I'm afraid when I'm next to you ❥ GIDEON

J'étais sorti pour fumer une clope et en profiter pour respirer un peu au passage. C'était un bal de fin d'année franchement réussi, mais le monde grouillant dans la salle rendait l'atmosphère sur la longueur franchement étouffante. J'avais beau être habitué et me sentir relativement bien entouré de monde, j'avais eut envie de m'isoler un peu, ou du moins de sortir, de sentir l'air frais de la nuit désormais bien avancée sur ma peau. J'arrivais au bout de ma clope et papotait avec un ami lui aussi sorti de la salle pour faire un petit break. Histoire de ne pas laisser Sara toute seule davantage, je fis signe à mon ami que je retournais dans la salle de bal après avoir écrasé le reste de ma clope sous la semelle de mes chaussures cirées. Je commença à prendre le chemin de la salle lorsqu'une fille manqua de s'étaler au sol juste à côté moi. Réagissant à temps, j'arriva à la rattraper de justesse. « Désolée… merci… Je n’ai pas vu ce truc et j’ai… » Je la reconnus à sa voix avant qu'elle ne lève la tête pour croiser mon regard. Un noeud se forma au niveau de mon ventre à la pensée que je tenais Edelweiss. Je vis également de la tension dans son regard lorsqu'elle le braqua sur moi, comprenant à qui elle avait affaire. Je me racla la gorge, l'aidant à se remettre sur pied avant de la lâcher un peu trop brusquement. « Je t'en prie, c'est normal » lâchais-je en me forçant à sourire. Le malaise était franchement palpable. « Ca va ? Tu ne t'es pas fait mal ? »

Il suffit que je me tienne auprès d'elle pour que le poids de la culpabilité que je ne parviens pas à refouler me plombe. Et elle... Et bien au delà du fait qu'elle a faillit tomber à l'instant, elle a l'air encore plus mal maintenant que je l'ai rattrapée. « Non ça va, c’est juste… cette robe, les talons, ce décor un peu traître, tout est fait pour que je reste à terre. » Je fais mine de sourire et elle fait mine blaguer mais je sais pertinemment qu'on ne trompe vraiment personne ni l'un ni l'autre. Elle a l'air effrayée et moi je me sens figé sur place, comme une statue. Je me sens tellement coupable, même après tout ce temps et je n'arrive pas à dompter cette sensation. « Je… je devrais peut-être continuer mon chemin… » Elle veut prendre ses jambes à son cou et j'y vois franchement rien à redire alors j'acquiesce sans rouvrir la bouche, comme si à un moment ou à un autre quelqu'un avait débarqué de nulle part et m'avait coupé la langue. Elle fait à peine quelques pas que la douleur la cloue sur place. « Aïe… » Je me mords la lèvre. J'aimerais partir, mais ce serait en rajouter encore à ma culpabilité. J'étais sans doute la dernière personne qu'elle voulait voir et moins je me tenais près d'elle mieux je me portais, mais il y avait personne aux alentours. Peut-être que je pouvais aller chercher son cavalier... ? Ouais, c'était une bonne idée, mais j'allais pas la laisser là, debout et coincée. Je pris sur moi et la rejoignis en deux pas. « Laisses moi t'aider, faut que tu t'assoies » dis-je sans prendre les devant direct, attendant qu'elle acquiesce, qu'elle me donne le feu vert.

A chaque fois que je la voyais, c'était comme si je me retrouvais projeté des années en arrière à cette fameuse soirée. Elle s'était rapproché d'un de mes copains de l'époque et j'avais bien vu qu'il se montrait très entreprenant, clairement trop. J'avais un coup dans le nez et je sais pas ce qui s'était passé dans ma tête, mais j'étais pas intervenu, sans doute car j'aurais pas cru qu'il se passerait ce qui s'était passé. Et puis je l'avais revu lui et elle et j'avais compris. Et depuis, c'était le malaise. Je ne pouvais pas la regarder sans le voir lui et moi, immobile, englué dans mon propre monde, sourd à la douleur qu'elle avait éprouvé. La culpabilité n'avait de cesse de me bouffer.  « Non merci c’est bon ça devrait aller… aïïïe ! » Je me mordis la lèvre, restant à son côté, attendant qu'elle change d'avis. Elle fit encore un peu de résistance avant de concéder à me donner son bras. Je l'attrapa, m'efforçant de la soutenir autant que possible. Je l'aida à sortir et dès qu'elle vit un banc, elle lâcha mon bras pour s'empresser de s'asseoir. Je n'y trouvais rien à redire et resta debout, face à elle, n'osant pas trop faire quoi que ce soit d'autre. Ma présence était indésirable et j'avais vraiment pas l'intention de m'imposer. « Merci… » Elle arrivait même pas à me regarder dans les yeux. Awkward puissance 1000. « C'est normal » lâchais-je en croisant mes bras sur mon torse. Je savais vraiment pas où me mettre. « Est-ce que... » Je me racla la gorge, ne sachant pas quoi dire. « Tu veux que j'aille chercher quelqu'un ? Ton cavalier ? » N'importe qui sauf moi, en somme, ça devrait faire l'affaire.

Si elle ne faisait pas preuve d'impolitesse, elle me faisait clairement comprendre sans avoir besoin de le dire à voix haute qu'elle n'avait aucune envie de me voir et c'était réciproque. Je n'avais pas envie d'être auprès de quelqu'un qui ne voulait pas de moi à ses côtés. Je n'allais pas m'imposer plus longtemps et cherchais donc une porte de sortie. « Mon cavalier n’est pas dans les parages, il est sorti régler ses comptes avec son ex-petite-amie, enfin je crois. Mais ce n’est pas grave, tu peux fuir ou m’abandonner, j’ai l’habitude, ce n’est qu’une mauvaise passe durant la soirée. » Aouch. Si j'étais déjà franchement mal-à-l'aise avant, maintenant il n'y avait décemment plus de mots pour qualifier l'intensité de mon malaise. Je baissa les yeux, franchement piteux tout en sentant mes joues virer lentement au cramoisi. Heureusement que la nuit était bien avancée et que par conséquent ça ne devait pas trop se voir. « Je suis désolée Gidéon, je ne voulais pas dire ça… » Elle le regrettait bien sûr, mais elle n'en pensait pas moins, elle était juste d'un naturel suffisamment courtois à l'ordinaire pour ne pas le dire d'une façon aussi crue. Je leva la main, comme pour l'inviter à se taire. Elle n'avait pas à s'excuser envers moi. « Non, arrêtes, on sait bien que tous les deux que si quelqu'un doit s'excuser, c'est moi » je croisa mes bras sur mon torse et pris sur moi pour lever mon regard sur elle. La moindre des choses était encore de la regarder dans les yeux. « J'aurais dut faire quelque chose ce soir-là et j'ai rien fais. Je pensais pas que mon ami... Qu'il ferait ça, mais je le trouvais bizarre ce soir-là et j'aurais dut dire ou faire quelque chose. Je suis désolé. »

Peut-être qu'on avait dut avoir cette conversation plus tôt, mais est-ce que ça aurait changé quoi que ce soit ? Quoi qu'il en soit, même si je lui avais parlé le lendemain de cette fameuse soirée, ça n'aurait rien changé, je n'aurais pas pu remonter le temps et faire en sorte que ça ne se produise pas. Et y avait-il seulement un moment approprié pour parler de cela ? Non. Je l'avais croisé quelques fois et j'avais été titillé par l'envie de la prendre à part et de m'exprimer à ce sujet, mais je m'étais toujours dégonflé car je ne savais pas comment parler de cela. Sans doute que j'avais peur qu'elle fonde en larmes à l'allusion de ce souvenir. Je n'avais vraiment pas envie de remuer le couteau dans la plaie. Et voilà que le moment était venu. Elle était là et les mots lui avaient échappés avec une agressivité mal contenue. Je ne pouvais décemment plus fuir, nous étions trop avancés dans cette conversation pour cela et je pris donc douloureusement la parole, m'excusant enfin pour ce que j'avais fais ce soir-là ou plutôt ce que je n'avais PAS fais. Mes yeux peinaient à rester braqués sur Edelweiss mais je prenais sur moi. Mon coeur se serra davantage lorsque des larmes salées se mirent à rouler sur ses joues à la pensée de ce qui s'était passé. « Je ne sais pas si tu aurais pu faire quelque chose Gidéon… » Je secoua doucement la tête, un noeud monstrueux à l'estomac. Elle avait raison. J'y avais beaucoup repensé à cette soirée et ce n'était pas comme si j'avais été à même de lire dans les pensées de mon copain pour comprendre ce qu'il avait en tête, ce qu'il pourrait faire dans l'état où il se trouvait, mais je n'arrivais pas à refouler ma culpabilité pour autant. Je n'arrivais pas à me convaincre que je ne pouvais rien faire à l'époque. Y avait forcément un truc à faire, un rôle à jouer pour éviter qu'il se passe ce qu'il s'était passé. Je restais debout, planté devant elle, comme immobilisé. « Je sais pas non plus, mais quand même... Je croyais pas qu'il te ferait... Il était hyper saoul, mais... Je suis désolé » je ne savais pas quoi lui dire d'autre.