SOLIMAN ❧ La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance.

J'adorais l'été, le soleil, la chaleur, les vacances, c'était le pied. Je m'étais levée tôt ce matin pour aller faire mon jogging, comme d'habitude. J'étais revenue dans la matinée et j'avais fais une petite sieste en début d'après-midi. Il était déjà seize heures lorsque j'ouvrais les yeux, je me levais et courais prendre une douche avant qu'on ne vienne me déranger. Je sortais, portant une robe blanche très fine avant des mules. Je prenais mon sac à main puis je quittais ma chambre. Je marchais longuement avant d'atteindre la forêt, je ne savais pas vraiment où j'étais car je n'y allais pas souvent, enfin pas par ce chemin. Il était vingt heures et il n'y avait personne autour de moi, je n'avais plus de réseau et j'étais complètement perdue. Je soupirais doucement avant de m'installer sur un rocher. Je posais mon sac à côté de moi puis je croisais les jambes, je réfléchissais à tout et à rien. Après-tout, c'était l'occasion pour moi de me retrouver seule et de penser.

Cette édition du summer camp était ma toute première expérience d’un camp d’été et je devais avouer que je passais du bon temps. Je ne regrettais pas une seule seconde d’avoir abandonné Paris pour rejoindre mes potes Winthrop ici, et puis, avec Téodora qui occupait une bonne partie de mes journées je ne pouvais qu’être le plus heureux des hommes. Aujourd’hui j’avais d’autres projets et c’est ce qui avait occupé la plus importante partie de ma journée, une partie de football entre potes avec quelques bières et des discussions légères. Que demander de mieux ? Seulement nous avions tous des projets pour la fin de journée voir la soirée et c’est peut-être pour ça que je m’étais retrouvé seul aux environs des dix-huit heures. L’occasion rêvée pour faire un petit tour en forêt, je savais très bien où est-ce que j’allais et je ne me doutais pas une seule seconde que je croiserais Blaine ici, installée sur un rocher avec sa tête des mauvais jours comme si, comme si elle était perdue dans une forêt ce qui était le cas mais ça je ne le savais pas. Croisant les bras je m’appuyais contre un arbre ne faisant pas le moindre mouvement, me contentant d’observer la petite brunette de dos. « Tu es perdue ? » Demandais-je d’un ton amusé en ne bougeant pas de mon arbre.

« Fais chier! » Je grognais, j'étais perdue dans cette forêt, qu'elle mouche m'avait piqué pour que j'ai une idée aussi stupide de me balader dans un endroit que je ne connaissais pas. La forêt était grande et j'y étais déjà allé une seule fois pour mon jogging, mais j'y étais passé pendant dix minutes avant de rejoindre la route. Je soupirais fortement, me rasseyant sur mon rocher au milieu de nul part. Je passais ma tête entre mes mains avant de me lever rapidement lorsque j'entendais quelqu'un. J'avais eu tellement peur que j'avais failli me rétamer la tronche, comme d'habitude, j'étais tellement maladroite. Sa question était toute bête mais je ne voulais pas passer pour une nul. « Pas du tout, je prend une pause. » Je restais bien sérieuse, bien que je n'étais pas du tout crédible, j'avais vraiment l'air d'une dingue toute seule ici. Je croisais les bras, restant face à Soliman qui était appuyé contre un arbre. « Ça fait longtemps que tu es là? » Je me montrais un peu froide avec lui, mais j'avais appris qu'il avait couché avec une fille dernièrement, ce qui prouvait qu'il se fichait complètement de moi.

Je n’étais pas forcément fan de cette forêt je la trouvais trop vaste et par rapport à certaines autres forêts que je connaissais tous les sentiers se ressemblaient, les arbres n’avaient aucune singularité, il y en avait bien quelques-uns qui avaient des formes un peu étranges mais autrement rien. Il était aisément facile de se perdre en empruntant le mauvais chemin et si je n’avais jamais été doté d’un aussi bon sens de l’orientation peut-être que j’aurais moi-même fini par m’y perdre. Bref, je n’aurais jamais cru avoir quelques petites minutes seul à seul avec Blaine, nous n’avions pas eu l’occasion de discuter ensemble depuis quelques jours, elle n’était plus vraiment intéressée par moi, à l’idée de faire connaissance de manière plus approfondie et je ne parle pas sexuellement. Avant le Summer Camp j’avais développé quelques petits sentiments affectifs, de l’affection qui était parfois ambigüe je vous l’accorde mais pas au point de tomber amoureux. Je ne savais même pas ce que voulait dire l’amour depuis que j’avais été trahi par ma copine cinq années en arrière. Le manque d’intérêt que m’accordait Blaine m’avait dissuadé de lui faire un peu de rentre-dedans, je me contentais de lui parler comme un ami attendant parfois un signe de sa part qui ne venait d’ailleurs jamais. Être devant elle cet après-midi pouvait donc avoir du positif en y repensant. « Ça fait longtemps que tu es là? » Elle simulait une pause ce qui, d’ailleurs me faisait plus rire qu’autre chose. « Je viens d’arriver pourquoi ? »

J'adorais la nature mais je n'avais pas du tout, mais alors pas du tout le sens de l'orientation. Je n'avais jamais eu ce don là, je me perdais tout le temps. J'étais donc perdue dans cette forêt, assise sur un rocher où rodaient d'étranges insectes flippants. Je passais nerveusement mes mains dans mes cheveux, grognant et m'insultant moi-même. Je me levais doucement, faisant les cents pas pendant quelques minutes avant de reprendre ma place assise. Je croisais les jambes puis je relevais la tête en entendant une voix familière dire quelques mots. Je ne voulais pas passer pour une nulle, j'avais ma fierté, c'est d'ailleurs pour ça que je jouais la carte du mensonge. J'étais désormais debout face à lui, je lui avais demandé depuis combien de temps il était là, par peur qu'il m'est entendue m'énerver toute seule. Je soutenais son regard puis je répondais simplement. « Comme ça. » Je le dévisageais brièvement avant de lâcher un petit soupir. Il était très beau illuminé par la lumière du coucher de soleil. Je replaçais une mèche de mes cheveux derrière mon oreille, ne sachant pas quoi lui dire.

Ce moment entre nous deux était vraiment gênant, je n’aurais pas cru que nos retrouvailles seraient géantissimes et qu’il y aurait des câlins platoniques mais là c’était à la limite de ne rien avoir du tout à part des grimaces, de l’aigreur dans le son de la voix… Bref, rien que je n’appréciais vraiment, faire la gueule ça ne me connaissait pas du tout, je ne savais même pas comment on faisait. Les deux seules personnes à qui j’avais réussi à faire la tête étaient mon ex et mon ex-meilleur ami mais le fait qu’il se soit tapé cette dernière avait peut-être eu un effet de facilité là-dessus. Non, dans les autres cas je poussais juste une gueulante et la minute d’après on en parlait plus, je me disais que c’était beaucoup mieux comme ça de toute manière. J’avais l’impression de ne plus être considéré comme un ami, même pas une simple connaissance qui faisait plaisir à voir, elle ne me regardait quasiment pas et merde ce que je détestais ça. N’étais-je pas compliqué à y repenser ? Je voulais qu’elle me regarde, lui plaire… Oui, j’avais envie de tout ça. « Tu veux que je m’en aille ? Non parce que j’ai l’impression de gêner. »

Je croyais avoir de l'importance pour lui mais en fait il s'en moquait complètement. J'avais arrêter de coucher avec des hommes ces dernières semaines pour qu'il se rende compte qu'il me plaisait, mais rien, il ne faisait aucun effort. De son côté, il couchait avec d'autres filles, cette Téodora par exemple, j'avais entendu parlé de leur nuit passé ensemble, en même temps, qui n'était pas au courant. J'étais face à lui, incapable de dire quelque chose de cohérent. Je mordillais nerveusement ma lèvre inférieure, j'avais l'air minable comme ça, je faisais semblant d'être indifférente à son charme alors que je mourrais d'envie de l'embrasser. « Non, reste.. je ne veux pas que tu parte. » Je ne voulais pas me retrouver seule et surtout, j'avais envie qu'il reste près de moi. « Je suis perdue. » Ajoutais-je en baissant légèrement la tête. Je décroisais mes bras, les laissant trainer le long de mon corps. Je ne savais pas trop quoi faire, je me sentais inutile, j'avais l'impression de faire partie du décor et c'est ce que je détestais le plus.

Je savais que dernièrement Blaine avait atténuée sa réputation de femme à hommes et ça n’avait rien pour me déplaire honnêtement. Le problème c’est que lorsqu’il était question de sentiments nous étions tous plus ou moins niais, mon côté rente dedans était nettement moins présent et j’avais du mal à dévoiler que je pouvais commencer à avoir des sentiments amoureux à la personne en question. Je n’étais de toute manière même pas certain d’être amoureux, je ne savais plus ce que ça voulait dire. En tout cas j’avais bel et bien eu une relation sexuelle avec Teodora, il n’était pas rare que l’on fasse l’amour ces derniers temps pour être tout à fait honnête mais elle était plus comme une meilleure amie qui partageait les côtés sexuels en plus de l’amitié qu’une future petite amie. « Non, reste.. je ne veux pas que tu parte. » Sur le point de tourner les talons je m’arrêtais, approchant du rocher sur lequel elle était installée. « Je suis perdue. » Je la regardais un instant m’installant à côté d’elle pour passer mon bras autour de sa nuque. « Viens… On va rejoindre un coin moins éloigné de la forêt avant la nuit. » Je lui tendais la main, prêt à partir.

Je n'étais jamais tomber amoureuse, je n'avais pas eu l'occasion avec les déplacements de ma mère et surtout j'avais eu peur. Je ne savais pas ce que c'était mais ce que je savais c'est que j'étais très attirée par Soliman, je tenais à lui. Je ne voulais pas lui montrer qu'il m'avait manqué et que j'étais jalouse qu'il se tape une autre fille que moi. Je n'avais pas à être jalouse après-tout, nous n'étions pas ensembles et on ne le sera sans doute jamais donc à quoi bon rager. Un léger frisson parcourait mon corps lorsqu'il passa son bras derrière ma nuque, je plongeais mon regard océan dans le sien, sans rien dire. Il faisait presque nuit mais pas totalement encore. Il me tendait sa main que je saisissait suite à sa proposition. « D'accord. » Je me levais, gardant ma main dans la sienne. « Comment vas-tu? » J'esquissais un léger sourire, le scrutant du regard discrètement.

Je me sentais proche de Blaine et ce sentiment avait deux facettes, une très agréable puisque cette proximité me plaisait, je n’avais pas connu ça depuis bientôt six ans et j’étais désireux d’en avoir davantage, je ne voulais pas être faible et succomber à un éventuel amour et pourtant j’étais prêt à foncer tête la première pour la même chose. Le second sentiment était plus facile à mes yeux, il me disait de fuir, lorsqu’on avait été mis K.O. une fois sur le ring de l’amour on avait pas forcément envie d’y retourner pour être tout à fait honnête, les coups d’un soir étaient plus simples, il n’y avait personne qui finissait avec le cœur brisé comme l’était le mien depuis cette soirée pendant laquelle ma petite amie depuis trois ans que je m’apprêtais à demander en fiançailles s’était envoyée mon meilleur ami. L’entourant de mon bras je lui proposais de rejoindre la sortie de la forêt, lui saisissant la main je me sentais envahi d’un frisson qui me traversait tout le corps. « Comment vas-tu? » Je souriais avançant tranquillement au milieu de la forêt. « Bah écoutes… Ca va plutôt bien et toi ? » Ne pas avoir eu droit à parler avec elle m’avait manqué.