Gideon ✾ I can't remember to forget you

Je ne savais pas trop pourquoi c'était sorti comme ça, c'était pas le genre de sujets que j'abordais comme ça, d'un coup, sans plus de préparation et même si avec Sophia nous avions été intimes, ça remontait maintenant. J'imagine qu'une part de moi voulait qu'elle soit au courant. « Je suis désolée Gideon. » J'acquiesça doucement de la tête avant de lâcher un petit soupire. « Ca a été très dur » et ça l'était toujours. « Mais c'est comme ça » combien de fois avais-je rêvé de pouvoir remonter le temps pour refuser qu'elle me suive à cette soirée ? Plus que je ne pouvais en compter. Mais ça ne changeait rien. Je ne faisais que me torturer inlassablement, rien de plus. « Au moins, toi tu es toujours là... je te croyais disparu. J'ai vraiment cru que je te reverrais jamais. » Je me mordis la lèvre, sentant la culpabilité affluer en moi. C'était définitivement une émotion dominante chez moi, à croire que j'étais vraiment de ceux qui font absolument tout de travers et qui de ce fait multiplient les regrets ce qui était ironique venant de quelqu'un qui cherchait à mordre dans la vie à pleines dents. « J'ai eu beaucoup de peine quand on s'est séparé. » Là, la culpabilité m'écrasait carrément. « Mais bon, c'est du passé tout ça. » Nous étions arrivés près du casier de mon prof et je lui faussa compagnie quelques instants pour aller remettre mon devoir. Je revins ensuite un peu à reculons vers Sophia. « Voilà, une bonne chose de faite » dis-je en revenant vers elle, faisant allusion à mon devoir rendu. S'en suivit un petit blanc durant quelques secondes et puis je rouvris la bouche, sachant qu'il fallait que je dise quelque chose. Le silence avait déjà suffisamment duré et je ne parlais pas de celui qui s'étirait depuis ma dernière prise de parole. Je parlais de celui qui avait débuté au moment où j'avais décidé de rompre et que j'étais parti pour ne la revoir que dix ans après. « Je suis désolé, pour la façon dont ça s'est terminé, toi et moi. J'ai mal fais les choses et j'en ai conscience. » Je doutais que ça change quoi que ce soit que je le reconnaisse mais bon, ça lui ferait peut-être du bien. Je doutais de pouvoir faire plus de mal même si, si quelqu'un en était capable, c'était sans doute bien moi.

J'avais conscience de ne pas être le garçon le plus doué pour les ruptures tout en douceur. En fait, pour ce qui était de mes amours, j'étais une véritable plaie. Je tombais amoureux et j'étais une véritable crème lorsque je le voulais, mais ensuite je me lassais. C'était ce qui s'était passé avec Sophia, mais elle avait été ma première et forcément, ça avait une portée particulière. Et maintenant, je l'avais à nouveau sous la main et c'était une chance d'essayer de m'expliquer un peu plus. « Tu as mal fait les choses? Ça veut dire que tu n'aurais pas dû? » Je ne savais pas trop quoi répondre à ça. Je ne regrettais pas de l'avoir quittée car je me sentais à l'époque incapable de gérer cette relation à distance. J'étais lucide à ce niveau-là. « Je ne vais pas m'énerver sur toi, ce qui est fait est fait mais... je ne comprends pas pourquoi tu t'excuses de m'avoir laissé. C'est ton choix, c'est toi qui a décidé tout seul, moi je n'ai pas eu mon mot à dire. J'aurais aimé nous donner une chance à l'extérieur, j'ai le sentiment de trop peu, d'être passé à côté de quelque chose qui aurait pu se faire et le plus frustrant c'est de vivre avec ça. A chaque fois que je rencontre un garçon je me demande si ça sera lui, le prochain, ou si le bon c'était Gideon et que j'ai loupé la chance de ma vie » Au fur et à mesure qu'elle parlait, j'avais par réflexe croisé mes bras sur mon torse, comme dans un instinct de protection qui ne me ressemblait pas des masses, mais j'étais mal à l'aise, je me sentais con. « C'est... J'ai pas été clair sur les raisons du pourquoi je t'ai quitté. Je me sentais pas capable de gérer cette relation à distance. Je me connais, je sais comment je suis et je me suis dis que ce serait mieux si j'arrachais le pansement d'un coup. » C'était un peu bancal, mais c'était la vérité. « C'était maladroit et ça t'as peut-être donné l'impression que tu comptais pas du tout, que je m'en fichais quelque part, mais c'est pas le cas. Nous deux, ça a compté pour moi et ça comptera toujours ».

Enfin, nous avions eu cette discussion, après toutes ces années. On se disait enfin les choses. De toute façon, Gideon ne m'avait pas laissé le choix que de ne rien dire en me laissant comme si notre histoire n'avait pas comptée. Je me demande s'il a été amoureux, ou si j'étais simplement une fille parmi tant d'autres. Je me posais des questions. C'est normal non? Il me disait certaines choses qui me faisaient chaud au coeur mais cela n'a plus d'importance. Tout ça il aurait dû me le dire plus tôt, là ça me faisait beaucoup plus mal qu'autre chose. Je ne disais rien, je le laissais terminer, je jouais nerveusement avec mes doigts, je n'arrivais pas à rester de marbre face à ses révélations. « Donc je ne valais pas le coup d'essayer, malgré la distance? » dis-je d'une voix brisée avant de soupirer pour me calmer. Trop d'émotions tuait l'émotion. J'ai jamais été aussi faible devant un mec, je crois. Respire Sophia. Je chassais mes larmes puis je me forçais à faire un sourire en espérant qu'il soit convainquant. « Je ne sais pas pourquoi je pleure, c'est ridicule, c'est du passé, ça n'a plus d'importance. » pensai-je tout haut alors que je me rendais compte que Gideon m'écoutait. « Pas vrai? » j'ai besoin qu'il me le dise, j'ai besoin d'entendre que nous deux c'est mort depuis longtemps, que je n'ai pas à espérer. Mine de rien, je suis effrayée à l'idée d'entendre sa réponse.

J'essayais de trouver les bons mots, les mots qu'elle avait besoin d'entendre et que je n'avais pas prononcé il y a des années, avant d'être monté dans cet avion qui m'avait ramené à New York. Je n'avais pas été tendre, j'avais pris la porte de sortie mise à ma disposition, sans doute car je n'aurais pas cru la revoir un jour. Et c'était petit, c'était lâche. Ca c'était passé il y a dix ans et y avait pas de mots suffisamment puissants pour arranger ça, j'étais en train d'en prendre conscience. « Donc je ne valais pas le coup d'essayer, malgré la distance? » Argh. J'avais l'impression de m'enfoncer sur place. Plus j'essayais de m'en sortir, plus je me retrouvais englué là-dedans. Je me sentais coincé. Et elle était au bord des larmes, je lui faisais de la peine. Je me sentais vraiment super coupable. « Je ne sais pas pourquoi je pleure, c'est ridicule, c'est du passé, ça n'a plus d'importance. » J'entrouvris la bouche. Je cherchais mes mots, mais ils ne me venaient pas. « Pas vrai? » Je déglutis difficilement. Il fallait que je dise un truc, mais j'avais l'impression que j'allais forcément encore aggraver les choses. « Je... J'aurais tout fait foiré quoi qu'il arrive. » C'était un peu ma spécialité. « On avait passé de bons moments et je me connais, je savais que j'allais tout gâché et je préférais tout arrêter que prendre le risque de tout foutre en l'air et au final j'ai tout foutu en l'air quand même, mais... » Je faisais vraiment pas le fier du tout, je me sentais vraiment con. « Je sais pas quoi te dire, Sophia. »

J'ai l'impression de ne pas connaître Gideon alors qu'on est sorti ensemble et qu'on a partagé pas mal de trucs. C'est une sensation que je n'appréciais pas. Les années nous ont bien changées, oh oui. Maintenant que je savais pourquoi il m'avait quittée, je me disais que je n'aurais pas aimé savoir. Bon, il y a pire comme rupture, des tromperies ou des je ne t'ai jamais aimé, mais rien de tout cela. Donc notre amour avait bel et bien été réel. Mais pas assez fort. En tout cas, de son côté. Maintenant que c'est dit, je vais pouvoir enfin l'oublier et passer à autre chose, même si c'était déjà le cas. Mais au lieu d'avoir barré son nom au crayon, je vais pouvoir le faire à l'indélébile. « Alors ne dis rien de plus. » soupirai-je en haussant les épaules. Qu'est-ce que je peux bien dire d'autre? Qu'est-ce que je fais maintenant? Il a rendu son devoir, j'ai loupé mon bus, au moins un de nous deux était satisfait. « Je suis quand même contente qu'on ait eu cette discussion. » c'était les mots pour conclure car je n'avais plus envie de parler de ça. Je ne sais même pas si j'ai envie de rester encore près de lui ou si j'ai envie de m'enfermer dans ma chambre et me traiter d'imbécile pendant des heures.

Je me souvenais bien de ce que j'avais ressenti il y a dix ans, lorsque j'avais grimpé dans l'avion me ramenant à New York. Il y avait de la peine, mais aussi, quelque part, du soulagement. J'avais pris une porte de sortie à l'époque et j'avais conscience que c'était lâche, que c'était avoir choisi la facilité, mais ça, force était de reconnaître que c'était tout moi. Je n'avais jamais vraiment eut à bosser dans la vie, tout m'était tombé tout cuit dans le bec et je n'aimais pas avoir à réparer les pots cassés. Même si je me soignais et qu'en dix ans j'avais pris du plomb dans la tête, je demeurais toujours ce garçon qui ne responsabilisait pas comme il le devrait. Sophia en faisait malheureusement les frais en ce moment. « Alors ne dis rien de plus. » J'avais de la peine de la voir ainsi et j'aurais aimé trouver un truc à dire mais je n'y arrivais pas alors je suivi son conseil. Peut-être qu'elle en avait marre de m'entendre aussi, ce que je comprenais totalement. « Je suis quand même contente qu'on ait eu cette discussion. » J'acquiesça de la tête. Elle me paraissait vraiment épuisée, épuisée par cette situation que j'avais laissé s'éterniser bien trop longtemps. « Oui, désolé que ça ait mis autant de temps » j'arrêtais pas de m'excuse mais je me disais que c'était peut-être ce qu'elle avait besoin d'entendre, à moins que cela ne soit l'inverse. Je me sentais incroyablement gauche quoi que je dise, quoi que je fasse. Quelque chose dans son ton indiquait clairement qu'elle avait eut sa dose et au cas où elle n'ose pas le faire, je décida de partir moi-même. C'était le moins que je puisse faire. « Bon, je vais y aller » dis-je, en commençant déjà à m'orienter vers la sortie du bâtiment.

C'était bien ce qu'il faisait, ne rien dire de plus. Je comprends pas pourquoi je suis en colère, sans doute parce que je ne m'attendais pas à cette vérité. J'ai l'impression d'être de la merde à ses yeux mais je passais outre de dire mon ressenti. Je préférais qu'on clôture cette conversation qui commençait à me taper sur le système. J'haussais les sourcils en le voyant toujours aussi silencieux. Le malaise. Il y va? Okay, salut... Je ne vais pas le retenir, à quoi bon? Pourquoi je ferais ça? Il a autre chose à faire que d'être en ma compagnie. J'affichais un faible sourire mais c'était trop tard, il ne l'avait même pas vu, il m'avait dépassé pour retourner dans le parking. Et moi je restais plantée là. « Ouais, salut. » murmurai-je avant de secouer ma tête. Non mais quelle idiote. Je restais un moment dans le couloir et je regardais par la fenêtre. Gideon n'était plus dans mon champ de vision et c'était peut-être mieux comme ça.

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