Lies lies lies |Sloan & Andy|

Redescend. Le mot craché à sa figure lui donnait envie de frapper Sloan. Ordonner donc à un noyé de respirer ou à une jambe fracturée de sauter. Pour Andy, c’était pareil. La situation lui échappait. La maîtrise lui importait peu comparé à la compréhension. Que faisait Sloan ? Dans quelle direction les emportait-il ? Le Sloan qui affichait ses photographies, qui les brandissait sous son nez en sachant que c’était sa sœur ou qui la provoquait ne ressemblait pas à l’habituel garçon qu’elle fréquentait. Il avait le droit de changer, le droit d’avoir des hauts et de bas mais, elle peinait à croire que Sloan se vengerait sur Charline pour une chose qu’elle, elle avait faite. La brune ne saisissait pas. Tout ça dépassait son entendement. Heureusement, Sloan prit la parole pour expliquer ses attentes. Alors tout devenait clair et la raison de l’emportement de la brune devînt évidente. Son sang ne fit qu’un tour lorsque les derniers mots sonnaient dans son esprit. De la colère tumultueuse et bouillante naquît celle glaciale et sourde. Les orbes clairs de la plus jeune se posèrent sans l’ombre d’une émotion sur son interlocuteur.

« C’est moi où tu es en train de me faire du chantage ? » Demanda Andy, immobile. Les mains avaient cessées de s’agiter. La respiration ralentissait. Plus une seule hésitation. Plus un seul remords. Aucune réponse n’était attendue tant l’évidence sautait aux yeux. Bien sûr qu’il la faisait chanter. Sa réponse contre des photos, contre sa sœur et contre sa dignité d’homme, à elle « Si tu as un truc à me demander, demande et ne fais pas un tas de merdes autour. »

Andy n’était pas de celle à se défiler face à une demande ou une question, peu importe le type d’interrogation. Ses réponses franches et sans détour en choquaient plus d’un. Crue, parfois trop sincère, elle se mettait ainsi beaucoup de monde à dos. Bien que Sloan puisse douter des vérités qu’elle balançait, Andy estimait qu’il n’avait pas à lui forcer la main par un détour aussi bas que du chantage.

« Tu ne mériterai même pas que je te réponde à toi avec ta bouche toute sale. Ça passe pour cette fois parce que je me dis que c’est ton égo blessé qui me cause et pas mon pote. Tu crois franchement que tu es le centre du monde ? Que ce soit clair, je me considère comme un mec et j’agis comme tel avec toi ou avec d’autres je m’en cogne. Je ne laisserai pas des gens me dicter qui je suis et encore moins comment je dois être. Je suis Andy Granger, un homme. Et si ça te plait pas, c’est dommage pour toi mais ça changera pas. »

C’était la vérité, bien sûr, celle de façade, celle qu’Andy se répétait pour ne pas avoir à chercher plus loin et remuer des douleurs passées. Qui avait envie de se replonger dans ses bêtises pour en tirer des conclusions ? Qui osait regarder derrière lui en se disant qu’il avait tout foiré ? Personne et encore moins Andy. Laisser entrevoir sa féminité lui donnait la nausée et provoquait des sueurs froides. Peu à peu la colère se muait en une étrange sensation de mal être. Pourtant, faire face s’imposait. Elle réalisait bien que leur conversation ne faisait qu’envenimer la situation. Jamais son intention n’avait été de blesser Sloan ou de le mettre mal à l’aise dans leur amitié. L’idée qu’il remette en cause leur relation engendrait une vive douleur dans sa poitrine. Son affection pour lui était sincère. Elle aurait cogné pour son ami. Elle se serait levée au beau milieu de la nuit pour l’aider à planquer un cadavre. Mais la pudeur émotionnelle dont faisait preuve Andy l’empêchait de prononcer le moindre mot à ce sujet. Un mec ne dit pas des conneries dans le genre.

Et puis, Sloan la brusquait, la braquait et la poussait dans ses retranchements. Aussi, une bataille de regards menaçait de rester le dernier recourt pour faire face. Elle ne cillait pas, ne bronchait pas, ne démordait pas. Il avait cette lueur de défi dans le regard et Andy la lui rendait bien. C’était à croire que l’un et l’autre mettait en jeu leur amitié à cet instant sans même penser aux conséquences.

« Je ne vois pas ce qu’il y a de plus à savoir et pourquoi tu en fais une montagne. » Soupira Andy entre les dents.

Life is an awful, ugly place to not have a best friend

Sloan ne lui laissait aucune chance. Il voulait savoir pourquoi elle s'était comporté comme ça avec lui et franchement, il ne faisait pas dans la dentelle. Sa voix était froide et limite cynique. C'était soit elle lui répondait cash ou soit il se barrait et ciao. L'Eliot avait l'impression d'avoir perdu assez de temps comme ça. Il venait de se taper la zone devant toutes les personnes du bar, son portable était clairement inutilisable. C'est bon, pour la soeur Granger, il avait donné là. C'était à elle de savoir ce qu'elle voulait, si elle comptait sauver le peu qu'il restait de leur amitié. Finalement, Andy se livra relativement à Sloan. Elle lui avoua qu'elle détestait sa part de féminité qui l'animait. Elle reniait sa personnalité pour une raison encore inconnue. Au moins, le beau brun savait qu'elle ne faisait pas ça qu'avec lui. « Du calme Granger ! » dit-il lorsqu'elle eut terminé son petit monologue. Andy ne supportait pas être une fille, c'était très étrange et honnêtement, Sloan avait du mal à s'y faire. Il ne comprenait pas et avait beau retourner la situation dans tous les sens, il ne voyait pas ce qui pouvait pousser une fille à se faire passer pour un mec. Ils étaient encore sous tensions et franchement, cela se ressentait dans leurs tons. « Pas la peine de te mettre dans cet état là pour si peu. Si vraiment cela n'avait pas d'importance pour toi, tu ne réagirais pas ainsi. Donc arrête de me prendre pour un con. Je ne t'ai jamais demandé de changer ou quoique ce soit. Je veux juste comprendre. » conclu-t-il juste avant de terminer son verre d'une traite. Le beau brun soupira avant de se lever et de se diriger vers le bar. Il commanda un verre au serveur et s'adossa au comptoir le temps qu'il le serve. Sloan prit un peu de temps pour souffler et reprendre ses esprits. Une fois servit, il prit sa bière et retourna s'asseoir en face d'Andy. Il la regarda et croisa les bras. « Je t'épargne une nouvelle bière Andy. » dit-il en rigolant légèrement. L'ambiance était quand même bien tendue.

Encore une fois, Sloan lui intimait de se calmer. Malheureusement, l’effet qui en découla ne fut pas celui escompté par le jeune homme. Au contraire, Andy se raidit violemment et la suite du discours la poussa à serrer les dents. Aucune expression ne parvenait à animer les traits de son visage. Seule sa mâchoire tressautait en signe d’agacement. Une suite d’insultes lui traversa l’esprit, en silence. Le regard toujours glacial ne décollait pas d’un pouce de son interlocuteur.

Si les intentions de Sloan avaient été de savoir et de comprendre, Andy aurait saisi. S’il n’avait fait que poser des questions, elle aurait répondue, en grognant mais elle aurait répondu. S’il s’était contenté d’une farce ou d’une petite leçon, elle aurait fini par en rire. Mais à l’instant, il dépassait les bornes. Remettre tout sur le dos d’Andy, il savait faire. Accepter son rôle et son implication dans la mauvaise tournure que prenaient les choses, ne lui traversait même pas l’esprit. Au contraire, il rejetait tout sur la jeune Granger qui menaçait d’exploser. Comme si cette situation était le résultat des choix de la brune.

« Si je te prenais pour un con j’arrêterais de le faire à partir du moment où tu n’agirais plus comme l’un d’eux. » Trancha Andy de la même voix froide. « Tu n'obtiendras rien de moi tant que tu ne m'auras pas répondu clairement. C’est ce que tu as dit alors fais et arrête de m’emmerder. J’ai pas envie de voir ta gueule plus longtemps.»

Si elle était capable de répéter cette phrase avec exactitude, c’était parce qu’elle ne la supportait pas, parce qu’elle n’était que chantage puéril et mesquin et qu’elle avait forcé Andy à parler plutôt que de lui proposer une discussion sérieuse. Andy détestait être contrainte et forcée à agir ou à avouer. Puisque c’était ainsi que les choses avaient l’air d’être, comme si Sloan jugeait qu’elle lui avait causé du tort. Peut-être n’avait-il pas fait exprès mais il l’avait fait. Andy le gardait en tête. Boire une bière avec lui ne lui faisait plus envie. Au contraire, elle patientait sagement d’avoir le fin mot de l’histoire sur les photographies avant de se barrer. La colère s’amenuisait lentement, virant à une déception teintée de regrets. Si elle avait été normale, comme tout le monde et non cette chose coincée entre deux genres, jamais cette prise de tête n’aurait eu lieu. Si elle avait une famille normale, elle verrait plus souvent sa sœur et aurait su qui était Sloan pour elle. Si elle était moins impulsive, elle aurait volé la carte SIM et mémoire de Sloan et elle aurait détruit les photographies avant de lui glisser en douce le téléphone en poche. Ni vu ni connu. Tout ça, dans le fond, c’était du grand n’importe quoi. D’autant plus que Sloan refusait de s’expliquer. Une raison pour laquelle Andy ne comprenait rien à ce qui se passait et interprétait tout de son regard biaisé. Tout ça pour ça…

Life is an awful, ugly place to not have a best friend

Sloan voulait juste comprendre ce qui poussait Andy à se faire passer pour un homme et même si les choses avaient été trop loin entre eux, il allait se contenter de sa réponse. Il s'était levé pour aller se chercher une bière, histoire qu'elle se calme un peu. Après tout, Sloan n'était pas venu pour se mettre Andy à dos, non il voulait des explications mais voyait bien qu'elle n'était pas disposée à lui fournir ce qu'il attendait. Tant pis pour lui, il aura surement l'occasion de lui demander plus tard. Quoiqu'il en soit, elle ne semblait pas se calmer. C'est bon, fallait se détendre. Sloan avait fait pas mal d'efforts pour essayer de se calmer et cela avait l'air de marcher. Pour une fois, sa bipolarité n'avait pas prit le dessus et il avait réussi à gérer la situation. C'était une petite victoire pour le jeune homme qui comptait bien en profiter. Sloan s'était apaisé mais ce n'était pas vraiment le cas d'Andy qui continuait à s'énerver, un peu toute seule. Elle affirma alors à l'Eliot qu'elle n'avait plus envie de le voir et qu'il pouvait se barrer. « Pourquoi t'es encore là si t'as plus envie de voir ma sale gueule ? » répondit alors le beau brun, le plus naturellement du monde. Il n'allait plus s'énerver pour ce soir, oh non. Il avait donné et avait frôlé de prés la crise de bipolarité. Sloan bu une nouvelle gorgée de sa bière avant de la reposer lourdement sur la table. « Tu permets je finis ma bière et je dégage. Ce n'est pas dans mes principes de gâcher. Mais si vraiment t'en peux plus, je t'en prie, dégages. Je ne te retiens pas. » répondit-il simplement. Il trouvait ça dommage d'en arriver là et en regrettait presque d'avoir montré ces photos. Mais bon, ce qui était fait, était fait. Il ne pouvait pas revenir en arrière. La balle était dans son camp, à elle de voir ce qu'elle préférait faire.

Andy secoua la tête de gauche à droite. Alors Sloan était ce genre gars, à tout prendre et ne rien donner. Bafouée, la barman demeurait persuadée qu'il ne l'aurait pas traité ainsi s'il pensait qu'elle avait une vraie paire de couille. Il n'aurait pas trainer sa soeur dans la boue. Il n'aurait pas joué avec ses photographies sous son nez et il ne les aurait pas utilisées pour la forcer à parler. Plus Sloan agissait et plus son respect et son amitié pour lui s'effilait. Elle avait fait un pas immense en sa direction en admettant qu'elle était bien une femme. Peut être qu'il trouvait ça banal mais pour Andy l'expérience avait été pire que de se jeter dans le vide sans filet de protection. Qu'avait-elle en contre-partie? Des incitations à se calmer, des railleries sur sa faible tenue face à l'alcool et pas un mot sur ses photos, pas une explication. Pourtant, elle les avait réclamées par deux fois. Il lui avait même dit qu'elle n'aurait rien tant qu'elle ne lui avait parlé. Il l'avait soudoyé avec une promesse d’éclaircissement et une fois à poil, il avait refusé de payer.

"Je suis ici pour les photographies de ma soeur." Annonça simplement Andy sans la moindre trace d'émotion.

Cette façon d'être se réservait pour les heures de travail et certainement pas entre amis. Mais est-ce qu'elle pouvait encore considérer Sloan comme tel alors qu'il se jouait d'elle et probablement de Charline ? Les mains repoussaient le bord de la table pour redresser son dos et permettre à une profonde inspiration de venir rafraichir ses idées.

"Puisque tu n'as pas l'air décidé à m'expliquer ton comportement envers ma soeur et les photo, je vais aller directement voir Charline. Peut être qu'elle m'éclairera mieux que toi. En tout cas, elle ne me fera pas de chantage, elle. "Poursuivit Andy en se levant sans plus attendre.

S'il pensait qu'elle allait gentiment rester assise pendant qu'il buvait son verre, qu'elle allait sagement ignorer ses premières paroles sur sa soeur et les photographies qu'il possédait, il se trompait lourdement. Sloan n'était qu'un beau parleur, de la poudre aux yeux et Charline devait le savoir. Même si Andy savait que sa soeur était assez débrouillarde et forte pour gérer un homme comme lui mais elle préférait prendre les devant. Mieux vaut prévenir que guérir. Bien sûr, elle laissait assez de temps à Sloan de lui répondre ou de s'expliquer avant qu'elle ne quitte le bar. Autant qu'il ait son mot à dire. Elle préférait l'entendre de sa bouche.