do you remember me ? (sophia)

Depuis que je suis de retour à Harvard, je n'ai pas eu beaucoup de temps de répit. J'ai enchaîné les cours, les copies, les conférences, j'en ai ma claque. Nostalgique, je désire retrouver peu à peu les lieux qui ont soutenus ma vie étudiante. Au tout départ, j'avais l'intention de me poser dans un bar tranquille pour reprendre mon roman là où je l'avais arrêté pour la dernière fois mais l'ambiance est montée crescendo. J'ai fermé mon cahier et j'ai enchaîné les verres tout en supportant l'équipe locale à la télévision. Même si la plupart était encore sur les bancs de la faculté, j'ai retrouvé l'esprit fraternel de Cambridge. Le match s'est terminé, je ne peux pas dire que le calme est revenu mais les plus sportifs ont quitté l'établissement et de nouveaux spécimens ont débarqué. Ils ont l'air plutôt fêtards et déjà éméchés. Je pars faire ma vidange un instant et je retrouve le bar animé par la musique. Je slalome entre les personnes et heurte l'épaule d'une tête brune. Je m'arrête et m'excuse comme je m'excuserai après avoir cogné un meuble, logique n'est-ce pas, comme s'il allait me répondre. La demoiselle relève la tête et mon coeur cavale à vive allure. " Sophia ? Je croyais que tu serais sur le marché du travail depuis le temps ! Tu te souviens de moi ? " demandais-je en pointant mes mains vers ma poitrine.

Encore une soirée à laquelle je n'avais pas vraiment envie d'y assister. Mais mes amies ont tellement insisté que j'ai accepter de les accompagner. Je sais qu'il y a un match ce soir, et que le Lord Hobo va se remplir dans pas longtemps, lorsque tout le monde aura envie de fêter ça et de s'hydrater comme il fallait. Je restais avec mon premier verre tandis que mes amies les enchaînaient. Ce n'est pas ma faute, je ne suis pas une grande fêtarde et je ne me saoule pas pour faire mon intéressante. La dernière fois que j'ai bu j'ai dit d'horribles choses à Adam, l'alcool délie les langues et la mienne n'a pas été épargnée. Je sirotais donc lentement mon verre, je tournais la paille entre les glaçons, je m'amusais comme je pouvais. Sincèrement, j'avais envie de rentrer chez moi. Soudain, quelqu'un me bouscula et je râlai en soupirant. « Vous pouvez pas faire... » grognai-je sans pour autant terminer ma phrase. Je croisais le regard du jeune homme et l'expression de mon visage faisait place à la surprise. Ben ça alors. Je clignais plusieurs fois des yeux et je lançais un sourire maladroit. « Je... oui, bien sûr que je me souviens de toi. » c'était Tobias. Alala, celui-là, je ne suis clairement pas prête de l'oublier. Je ne pensais pas le revoir ici, dans ce bar avec ce physique de dieu. A l'époque où on flirtait ensemble, je venais de quitter l'adolescence et lui, il était moins formé, on va dire, niveau musculature. Même sourire, même regard, oh mon dieu je fonds. C'est mal. Je dois vraiment partir d'ici. « Et pour ta gouverne, je suis toujours étudiante. » faut croire que j'aime ça, passer des heures à bouquiner, c'est mon dada. Mais je ne suis pas une intello pour autant, tout travail mérie salaire, voilà tout.

C'est un bout de femme tout simplement exquis. Je comprend encore aujourd'hui pourquoi j'avais eu envie de le goûter il y a quelques années alors que j'étais en couple. Elle est mon style, latine de par ses origines même si elle a plus connu l'Angleterre que la Grèce. Ses épaules sont musclées par la natation qu'elle a pratiqué et qu'elle doit sans doute encore pratiquée pour garder cette silhouette divine. Finalement, l'ambiance agitée ne me perturbe plus, les prunelles noisette de Sophia effacent la pagaille ambiante. " Je suis content de te revoir tu dois avoir des tas de choses à raconter depuis le temps ! Tu es seule ? Enfin ça te dérangerai si je te kidnappais vers le fond pour discuter ?" demandais-je  en passant ma tête au dessus de l'épaule de la jeune femme pour me rapprocher de son oreille. Je m'éloigne aussi lentement que je me suis avancé vers elle. Elle l'ignore peut être mais une attraction terrible l'entoure, une fois capturé dans son espace vital il est dur de s'en éloigner. La séduction qui nous avait réunie autrefois renaît de ses cendres. J'ai conscience que nos statuts ont changé depuis le temps, elle est toujours étudiante et je suis désormais professeur mais... quel sacrifice cela serait de s'éloigner d'elle... Le jeu m'appelle, j'attrape sa main encerclant son verre et la ramène à ma bouche. La paille glisse le long des parois du récipient transparent, je la capture entre mes lèvres et aspire l'alcool fruité. Je délivre ensuite le tube en plastique et souris " Merci bien. On se commande une autre tournée ? " articulais-je en jetant un coup d'oeil aux alentours. Comme si je surveillais mes arrières d'éventuels espions du doyen.  

J'en ai voulu à Tobias d'avoir mis un terme à notre petite relation. Je ne sais pas si j'étais amoureuse, mais j'étais dingue de lui, je ne pensais qu'à lui, c'était le seul homme qui me comprenait, qui me donnait le sourire quand ça n'allait pas. Il est plus mature que les gamins de vingt-cinq ans qu'on croise dans les couloirs. C'est un homme, un vrai et c'était tout ce dont j'avais besoin à l'époque. Maintenant, tout était différent. Je suis assez déstabilisée. Je suis légèrement surprise par son invitation, d'ailleurs, il me fallait un temps avant de répondre. Le stresse, que voulez-vous. « Pour discuter... si tu veux. » qu'est-ce que j'ai de beau à lui dire? Rien, enfin si surement, mais là tout de suite, je ne trouvais pas les mots. Je ne sais pas s'il a une femme, des enfants, tout ça quoi. Je fronçais un sourcil et haussais un autre lorsqu'il me vola mon verre. « Hey, tu pourrais demander avant de goûter! » voleur. Il faisait souvent ça avant, avec tout, même lorsque je me cuisinais un petit plat et quand monsieur n'avait pas faim, il picorait toujours dans mon assiette sans me demander. « Je veux le même cocktail, bonne chance pour trouver le nom. » dis-je fièrement avec un grand sourire. C'est un nouveau cocktail qui vient de sortir et je venais de le découvrir, ce soir. J'en suis folle.

J'ai beau avoir la trentaine, j'ai l'impression d'avoir gardé la mentalité d'un gosse de dix huit ans. Certes, les expériences de la vie ont pu me forger une carapace plus que solide, toutefois, je reste l'ancien Mather qui adorait se payer une gueule de bois et flirter avec les plus belles femmes du campus. Alors si on me livre une de ces femmes sur un plateau, je ne vais pas rechigner. Je dégoupille mon assurance et propose de prolonger nos retrouvailles dans l'espace plus calme. Sophia semble hésiter, je ne peux pas la laisser réfléchir, sa maudite raison m'enverrait balader. J'agis et sirote son cocktail, j'ai réussi à me rapprocher et en plus de ça, je crois avoir réussi à lui décrocher un sourire. " Je finirais par trouver quelque chose à ta cheville poupée " je lui envoie un clin d'oeil et lui dérobe son verre sans prévenir. Si elle veut la même chose, elle l'aura, quitte à ce que le barman doive goûter ce mélange pour le reproduire. J'arrive au bar et demande à un employé la même chose en deux exemplaires et par la même occasion, qu'il puisse nous le déposer à une table du fond. Je le remercie par avance et retrouve Sophia au même endroit. J'enroule mon bras autour du sien et l'entraîne vers le fond. Enfin arrivés au côté "lounge" je m'affale sur un canapé et tend mes bras de part et d'autre de ma tête. Que la soirée commence enfin. Harvard me semble tout à coup plus intéressant qu'à mon arrivée. " Bien, bien, bien, je parie que tu nages toujours, tu as un corps à couper le souffle et je ne pense pas que c'est arrivé en révisant " je scrute la brune qui a pris place à mes côtés, je la trouve un peu trop loin à mon goût mais je ne vais pas m'en plaindre. Elle est là, c'est tout ce qui compte. Je passe une de mes mains dans mes cheveux et admire l'étudiante que j'ai connu il y a tant d'années. " Et... avec tu sais... ta vraie famille, tout se passe bien ? " demandais-je curieux d'en apprendre de nouvelles. Sophia n'a pas eu une fin d'adolescence commune, c'est le moins que l'on puisse dire. Se rendre compte que toute sa vie n'était qu'un mensonge, ça doit être dur. Si elle me le permet, un jour, peut être que j'adapterai sa vie en roman. Qui sait, j'obtiendrais peut être un rôle dans sa vie et dans ce bouquin ? Qu'est-ce que je raconte, Dude, calmes tes ardeurs.

Poupée? Non mais plus personne ne m'appelle comme ça de nos jours. Personne oserait, à moins d'être assez pervers sur les bords pour me dire ça en pleine rue. Mais comme c'était Tobias, je le pardonnais. Je trouvais même ce surnom amusant. Assez pour lui faire un autre sourire. Je suis curieuse de voir ce qu'il allait me donner à boire alors. Je suis une fille extrêment difficile, surtout avec l'alcool. Je préfère sentir plus le jus ou le soft dans un cocktail plutôt que l'alcool. Je sais, je suis une fille bizarre mais je le vis bien. Tobias m'emmenait à une table dans un coin, presque qu'à l'abri des regards et je l'observais, tandis qu'il faisait de même. C'était lui qui rompu le silence, heureusement. Je me pinçais les lèvres puis je plongeais mon regard dans le sien. « J'ai toujours eu un corps à couper le souffle. » je n'ai pas changée voyons, si? Tobias était bien placé pour savoir que j'avais toujours la même morphologie. Bon, j'ai peut-être pris un peu des fesses mais ça m'étonnerait qu'il l'ait de suite remarqué. Je sirotais mon verre lorsqu'il s'informa sur ma famille. C'est rare qu'on me pose ce genre de questions. Mais Tobias était au courant de ma vie, il m'avait, en quelque sorte, aidé à traverser tout ça. « Tout se passe bien, oui. Et toi? Tu as... des enfants? » je sentais mon coeur battre à toute allure, comme si j'avais peur de savoir la vérité, d'apprendre qu'il était marié et qu'il avait déjà construis sa petite famille à lui.

Je ne me souvenais pas de cette assurance enivrante. Elle a raison d'être sûre d'elle même et de son potentiel. Je souris, étonné par cette femme si forte. Est-ce normal de ressentir un pincement au coeur à cet instant ? J'ai bien peur que cette douleur soit proche de celle de la jalousie. Elle est probablement casée et heureuse. Un tel épanouissement reflète souvent une vie de couple enrichissante. Alors que pour moi, c'est le néant et à la fois un chaos d'une multitude de sentiments... Je préfère me concentrer sur Sophia plutôt que sur ma vie sentimentale pathétique. Je me demande ce que le barman fout, je commence à avoir soif. La désirable grecque m'apprend que tout va bien avec sa famille et me demande par la suite si... si j'ai des gosses ? Quels signaux ai-je pu envoyer pour avoir l'air d'être un père de famille. Je suis d'humeur joueuse, comme souvent d'ailleurs. " Oui, j'ai deux enfants que j'ai adopté avec mon conjoint " je pince les lèvres pour m'empêcher de rire. Tobias homosexuel, pourquoi pas ? À cet instant, une serveuse nous apporte nos cocktails. " Mettez le sur ma note Joey " dis-je avant de donner de nouveau mon attention à Sophia. " Où en étions-nous ? " l'interrogeais-je en brossant nerveusement l'arrière de ma nuque avec mes doigts. Si jamais elle avale cette supercherie, je peux faire une croix sur la gente féminine.

J'espère qu'il n'a pas mal pris ma question, car ça serait embarrassant sinon. Je me posais juste des questions, comme lui s'en posait aussi. C'est pas comme si je lui avais demandé s'il avait des petits enfants. Tobias n'est pas si vieux, il doit avoir la trentaine, ce que j'admire. Je me sens trop jeune dans mon corps, j'ai toujours été attirée par les hommes plus âgés. Heureusement, je n'ai aucune intention de devenir une cougar. Je manquais de m'étrangler lorsqu'il disait qu'il avait des enfants avec son conjoint. Aha, Tobias, un gay? Je peux pas le croire. Mais je ne sais pas, je suis la fille la plus naïve du monde donc forcément, j'ai eu le doute. Je riais en secouant la tête. « Tu m'as bien eue. » d'habitude j'aime pas quand on me prend pour une conne, mais c'était quan même drôle le coup de la blague. Une serveuse arriva et nous donna nos boissons mais je n'y portais pas attention. Mon regard restait fixé sur Tobias. Ah tiens, il connait son prénom. C'est qui? Une qui partage souvent son lit? Sophia! Comment peux-tu penser ça? Je me grattais la tête puis je prenais mon verre en le levant vers le sien. « C'est l'heure de trinquer. » proposai-je suivis de mon plus beau sourire. Au début, j'étais mal à l'aise, mais maintenant, ça allait mieux. Je commençais à trouver ce moment plaisant en sa compagnie.

Je peux souffler, Sophia n'a pas cru mon mensonge. Il était un peu trop gros. Et en plus, elle ne m'a pas tapé pour mes conneries. Je suis un homme chanceux. Une serveuse vient nous interrompre avec nos cocktails, la belle brune à mes côtés en profite pour célébrer nos retrouvailles ? Ou alors elle a juste la gorge sèche. Je tend mon verre et le claque contre le sien. " À nous ? " lançais-je en dévisageant Sophia, pour être sûr d'être sur la même longueur d'onde. Je n'ai jamais réussi à la cerner, elle est mystérieuse. Son regard est obsédant, j'ai l'impression d'être devenu un gosse minuscule. Je relève ma jambe sur l'autre et attrape mon mollet. Non, non je ne suis pas nerveux à part ça. Avec tout ce que l'on a pu partager avec le passé, je ne vois pas pourquoi je devrais prendre des pincettes avec elle. " Alors depuis le temps, tu as trouvé quelqu'un ? Enfin moi je n'ai pas d'enfants mais peut être que toi oui " sous entendais-je avant de siroter ma boisson. J'avoue, elle a bon goût, ce truc est une tuerie. Je regarde mon verre comme un psychopathe et lui parle presque pour le remercier.

Je lui faisais un grand sourire. A nous, trinquons à nous et à cette soirée qui promettait d'être riche en émotions. Pourquoi? Tout simplement car des souvenirs ressurgeaient et je prenais même plaisir à les remémorer. Je ne pensais même pas à la peine qu'il m'avait faite. Faut croire qu'un autre garçon appelé Gideon gagné le gros lot de celui qui a le plus brisé mon coeur. Je ne dis pas que je n'ai pas souffert avec Tobias, mais c'était... différent, comme si c'était prévisible. Je m'attendais à ce qu'il me pose cette question. Non, pas celle des enfants, mais celle pour savoir si je suis célibataire ou pas. « Pourquoi, ça t'intéresse? » je le défiais du regard puis je bus une nouvelle gorgée dans mon verre. Mmh trop bon, c'est bien frais et bien fruité, tout comme il faut. J'ai l'impression que je tourne une pub là. « Tu peux poster ton cv lundi matin, peut-être que j'y jeterai un coup d'oeil. » dis-je en faisant justement un clin d'oeil. Je tourne pas rond moi, c'est peut-être l'alcool ou simplement ma folie naturelle qui resort petit à petit. En fait, moi je suis une personne assez calme mais allez savoir pourquoi, il m'arrivait de déborder sur le côté extravagant, sans que les gens s'y attendent. Souvent, ça fait de l'effet.