Following the map that leads to you ○ Ombre

J'étais peut-être qu'un serveur, je n'avais peut-être quasiment rien à lui offrir mais je ne pouvais m'empêcher de vouloir être en sa présence, de prendre sa main dans la mienne quand ça allait mal entre nous, de tout faire pour la calmer quand la colère dominait son cœur. C'était sûrement égoïste d'essayer de la reconquérir, de rechercher son amitié à nouveau après ce que j'avais dit et fait mais chaque parcelle de mon corps me suppliait de ne pas l'abandonner, de tenter ma chance. Des semaines qu'elle hantait mes pensées, des semaines que je tentais de me faire à l'idée de ne peut-être plus jamais la revoir et voilà qu'aujourd'hui on se croise par hasard, dans un café sans importance, entouré d'inconnus. Alors, quand elle me demandait de lui prouver que je tenais toujours à elle, sans hésiter, je souriais, comme pour lui dire que c'était ok, que l'accord était passé. « Encore un peu plus et tu me demandais presque de t'embrasser, j'en suis sûr » répondis-je en rigolant, un sourire en coin, le regard malicieux, m'approchant doucement d'elle. Peut-être que cette blague ne passerait pas mais j'espérais de tout cœur qu'elle en rigole, qu'elle me montre qu'on peut retrouver, ne serait-ce qu'un peu, de notre ancienne complicité. Je ne m'attendais pas à ce qu'on redevienne meilleurs amis, loin de là mais si on pouvait avancer petit à petit à partir de maintenant, les choses iraient plus vite. « Mais bon vu que tu veux une preuve d'amitié... » lançais-je, enlevant mon tablier en même temps avant de le balancer par terre comme une ordure, disant en même temps adieu à mon boulot de serveur ici, ne m'en souciant pas vraiment, persuadé que j'en trouverai un autre. Il y avait tellement de café dans cette ville étudiante que c'était chose aisée. « On va faire un tour ? » proposais-je alors, passant devant elle, la tirant vers moi. Parler sérieusement n'était pas forcément ce qu'on devrait faire, une amitié se construisait grâce aux bons moments. Alors, ne lui laissant pas le choix, je me mis à marcher à côté d'elle, attendant qu'elle parle, qu'elle dise quelque chose. Peut-être trouverait-elle insensé de quitter mon travail comme ça mais peu importait. Tout pour elle. Tout.

Ouais je venais de quitter mon travail pour une femme, de faire passer une personne avant ma vie professionnelle mais, pour ma défense, ce n'était pas n'importe qui. Il s'agissait d'Ombre, celle pour qui j'avais été prêt à tout à une époque, celle à qui je tentais de prouver ma sincérité. Entre perdre un job et perdre Ombre, le choix était vite fait. Sans remords, je continuais à marcher à côté d'elle, prenant mon temps avant de répondre, voulant profiter de ce moment, réfléchissant en même temps à ce que je pourrais faire, à part lui donner du temps, pour la reconquérir. « Qui te dit que je ne t'emmène pas à l'église pour qu'on se marie ? » finissais-je finalement par dire, l'air sérieux. Oui je lui avais fait cette promesse quand nous étions gosses, est-ce qu'elle comptait encore ? Bien sûr que non. Ce que dit un enfant n'a plus beaucoup de valeur une fois que celui-ci grandit, laissant derrière lui les rêves innocents et les croyances idiotes. Finissant par sourire, je lâchais sa main, conscient que nous n'étions pas en couple et qu'elle pouvait très bien marcher sans que j'ai à la guider. « Non. Pas juste pour faire un tour. Pour toi. » avouais-je, détournant à nouveau le regard. Ombre devait me trouver tellement niais, simplet à ce moment que je n'osais pas la regarder. Et pourtant je le devais. Je ne pouvais continuer à fuir son regard, il était temps qu'on parle sérieusement. « On va juste s'asseoir quelque part, comme ça on pourra discuter tranquillement. » la renseignais-je sur un ton désintéressé, comme si ça n'avait aucune importance. Je me dirigeais vers un autre café pas loin, lui faisant signe de prendre la chaise avant de rajouter : « Comme ça tu pourras me dire ce que tu souhaites comme décoration pour le mariage ! » Etrangement, à cette phrase, mon cœur rata un battement, comme si je regrettais que ce ne soit pas vrai. Secouant la tête, je chassais ces idées de ma tête, Ombre n'était qu'une amie, rien de plus. De toute manière elle ne me considérerait jamais autrement. Et mon cœur rata à nouveau un battement.

Le voilà le sourire que je cherchais depuis si longtemps, ce sourire que j'avais rêvé de revoir à nouveau un jour. Ce n'était peut-être qu'un petit pas mais pour moi ça voulait dire beaucoup. Ça signifiait qu'on était sur la bonne voie, qu'elle acceptait de faire un effort tout comme j'avouais que tout était de ma faute. Chacun faisait avancer la relation à sa manière. « On est encore jeune, on a le droit de rêver » rétorquais-je un sourire en coin, m'appuyant sur le dos de la chaise. Les mains croisés sur mon ventre, je l'observais, ne me lassant pas de sa beauté, voulant revoir ce sourire à nouveau. « Je m'en fiche de mon boulot, j'en retrouverai un ailleurs, c'est toi qui est importante pour l'instant » repris-je d'un ton sérieux, me penchant en avant, m'appuyant sur la table tout en plantant mon regard dans le sien. Pour une fois je n'avais pas honte de lui avouer qu'elle comptait pour moi, je n'étais pas gêné à l'idée qu'elle le sache, elle n'était pas du genre à se moquer des autres, à trahir même ceux qu'elle avait perdue et qu'elle venait tout juste de retrouver. En tout cas c'était l'image d'elle que j'avais auparavant. « Tu sais, la demande en mariage, j'étais sérieux. Je m'imaginais vraiment veiller sur toi comme un homme, faire tout pour accomplir le moindre de tes désirs, pour que tu puisses rester heureuse... Enfin bref, c'est du passé. » Oui c'était du passé, voilà pourquoi je me permettais d'avouer ça maintenant, persuadé que tout ça c'était fini tandis que mon cœur se serrait. Il fallait vraiment que je me calme, si ma petite amie m'entendait parler elle pourrait croire que j'en drague une autre, ce qui était loin d'être mon intention. J'étais un homme fidèle, réservé, imparfait mais je tenais mes promesses. Et là j'avais juré à Ombre de lui prouver que j'étais sincère, ce qui m'amena à lui demander : « Qu'est-ce que t'attends de moi ? »

Ombre tentait de me faire revenir sur terre, elle était comme ça rationnelle. Sauf que je ne voulais pas abandonner ce rêve de gosse, je ne voulais pas tirer une croix sur notre amitié, nos fous rires mais je savais aussi que tout ça ne reviendrait pas en une journée, malheureusement. Alors je lui avais demandé ce qu'elle attendait de moi, question qu'elle ne semblait pas comprendre ou qu'elle ne voulait peut être pas comprendre. Me reposant sur le dos de ma chaise, je soupirais. « Qu'est ce que je peux faire pour te prouver que, cette fois, je ne te laisserai pas tomber comme un con ? » Ouais j'avais reformulé la question, ouais je n'abandonnerai pas mais si vous aviez connu l'Ombre d'il y a quelques années vous feriez la même chose, quitte à saouler la jeune femme. « On sait tous les deux que le feeling ne reviendra pas comme ça, qu'on a perdu beaucoup de choses... » commençais-je à dire, me penchant petit à petit sur la table, ne la quittant pas du regard, « ...mais on a tous les deux envie de recommencer à zéro, de retrouver cette amitié perdue alors, je te le demande, qu'est ce que tu attends de moi ? ». Peut être que je me trompais, peut être qu'elle voulait juste que je lui foute la paix mais une partie de moi voulait croire qu'elle en avait encore quelque chose à faire et, qu'elle aussi serait prête à tout pour goûter à nouveau ce petit bout de paradis.

Je ne la quittais pas du regard, écoutant chacune de ses paroles avec attention malgré le mal que cela me faisait de réaliser que je l'avais abandonné et que la trace était toujours là. Je savais que ça ne serait pas facile de la reconquérir mais je n'avais pas imaginé que j'allais galérer à ce point là. Mais elle continuait ses aveux, me confiant qu'elle avait peur, effrayé de pouvoir ressentir cette douleur qu'elle avait réussi à chasser une fois. Puis, soudain, une lueur d'espoir, Ombre me dit qu'elle avait envie de me retrouver. Tout à coup j'espérais, je voulais me battre, ne pas abandonner, jamais car elle en valait la peine. Même si ça allait prendre des années, même si elle m'enverrait bouler plusieurs fois, je ne renoncerai pas, pour la simple et bonne raison que ce droit ne m'était pas accordé. Un grand sourire sur les lèvres, heureux de constater que j'avais encore mes chances, ma main survola la petite table afin d'aller chercher la sienne. « Regarde moi Ombre ». Oui, lève les yeux, écoute moi, j'avais quelque chose à te dire, des aveux à te faire à mon tour, des paroles qui pourraient peut être te reconquérir. « Je suis là ok ? Je suis assis en face de toi et je compte pas partir, pas maintenant, jamais. T'es pas qu'une fille pour moi, t'es celle que j'ai voulu accompagné à l'autel, celle avec qui j'ai voulu passer ma vie, celle pour qui je me battrais jusqu'à ce que mes poings soient en sang et que je devienne fou. Cette porte si je la franchis ce sera avec toi, main dans la main parce qu'après tout ce qu'on a vécu t'es encore là toi aussi, parce que, justement, on a trop vécu pour abandonner maintenant » dis-je sûr de moi, prêt à faire n'importe quoi pour lui prouver la sincérité de ces paroles. « Je te demande juste de me faire confiance ». Qu'on retrouve ce qu'on avait avant.