Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility« Faraway from home. » pv. Lawrie - Page 3
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« Faraway from home. » pv. Lawrie

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« Faraway from home. »
lawrie & lily



Plus la question était posée, plus elle se sentait partagée. Certes elle n’avait pas été conditionnée ni formée comme il l’avait été. Mais elle avait du mal à concevoir qu’un individu, si consciencieux soit-il, puisse se faire à la fois juge et bourreau. Tout cela lui paraissait très arbitraire, et elle admettait avoir des difficultés à accepter l’idée sans s’insurger. Était-ce son humanité naïve latente qui refaisait surface ? Son absence d’expérience face à la névrose, le narcissisme et la perversion ? Évidemment il connaissait l’humanité dans plus de facettes qu’elle. Il connaissait la bienveillance, l’altruisme, mais aussi le sadisme du sociopathe. Chose qu’elle-même concevait, mais bien moins concrètement que lui. Elle pourrait, peut-être un jour, comprendre sa position, voire même la défendre. Mais pour l’heure, elle n’était peut-être pas prête à envisager ni à accepter que l’humanité pouvait être aussi noire qu’elle était lumineuse. Si elle commençait aujourd’hui, alors même que le seuil de son existence était de plus en plus palpable, à songer à l’obscurité, jamais elle ne pourrait sortir du gouffre. Non, elle préférait penser que chacun avait une part de bonté en lui, histoire que l’équilibre naturel des choses ne soit pas trop bouleversé. « Et à celles que vous brisez en intervenant ? » ne peut-elle s’empêcher de répondre d’un même timbre que lui. Parce qu’elle se doutait au fond qu’ils n’abattaient pas que des sociopathes. Il y avait des politiques, des personnalités influentes … Et dans leurs missions, certaines devaient se conclure par les blessures d’innocents qui se seraient trouvés au mauvais endroit, au mauvais moment.  Elle-même ayant été témoin d’une fusillade … Il n’y avait qu’un pas entre justice partiale, et violence incontrôlée.

Piquée au vif, autant dans son amour-propre que dans sa dignité, son regard s’assombrit, moins conciliant, plus sévère. Jeune peut-être. Ignorante, sans doute. Mais il existait des termes appropriés pour le dire. La fusion des deux sonnait à son oreille comme un bourdonnement désagréable qui titillait son caractère, trop impétueux pour se taire  face à une sévérité paternaliste déplacée selon elle. « Évidemment. C’est plus facile de se dire que je suis trop naïve et infantile pour comprendre. Je n’ai plus cinq ans tu sais. Et j’ai déjà un père qui peut prétendre me dire que je suis trop « jeune » et « ignorante » pour entendre certaines choses. Je n’ai pas besoin d’en avoir un autre.  J’accepte la sévérité de tes propos, mais mesure-les comme si tu parlais à ton égale, et non à une enfant avec laquelle tu jouais à la poupée autrefois, et que l'on pouvait gronder. Parce que cette enfant n’existe plus désormais. » Au moins une chose était certaine, ils ne se faisaient ni l’un ni l’autre aucun cadeau. Mais elle n’avait pas la rancune facile. Au moins pouvait-elle prétendre avoir une certaine maturité à ce niveau : elle savait faire la différence entre les propos constructifs, et ceux qui ne cherchaient qu’à blesser. Là, elle ne cherchait qu’à s’affirmer face à un homme qui ne la voyait peut-être pas telle qu’elle était aujourd’hui, et qui l’observait encore parfois plus comme un souvenir que comme un être de chair, et de sang. « Je ne t’en veux pas. Même si tu as du mal à y croire, je comprends. » dit-elle en arborant enfin un sourire léger. Jusqu’à cette question. Une question personnelle, équivoque, à laquelle elle n’avait pas envie de répondre. Comme si formuler une réponse à haute voix ne ferait que matérialiser encore plus son mal. Incapable de sourire pendant un instant, comme figée dans une terreur qu’elle ne maîtrisait pas tout à fait, le silence s’installa. Sa gorge se serra. Elle prit une inspiration légère. Une part d’elle-même souhaitait se taire, parce qu’il n’avait pas besoin d’avoir ce poids sur les épaules. C’était un fardeau qu’elle estimait devoir porter seule, allez savoir pourquoi. Pourtant son cœur criait de détresse, parce qu’elle avait du mal à faire face toute seule, comme si elle était en train de patauger dans un liquide gluant qui l’empêchait d’avancer, ou de reculer. « En arrivant à Harvard, un peu avant toi, j’ai participé au Spring Break. Un voyage organisé au Chili par l’Université, j’imagine que tu en as entendu parler … Il y a eu un séisme … J’étais avec mon meilleur ami à ce moment-là, et on s’en est plutôt bien sorti mais … Dans la cohue et les éboulements j’ai avalé de la poussière … Trop de poussière. Elle s’est agglutinée … A l’intérieur. Disons que ça a accéléré le processus … Les médecins disent que ça va s’empirer de semaines en semaines, jusqu’à ce que je perde totalement le peu d’autonomie qu’il me reste et que je … Enfin, s’ils ne trouvent pas de donneur compatible il me resterait … Un an tout au plus. » Sur le coup, le regard un peu fuyant, elle eut un mouvement de recul en sentant ses doigts effleurer sa joue. Forcée à rencontrer son regard alors même qu’elle ne voulait pas qu’il voit dans quel sentiment de faiblesse elle se trouvait, sa lèvre inférieure eut un léger tressaillement, trahissant la peur qui était là, tapissée sous ses sourires, et qu’elle s’efforçait de dissimuler. Elle l’écoutait à peine. Ne comprenait qu’à demi-mot ses propositions, ses résolutions … Ses prunelles arrondies scrutaient les siennes, tentant d’y puiser une sorte de force indescriptible. S’en était presque troublant. Comme si tout d’un coup, elle le voyait différemment, comme un rempart. « Ça me terrifie. C’est comme si une épée de Damoclès se trouvait en permanence au-dessus de ma tête. Parfois j’arrive à l’oublier mais d’autres fois … Comme maintenant … Je te promets de me battre, mais, s’il te plaît … Promets-moi de ne pas t’en vouloir si … On ne trouve pas de solution. » Puis dans ses yeux, elle chercha comme une acceptation. Comme s’il était vital pour elle de savoir qu’elle ne le fasse pas souffrir, et qu’elle n’aurait pas le pouvoir de le décevoir si elle échouait en luttant. Surprise, elle eut un léger hoquet en le sentant lâcher prise, et se lever brusquement. Sur le coup, elle ne comprit pas, trop bouleversée pour réaliser que peut-être, elle avait fait preuve d’égoïsme en lui révélant une réalité qui aurait mieux fait de rester tapie dans l’ombre.

Se redressant légèrement, une larme avait coulé sur sa joue, et tandis qu’elle reprenait ses esprits, elle s’était empressée de l’essuyer d’un revers de main. Un rire, mi-nerveux, mi-spontané, s’était échappé de ses lèvres en voyant le chat majestueux faire son entrée. « Trafalgar ? C’est ta fille qui a choisi ce prénom pour lui, sérieusement ? » Demanda-t-elle en riant, cette entrée impromptue ayant le don de lui changer les esprits. Entre-temps, accroupie, elle tendait une main modeste et délicate vers l’animal, comme pour qu’il accepte et consente à sa présence. « Cela signifie que si je l’embrasse, peut-être qu’il se transformera en Prince ? N’est-ce pas Trafalgar ? » dit-elle en souriant rêveusement, ses doigts gratifiant l’animal d’une légère caresse alors qu’il semblait prendre un malin plaisir à se montrer teigneux envers son maître. « Quoiqu’il faudrait que je sois une princesse pour que cela fonctionne, et ce n’est pas le cas. » dit-elle en souriant malgré tout, se relevant pour aller s’asseoir sur le canapé, où se trouvait l’animal. A bonne distance, elle avait un coup de fatigue. Cela faisait beaucoup d’émotions en peu de temps. Aussi replia-t-elle ses pieds nus sur le canapé. Alors que Lawrence devait avoir disparu dans la cuisine (le plat sentait bon), le chat finit par venir s’installer confortablement sur ses cuisses, trouvant cela douillet probablement. « Monsieur s’installe … » murmura-t-elle en le caressant tranquillement, la mesure de ces dernières commençant peu à peu à la bercer alors qu’elle se sentait happée par une fatigue soudaine. En quelques minutes, celle-ci eut raison de ses dernières barrières. Sa tête avait trouvé refuge sur un rebord du canapé, et recroquevillée sur elle-même, Trafalgar s’était trouvé une place au milieu, comme si son corps formait un cocon confortable pour lui.  







©️ ACIDBRAIN
(Invité)