De la mauvaise graine. Voilà ce qu'on m'a toujours dit que j'étais. Je fais partie de ces jeunes gens en qui peu de personnes arrivent à mettre leurs espoirs, de ces filles qu'on dit qu'elles finiront par tomber enceinte et abandonner leurs études. Lewis, lui, fait partie de ces gars qui finiront dans un caniveau ou derrière des barreaux. On est de ces personnes qui attirent le regard et qu'on essaye pourtant de fuir comme la peste. Bruyants, énigmatiques, sauvages, on impressionne, on choque, on intrigue. Lui et moi, enlacés contre ce mur, ma robe entrouverte. Les gens passent, nous voient et tournent leurs regards, gênés, même si dans le fond on sait qu'ils aimeraient être à nos places. Ils vont parler sur nous, nous montrer du doigts alors qu'ils sont simplement jaloux. Jaloux de ne pas pouvoir suivre leurs envies, leurs pulsions. Jaloux de devoir faire bonne figure, de ne pas pouvoir, ne fut-ce qu'une fois, sortir des sentiers battus. Une belle robe, un noeud papillon. Un sourire face aux flashs des photos, une danse et puis bonsoir. En quoi leurs vies auraient-elles plus de sens que les nôtres ? Erasme dirait que c'est folie que de vouloir être sage dans un monde de fous. J'en conclus donc que ce sont nous les plus sages, même lorsque je le mets au défis de me déshabiller ici, devant tout le monde. Même lorsqu'il se prend au jeu, ne cessant de baisser la fermeture de ma robe. Chaque centimètre me provoque un nouveau frisson. Pourtant, je meurs de chaud. Suis-je malade ? Lewis me rend fiévreuse, faible, comme s'il jouait avec mes émotions. Son influence sur moi m'est presque insupportable, et sa présence m'est vitale. Lewis et moi, ça n'a pas de logique, ni d'explication. C'est comme une tempête qu'on ne peut qu'endurer, qu'il ne sert à rien de vouloir traverser. Notre relation en devient inébranlable, inévitable car quoi qu'on fasse, quoi qu'on décide, nos chemins finissent toujours pas se recroiser. Je le sais car je pourrais pas m'imaginer un futur sans que Lewis ne soit là, dans un coin de ma tête ou sous ma couette. Je finis tout de même par trouver la force de le repousser, presque trop fort, presque comme si je reprenais mes esprits. Je veux pas d'ennuis, je veux pas que ma soeur me méprise davantage, ou que mes amis soient gênés ou que mon coloc que fasse une crise. Pour une fois dans ma vie, je pense aux conséquences et je réfléchir avant d'agir. Je m'étonne, moi-même. Félicitations Romy, il semblerait que tu grandisse. J'attrape donc la main de Lewis pour l'entraîner hors de la salle du bal et j'en profite pour respirer un grand coup, l'ambiance du bal étant trop pesante. Je comprends décidément pas pourquoi tout le monde s'évertue à y aller tous les ans alors qu'on sait bien que ça fini en bain de sang. Façon de parler. Puis je me tourne à nouveau vers Lewis qui semble aussi reprendre vie. Je le défie du regard tandis qu'il se rapproche dangereusement de moi. Ses paroles m'arrachent un sourire que j'essaye pourtant de contenir. Il me rend folle.
« Désolée, Monsieur, je ne savais pas. Est-ce que c'est grave ? » je lui réponds, faignant d'être désolée. En réalité, je ne pourrais pas m'excuser pour avoir fait quelque chose d'interdit. Je vis dans l'interdit depuis mon plus jeune âge, j'ai été probablement conçue par l'interdit. Je suis l'interdit. Il attrape mes mains et les relève pour me plaquer à nouveau contre le mur. Son visage tout près du mien, je peux sentir son souffle dans mon cou, glisser sur mon décolleté. Je reste silencieuse alors que je vois ses lèvres se mouvoir, comme si je n'entendais déjà plus ce qu'il me disait. J'essaye de me rapprocher de lui, les yeux mi clos, prête à lui voler un baiser, mais le voilà qui disparaît et mes bras retombent le long de mon corps. Je serre les mâchoires de frustration. Quand je dis qu'il joue avec moi.
« Je sais pas, on pourrait aller dans les vestiaires du bal et fouiller quelques sacs. Ou allez foutre le bordel dans la bibliothèque. Comme tu veux. » je lui dis en haussant les épaules. Ce ne sont que des idées parmi tant d'autres. En réalité, ça m'est plus ou moins égal car tout ce que j'aurais souhaité, c'était qu'il ne s'éloigne pas de moi. J'aurais voulu qu'il m'enlace, qu'il m'embrasse, qu'il m'emmène à des années lumières du bal, pourquoi pas jusqu'aux étoiles. Mais il en a décidé autrement. Alors je me mets à marcher dans ce couloir vide, en quête de notre prochaine aventure. Je ne prends même pas la peine de rattacher ma robe, le courant d'air sur mes côtes et sur mes épaules me fait du bien. Qu'importe si j'ai l'air d'une clocharde à moitié déshabillée, seul Lewis a l'occasion de poser les yeux sur moi et il l'a dit lui même, il préfère largement me voir nue qu'ainsi vêtue.
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