yeux, et aller se mater un film de boules avec deux nanas russes prêtes à satisfaire leur bel homme viril et macho – ô t'étais sûr que devant deux jolies nanas blondes qui s'embrassent, leur excitation surplomberait quelconque dégoût homophobe. « Si t'es pas assez fort pour avoir tes propres opinions dans ton quartier d'intolérent, c'est pas à moi de le subir. » Il souhaitait quoi, que tu pleures pour la difficulté qu'il avait à assumer ses amis une fois en Russie ? Il y allait une fois tous les trente-six du mois là-bas, ce n'était pas comme si c'était vraiment important, comme si les gens là-bas étaient importants. T'avais l'impression qu'il se croyait un peu trop dans un film d'adolescent avec des difficultés exagérée qu'on ne retrouvera jamais vraiment dans la vraie vie. Sergeï se levait, et tu en profitais donc après sa question pour t'amuser à ses dépends, au sujet de ses jolies fesses. Il se retenait de ne pas te répondre, de ne pas céder à tes provocations, alors tu te perdais presque dans tes pensées, tes yeux fixant toujours son popotin, avant que sa voix te recentre dans le monde réel. Tu relevais tes pupilles vers son visage, lui lançant un grand sourire. « Mais tu es un bout de viande. Ça devrait plutôt te rassurer, toi qui a siiii peur que je tombe follement amoureux de toi. » Tu te moquais dans un rire, te souvenant de ses paroles quelques minutes plus tôt su le fait que lui et toi ne seriez jamais ensemble, comme si tu t'accrochais à cette illusion telle une fangirl obsessive.

De toute évidence il ne comprendrait jamais, alors cela ne servait à rien d'épiloguer là dessus, je ferais mieux d'aller boire un verre de vodka plutôt que de boire mon café tranquillement sur ce canapé à m'engueuler avec Felix. C'était du gâchis y a pas à dire, notre amitié et complicité envolé en quelques secondes, en quelques phrases lancées à droite et à gauche. « J'suis pas coincé, j'suis juste le mec que j'ai toujours été ! J'ai arrêté de me dire que je pouvais te changer, car je n'en ai pas la moindre envie. Parce que tu es bien comme tu es et que malgré tout, je te considérais comme mon pote ... Alors me juge pas, tu veux ! » Je ne savais même pas pourquoi je me justifiais de ne pas lui avoir donné de nouvelles, et puis après tout ce n'était pas comme si il en avait demandé non plus. Je n'avais rien reçu après le jour de mon départ, donc qu'il pète un coup un peu plus loin sans me faire passer pour un pote indigne à ce point. De toute évidence je ne savais même pas si à l'heure d'aujourd'hui j'avais encore envi d'être ami avec ce Felix qui se permettait de me juger, de me prendre pour un incapable, un mec coincé et soumis à son quartier. J'étais juste moi ! MOI ! Celui qu'il avait connu depuis toujours ... En réalité en plus de ses phrases et ses mots, je crois que ce qui m'insupportait le plus était son rire, ce rire vantard, ce rire de mec insolent presque, « Et bien cool Felix, bats toi les couilles comme des maracas si ça te chante, j'm'en fou comme de l'an quarante ... Et toute cette histoire n'a même pas lieu d'être, car j'suis peut être the stranger, mais tu as pas cherché à avoir de mes nouvelles non plus ! Tord partagé ! Balle au centre.  » J'sais bien que j'suis pas facile, que sur certain sujet j'ai des avis arrêté, qu'avec Felix ça a toujours plus ou moins compliqué du fait qu'il était tout ce qui me faisait iriser les poils, et pourtant je m'étais fais à l'idée, à ma plus grande surprise ! Que les homos et moi ça fait plus que quatre milles, que je déteste avoir tord, et m'expliquer sur un sujet qui n'a ni queue, ni tête, et c'était clairement ce qui était en train de se passer. Quartier d'intolérant, pas assez fort ! Il se prenait pour qui ? Non il n'était pas le duc de je ne sais quoi, peut être juste le roi des cons pour aujourd'hui. « Mais t'inquiètes pas tu vas rien subir du tout, car je ne sais même pas à quoi ça sert toute cette discussion ... Pourquoi t'es venu finalement, si tu es pas un brin content que je sois de retour ! Si c'était juste pour des reproches et foncer dans le tas, tu pouvais passer ton chemin ! » Est ce que j'allais laisser ces quelques jours en Russie, changer le rythme de ma vie, est ce que mes amis russes auraient pour le coup le pouvoir sur ce qu'il se passait ici de l'autre côté de l'océan, j'étais si faible que cela ? Ou m'avait il juste aidé à voir de nouveau clair, ne me laissant plus berné par l'humour de mes potes et Felix en particulier, les moments de délires passés ?! Bien sûr que j'allais jamais admettre que tout cela était plus ou moins ma faute, on était juste incompatible et on ne s'en était pas rendu compte avant, sauf que force était de constaté que finalement aujourd'hui tout semblait évident, on était devenu pote, mauvaise idée, le clap de fin c'était pour maintenant ?
Et puis son regard sur moi, finalement aujourd'hui bien que m'étant levé sur le bon pied, tout semblait m'énerver, m'irriter chez Felix, comme si le blanc était devenu noir, les amis d'hier étaient devenus les ennemis d'aujourd'hui, que son sourire rassurant était devenu crispant, son regard hilarant devenu oppressant. Non il fallait que je sorte de là, que je me barre d'ici, que je le fuis, que je fasse peut être le gamin alors que dans l'histoire le plus grand gamin c'était lui, et alors ... j'm'en foutais pas mal ! J'étais juste mal à cet instant et sa dernière phrase me crispa encore plus, au point que j’agrippais presque le tissus du canapé. « Le bout de viande t'emmerde Kamprad ! J'aimerais juste comprendre ce que c'est ton problème au juste ? »

Serait-il possible de revenir en arrière ? Serait-il possible d'intervenir avant que le cours des choses change pour le pire comme il semblait s'être enclenché depuis ton arrivée dans le salon ? Serait-il possible de l'empêcher de retourner en Russie et de ce fait retrouver un Sergeï plus drôle et libéré, et non cette copie qui prenait la mouche après chaque remarque dure ou juste que tu lui faisais ? Tu aimerais. Mais peut-être que lui, ce n'était pas un souhait qu'il serait prêt à rêver. « Juger. De suite les grands mots. J'fais une constatation, et tu pars au quart de tour. Pourquoi tu t'énerves Sergeï ? » Tu faisais remarquer, ton ton toujours un peu joueur et condescendant maintenant que la personne adverse décidait de presque péter les plombs. Le pauvre. Plus il t'attaquait, et moins il savait où il mettait les pieds. Tu étais ronchon et énervé parce qu'il n'avait pas daigné répondre à un seul de tes sms, décidant de complètement snober ses amis une fois chez lui, et il s'énervait... Pour quoi encore ? Ton orientation sexuelle, vraiment ? Le fait qu'il ne puisse pas te changer par sa simple présence mystique ? Il allait sérieusement falloir qu'il s'en remette, surtout qu'il n'avait pas à se plaindre : tu ne prenais même pas le temps de le draguer proprement ou de réellement tenter quelque chose maintenant, utilisant plus ceci comme un running gag. Mais Sergeï semblait avoir perdu toute trace de son humour. Alors tu lui disais que tu t'en foutais. Parce que c'était la vérité. Que voulait-il que ça te fasse que certains russes t'aimaient et d'autres pas ? Ce n'était pas comme si ça allait te pousser à changer d'une manière ou d'une autre – t'avais pas de famille là-bas, t'avais jamais visité, c'était totalement dénué de sens et d'intérêt ce pays dans ton esprit. Tu refusais donc de subir quoi que ce soit sous prétexte que le pays où il était né était intolérant – tu ne le faisais pas chier avec la Suède et toutes ses lois non ? « Sergeï, Sergeï, Sergaï... » Tu commençais tout en te levant du canapé comme pour être sur un pied d’égalité, ton visage se secouant doucement de droite à gauche en une expression de visible déception face aux paroles du Winthrop. Parce que le fait que tu n'aies pas cherché de ses nouvelles ? C'était des conneries. « Tu commences à mentiiiiiir... Dois-je te rappeler que c'est moi, qui suit censé être le Roi de la mythomanie ? » Tu rappelais dans un petit sourire en coin, avant de lâcher un soupir dramatique, tes yeux s'ancrant des les siens alors que tu approchais de quelques pas. « Malheureusement, je n'aime pas trop qu'on me prenne pour un con. Tu penses que quoi, j'ai une si petite mémoire que j'ai déjà oublié les sms que je t'ai envoyé et que tu n'as pas daigné répondre ? A quoi ça sert de mentir buddy : on est que tous les deux dans cette pièce. » Ce n'était pas comme s'il y avait une tierce personne à convaincre, alors ça ne servait concrètement à rien de jouer la comédie dans un contexte tel que celui-ci. Tu haussais ensuite tes épaules, indifférent à ses paroles. « Tu te prends pour qui ? Je n'ai pas à passer mon chemin. T'es bizut, j'suis bizut, j'ai tous les droits d'être ici. Et je ne pouvais pas savoir que tu te trouvais ici, puisque je ne savais même pas que tu étais revenu. » Petit mensonge, mais ce n'était pas très grave, puisque après tout, il s'en était foutu bien pas mal de te rappeler à quelle heure il prenait son avion et quand il atterrissait à Boston. Donc techniquement non, tu n'étais pas censé savoir qu'il était revenu. Il aurait très bien pu se dire que la Russie était siiiii géniale loin de toutes ces personnes lgbt qui s'assument et décidé d'y rester, pour peu que tu savais. Peut-être que ça aurait été mieux. Peut-être que tu aurais mieux compris, contrairement à là où il te prenait comme responsable du moindre de ses malheurs. Tu pensais que ça lui aurait fait plaisir, ta petite remarque sur son corps étant un morceau de viande. Ça aurait du le rassurer, lui montrer que tu n'aimais que son corps et que tu étais loin de rêver de lui comme s'il était ton prince charmant – ce genre de mecs n'existaient pas de toutes manières. Mais il s'énervait encore, et tu riais alors qu'il tentais de retourner la situation à son avantage. « C'est toi le lunatique ayant un problème, pas moi. » Tu répondais, tes bras se croisant contre ta poitrine.

« J'm'énerve parce que je comprends pas pourquoi tu réagis comme ça, parce que tu uses bien trop de ton rire sarcastique depuis que tu as débarqué dans cette pièce et peut être que je m'attendais à toutes autres retrouvailles que de me prendre la tête pour des conneries. » Parce que malgré tout j'étais plus que content de rentrer, de voir qu'ici les gens pouvaient m'apprécier pour qui j'étais et non pas pour la personne qu'ils voulaient que je sois. Ici j'étais moi même, je prenais les décisions suivant mon instinct, et j'étais loin d'être le mouton, le faible d'esprit que Felix venait de présenter, il me connaissait donc si peu ? Mais derrière son allure j'men foutiste, son rire tranchant et ses petites piques, je savais pertinemment que bien loin de vouloir l'avouer, le jeune homme était blessé par quelque chose, détails qui me semblait totalement incompréhensible ! Et puis merde si quelque chose n'allait pas qu'il le dise, plutôt que de tourner autour du pot pendant cinq siècles, faisant les cents pas pour me détendre un peu et oublier le fiasco de cette discussion. Tout semblait s'accélérer en quelques secondes seulement, cela serait il possible d'arrêter la misère et les désaccords ici avant que cela ne devienne trop intense, tranchant et que lui comme moi commencions à nous sentir trahi par l'autre ? Un gâchis voilà ce à quoi allait se résumer tout cela, un grand gâchis alors qu'il aurait juste fallu de quelques jours voire semaines pour que je sache ce que je souhaitais réellement. Etre ami avec lui ou non ? Continuer comme avant ou non ? Ou alors comprendre qu'en réalité si j'oubliais le fait qu'il pouvait être un mec bien, je flirtais avec la limite que je m'étais toujours interdit de dépasser. La raison contre le coeur, c'était comme toujours le plus grand dilemme et pourtant après la discussion d'aujourd'hui et ces phrases lancées à travers la pièce je sentais que la décision serait plus facile ! J'me voyais mal continuer comme cela, maintenant que je savais que la Russie entière me prenait pour un homo, c'était le comble dans l'histoire l'homophobe transformé en homophile ou felixphile, ils étaient tombés sur la tête ou quoi ?! Il était mon pote point barre ! « La ferme Felix ... On me l'a déjà faite des milliers de fois cette blague à la con ! Pourquoi j'mentirais, j'ai pas reçu tes textos ... Alors c'est ça le problème, j'ai pas répondu à tes textos et tu croyais que je t'oubliais à l'autre bout du continent ? » Je sortais alors mon portable de ma poche, histoire de vérifier que je n'avais rien reçu de Kamprad. J'avais beau avoir eu de sales moments lorsque j'étais rentré en Russie, ce n'était pas une raison pour oublier mes potes d'Harvard et Boston. Après tout ma vie était ici à présent, les gens ici étaient certainement plus importants que ceux de là bas, que même mes frères avec qui je ne m'entendais que très peu avec leur manie de jouer les lèches bottes que je ne supportais pas. Comme quoi, il avait fallu que je parte seulement quelques jours pour que je comprennes que je n'étais bien qu'ici, entouré de tous ces gens qui me rendaient la vie totalement impossible et parfaite en même temps. Oui pour moi l'amitié avait toujours été le maître mot, comme disait souvent Eliott les couilles avant les filles ! Pianotant sur mon téléphone, jusqu'à trouver le dernier texto de Kamprad : non c'était bien cela, il avait juste demandé si j'étais bien arrivé, sms auquel j'avais répondu. Je lui lançais alors le téléphone au vol. « J'crois que tu viens encore une fois de montrer que tu étais réellement le maître dans l'art de la mythomanie. Par contre si c'était des messages d'amour faudrait pas qu'ils se soient égarés chez un être totalement innocent. » Puta** mais pourquoi j'sors ça moi, pourquoi j'rentre dans son jeu, pourquoi j'lui lance des perches que de toute évidence il va choper au vol et pouvoir me faire plonger encore une fois. Fallait pas jouer à ce jeu là, pourtant tout semblait clair lorsque j'étais rentré de Moscou, je m'éloignerais de Felix ! Et pourtant je passais déjà plus de dix minutes en sa compagnie à m'expliquer sur quelque chose que je ne devrais pas, alors que j'aurais pu m'éclipser en quelques secondes seulement pour ne pas le croiser, et pour mettre en application mes résolutions. « Bin maintenant que tu le sais que je suis de retour ça te fait chier, alors comment te dire que finalement fallait peut être pas que tu sois au courant avant. J't'ai préservé ta nuit de bon sommeil, tu pourrais limite le dire merci et me baiser les pieds ...  » Un petit rire sarcastique faisait écho dans la pièce alors que Felix se rapprochait de moi avec ses pas, bientôt nous serions presque nez à nez, il voulait jouer à quoi ? Je jouais plus, c'était fini le temps où j'pouvais déconner avec lui avec totale insouciance, non j'voulais pas passer pour ce genre de mec, c'était comme si je bafouais mes principes ... et pourtant ... Il croisait les bras devant moi, tout semblait être de ma faute, soit, j'allais pas rester longtemps à me faire attaquer de la sorte, et puis c'était ce que j'aurais du faire depuis le début en réalité, abandonner Felix, continuer ma vie en la reprenant en main, mais est ce que finalement tout cela était encore possible ? « J'ai pas de problèmes, du moins j'en avais pas ...  » Je commençais à tourner les talons pour jeter mon gobelet de café avant de partir vers la sortie.