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« Faraway from home. » pv. Lawrie

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« Faraway from home. »
lawrie & lily



Lily ne croyait en rien. Ou du moins, ne pensait pas que ces religions, qui croient en la survivance de l’homme après la mort, soient réalistes. Personne n’était vraiment revenu de l’après pour en parler explicitement. Et si elle trouvait des intérêts dans la spiritualité, il lui avait toujours été difficile de se projeter dans une religion en particulier. Elle admirait la culture hindoue pour la ferveur de ses croyances, et la façon dont elle appréhendait le monde. Mais elle, personnellement, n’avait trouvé d’affinités dans aucune d’entre elles. Ce n’était pas faute d’avoir essayé pourtant. Plusieurs fois, à l’hôpital, elle avait eu des entrevues avec un prêtre. Un passage obligatoire pour tout enfant condamné qui se respecte.  Mais elle n’avait pas réitéré l’expérience, n’y trouvant pas, si ce n’est le moteur, au moins le réconfort escompté. « Je pense que dans le doute, il vaut mieux profiter de celle qui nous est déjà offerte. » murmura-t-elle doucement, ses lèvres rosées s’étirant en un sourire doux, et pensif. Depuis plusieurs années maintenant, elle avait l’impression de percevoir l’existence différemment. Ses sens, constamment à l’écoute du monde alentour, appréciaient leur environnement dans ce qu’il a de plus beau, et de plus laid à la fois. Elle s’imprégnait de chaque sensation, de chaque odeur, de chaque texture comme s’il s’agissait de la dernière. Lily, quoiqu’elle fut parfois effrayée par la perspective de l’absence, et de l’oubli d’elle-même, avait au moins trouvé un avantage à cette maladie qui la rongeait tout doucement de l’intérieur : elle ne vivait avec aucun regret, goûtant le fruit juteux de son existence sans se demander si elle devrait le laisser mûrir encore quelques temps avant de le déguster. Le temps était une incertitude indicible à propos duquel elle essayait de ne plus se poser de questions. Autour d’elle, elle voyait des gens rongés par des incertitudes et des faits du quotidien qui n’avaient pas d’importance. Comme si, dès lors que l’on avait tout son temps, on ne prenait plus vraiment le temps de l’apprécier à sa juste valeur, polluant le quotidien de pensées parasites qui nous font souffrir plus qu’elles nous font avancer.

« Un homme plein de bonnes intentions, à n’en pas douter. » lui répondit-elle, la malice sans son regard faisant écho à la sienne un instant. Touchée de ses considérations sans pour autant sembler y accorder une grande importance, intérieurement, elle était rassurée de voir qu’au moins une personne dans son entourage voyait en elle quelque chose qu’elle-même ne faisait qu’entrevoir. Peu matérialiste et superficielle, la question de la beauté physique de lui heurtait l’esprit qu’en art. Lorsqu’elle se regardait dans un miroir, elle avait tendance à être obnubilée par ces tuyaux qui l’empêchaient de respirer toutes les odeurs à plein poumons, et qui ternissaient son visage. Comme si au fil du temps elle avait disparu derrière eux. Elle lui fut reconnaissante de lui rappeler, ne serait-ce qu’un instant, que son identité ne se limitait pas à ces tubes de plastique. Venant de lui plus que d’un autre, sur le coup, cela la toucha. Même s’il n’en sut rien, comme si elle cherchait à établir un fossé entre eux pour ne pas lui laisser entrevoir ce qu’elle pouvait ressentir. « Oui. Merci Lawrie. » c’était-elle contentée de répondre, happée par les flammes dont l’ondoiement irrégulier lui rappelaient à quel point l’existence était imprévisible, et impromptue.

« Il paraît que je suis un peu bornée … Parfois. » ironisa t-elle, sentant, imperceptiblement dans sa voix une inquiétude latente. Comme si au fond, celui à rassurer, ce n’était pas elle, mais lui. Elle avait conscience qu’il connaissait plus les risques qu’elle. Que si elle avançait en terrain inconnu, lui savait pertinemment où il mettait les pieds, et où il consentait à l’emmener avec lui. Elle savait aussi à quel point ce qu’elle lui demandait était égoïste de sa part. Sentant sa main sur son épaule, elle glissa sa paume fraîche sur la sienne, la pressant un instant dans un geste conciliateur. « Il ne m’arrivera rien, ne t’en fais pas. » Elle se détacha ensuite, réalisant suite à ses dernières paroles qu’effectivement, non seulement que les heures s’étaient écoulées, mais également que le temps ne s’arrangeait pas. « Oui tu as raison, je vais le prévenir… » disait-elle, farfouillant déjà dans son sac à main à la recherche de son téléphone perdu. L’ayant déjà prévenu qu’elle ne rentrait peut-être pas, elle se contenta d’envoyer un message texte, attendant l’accusé de réception pour se diriger vers la baie vitrée du salon. Elle se permit d’entre-ouvrir les rideaux pour observer la tempête au dehors. Il faisait quasiment nuit, et les éclairs qui fendaient le ciel créaient des traces brumeuses et lumineuses dans les nuages chargés d’eau. Un spectacle grandiose pour l’artiste qu’elle était à ses heures. « Regarde Lawrie, comme c’est beau. On dirait que le ciel est en train de se déchirer en deux … Comme s’il voulait nous montrer qu’il est aussi puissant que nous sommes petits … » Sa voix se perdit dans le son tonitruant d’un éclair plus violent que les autres, alors que ses grands yeux ne se lassaient pas d’un tel spectacle … Jusqu’à-ce que son estomac ne fasse entendre un grondement rivalisant avec la tempête au dehors, la ramenant à la réalité instantanément. « Hmm … Je suis affamée. » dit-elle en riant, pourtant d’ores et déjà préoccupée par le contenu de la boîte, qui lui faisait oublier sa faim. « Tu veux regarder ce qu’il y a sur la clef usb, du coup ? »


©️ ACIDBRAIN

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Sans être expert sur le sujet, j’avais déjà fait la connaissance de personnes qui souffraient de maladies dites incurables, comme Lily. Une maladie leur laissant peu de répit et ne permettant pas de se projeter sur le long terme, quelle que soit son avancée, ses mutations potentielles ou ses incidences réelles ou psychologiques que l’état de la personne. Ceux qui subissent cette situation difficile entrevoient généralement la vie différemment de vous ou de moi. Ils n’ont parfois pas l’impression de vivre, mais de survivre, surtout lorsque la souffrance physique est bel et bien présente au quotidien. Ils ne songent pas à faire des enfants, parce qu’ils craignent de ne pas avoir le temps de les voir grandir, ni de pouvoir les élever sans songer à leur propre échéance. Ainsi, ils les évitent alors qu’ils adorent les entendre rire et les voir jouer. Certains se mobilisent professionnellement, devenant des acharnés de travail en pensant qu’à défaut de pouvoir contrôler leurs symptômes, ils ont au moins réussi quelque part ailleurs, dans un domaine plus neutre, aussi épuisant à la longue pour leur état de santé, mais surtout qui ne les oblige pas à s’impliquer émotionnellement. C’était une manière d’être reconnu dans un cadre formel où nul n’est censé connaître votre vie privée et les difficultés que vous y rencontrez. Tout le monde vous traite comme votre voisin, aucun privilège, aucune concession, votre maladie est parfaitement dissimulée aux yeux de vos collègues. Il m’arrivait parfois de songer à Lily sans un angle différent. Je ne la considérais pas comme une malade condamnée, bien que je sache qu’elle le soit. Peut-être justement était-ce cette maladie qui l’infantilisait à mes yeux. Quoiqu’il en soit, je profitais du temps qu’il me restait en sa compagnie, avec un étrange arrière goût d’amertume au fond de la gorge. Comme une vérité que l’on a du mal à sortir, que l’on sait ne jamais pouvoir accepter. Je n’étais pas l’homme le plus émotif de la planète, ni le plus doué pour montrer ses émotions, mais loin d’être insensible au sort de ma jeune amie, je veillais dans l’ombre, surprotecteur depuis longtemps, un cœur bouleversé par une injustice de plus qu’il ne peut réparer. Au moins m’avait-elle, pour un temps, écouté et pouvait-elle en conclure que mon regard sur elle n’était pas celui d’un médecin pour sa patiente, mais d’un ami aimant et sincère.

L’atmosphère se réchauffa peu à peu lorsqu’une pincée d’humour relança la conversation vers un sujet moins sérieux. « Un peu ? Parfois ? » ironisai-je à mon tour en penchant la tête en avant, un sourire taquin sur les lèvres. Lily était la jeune femme la plus entêtée que je connaisse à ce jour. Sûrement les gènes de papa, maintenant que j’y pense. Encore que dans certaines circonstances, je n’entrevoyais pas ce trait de caractère comme un défaut mais une qualité. Les gens entêtés sont tenaces, et il en fallait beaucoup pour parvenir à les soumettre. L’une des qualités qui faisait qu’un agent arrivait toujours au bout de sa mission, fidèle à sa cause. Sans croire qu’elle disait vrai, mais sans mentir non plus, nous ne savons pas de quoi l’avenir serait fait, je lui souris tendrement à sa main qui effleure la mienne et aux paroles censées apaiser mes craintes qu’elle prononce. Après quoi, patientant le temps que son père soit prévenu de ce qu’elle resterait dormir chez « une amie », je me dirige vers la cuisine, sortant mon livre de recettes et quelques plats des divers placards qui siégeaient autour de moi, avant que mon attention ne soit de nouveau réclamée par la jeune femme. Les rideaux à peine entrouverts, je dus me placer derrière elle afin d’observer ce qu’elle avait souhaité me montrer. La magnificence de la Nature et sa force brute dans toute sa splendeur. « Beau, je ne sais pas, impressionnant certainement. » répondis-je calmement. La dépassant de deux bonnes têtes, mon souffle faisait voleter quelques mèches rousses à chaque fois que j’entrouvrais les lèvres, les yeux fixant sans sourciller le spectacle à l’extérieur. Au son que produisit soudainement son ventre, je ne pus retenir un petit rire alors que je baissais les yeux vers Lily, conquis. « On dirait bien, oui. Ca tombe bien, je n’ai pas encore utilisé la cuisine depuis mon emménagement. Pour la clé USB, je vais laisser mon ordinateur casser les codes s’il y en a. Ca peut prendre du temps. En attendant… » Me dirigeant vers ma chambre, je reviens avec mon portable, le déposant sur la table basse du salon, avant de récupérer la clé usb des mains de la jeune femme. Une fois branchée, je ne prends que quelques secondes pour déclencher le décryptage de la clé, avant de m’en retourner à la cuisine, me laver les mains, et enfiler un tablier. Le premier qui se moque aura de mes nouvelles. « Alors, que désire mademoiselle pour son dîner ? » lui demandai-je, prêt à me mettre aux fourneaux. Cuisinier hors pair, je n’avais pourtant jamais le temps de me préparer à manger, me contentant d’un repas pris sur le pouce, sur le campus comme dans ma profession véritable.



© belzébuth


@Lily-Rose S. Hopkins
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En guise de réponse, une petite tape dans l’épaule et un nez retroussé, mécontent. « Moque-toi, tu n’es pas mieux ! » Un sourire de défiance, un rire cristallin plus tard, et elle mentait sans vergogne à son paternel sur son lieu de « révisions ». Bon après, pour sa défense, c’était Lawrie qui lui avait expressément demandé de ne pas dire à son père, pour le moment, qu’il était dans la région. Et connaissant son paternel, si elle avait osé dire qu’elle dormait chez « son ami Lawrence », il aurait rappliqué en deux deux pour lui demander son numéro de sécurité sociale et son casier judiciaire. Juste au cas où.  Non non, un petit mensonge ne lui ferait pas de mal. Ni à lui, ni à elle. Et puis de son côté, niveau mensonge, il était devenu expert. Aussi n’avait-elle aucun scrupule à omettre certaines informations.

« Tu n’as jamais utilisé la … ? Attends un peu, tu veux dire que tu as une cuisine gigantesque, et que tu ne t’en sers jamais ? Rah lala … Je te ferais des explosions culinaires là-dedans moi, j’te l’dis. » dit-elle en prenant l’initiative d’aller inspecter le contenu de son frigo. Bon ce n’était pas mirobolant, on voyait bien qu’il n’était pas souvent chez lui. Les quelques fruits et légumes qui se battaient en duel en témoignaient, mais ils feraient l’affaire. Se retournant en portant la corbeille pour la poser sur son ilot central, elle eut un petit air rêveur en l’observant en tenue de cuisinier. « Pas mal ton tablier. La dernière fois que j’ai vu un homme en tablier, c’était dans un cours d’art appliqué. Sauf qu’il n’avait rien en dessous. Et qu’il était atrocement poilu. » Une décontraction désarmante, un humour peut-être un peu brute de pomme concernant l’anecdotique, en y repensant ses yeux s’arrondirent comme des soucoupes, avant qu’un sourire mutin n’illumine ses traits. « Qu’est-ce que tu penses pouvoir nous concocter dis-moi ? J’aime tout … Et je peux t’aider si tu veux. Pour éplucher. » Proposa-t-elle de bon cœur, étant de toute façon incapable de rester assise à le regarder faire sans mettre la main à la pâte.

Sans vraiment s’en rendre compte, Lily appréciait cet instant. Pour sa simplicité, son côté bon-enfant. Aussi parce qu’elle se sentait suffisamment à l’aise en sa présence pour être elle-même, sans faux-semblant, ni sourires imparfaits. Cela la sortait d’un quotidien qui depuis quelques temps avait tendance à l’étouffer, au sens propre et littéral du terme. Lawrence avait cette maturité, dû probablement à son âge, qui le rendait plus subtile dans sa façon d’aborder les choses. C’était plus subtil en tout cas que les jeunes gens de son âge, qui avaient parfois tendance à se borner à leurs premières impressions sans dépasser leurs préjugés. C’était rafraîchissant de savoir qu’elle n’était pas là pour être jugée, mais juste, pour apprécier une présence. Déjà armée d’un économe pour éplucher les quelques carottes qui agrémenteraient le futur plat (dont elle lui laissait le secret, ayant bien vu qu’il était équipé et fin prêt à cuisiner), son entreprise était déjà avancée, lorsqu’elle crut entendre une voix qui venait du salon. De son ordinateur plus précisément. « Qu’est-ce que … ? »

Reposant avec précaution l’économe sur la planche à découper, essuyant ses doigts sur un torchon, elle se dirigea d’un pas feutré vers la voix, comme happée par celle-ci. A chaque pas, elle sentait son cœur se serrer dans sa poitrine, et en même temps, ses membres se glacer d’effroi. Cette voix … elle la connaissait. Ou au moins, l’avait connue. Effleurant le pourtour de l’écran avec sa main, elle s’était assise devant l’écran, sourcillant à peine. Visiblement son logiciel était plus efficace que tous ceux qu’elle avait pu essayer. Il avait déjà ouvert la clef, et une vidéo, première d’une longue série, s’était mise en route toute seule. Les lèvres légèrement entre-ouvertes, la première vidéo s’était terminée sans qu’elle n’ait vraiment le temps d’en comprendre le sens, et la seconde s’était mise en route. C’était Wolfgang, elle le reconnaissait. Sauf qu’il était un peu plus jeune que lorsqu’ils s’étaient rencontrés. Face cam, dans une pièce isolée et dépourvue de mobilier, le compteur de la vidéo défilait en haut à gauche, tandis qu’à droite était indiquée une date. Cette vidéo avait été filmée, semble-t-il, en 2011.  « Agent Amadeus pour rapport de la mission A64216, semaine 2 … Viens d’établir le premier contact … Entrevue encore compromise, mais sur la bonne voie. Merci de me transmettre les identités et dossiers des photos des hommes en pièce jointe. Terminé. »

Pas forcément certaine de ce qu’elle venait de voir et d’entendre, Lily avait blêmit, n’ayant d’un seul coup plus vraiment faim. Presque compulsivement, elle avait remis la vidéo au début, pour la visionner une fois, puis deux. C’était comme s’apercevoir au bout de plusieurs années que l’homme que vous pensiez connaître, n’avait en réalité rien à voir. C’était quoi ce pseudonyme « Amadeus » ? Un lien avec son prénom peut-être ? A moins que ce dernier soit une couverture lui-aussi. Pendant une faction de secondes, elle se demanda si elle avait fait le bon choix en s’entêtant dans cette voie. Mais une bouffée d’air plus tard, elle parcourait déjà les noms des différents fichiers du regard. Il y avait des centaines de vidéos de quelques minutes à peines, des dossiers dont les noms ne ressemblaient à rien à part des suites de chiffre. Quelques dossiers semblaient porter seulement des noms de famille : Carter, Stewart, Adams, Silver … Et un parmi eux attira son attention. Il s’intitulait « Hopkins ». Comme son nom de famille. Sauf que lorsqu’elle voulut cliquer dessus pour en voir le contenu, le fichier se bloqua, vraisemblablement codé avec un système de défense beaucoup plus poussé que celui de la clef, qui nécessitait une hacker humain, et non informatique. « Qu’est-ce que c’est que ce bordel … » avait-elle murmuré dans un russe à peine audible, son cœur battant la chamade dans sa poitrine.  Lily avait gardé l’habitude de parler en russe lorsqu’elle était contrariée.



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Un sourire à peine dissimulé, un regard amusé, et je n’ai pas même besoin de lui répondre qu’elle comprend le sous-entendu sur mes traits. Non, je ne suis pas mieux, je suis pire. Lorsque je dois résoudre une enquête, dans ma vie professionnelle notamment, j’étais un véritable pitbull. Tenace, entêté, nul ne m’échappait jamais. Une idée en tête et ça y est, vous pouviez être certain qu’elle se réaliserait à un moment ou à un autre, juste parce que je l’avais décidé et que je gardais toujours le contrôle de tout. Certains parlent d’organisation en y faisant référence. En vérité, il s’agit plutôt d’une forme d’autoritarisme léger.

Derrière le comptoir de la cuisine, tablier autour du cou et de la taille, je me prépare à opérer. Mais lorsque Lily ose me rapprocher la gestion de mon temps personnel, qui oubliait entre autres l’utilisation de la cuisine qui, effectivement coupait pratiquement la pièce en deux, je ne peux que soupirer avec un rire grave et bref, signe que celle-là, je l’attendais venir. « Des explosions, hum ? Je te serais reconnaissant de ne pas t’approcher de ma cuisine. » lançai-je avec défiance en lui montrant le temps d’une seconde le couteau que j’avais dans la main. Pas d’explosions ici. Parce que cette villa, c’est une location. Sauf qu’évidemment, puisque nous avions fait référence précédemment à l’entêtement de la demoiselle, Lily ne m’a pas écouté. Lily est déjà dans la cuisine, penchée au dessus du frigo dont la porte entrouverte laissait filtrer l’air froid à travers la pièce. Bon, soit. Puisqu’elle semble incapable de rester en place, je ne la forcerai pas. Même si elle venait de dévaliser la totalité de mon garde-manger. Attrapant deux légumes parmi ceux qu’elle avait retirés du frigidaire, je commence par les découper en petits cubes, hachant avec précision et rapidité, en empruntant de nouveau pendant que Lily m’observait à quelques mètres de là. Là, ma main s’arrête de découper, une fraction de secondes, avant de reprendre comme si de rien n’était. Un sourire entendu et, je dois dire, un tantinet gêné, répond à la jeune femme tandis que mes yeux demeurent sur les légumineux que je plonge dans le saladier. « Je t'avoue que je ne sais pas très bien comment réagir face à un tel aveu. » lâchai-je, mi amusé, mi sérieux. « Tu n’espères tout de même pas que je vais enlever mes vêtements pour que tu puisses faire de moi ta muse ? » repris-je en lui jetant un regard malicieux. Vinaigre…vinaigre…ah voilà… Quant à sa réflexion sur la pilosité de ce monsieur dont le nom qui m’échappait ne me dérangeait absolument pas, je préférais en rester là, et faire le mort à ce sujet. Non seulement parce que je ne savais réellement pas quoi répondre, mais en plus, lorsqu’il s’agissait du corps humain dans tout ce qu’il avait de subjectif et d’imparfait, mes yeux n’étaient pas ceux d’un artiste capable d’apprécier l’une ou l’autre courbure, mais juste ceux d’un homme qui s’étonne qu’un corps puisse être autrement apprécié que par celui qui le possède, sentimentalement ou sexuellement. En d’autres termes, ce genre de conversation risquait, sur le long terme, de me mettre mal à l’aise. « Hum, tu peux éplucher les aubergines, si tu veux. » La plupart des gens ne le faisait pas. Sauf que pour ce plat d’origine italienne, et tunisienne, il était nécessaire que la chair de ce légume soit bien molle et bien cuite, et que le goût âpre de sa peau soit oublié. Pendant ce temps, je terminais de couper les tomates et les oignons, de rajouter du céleri et des olives noires à la fleur de menthe. Ne restait plus que les câpres et l’huile d’olive pour que le plat principal soit prêt. « As-tu déjà visité l’Italie ? C’est un pays magnifique, empreint d’histoire. Les Italiens sont par ailleurs des gens très classieux et fiers de leur culture. Beaucoup plus que nous autres anglais, par exemple. Un jour que j’ai été en Sicile, j’ai logé dans une petite auberge tenu par un vieux couple absolument adorable. Ils ont été mariés pendant plus de trente ans, ont eu trois beaux enfants qui vivaient à Rome et qui leur manquaient beaucoup, d’après sa femme. Le départ des enfants avait fait qu’ils avaient ressenti un grand vide dans la maison. Plus de bruits, plus de rires, ou de cris à cause de la boue que le plus jeune avait laissée sur le paillasson ou de l’aînée qui laissait traîner ses affaires. C’est la raison pour laquelle ils avaient décidé de construire cette auberge, pour avoir de nouveau des gens chez eux, pouvoir discuter, mettre fin au silence qui à force, était devenu trop pesant. Tu as fini avec les aubergines ? » A leur tour d’être découpées en lamelles avec une précision chirurgicale, avant de rejoindre le reste de la poêlée de légumes. Retirant deux petits bols du placard, je les dépose sur le comptoir avant de terminer mon récit, le nez toujours dans la préparation du dîner. « Ce plat s’appelle la « caponata ». C’est chez eux que je l’ai découvert. Il est très facile à faire, bien que cet homme m’a dit un jour que la majorité des italiens, du moins la nouvelle génération, avait tendance à oublier le principal. » Laissant de côté les légumes, j’attrape une bouteille contenant un liquide noir-marron que je verse dans un autre bol. Juste trois cuillères à soupes. Je me déleste ensuite de quelques morceaux d’oignons, agrémentés d’une pincée de sel et de poivre. Le pot de miel que je viens de retirer d’un énième placard en main, je glisse une petite cuillère à l’intérieur avant de l’ajouter à ma mixture qui enfin, peut être mélangée. « Tu aimes le poisson, n’est-ce pas ? » demandai-je alors à la jeune femme en m’apprêtant à sortir deux tranches de filet de dorade du réfrigérateur.

C’était assez étrange de constater que j’aimais faire la cuisine, que j’étais doué pour faire la cuisine, mais je ne le faisais jamais et que je n’appréciais ce moment que lorsqu’il s’agissait de plaire aux papilles gustatives d’une autre personne que moi-même. Comme Lily, j’appréciais cet instant où nous étions tous les deux comme par le passé, juste en famille. A discuter de tout et de rien, jusqu’à en oublier presque nos petits soucis du quotidien…jusqu’à ce qu’ils se rappellent à nous. Car comme elle, je venais d’entendre. Le plat venait d’être mis au four, et mes mains se lavaient déjà sous l’eau froide de l’évier de la cuisine alors que mon regard fixait intensément mon ordinateur posé sur la table du salon. Au vu de la réaction surprise et choquée de Lily, cette voix était celle du fameux Wolfgang. De peur de l’effrayer alors qu’elle semblait déjà dans un autre monde, je m’étais rapproché, furtivement, jusqu’à me poser derrière elle pour, moi aussi, visionner les quelques vidéos qui défilaient sous nos yeux. Chaque détail, chaque tremblement de voix, chaque son étouffé ou écriture à peine visible mais pouvant être déchiffrée, je le gardais en mémoire pour plus tard, y revenir. Pour le moment, mon attention était revenue à Lily, l’esprit trop confus pour envisager d’oublier ce qu’elle avait aperçue, pour y donner le moindre sens et ce dont pourtant, elle avait le plus besoin. Jusqu’à ce que son nom de famille apparaisse. Mes sourcils se froncent, pendant que je réfléchis à toute vitesse. Sur le coup, je m’étais penché sur l’écran de mon ordinateur pour être sûr d’avoir bien lu. Le fait que nous puissions pénétrer ce fichier d’archive portant son nom prouvait au moins une chose : que son père y était mêlé d’une manière ou d’une autre. Or, si celui-ci était lié au dossier de Wolfgang, et il l’était puisqu’il était cité sur cette liste elle-même figée sur cette clé usb qui lui appartenait jadis, cela ne pouvait vouloir dire qu’une seule chose : Wolfgang avait été ou agent, ou la cible d’un autre agent. Et sur ce point un seul nom me venait en tête si on combinait tous les critères, à commencer par la relation qu’entretenait jadis Lily et ce jeune homme : Hopkins. Le visage fermé, je me relève, droit comme un I, et fait mine de réfléchir en m’éloignant de quelques mètres. Lily a-t-elle compris ?


© belzébuth


@Lily-Rose S. Hopkins

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« Je n’y avais pas pensé, mais, puisque tu en parles … Pourquoi pas écoute. Il paraît que tout artiste digne de ce nom a sa muse. » le défia-t-elle avec une fausse naïveté apparente, voulant le prendre à son propre piège. Elle avait bien senti que sa remarque l’avait gêné. Loin de l’imaginer prude, elle se rendait compte néanmoins que lorsqu’il s’agissait de nudité et de corps humains, beaucoup avaient du mal à en parler sans rougir. Lily avait tendance à concevoir le corps comme une enveloppe plutôt que comme une entité unique, faite de sensualité et de fibres qui vous attiraient ou non. Habituée, du fait de ses études notamment, à dessiner le corps humain sous toutes ses coutures, elle y trouvait une beauté subjective, et avait appris à dompter les corps dans leurs lignes en oubliant la gêne qui pouvait aller avec le regard. Pour elle, chaque courbe était une histoire, chaque arque, un indice. Elle ne voyait pas cela dans son côté charnel, mais plus dans son aspect poétique. Avec un regard d’artiste en somme. Mais elle oubliait souvent que tout le monde n’avait pas un rapport si décontracté à la nudité, aussi ne revint-elle pas sur le sujet. Une autre fois peut-être lui expliquerait-elle sa vision. Mais pour l’heure, l’odeur qui se dégageait de son plat en cours de préparation lui chatouillait les narines, et quoique concentrée sur son entreprise d’épluchage, un air rêveur était apparu sur ses traits. Sans s’en rendre compte, il l’emportait dans cette Italie subjective qu’elle n’apprivoisait pas tout à fait mais qui l’attirait malgré elle. « Non jamais … Mais j’aimerais bien avant de … » elle s’interrompit, songeuse en pensant à cette auberge presque idyllique, et en imaginant la tiédeur de l’Italie sur sa peau, le souffle caressant des architectures somptueuses et des paysages à couper le souffle qui l’appelaient. L’Italie, un pays riche d’une culture inépuisable dont on ne se lassait pas d’écouter la langue, chaude, et chantante à la fois. « Cette auberge … Elle existe toujours ? Tu … Tu me la montrerais ? » dit-elle avec une curiosité, emplie d’envie, craintive en même temps à l’idée que ces deux aubergistes n’existent plus à présent. « Oui oui j’adore ? Ca sent bon en tout cas … »

Puis redescendant d’un nuage plein de perspective, et d’une douceur peut-être trop ésotérique pour être réelle, il y avait eu cette voix. A présent figée devant l’écran de l’ordinateur donc la lumière se reflétait sur son visage pâle, une boule commençait peu à peu à se former dans son estomac. Un doigt suspendu dans les airs, elle n’osait cliquer sur la vidéo suivante. Elle n’était pas sure de comprendre, ou du moins, elle avait peur d’entrer sur un chemin semer de ronces, qui ne ferait que s’acharner sur son cœur fébrile. Malgré tout, comme si une conscience l’appelait, et une force intuitive inébranlable l’animait sans qu’elle s’en rende compte, elle avait retrouvé de sa contenance. « Quels types de codes utilisez-vous au MI6 lorsque vous êtes en missions d’infiltrations ? Surnoms ? Numéros ? Pseudonymes ? » Ce qu’elle voulait savoir, c’est de quelle organisation il faisait partie. Parce qu’il était évident qu’il rendait des rapports à quelqu’un. A peine hésitante, elle double-cliqua sur le dossier Hopkins, qui évidemment était protégé par un mot de passe. Elle essaya un mot, puis un autre … dernier essai à présent … Songeuse, elle se concentra un instant, repensant aux moments qu’ils avaient pu passer ensemble, ce qui pour lui, lui avait semblé avoir de l’importance … Son frère par exemple … Et John Coltrane. « Blue … Train … » murmura-t-elle à mi-voix tandis qu’avec précaution, ses doigts s’imprimaient sur les différentes touches. Elle avait fermé un œil, déjà préparée à entendre le petit bruit du « mot de passe incorrect ». Sauf que cette fois-ci, il y eu un bruit d’ouverture. Rouvrant les yeux, ils s’arrondirent. Beaucoup de photographies, prises à la dérobée bien sûr. Et dessus, son père. Parfois elle était avec lui. Parfois il était seul. D’autres fois, vraisemblablement en rendez-vous avec diverses personnalités. Son dossier personnel confidentiel était également présent. Ou du moins, au moins une copie numérique. Ses informations personnelles y étaient répertoriées … Nom, adresse, nombre d’enfants, d’épouses. Apparemment son petit Papa n’était pas seulement le petit informaticien de bureau qu’il prétendait être, il était aussi un agent de terrain à temps plein. Il avait un statut de tuteur et de référence en Russie. D’après ce qu’elle lisait, il était affecté sur divers territoires pour être l’agent référent de terrain de ceux qui étaient envoyés en mission d’infiltration. Il concourait aux missions des autres agents, en tant que renfort sur place, fournissant des échappatoires, des armes, des soins, ou le cas échéant, des ordres de retrait. Parmi les missions auxquelles il avait participé, la A64216 était mentionnée. « Je vais le tuer. » murmura-t-elle en serrant les dents. « Mais pourquoi il ne m’a rien dit ?! Wolfgang est venu plusieurs fois à la maison, jamais j’aurais imaginé qu’ils puissent se connaître … Voire même… Qu’ils travaillaient ensemble ! Bon c’est vrai que la première fois que je lui ai présenté Papa, il avait l’air plutôt surpris et pas vraiment ravi mais … » elle se souvint alors de toutes les fois où son père l’avait dissuadée d’être avec Wolfgang, parfois avec un air menaçant. Une fois même lui avait-il glissé qu’il n’hésiterait pas à employer des mesures radicales s’ils ne cessaient pas de se voir … Il n’aurait pas osé … Ne pas intervenir quand la mission avait mal tourné ? Ne pas lui envoyer du renfort lorsque son identité aurait été découverte au sein de la mafia russe, particulièrement sanglante ? Soucieuse de ces conclusions hâtives, elle prit une longue inspiration. A présent, elle n’était plus très sure de vouloir savoir. Elle savait que son paternel était un radical, et que lorsqu’il s’agissait de sa sécurité, il était prêt à tout, même au plus méprisable. Mais aller jusque-là … Elle avait du mal à l’imaginer.

Brusquement elle s’était levée, le cœur battant la chamade, les mains légèrement tremblantes. Figée et raides face à la fenêtre close, elle effleura sa lèvre inférieure une fois, puis deux, sourcillant à peine quand un éclair fendait le ciel et de réverbérait en flashs dans la vitre. « Le … Le soir où il est mort. Il était inquiet … Je m‘en souviens. Mais il ne voulait pas me dire pourquoi. On était allés comme souvent dans un pub, en ville, où ils avaient l’habitude de faire des concerts de jazz. Il n’arrêtait pas, sans arrêt, de regarder frénétiquement autour de lui. Comme si … Il attendait quelqu’un, ou quelque chose. On n’est pas sortis très tard, 23h à peine. Il n’y avait pas grand monde dans la rue … J’étais restée un peu en retrait, sous le porche parce qu’il pleuvait, et qu’il avait proposé d’aller chercher sa voiture de l’autre côté de la rue pour nous ramener …  Une voiture s’est arrêtée à côté de lui alors qu’il s’apprêtait à traverser. Un homme a baissé ses vitres, avant comme arrière. Au début, il a regardé à l’intérieur … Comme s’il s’attendait à voir quelqu’un … Puis il a eu un sursaut, et … Ils lui ont tiré dessus. Quelqu’un m’a tiré à l’intérieur à ce moment-là donc je n’ai pas eu le temps de voir … Juste d’entendre … » ses paupières se fermèrent un instant. « Ils ne lui ont pas tiré dessus une seule fois Lawrie … Ils l’ont massacré … Criblé de balles … Devant tout le monde … Sans se soucier de qui pouvait les voir … Et personne n’a osé appeler la police … Personne. » Son poing s’était serré. Elle ne pleurait pas. Pas vraiment. Comme figée dans une froideur glaciale qui ne lui ressemblait pas, mais qui malgré tout était sa seule façon de tenir debout. « Il savait qu’ils allaient venir. Il le savait, j’en suis persuadée. Et je suis sure que si on regarde toutes ces vidéos, l’une d’entre elle le confirmera. Mais si c’est le cas … Ça voudra dire que celui à qui étaient adressées ces vidéos a consciencieusement fermé les yeux. »  




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Encore une fois, je prenais le partie de garder le silence, gêné que Lily puisse avoir de telles idées. Evidemment, je me doutais bien qu’une partie de ses propos étaient ironiques, jamais elle n’oserait me demander de me dévêtir pour satisfaire son âme d’artiste, et jamais en aucun cas je ne me déshabillerai à cette fin. Bien que je ne sois pas de ceux qui pouvaient rougir face à la nudité ou en se dénudant lui-même, poser en tant que modèle était légèrement différent au sens où vous étiez observé sous toutes les coutures, chaque détail même infime est sublimé. Or, c’était précisément le regard de l’artiste qui me dérangeait, pas au point de me sentir « nu » sans jeu de mots en sa compagnie, mais curieusement observé, ce dont j’avais horreur ailleurs que dans l’intimité. Dans mon souvenir, l’auberge à laquelle je venais de faire référence se distinguait parfaitement à travers les collines, et un rire discret se fit néanmoins entendre à la question de la jeune femme. Avait-elle pensé que ces deux aubergistes avaient fait partie de ma mission à l’époque ? Qu’en d’autres termes, je les avais fait disparaître de la surface de la Terre ? Je ne le saurais jamais, mais l’idée quoique d’humour noire, m’avait pourtant amusée. « Oui, normalement elle devrait toujours exister. » L’emmener ? En Italie ? Je ne sais pas si je suis le mieux placé pour l’emmener en voyage avec moi dans un pays où rôde la mafia et où j’avais déjà posé mes marques d’agent. Cependant, elle semblait y tenir, et je suppose que sa question équivalait davantage à une demande formulée sur le long terme que pour un futur proche. « Si tu veux. Un jour, je t’y emmènerai. » lui fis-je alors la promesse avant que notre dîner ne parfume la pièce d’odeurs plus alléchantes les unes que les autres.

« Tout dépend de la mission. » répondis-je à la fois sérieux et pensif, bien loin des considérations sentimentales de la jeune femme, car occupé à réfléchir à toute vitesse à ce que je voyais et entendais actuellement. « En général, nous utilisons des pseudonymes en fonction du lieu où se trouve la mission. Parfois même en fonction des individus à éliminer. » ajoutais-je calmement comme si j’étais en train d’annoncer la pluie et le beau temps. Les bras croisés contre mon torse, le visage en apparence neutre, j’avais pourtant l’esprit ailleurs, marqué par un conflit intérieur que je ne parvenais pas à solutionner. Le dos droit, immobile, je n’avais toujours pas esquissé un seul geste depuis que Lily avait ouvert sa première vidéo, ni aux suivantes. Je n’avais pas non plus cherché à l’en empêcher lorsqu’elle tenta de composer plusieurs mots de passe pour finalement trouver le bon. Comment l’avait-elle découvert ? Parce que cette affaire était liée de très près à son ex petit-ami russe. Et plus on avançait dans la pénombre, plus je m’apercevais qu’elle liait aussi l’agence, et particulièrement…le père de Lily. A chaque nouvelle donnée, mes sourcils se fronçaient un peu plus et mes traits se durcissaient.  J’étais au courant pour certains dossiers, certaines informations ‘confidentielles’, mais pour d’autres, je demeurais dans le flou, autant que la jeune femme à l’heure actuelle. Et s’il y avait bien une chose qui m’agaçait, c’était les secrets. En particulier les secrets de famille. Lily et son père faisait partie de ma famille, aussi je ne comprenais pas qu’il ait pu me cacher certaines informations. Plus je les découvrais, et plus mon envie de m’expliquer avec lui augmentait, au point d’en devenir insupportable. En tant qu’agent, je songeais aux raisons qui l’avaient poussées à la dissimulation et au mensonge. En tant qu’ami, mon ego venait d’en prendre un sacré coup. Les premières réactions furent celles de sa fille, forcément. De mon côté, je ne réagissais pas encore, trop conscient des implications. Lui permettant de déchaîner ses émotions alors même que les miennes restaient cloîtrées au plus profond de mon être, je l’écoutais sans mot dire jusqu’à ce que j’en arrive aux mêmes conclusions que Lily. Et si la mort de Wolfgang était liée à sa relation avec Lily ? Et si le meurtrier ne lui était pas si inconnu que cela ? Finalement, sa voix change, tremblante, alors qu’elle me fait le récit de sa dernière nuit en sa compagnie. Sortant à peine des limbes de la réflexion, mon regard s’éloigne de l’écran pour la suivre jusqu’au devant la baie vitrée devant laquelle elle s’arrête, le cœur visiblement troublé. A la fin, j’hésite un moment quant à la réaction à tenir face au chagrin et à la colère de Lily. Me rapprochant alors, mes mains quittent le confort de mes bras entrecroisés pour agripper ses épaules, et descendre le long des siens en une douce caresse. La dépassant de deux bonnes têtes, mon menton effleure à peine le haut de son crâne, alors, je me penche en avant, juste assez pour pouvoir lui glisser à l’oreiller quelques mots murmurés. « Je suis désolé. » Je savais que ça ne changerait rien. Que quoique je dise, le mal était fait, et que je n’étais en rien responsable, mais mine de rien, je me sentais responsable…de Lily. Pas comme un père pour sa fille, bien que ça avait toujours le cas jusqu’à maintenant, mais plutôt comme un ami d’expériences qui avait déjà vécu une tragédie telle qu’il savait ce qu’elle représentait et comment y faire face à l’avenir. Je n’avais pas besoin de lui offrir d’autres paroles de réconfort, ni à argumenter longtemps. Je ne pense pas que ce fut ce qu’elle voulait entendre, ni ce dont elle avait besoin actuellement. « Lily…même si… » J’avais presque peur de poser les mots. Enoncer une vérité ne la rend pas moins effrayante, bien au contraire. « …même si, comme tu le penses ton père était impliqué, il n’aurait jamais mis ta vie en danger de cette manière. » Si Wolfgang avait été ‘criblé’ de balles, Lily n’aurait pas dû se trouver là. Or, puisque son père connaissait sa relation avec Wolfgang, je supposais qu’il savait aussi où les tourtereaux se trouvaient en permanence. Et au vu des vidéos qu’il recevait, il n’aurait pas permis que Lily se fasse tuer au cours d’une rencontre avec son compagnon. En d’autres termes, j’étais persuadé à 99% que le père de Lily ignorait tout de l’attentat contre Wolfgang, au moins ce soir-là alors que sa fille se trouvait à ses côtés, et plus encore, que ce n’était certainement pas lui qui avait tiré. « Un agent apprend à viser juste, Lily. » Je sais que je ne lui apprends rien et que ce n’est sans doute pas ce qu’elle veut entendre, et pourtant, elle doit l’entendre. Pour comprendre et raisonner plutôt que de se laisser submerger par ses émotions trop violentes à l’heure actuelle. « La personne qui a tiré sur ton petit-ami ce soir-là, si ça avait été ton père, il l’aurait fait proprement, d’une seule balle, deux à la rigueur comme tout bon agent. » Quelle ironie de parler de professionnalisme alors que son amant s’était fait assassiné… « Celui qui a fait ça devait lui en vouloir personnellement et n’avait pas reçu la discipline enseignée à l’agence, tu peux me croire. » concluais-je en pressant un peu plus fort les épaules de la jeune femme avant de la relâcher.



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« Faraway from home. »
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« Un jour ». Ce mot résonnait en elle comme un livre encore ouvert, qui laissait entrevoir la perspective de l’aventure à venir. A cette seule pensée, son sourire s’était comme assombrit, voilé par une nuance sinistre qui lui rappelait sa condition de simple mortelle. Le Chili avait eu des conséquences désastreuses sur sa santé déjà plus que déclinante. Peu étaient au courant. Personne en réalité. Même son père l’ignorait. Elle avait fait ce choix houleux, et pourtant réfléchi, de se murer dans un silence solitaire. Elle apprenait à ne plus penser à l’avenir, sauf lorsque ce genre de conversations étaient malgré elle, lancées. Une petite voix intérieure lui avait crié d’y aller tout de suite, de ne pas perdre un seul instant face à cette occasion. Sauf que bien sûr, cela ne dépendait pas seulement d’elle. C’était une organisation, une perspective, une éventualité. Son silence trahit pendant un instant le conflit qui la tiraillait, sa douleur muette et ses craintes enfouies se dissimulant derrière un sourire. Mais un sourire moins spontané, et moins lumineux que ceux dont elle avait le secret. C’était un sourire triste dont elle seule connaissait les secrets, et que Lawrence ne percevrait sans doutes pas. « Merci. » fut le seul mot qui daigna s’échapper de ses lèvres, un peu déçue au fond, pour des raisons qu’elle ne comprenait pas tout à fait.

A la fois surprise et impressionnée par sa neutralité apparente, et sa maîtrise de lui-même absolument exemplaire, Lily qui n’était finalement, parfois, qu’émotions et passions, avait un peu de mal à contenir celles qui l’animaient actuellement. Et de le voir si stoïque (au moins apparence), s’en était presque énervant, lui donnant envie de le secouer pour le faire s’émouvoir, que ce soit positivement ou négativement. Puis elle se souvint qu’il était ainsi. Formaté par sa vocation ou simplement d’un naturel enclin à la dissimulation … Son paternel était un peu du même acabit, en plus ronchon et probablement plus conformiste. A croire qu’au MI6, les personnalités recrutées avaient au fond, une trame similaire, une inscription commune. Avoir une telle maîtrise de ses émotions, et finalement de son propre corps l’avait toujours fascinée. S’il y avait bien une chose qu’elle aurait aimé apprendre, c’était cela. « Du coup j’imagine que même « Wolfgang », ce n’était pas son vrai prénom … » répondit-elle d’une même voix, intriguée face à la pause réflexive que venait de prendre Lawrence, apparemment contrarié. Il y avait de quoi en même temps. Peut-être n’avait-il pas prévu de passer son week-end à se plonger dans une histoire sordide de plus. Quant à Lily, ses souvenirs et ses interrogations la happaient de toute part, capables d’ébranler son intégrité en un rien de temps. Concentrée, elle eut un léger hoquet de surprise imperceptible en sentant la pression de ses mains sur ses bras, trop crispée pour y trouver au début la moindre marque de réconfort. Puis elle se détendit, légèrement. Peut-être pas pour le mieux, mais se focalisant sur la répétition du geste, elle y trouva comme quelque chose de rassurant, écoutant sa respiration pour tenter de chasser les images, et surtout, cette sensation étrange qui commençait à l’envahir peu à peu. Sa gorge était sèche, sa bouche, pâteuse. Inconsciemment ses doigts se frottaient les uns contre les autres, tentant d’essuyer quelque chose de poisseux, et d’invisible. Du sang. Elle sentait encore le sang sur ses mains, presque séché, qui refusait de partir … « Au moins … Il n’a pas vraiment eu le temps de souffrir. » Physiquement parlant bien sûr. Moralement, elle avait du mal à imaginer ce qu’on ressentait en arrivant ainsi, à la fin. Surtout avec une telle violence. « La mienne, non. Mais la sienne … S’il était impliqué il devait ignorer que je serais là à ce moment-là. »

Les paroles qui suivirent, malgré elle, lui nouèrent l’estomac. Il parlait d’abattre un homme comme s’il s’agissait plus d’un sac de viande que d’autre chose, comme s’il ne s’agissait que d’un corps, et non d’une âme. Une précision chirurgicale qui ne lui glaça pas le sang parce qu’elle était capable d’encaisser ce genre de paroles, mais qui sur le coup, la révolta. Soudain, elle s’était retournée, relevant légèrement le menton avec calme en réalisant, peut-être pour la première fois d’ailleurs, qu’il la dominait vraiment par sa taille. Mais, non loin d’être impressionnable, elle l’avait scruté un instant, le dévisageant sans sourire, simplement en se demandant ce qui avait pu l’amener à une telle profession. Une question que tout être normalement constitué devrait se poser, au moins un jour. « Et toi, tu as toujours visé juste ? » Insistant, infaillible, son regard cherchait le sien, intransigeant sans être réellement accusateur. D’ailleurs, la tonalité de sa voix était restée calme, presque douce. « Si on te donnait pour mission de m’abattre, tu feras ça comment ? Une, ou deux balles pour la propreté ? » Un peu de sarcasme amer peut-être, dissimulé sous un timbre maîtrisé. Elle avait eu du mal avec ses mots, peut-être trop durs à encaisser pour elle compte tenu des circonstances. Parfois elle avait l’impression que les agents étaient formatés au point d’en oublier leur libre-arbitre, de perdre conscience de la réalité, et de devenir des tueurs au sang glacé. Cela la terrifiait d’une certaine façon. Mais était-ce si anormal que cela au fond ? Pour elle qui attachait tant d’importance à la vie, elle estimait que non. « Excuse-moi … C’est juste que je préférais vivre avec la vision d’un père à peu près normal, et non avec celle d’un tueur de sang-froid … » son regard s’abaissa d’un coup, presque fuyant alors qu’elle se rendait compte, peut-être, de la violence de ses propos. Mais c’était de bonne guerre, il ne l’avait pas épargnée avec son discours professionnaliste. « Quant à ses tueurs, bien sûr qu’ils n’avaient pas la discipline de l’agence … Toute personne qui a vécu suffisamment longtemps en Russie pour s’en souvenir sait que la mafia est coutumière de ce genre d’exécutions publiques, et violentes. C’est un moyen de faire peur … A mon avis il avait infiltré un réseau, a fini par être découvert, et simplement … a été exécuté par vengeance … » Elle marqua un temps de pause. Elle se souvenait qu’après l’incident, ils avaient justement rapidement déménagé, envoyés à l’Ambassade dans un premier temps, puis aux Etats-Unis en rapatriement d’urgence. Elle, trop bouleversée à ce moment-là, avait évidemment cru son père qui lui disait vouloir changer d’air et de vie, alors même que peut-être, il y avait eu des raisons plus profondes à leur départ soudain et précipité de Russie. « S'il est lié de près ou de loin à sa mort, je ne sais pas si j’aurais la force de le détester. De toute façon … Il se déteste déjà suffisamment lui-même. »





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Non, je ne l’avais pas perçu ce sourire. Je l’avais seulement trouvé plus triste, moins spontané, sans parvenir à en déterminer les contours exacts, les causes sous-jacentes. Peut-être aurais-je dû creuser le sujet, mais j’avais tourné la page pour passer à une autre histoire, inconscient de l’état psychologique et physique de la jeune femme à ce moment-là. En attendant, sitôt les vidéos découvertes, mon flegme anglais reprenait le dessus sur ma condition d’homme fait de chair et de sang. Les paupières légèrement baissées, j’écoutais et ne manquait aucune information, sans faire montre d’un seul froncement de sourcil, d’une intonation différente lorsque Lily me questionnait et que je lui fournissais réponse, ou même d’un geste qui aurait paru plus expressif qu’un autre. Toute ma personne était à la fois pensive et d’un calme olympien, tant et si bien que nul ne pouvait se douter du conflit intérieur qui m’animait pourtant. Wolfgang n’était pas son vrai nom, non. J’aurai aimé le lui dire de vive voix, mais aucun son ne sortit pour confirmer. Aucune réaction d’ailleurs ne fut donnée. Je ne crois pas que, de toutes façons, Lily avait besoin de moi pour acquiescer, puisqu’elle avait compris le principal, et que je n’étais pas encore en mesure de lui fournir toutes les vérités qu’elle attendait. Finalement, cette affaire était bien plus complexe qu’il n’y paraissait au départ. Et qui dit complexité, j’en avais fait l’habitude, disait souvent danger latent.

Loin d’être tactile par nature, davantage habitué à laisser les mots expliquer ce que mon cœur souhaitait exprimer sans pouvoir le faire avec mes mains ou le reste de mon corps, mon hésitation fut de courte durée face au trouble qui émanait de la jeune femme. Oubliant pendant une fraction de secondes ma profession et ce qui faisait de moi un bon agent – à savoir ma capacité d’adaptation et celle de faire preuve d’un sang froid à toutes épreuves – je laissais mes mains glisser le long de ses épaules et l’encourageait d’une caresse fugace de se reprendre peu à peu. En outre, face à son propos concernant son père, un nouveau doute m’assaillit. Me montrer sincère en sachant que mon honnêteté provoquerait à la fois colère et soulagement ? Ou lui mentir et risquer de voir la réputation de son père, un agent que j’avais toujours considéré comme un mentor, se ternir irrémédiablement ? J’optais pour la vérité, à défaut de la simplicité. Me préparant aux réactions en chaîne que cela allait engendrer, je poussais un faible soupir avant de murmurer, plus pour me le rappeler à moi-même que pour elle. « Un agent…n’ignore jamais où se trouve sa famille. » Je ne suis pas sûr de souhaiter qu’elle comprenne là où j’avais voulu en venir. Car oui, j’avais bien voulu dire que tout bon agent mettait sa famille sous surveillance et sur écoutes. Non pas par méfiance, ce qui était une qualité – ou un défaut tout dépend du point de vue – que tous nous partagions dans ce métier, mais pour sa protection au regard des ennemis que nous nous forgions avec le temps. Evidemment, mes explications eurent l’effet escompté et non désiré d’une jeune femme maîtrisant difficilement ses émotions et son passé. Lorsqu’elle se retourna, je sus, sans avoir même besoin d’abaisser les yeux vers son visage, qu’elle m’observait. Qu’elle me scannait même, avec toute sa volonté pour ne pas me fustiger pour les propos que je venais de lui confier. Loin de me sentir désarçonné par une attitude que Catherine avait longtemps tenu à mon égard, je ne fis que baisser la tête pour que nos regards se rencontrent. Bien que je la dépassais de deux bonnes têtes, en cet instant, je pouvais sentir comme une force inconnue dans la petite fille que j’avais tenu sur mes genoux autrefois. Là sous mes yeux, la petite fille avait perdu toute son innocence. Elle était devenue femme. Sa question, insidieuse et perçante ne me fit pas réagir. Je ne le prenais pas personnellement, conscient qu’elle avait besoin de comprendre, et plus encore, de réagir sans réfléchir, comme le font ceux qui n’ont pas reçu mon entrainement. Ceux qui sont …humains, m’avait un jour hurlé Catherine avant que je ne parte en mission pour un mois, loin du foyer. Ce n’était pas de sa faute, elle avait raison. Mais elle ne comprenait pas. En parlant de l’abattre elle, une infime ridule au coin de mes lèvres avait tressailli. Son ton sarcastique ne m’avait pas échappé, et encore une fois c’était le silence qui répondit à son appel. Pesant, coupable. Le dos raide, les bras ballants le long de mon corps, j’attendais la prochaine pique sans sourciller, comme une punition dont j’avais fait l’habitude et que je savais mériter pour mes péchés. Sauf qu’au lieu d’une nouvelle accusation, ce furent des excuses. Excuses que je n’acceptais d’ailleurs pas. « Tu n’as pas à me présenter des excuses, Lily. Pas à moi. Je comprends ta position et tes reproches. » lâchais-je avec calme mais néanmoins sévérité. Combien de fois m’étais-je disputé avec Catherine à ce sujet avant de lui laisser le mot de la fin, juste parce que même en désapprouvant sa position, je ne pouvais qu’accepter mes torts et les reproches qui fanaient de temps à autre notre couple en apparence si uni ? Blessé intérieurement, je ne laissais rien entrevoir à Lily sur le passé qui venait tout à coup de m’être renvoyé en pleine figure.

« Que veux-tu dire par là ? »
Après l’avoir écouté jusqu’à la fin et promis de faire la lumière sur la mort de Wolfgang, je crus bon d’interroger Lily sur son père que je n’avais pas revu depuis trop longtemps pour en avoir gardé un souvent impérissable. L’homme que j’avais connu ne pouvait être encore l’agent fringuant, admiré de tous et jovial qu’il était par le passé. Le temps et les missions aidant, il avait nécessairement changé, mais de quelle manière ? Dans la voix de sa fille, je croyais percevoir une forme de…détresse muette. A moins de me tromper, c’était un sujet que nous aurions, tôt ou tard, fini par aborder…



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« Faraway from home. »
lawrie & lily



Il ne lui avait pas répondu. Pas vraiment en tout cas, son air coupable et sa mine abattue valant plus à ses yeux qu’un monologue explicatif. Même si sur le coup cela lui suffit, elle aurait aimé, malgré tout, connaître sa position sur le sujet. Comment concevait-il l’être humain justement ? A partir de quel instant une vie n’avait-elle pour lui plus aucune valeur, et devenait un contrat comme un autre que l’on exécute ? L’aplomb qu’il arborait en cet instant était presque troublant, et aurait pu l’impressionner si elle ne s’était pas souvenu d’un homme avec au fond, une sensibilité, voire même une bienveillance. S’attachant à ce souvenir fugace pour ne pas sortir de ses gonds et avoir des paroles déplacées, voire blessantes, à son encontre, elle se promit intérieurement malgré tout que si le sujet était pour l’instant clos, il devrait être ré-ouvert un jour ou l’autre.  Si Lawrence devait prendre de nouveau une place dans son existence fébrile, quelle qu’elle soit, il y avait certaines questions auxquelles il ne pourrait pas toujours échapper, comme aujourd’hui en se murant dans un silence de marbre. Pour une fois elle s’était montrée docile, n’insistant pas sur un sujet sensible, empreint d’humanité, mais le regard qu’ils avaient échangé, à la fois dur et profond, était révélateur de sa ténacité à venir. Rassurée par l’idée qu’il ne touchait pas à sa propre famille, son cœur fit comme une envolée dans sa poitrine, se serrant face à une idée qu’elle ne pouvait taire. « Oui … mais combien de familles détruisez-vous en retour ? » murmura-t-elle, autant pour elle-même que pour lui. Qui pouvait-on être pour juger de vie ou de mort, pour se faire Faucheuse quand on était que simple mortel ? Elle n’avait pas encore connu la malveillance au point de remettre en question ces croyances fondamentales. Le tressaillement de son timbre ne lui avait pas échappé, et c’est avec une contrariété à peine dissimulée qu’elle lui répondit, soucieuse de sa conscience sans savoir réellement ce qu’il pensait, en cet instant précis. « Pourquoi te murer derrière un silence coupable dans ce cas ? J’imagine que pour faire ce métier, tu défends des principes qui te différencient de ceux que tu condamnes ? » Sa tonalité, toujours calme, cherchait une réponse et ne reprochait pas. Elle n’avait pas voulu le blesser, il le savait sans doute. « Quelles que soient tes motivations, ça ne retire rien au fait que je te respecte beaucoup. » Une sincérité désarmante, une franchise absolue. Elle n’était pas là pour le flatter, juste pour exprimer ce qu’il lui inspirait. Est-ce qu’elle l’expliquait totalement à présent ? Non … peut-être pas.  Pas encore du moins.

Difficile pour la fille qu’elle était de comprendre totalement les raisons qui avaient fait changer le père qu’elle connaissait. Aujourd’hui, alors même qu’ils avaient toujours été très soudés, elle avait l’impression qu’ils vivaient chacun d’un côté d’un fossé, qui ne cessait de se creuser un peu plus chaque jour. L’homme aimant était devenu amer, solitaire, et possessif. Et surtout, l’homme était devenu manipulation. En brisant des liens qu’il avait jugé trop dangereux pour elle, il ne s’était pas rendu compte que sous-couvert d’un esprit protecteur, il n’avait fait que l’éloigner, et briser ses piliers. Aujourd’hui il avait conscience qu’il n’avait plus aucune emprise, ni aucun pouvoir sur elle, et cela semblait briser l’homme. Elle était la seule qu’il tolérait encore, froissé avec son fils, ses amis, et même probablement … Ses compagnes. Aigri avant l’heure, probablement rongé par une culpabilité dont elle ne souhaitait pas comprendre toutes les raisons. « Parce que s’il a pu décider de vie ou de mort sur des dizaines de personnes … Il est incapable de me sauver moi. » Elle prit une inspiration, longue, lourde, pesante. « Par orgueil il s’est froissé avec certains hauts placés du gouvernement qui avaient moins de principes que lui. Depuis quelques années, on a remarqué que mon nom sur la liste d’attente pour les greffes ne bougeait pas, comme s’il avait été gelé. Il pense que c’est de sa faute … » Rien n’était sûr. Elle était plutôt partisane de l’idée que l’administration était un organisme corrompu qui se laissait distraire par des gros chèques. Chèques qu’ils n’avaient pas comme son paternel était en disgrâce. Elle avait appris à relativiser. « Je ne sais pas si c’est vrai, mais le fait est que la haine qu’il se voue à lui-même le ronge, et le rend assez … Insupportable. » Elle poussa un soupire, serrant nerveusement ses mains en se demandant si elle devait être tout à fait honnête, ou non. « En d’autres circonstances je le détesterai mais … Je commence à … A fatiguer. » Son regard se perdit, un instant, alors qu’un vague sourire continuait d’illuminer ses traits malgré tout. « Parfois je n’ai plus de force pour … C’est comme si mon corps commençait à vouloir naviguer sans mon aide … Je pensais connaître cette sensation depuis toujours mais depuis quelques temps c’est … Différent. » Dire sans dire. Evoquer sans s’épandre. Personne n’était au courant de la gravité de son cas, pas même son père. Et elle ne souhaitait pas en parler davantage. Comme si le garder jalousement pour elle était un moyen de garder du contrôle sur cette froideur qui la happait chaque jour un peu plus, et contre laquelle elle ne pouvait rien. « Je ne peux pas le haïr. Pas en ce moment. » Conclut-elle alors que son regard rencontrait le sien, rassurant, même si au fond elle était terrifiée. Mais elle s’efforçait de ne pas le montrer. Au fond, elle aimait son père. Quoiqu’il ait pu faire, il était sa seule famille. Et cela avait plus d’importance à ses yeux que n’importe quelle maladresse paternelle.






©️ ACIDBRAIN
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La question de Lily fut pertinente…et brutale. D’ailleurs, mon regard s’était assombri à l’entendre me le reprocher, même indirectement. Bien que je comprenais la position que la jeune femme et Catherine elle-même défendaient, je n’y songeais jamais sous cet angle. En tant qu’agent, nous étions obligés d’être impartiaux et certes, nous pouvions revêtir l’apparence de bourreaux pour ceux qui n’ont pas été « conditionnés » au patriotisme comme nous l’avons été. Plus que cela, comme la plupart des citoyens lambdas, Lily avait une vision trop altruiste du monde dans lequel nous vivions. Le yin et le yang. Or, nul n’est jamais tout noir ou tout blanc, ni même noir et blanc. D’autres couleurs s’entremêlent pour donner un être unique qui peut passer d’un visage à un autre. La question étant : qui croire ? Qui mérite le plus de vivre ? Le bien, le mal, le reste ? C’est à ce type d’interrogations que nous devons répondre pour être un bon agent. Il ne s’agit pas de tuer mais de savoir qui nous laissons vivre. Est-ce que cet individu bien sous certains aspects ne fera pas plus de dégâts au fond s’il reste en vie ? Et celui dont le visage du mal est le plus souvent dépeint ne peut-il pas engager une action qui sauvera plus de vies que celles qu’il a prises ? Des questions parfois sans réponses. « As-tu pensé aux familles qui seraient brisées sans notre intervention ? » répliquai-je dans un murmure. Je ne voulais pas lui répondre. Je n’avais pas voulu lui répondre. Et pourtant, je l’avais fait. Pas parce qu’elle attendait une quelconque réaction de ma part, mais parce que cela m’avait paru nécessaire qu’elle comprenne, sur le moment. Même si j’étais persuadé qu’elle ne comprendrait jamais complètement ce pourquoi nous faisions ce que nous faisions. Lily posait sans doute un regard qu’elle pensait objectif sur la profession d’agent, songeant que nous étions à la fois juge et partie, mais c’était plus complexe que cela. Sans nul doute avait-elle raison sur ce point puisqu’au fond aucun procès n’était jamais intenté. Tout se faisait dans l’ombre. Des proies anonymes que nous chassions sans discontinuer. Mais qui étaient-elles ces proies ? J’avais presque envie de lui raconter l’histoire de cette famille décédée par vengeance dont les enfants avaient été torturés sous les yeux de leur mère qui ignorait où se trouvait son mari, chef d’un cartel rival qui avait disparu de la circulation trois mois plus tôt. Où l’histoire de cette veuve qui avait eu le malheur d’hériter d’un époux avocat véreux qui devait de l’argent à des clients peu scrupuleux qui n’avaient pas hésité à enlever son unique enfant contre rançon, avant de l’exécuter après son obtention. Pour ces gens, quelle était la justice ? Celle de voir meurtriers, violeurs, terroristes derrière les barreaux pendant quelques années avant que de nouveaux crimes soient perpétrés ? Ce n’était pas là ma conception de la justice. Si encore ces derniers demeuraient prisonniers à vie. Mais nous savons tous très bien que ce n’est jamais le cas. Que loi et justice sont deux notions bien distinctes. Raison pour laquelle nous existons.

« Mon silence n’a rien de coupable, Lily. Je pense simplement que tu es trop jeune et trop ignorante dans ce domaine pour que nous puissions avoir une discussion à ce propos. » répliquais-je, les sourcils froncés, en faisant preuve d’autant de sévérité dans mon timbre que le sien avait été accusateur. « Merci. » Je n’aimais pas montrer ce visage à la jeune femme. Celui d’un homme qui n’avait de comptes à rendre à personne et qui ne faisait pas toujours preuve de la bienveillance et de la douceur qu’elle avait pu connaître. Pourtant, c’était aussi ce que j’étais. Yin et yang. « Et quelle que soit ma manière de débattre, même si je peux me montrer un peu brusque et je te prie d’accepter mes excuses à ce sujet, j’ai encore des progrès à faire, sache que tu comptes énormément à mes yeux, Lily. Voilà une chose qui ne changera jamais. » murmurais-je dans un sourire fugace alors que son père redevenait le centre de notre conversation. Inquiet de l’avenir de Lily et de sa santé, je ne pouvais que trop bien comprendre l’état d’esprit de son paternel. Mon sourire s’envola, laissant place à une moue soucieuse tandis que je l’observais et écoutais avec attention. « La politique… » soupirai-je avec dédain en croisant les bras sur mon torse et en appuyant mon dos sur le mur d’à côté. J’en avais horreur. Pire que des enfants qui réclament une friandise, les politiciens étaient gourmands et en raison du pouvoir qu’ils possédaient, se permettaient bien plus qu’ils ne méritaient. Par deux fois, Lily avait fait référence à l’instant présent. Et étrangement, bien qu’elle ne m’en parlait que par bribes, je croyais comprendre là où elle voulait en venir, espérant me tromper. « Lily, je ne pense pas que tu m’en parlerais de toi-même si je ne te posais pas la question alors je te la poserai directement. Est-ce que ton état de santé s'est dégradé depuis que tu es dans ce pays ? » murmurai-je comme si le fait d’élever la voix rendrait la vérité plus dure encore à accepter. Je supposais qu’après ce qu’elle venait de m’annoncer, son père l’ignorait. D’ailleurs, sans doute étais-je le seul au courant. Un frisson me parcourut en songeant que vraisemblablement, j’étais son seul…confident. Des conséquences que cela devait engendrer si c’était le cas. J’avais l’impression d’une responsabilité pesant sur mes épaules…et sur mon cœur. Et Lily qui portait son fardeau au quotidien, sans jamais en parler, comme s’il n’existait que dans ses cauchemars pourtant bien réels. Sur le coup, je me sentis coupable. Coupable de ne rien voir, de ne rien faire, de ne pas avoir été là. Adossé au mur, je la contemple plusieurs minutes sans mot dire, avant d’avancer, de me rapprocher, et de ma main caresser sa joue comme un père le ferait vis-à-vis de sa fille. « Lily, tu n’as pas à endurer cela toute seule. Je veux dire…plus maintenant. » repris-je en lui relevant doucement le menton du pouce et de l’index pour que nos regards se rencontrent. « Je n’entrerais pas dans votre relation à ton père et à toi, sauf si tu me le demandes. Et j’ignore ce qui a été la cause d’une si longue attente pour ta greffe… s’il m’en avait parlé… » A quoi bon ressasser le passé désormais ? « Je vais prendre les choses en main. Enfin, si tu acceptes mon aide, évidemment. » ajoutais-je dans un sourire avant de reprendre, plus sérieux cette fois. « Lily, promets-moi de ne pas abandonner. Jamais. S’il y a une chance, même infime que tu guérisses, je veux que tu te battes parce que tu as autant le droit qu’un autre de vivre une vie meilleure et heureuse. » Je m’arrête, l’espace d’un instant mais garde mon regard rivé au sien. Une foule d’émotions m’envahit. De la joie de l’avoir retrouvé à la peur de la voir disparaître. « Et puis…je te l’ai dit, tu es très importante pour moi. » résumai-je en détournant les yeux et en relâchant son menton pour m’éloigner. Je ne sais pas ce qui m’avait pris de la fixer ainsi. D’autant que j’avais eu conscience que mes sentiments pour elle n’étaient pas aussi platoniques que je voulais bien le faire croire. Qu’importe, elle était trop jeune de toutes façons.

Le silence ne dura pas bien longtemps, fort heureusement. Une créature aux longs poils soyeux, aux énormes yeux gris et aux babines snobinardes venait de débarquer dans le salon, faisant traîner ses pattes arrière tel un prince entrant dans son royaume. « Trafalgar, où étais-tu encore passé ? » Ce fut ce chat qui me permit de détourner la conversation et de reprendre une contenance. L’œil suspicieux, l’animal s’avança vers notre invitée, renifla ses chaussures, avant de s’asseoir sur son postérieur royal pour mieux la détailler de la tête aux pieds. « Lily, je te présente Trafalgar. C’était le chat de ma fille. As-tu déjà entendu ce conte qui parle d’un prince changé en crapaud par une sorcière ? Je pense que Sa Majesté a aussi été transformée, par la même sorcière. » énonçais-je en sortant le plat du four. « J’aurais préféré un crapaud, ceci dit. » ajoutai-je à voix basse pour moi-même alors qu’un coup de griffes bien senti venait de heurter mon mollet. « TRAFALGAR ! » grondais-je alors en tentant d'attraper le félin. Non, désolé, Messire en avait profité pour aller s’installer confortablement dans le canapé, la queue en panache, comme s’il n’avait rien vu, rien fait, rien entendu.  



© belzébuth


@Lily-Rose S. Hopkins

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