I keep dreaming you'll be with me and you'll never go
C'est fini mon grand. Les mots de son beau-père résonnaient encore dans son esprit comme écho se répétant à l'infini. Sloan venait de perdre sa mère, elle était décédée il y a quelques jours, laissant son gamin livré à lui-même. Désemparé, il n'arrivait pas à digérer la nouvelle. Le jeune homme se sentait plus seul que jamais et le pire dans cette histoire, c'est que la seule émotion qu'il ressentait restait, contre toutes attentes, la colère. Sloan n'arrivait pas à faire face à sa disparition, il gardait en lui, une rage qu'il n'arrivait pas à exprimer. La haine qu'il ressentait n'avait d'égal que sa bipolarité. Perdre une mère était un événement tragique, à ne souhaiter à personne. Son père les avait quittés lorsqu'il avait à peine cinq ans. Voilà qu'à son tour, sa mère l'abandonnait. Sloan était arrivé de bonne heure à l'église parce que de toute façon, il ne savait pas quoi faire d'autre. Du monde était présent pour elle, pour honorer sa mémoire. Les gens passaient les uns après les autres, en lui répétant cette maudite phrase. Toutes mes condoléances. Le beau brun l'avait entendu une bonne centaine de fois aujourd'hui et répondait un simple sourire triste. Pas de merci, pas de discours, il n'arrivait pas à parler. Il sortit son portable de sa poche et vit le message de Charline. Elle n'allait pas tarder et à cette simple pensée, il afficha un mince sourire. Il avait besoin d'elle là. Le jeune homme restait silencieux dans la douleur et se renfermait sur lui-même, laissant à sa bipolarité l'autorisation de prendre toujours un peu plus de terrain. Il baissait littéralement les bras. L'église était anormalement silencieuse et la messe commença. Avec l'agitation, il ne croisa pas Charline, oh il ne s'inquiétait pas pour ça. Elle était certainement dans le fond de l'église. Il se sentait rassuré de la savoir non loin de lui. Assis au premier rang, Sloan avait la tête baissé, il ne regarda même pas le cercueil arriver. A côté de lui, sa petite soeur éclata en sanglot. Il lui prit la main mais ne la regarda pas. Autant les relations fraternelles n'ont jamais été évidentes entre les deux Bushnell, autant aujourd'hui, ils mettaient leur rancœur de côté. La petite soeur lui attrapa la main et la serra de toutes ses forces. Sa soeur n'a jamais été proche de sa mère, contrairement à Sloan qui la voyant très régulièrement. Elle était revenue d'Europe spécialement pour assister à l'enterrement, une attention qui touchait particulièrement l'Eliot. Elle a toujours été très indépendante et était partie à l'age de seize ans. Bref, les deux Bushnell se retrouvaient à présent orphelins. La messe se déroula dans un silence de plomb. Le beau brun se levait quand il fallait se levait, il ne chantait pas quand il le fallait. Il était comme absent, son regard était vide de sens. Il semblait perdus. Sloan était blanc et laissait apparaître une mine triste et torturée. Beaucoup de monde était présent pour sa mère et il ne reconnaissait même pas un tiers des personnes présentes ici. Extrêmement mal, il laissa les paroles du prête l'envahir. Lui qui n'était pas particulièrement croyant, se persuadait qu'elle était entre de bonnes mains avec le seigneur. Dans un élan désespéré, il se pencha vers l'avant et regarda le cercueil. Sloan déglutit en le voyant aussi petit. Il détourna immédiatement le regard. Le cercueil était anormalement petit et il ne pouvait imaginer sa mère là-dedans. Le jeune homme avait refusé de participer à la mise en bière, il avait laissé son beau-père y aller seul. Sur ce coup-là, George avait été cool, il comprenait parfaitement qu'il ne veuille pas voir sa mère, le cercueil ouvert. Sloan ne l'abandonnait pas, il ne voulait juste pas avoir ces images affreuses pour le restant de ses jours. Déjà qu'il avait passé ces deux derniers mois à faire des allés-retours quotidiens à l'hôpital. La voir morte serait pour lui, le coup de trop. Il ne voulait garder que le positif et même si à cet instant précis, il se sentait incapable de vivre sans elle, il se préservait. Bien-sûr qu'il aurait aimé lui dire des choses avant qu'elle ne parte mais qu'importe, c'était trop tard maintenant. Sloan se sentait oppressé dans cette église, à côté de ce cercueil anormalement trop petit. Les gens vinrent faire un petit discours plus ou moins émouvant selon les personnes. Il ne les regardait pas. Il leva juste les yeux lorsque son beau-père monta sur l'estrade pour prononcer quelques mots. George ne s'attarda pas sur ses paroles et ce fut, pour l'Eliot, les phrases les plus touchantes qu'il n'ait entendu sur sa mère. Certes George n'était que son beau-père depuis une dizaine d'année mais Sloan avait trouvé en lui, la présence et le soutien d'un vrai père. Il avait envie de pleurer, d'éclater de rage mais il n'y arrivait pas. Son corps refusait catégoriquement de répondre. Le jeune homme se contentait d'être présent mais ne répondait plus de rien. Vint ensuite le moment où prêtre résuma la vie de sa défunte mère. Pendant le discours, Sloan tourna la tête vers l'arrière et croisa quelques regards compatissants, il ne croisa pas celui de Charline. Il reporta alors son attention sur les vitraux de l'église qu'il fixait depuis le début de la cérémonie. Sloan faisait vraiment peine à voir, il semblait ... perdu. Une fois la messe terminée, il sortit de l'église juste derrière le cercueil qu'il prit soin de ne pas regarder. Il ne parlait toujours pas, il n'y avait rien à dire. Il accompagna le cercueil jusqu'au corbillard avant de prendre sa propre voiture et de le suivre. L'Eliot avait voulu prendre la route seul, puisque de toute façon, Charline n'était pas là. Il sortit son portable de sa poche pour n'y trouver aucun message de la brunette. Il serra la mâchoire avant de le balancer violemment par terre. Ça l'énervait tellement. La seule fois où il avait réellement besoin d'elle, Charline n'était pas là. Sloan se sentait plus seul que jamais. Machinalement, il prit une clope et la fuma sur le trajet. C'était un acte désespéré pour essayer de trouver, ne serait-ce qu'une passerelle de paix. Arrivé au cimetière, le jeune homme gara sa voiture et sortit prendre un peu d'air. Les gens arrivaient peu à peu. Sloan profita de ce calme pour se rapprocher du corbillard. Il passa devant son beau-père qui lui afficha un regard rassurant, l'Eliot se contenta de baisser la tête. Il n'avait pas envie de parler. Rapidement, les gens arrivèrent et le corbillard commença à avancer jusqu'à la tombe. S'en suivit une marche silencieuse ainsi qu'un dernier passage devant le cercueil pour dire les derniers adieux. Ce fut plutôt court et les gens partirent un par un. Le beau-père donnait une petite réception pour la famille et les proches de sa mère. Sloan se retrouva alors seul avec George. Les deux hommes étaient debout, tout deux vêtus de noir. Le silence régnait entre eux. Après de longues minutes de calme plat, Gorge prit la parole. dit-il sans regarder son beau-fils. « Ta mère était une femme formidable Sloan. » commença-t-il doucement. Le beau brun tourna son regard vers lui mais ne le regarda pas. Il fuyait clairement tout contact humain, il ne voulait pas se justifier sur quoique ce soit. Du coup, il resta silencieux. « Cela a été un vrai privilège pour moi de vivre à ses côtés et de devenir ton beau-père. » continua-t-il doucement. George se tourna alors vers son beau-fils et comprit le malaise, il savait à quel point cela allait être difficile pour le jeune homme. « Ecoute Sloan, je sais bien que tous les discours du monde ne pourront pas combler son absence mais sache une chose. Je ne compte pas t'abandonner à mon tour. Tu es un fils pour moi et tu pourras toujours compter sur ma présence... N'abandonne surtout pas tes rêves. Notre deal tient toujours même si ta mère n'est plus parmi nous. Ta mère a toujours été très fière de toi et je le suis également. Je crois en toi fiston. » conclu-t-il. Sloan ferma les yeux en entendant ces mots. Il déglutis avec difficulté tant sa gorge était nouée. Il avait envie de pleurer mais aucune larme ne sortit. C'était tout ce qu'il avait besoin d'entendre à ce moment. Il avait besoin que quelqu'un croit en lui, exactement comme sa mère le faisait depuis le début. Finalement, l'étudiant se tourna vers son beau-père et le prit dans ses bras. Première fois de sa vie qu'il avait un contact plus qu'amical avec George. Il aurait voulu lui répondre mais ne trouvait aucun mot assez fort pour décrire ce qu'il ressentait. Anéanti par la disparition de sa mère, Sloan lui répondit faiblement. « Tu peux compter sur moi. » George se recula, mettant fin à l'étreinte rassurant. Il lui afficha un sourire rassurant et posa sa main sur son épaule avant de partir. Sloan le regarda s'éloigner. Après tout, il était la seule famille qu'il lui restait. Avec sa petite soeur mais il la voyait à peine une fois par an. « George ? » dit-il avec assez d'intensité pour qu'il l'entende. Son beau-père se retourna alors vers cette personne qu'il considérait à présent comme son propre fils. « Merci pour tout ce que tu as fais pour elle. » dit-il sincèrement. George afficha un petit sourire et hocha de la tête avant de laisser, une dernière fois, Sloan seul avec sa mère. Son beau-père avait fait beaucoup pour sa mère et lui avait offert un enterrement digne d'elle. En temps normal, c'était aux services des pompes funèbres de se charger de mettre le cercueil dans la tombe et de le recouvrir de terre. Mais le jeune homme n'arrivait pas à partir de là. Il voulait rester avec elle jusqu'à ce qu'ils aient terminés. Il recula de quelques pas et mit ses mains dans ses poches. Sloan ne lâchait pas le cercueil des yeux. Il aurait voulu lui dire tout ce qu'il avait sur le coeur mais de se retrouver là, debout devant elle était plus fort que lui. Aucune pensée ne lui vint à l'esprit, il se contentait de le fixer sans réfléchir. Il aurait tellement voulu remonter le temps ou pouvoir empêcher ça mais la maladie avait prit le dessus sur elle. Sloan leva les yeux au ciel pour empêcher une larme de couler, surement la seule depuis le début de la journée. Il la ravala rapidement, hors de question de pleurer, il ne s'en sentait pas capable. Les minutes passaient et l'Eliot ne voulait pas bouger de là, il restait immobile, vide de tout sens. La laisser là, seule était au dessus de ses forces. Il ne voulait pas l'abandonner comme elle venait de le faire avec lui. Le beau brun fut chassé de ses pensées par des bruits de pas. Il se retourna et vit Charline, sortit de nulle part. A peine avait-il croisé son regard qu'elle s'excusa aussitôt. « Ça n'a plus d'importance maintenant... » dit-il faiblement. Sloan reporta son attention sur le cercueil comme un dernier appel à l'aide. « C'est fini... » continua-t-il sur le même ton. Le jeune homme serra les poings ainsi que sa mâchoire. Il inspira profondément avant de lancer un regard froid à Charline et de commencer à marcher dans sa direction opposée. Il lui en voulait énormément de l'avoir abandonné à son tour. Elle était en retard de quelques heures. Franchement, Sloan aurait préféré qu'elle lui avoue qu'elle ne voulait pas l'accompagner plutôt que de le planter comme elle venait de le faire. L'Eliot était blessé dans son orgueil et se sentait plus seul que jamais.