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« Faraway from home. »
lawrie & lily
Lily ne croyait en rien. Ou du moins, ne pensait pas que ces religions, qui croient en la survivance de l’homme après la mort, soient réalistes. Personne n’était vraiment revenu de l’après pour en parler explicitement. Et si elle trouvait des intérêts dans la spiritualité, il lui avait toujours été difficile de se projeter dans une religion en particulier. Elle admirait la culture hindoue pour la ferveur de ses croyances, et la façon dont elle appréhendait le monde. Mais elle, personnellement, n’avait trouvé d’affinités dans aucune d’entre elles. Ce n’était pas faute d’avoir essayé pourtant. Plusieurs fois, à l’hôpital, elle avait eu des entrevues avec un prêtre. Un passage obligatoire pour tout enfant condamné qui se respecte. Mais elle n’avait pas réitéré l’expérience, n’y trouvant pas, si ce n’est le moteur, au moins le réconfort escompté. « Je pense que dans le doute, il vaut mieux profiter de celle qui nous est déjà offerte. » murmura-t-elle doucement, ses lèvres rosées s’étirant en un sourire doux, et pensif. Depuis plusieurs années maintenant, elle avait l’impression de percevoir l’existence différemment. Ses sens, constamment à l’écoute du monde alentour, appréciaient leur environnement dans ce qu’il a de plus beau, et de plus laid à la fois. Elle s’imprégnait de chaque sensation, de chaque odeur, de chaque texture comme s’il s’agissait de la dernière. Lily, quoiqu’elle fut parfois effrayée par la perspective de l’absence, et de l’oubli d’elle-même, avait au moins trouvé un avantage à cette maladie qui la rongeait tout doucement de l’intérieur : elle ne vivait avec aucun regret, goûtant le fruit juteux de son existence sans se demander si elle devrait le laisser mûrir encore quelques temps avant de le déguster. Le temps était une incertitude indicible à propos duquel elle essayait de ne plus se poser de questions. Autour d’elle, elle voyait des gens rongés par des incertitudes et des faits du quotidien qui n’avaient pas d’importance. Comme si, dès lors que l’on avait tout son temps, on ne prenait plus vraiment le temps de l’apprécier à sa juste valeur, polluant le quotidien de pensées parasites qui nous font souffrir plus qu’elles nous font avancer.
« Un homme plein de bonnes intentions, à n’en pas douter. » lui répondit-elle, la malice sans son regard faisant écho à la sienne un instant. Touchée de ses considérations sans pour autant sembler y accorder une grande importance, intérieurement, elle était rassurée de voir qu’au moins une personne dans son entourage voyait en elle quelque chose qu’elle-même ne faisait qu’entrevoir. Peu matérialiste et superficielle, la question de la beauté physique de lui heurtait l’esprit qu’en art. Lorsqu’elle se regardait dans un miroir, elle avait tendance à être obnubilée par ces tuyaux qui l’empêchaient de respirer toutes les odeurs à plein poumons, et qui ternissaient son visage. Comme si au fil du temps elle avait disparu derrière eux. Elle lui fut reconnaissante de lui rappeler, ne serait-ce qu’un instant, que son identité ne se limitait pas à ces tubes de plastique. Venant de lui plus que d’un autre, sur le coup, cela la toucha. Même s’il n’en sut rien, comme si elle cherchait à établir un fossé entre eux pour ne pas lui laisser entrevoir ce qu’elle pouvait ressentir. « Oui. Merci Lawrie. » c’était-elle contentée de répondre, happée par les flammes dont l’ondoiement irrégulier lui rappelaient à quel point l’existence était imprévisible, et impromptue.
« Il paraît que je suis un peu bornée … Parfois. » ironisa t-elle, sentant, imperceptiblement dans sa voix une inquiétude latente. Comme si au fond, celui à rassurer, ce n’était pas elle, mais lui. Elle avait conscience qu’il connaissait plus les risques qu’elle. Que si elle avançait en terrain inconnu, lui savait pertinemment où il mettait les pieds, et où il consentait à l’emmener avec lui. Elle savait aussi à quel point ce qu’elle lui demandait était égoïste de sa part. Sentant sa main sur son épaule, elle glissa sa paume fraîche sur la sienne, la pressant un instant dans un geste conciliateur. « Il ne m’arrivera rien, ne t’en fais pas. » Elle se détacha ensuite, réalisant suite à ses dernières paroles qu’effectivement, non seulement que les heures s’étaient écoulées, mais également que le temps ne s’arrangeait pas. « Oui tu as raison, je vais le prévenir… » disait-elle, farfouillant déjà dans son sac à main à la recherche de son téléphone perdu. L’ayant déjà prévenu qu’elle ne rentrait peut-être pas, elle se contenta d’envoyer un message texte, attendant l’accusé de réception pour se diriger vers la baie vitrée du salon. Elle se permit d’entre-ouvrir les rideaux pour observer la tempête au dehors. Il faisait quasiment nuit, et les éclairs qui fendaient le ciel créaient des traces brumeuses et lumineuses dans les nuages chargés d’eau. Un spectacle grandiose pour l’artiste qu’elle était à ses heures. « Regarde Lawrie, comme c’est beau. On dirait que le ciel est en train de se déchirer en deux … Comme s’il voulait nous montrer qu’il est aussi puissant que nous sommes petits … » Sa voix se perdit dans le son tonitruant d’un éclair plus violent que les autres, alors que ses grands yeux ne se lassaient pas d’un tel spectacle … Jusqu’à-ce que son estomac ne fasse entendre un grondement rivalisant avec la tempête au dehors, la ramenant à la réalité instantanément. « Hmm … Je suis affamée. » dit-elle en riant, pourtant d’ores et déjà préoccupée par le contenu de la boîte, qui lui faisait oublier sa faim. « Tu veux regarder ce qu’il y a sur la clef usb, du coup ? »ACIDBRAIN
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