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Sans sourciller, je l’écoute m’expliquer les raisons de sa solitude désirée. Les hommes, évidemment. Ils sont toujours les principaux responsables, et après ce qu’avait vécu Fidji et que j’étais censé ignorer, je ne pouvais lui en tenir rigueur, même si, et fort heureusement d’ailleurs, tous les hommes ne sont pas à placer dans cette catégorie. Certains n’ont pas dépassé le stade de l’évolution, demeurant au rang d’erreurs de la nature, voilà tout. Quoiqu’il en soit, aux propos tenus par la jeune femme, je me demandais actuellement si je devais lui poser la question directement. Lorsqu’elle avait parlé de « ce qu’elle avait traversé », devais-je rester dans le flou en sachant pertinemment quelle réponse m’attendait, ou au contraire aller de l’avant et risquer de la froisser ou pire, de faire ressurgir des souvenirs qu’aucun être humain n’avait besoin de se rappeler ? J’optais finalement pour la deuxième solution, conscient du risque que j’étais en train de prendre, mais désireux d’être pleinement honnête avec Fidji qui n’aurait pas à apprendre plus tard ce pour quoi j’avais souhaité, au fond, faire sa connaissance. Pleinement n’étant pas véritablement le mot adéquat puisque jamais je ne pourrais citer ma mission, officieuse qui plus est. Mais au moins la jeune femme ne croirait-elle pas que je m’intéressais à elle pour de futiles motifs lubriques, mais bien pour elle-même, loin d’être effrayé ou mal à l’aise comme le sont souvent les jeunes gens de son âge, après avoir entendus pareilles révélations. « Ainsi, pensez-vous que de simples, excusez-moi du terme employé, « déceptions amoureuses » vous font perdre le goût et l’envie de trouver un compagnon ? Je vous avoue être quelque peu surpris. J’aurais mieux compris si la raison était plus « profonde » ou « grave » par exemple, parce que de simples déceptions de cœur, qui n’en a pas eu ? » Je devais jouer la carte de la prudence et ne pas trop en dire pour qu’elle ne se doute de rien. Je privilégiais ainsi les questions rhétoriques aux réponses formelles. « Sauf si vous êtes une grande romantique.. » ajoutai-je avec un brin d’amusement et de douceur dans la voix. A ce moment-là, le serveur revient avec nos plats en main. Fidji est servie la première, moi le second. Une fois reparti vers les cuisines, notre conversation peut reprendre tandis que j’attends, patiemment que la jeune femme s’alimente la première, en parfait gentleman. « Hum, je crains de vous effrayer si je vous le révèle. » la taquinai-je, quoique très sérieux au fond de moi. « Actuellement, je suis infiltré au sein du campus universitaire de Harvard pour démanteler un vaste trafic de drogues. » Ca y est, la bombe est lâchée. Mais sachant que Fidji ne prenait ni drogues ni aucune autres substances illicites, j’avais très peu de chances de la croiser en compagnie de l’un des individus que je serais amené à interroger voire à arrêter. « Plus concrètement, je travaille pour la police. » ajoutai-je en observant sa réaction. Quant aux femmes qui peuplaient mon petit univers, la jeune femme venait précisément de mettre le doigt sur la source du problème. « Oh vraiment ? J’aurais été un homme bien chanceux en ce cas. » murmurai-je en guise de réponse avec un petit air malicieux. « Evidemment. » Non, je ne faisais pas partie de ces garnements à qui chaque parole était liée à une perversion qu’ils auraient souhaité vivre ou faire vivre à une femme. Le jeu de mots cependant, m’avait amusé. « C’est aussi ce qu’une amie m’a un jour reproché. » Il n’y a pas si longtemps en fait. « Je dois reconnaître que si le costume plait, je crains que l’homme qui le porte ne soit pas aussi séduisant, raison pour laquelle vous avez sans doute raison, j’ai tendance à dissimuler ma vraie nature plutôt que de prendre le risque qu’elle soit découverte ou pire…détestée. » répondis-je très sérieusement sans que Fidji ne puisse savoir que je faisais tout autant répondre à ma nature solitaire et sombre, qu’à ma profession qui devait rester dans l’anonymat le plus complet. « Mais…nous parlons de moi. Parlons plutôt de vous, mademoiselle… que faut-il faire pour qu’un homme ait grâce à vos yeux ? » l’interrogeai-je à mon tour, tout sourire.
© belzébuth
@Fidji P. Jones
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