« Elle, faut pas s'y fier » ∇ SCARSIN

Au pire c'est pas grave, on se dira qu'on s'est loupé. Qu'on a fait que de se louper, de la première rencontre à la dernière. Entre tes amourettes et mes flirts, entre les moments où on est libre et on ose pas, entre ceux où on joue, ceux où on joue plus, ceux où on fait semblant de jouer. C'est pas le problème des sentiments, on est pas comme les autres. Ni celui de l'attirance. Le problème, c'est nous. C'est toi qui danse et qui cherche leurs regards, c'est moi qui les regarde eux, qui te regarde toi, et qui noie ma tristesse dégueulasse dans un verre. Le deuxième, je l'ai vidé dans une plante. Parce que j'veux pas rester. Et j'ai bu les autres. Peut-être que ça me flinguera tellement le cerveau que j'arrêterai de te mettre dans chacune des cellules de ce foutu truc. Peut-être qu'à la fin, je trouverai ça mignon que tu sois avec une connasse. Parce que c'est une connasse. Je la connais pas, je la déteste sincèrement. Je jalouserai presque que ça soit elle ta prochaine victime. Pourtant, j'suis la victime idéale. J'ai la peau qui marque, et les yeux qui pleurent. Tout ce que toi tu n'es pas. Un jour je te ferai pleurer. Je suis surement pas si saine que ça, si je nourris ce désir profond en te regardant onduler. Un jour, tu pleureras pour moi, et je m'abreuverai de cette eau là. Mais finalement, t'es peut-être qu'un oiseau. Un truc joli quand il est libre, mais moche en cage. J'sais pas, j'me perds dans mes réflexions. Et t'as ton visage juste en face du mien, à me raconter des conneries."si tu voyais tes pupi--pap--pupilles !" L'alcool, ça me fait perdre ma patience. La tristesse n'a jamais rendu l'alcool très joyeux. « Quoi ? Elles sont noires, quel scoop. » Ma voix s'éraille juste, elle s'abime. Et comme tu m'énerves, je te mords la lèvre inférieure.

Nos deux états étaient similaires, lamentables. L'une s'amuse de l'autre, l'autre pleure sur l'une. Moi aussi j'ai mal, c'est pas parce que je le cache, que tu le vois pas, que ça n'existe pas. Alors je met ça sur le compte de l'alcool, je prétends être faite, refaite, bourrée même pour m'approcher de tes beaux yeux. « Quoi ? Elles sont noires, quel scoop. » rigole et secoue la tête, "mais nooooon mai-" s'arrête. Le visage roux s'approche, s'approche encore jusqu'à ça. Ce moment de blocage. Les dents s'accrochent à tes lèvres. C'est ta manière détournée de me dire que je t'appartiens ? Je sais pas, je ne comprends pas. Je ne comprends pas et pourtant ma main se pose sur le canapé derrière son visage pour prendre appuie, ne pas perdre la distance entre nos visages. Le sourire s'efface, devient sérieux. Oublie tes pupilles deux secondes et croise mon regard. Tu vois ça ? T'arrives à le voir, le désir ? Je recule mon visage doucement, récupère mes lèvres. Ma langue panse l'inférieure, encore un peu endolori. Proche des lèvres, murmure, "aïe... tu m'a fais mal." ne réponds pas à ça Scarlett. Tu m'a fais mal. A mon tour maintenant, et souviens toi que tu es celle qui a voulu jouer. Mes lèvres s'approchent de nouveau, et j'emprisonne les siennes. Mon corps se décide à s'approcher, se rapprocher, briser le peu de distance encore présente entre nous. L'autre main, pas celle qui me sert d'appuie l'autre, glisse dans le cou puis sur la joue adverse. Un baume au cœur, des battements pus puissant, précipités. Je te déteste, saches-le. Je te déteste en partie parce que tu es la seule à avoir ce pouvoir, à me rendre comme ça, à rendre mon cœur fou, à vouloir perdre mon corps contre le tien. Je te déteste pour l'effet que tu m'fais, et je crois qu'au fond, j'aime ça. J'aime te détester, Scarlett, tout comme je déteste t'aimer.

Plus rien à perdre, puisque nous avons déjà tout ruiné. Rien à gagner non plus, puisque tout est perdu. Montre-moi juste que je suis toujours présente, quelque-part dans ta carcasse, même si ce n'est que dans une envie dans le creux des reins. Une lueur avide que je lis dans tes prunelles. Je me raccroche à n'importe quoi. À ta lèvre, de mes dents. Pour te rappeler que t'es à moi, t'infliger une marque qui s'effacera aux contacts des autres bouches que tu croises. A la sienne. Tu l'as choisi douce et fragile, hein ? La candidate parfaite pour que tu puisses t'admirer dans le reflet de ses billes. Une fille pas encore abîmée, vierge de toutes les blessures que tu infliges. Une fille comme moi, comme avant. "aïe... tu m'a fais mal." Je t'ai fais mal ? Je le sais. Tu m'en veux d'avoir été un peu toi, l'espace d'un moment avec l'homme. Homme vers lequel tu me pousses, en refusant d'être à mon bras. Tant pis. Y a tellement de gens qui se loupent, sans le savoir. Nous, on le sait. On le sait et on avance quand même, sans s'attendre. Parce que même si ton corps me surplombe, que tes lèvres gagnent les miennes, que j'vais en crever. Même si mes mains se partagent entre ta taille que j'empêche de fuir, et ta cuisse, que je conquiers de mes doigts. Mais moi, je compte surtout sur le baiser que je te rends, que je cultive, que j'anime, pour te faire rester auprès de moi. Et quand Il nous glisse, idiot aux relents d'intolérance, qu'il y a des endroits plus appropriés pour exprimer notre différence, je t'empêche de riposter en t’entraînant avec la force de ces verres engloutis, le tout sans oublier de glousser bêtement. Parce que ça me rend heureuse. Temporairement. Parce que je gagne sur ta belle cavalière. Temporairement. Que je t'embrasse sur la piste de danse, jusqu'à m'en abîmer les lèvres. " T'as qu'à être ma cavalière ce soir. " Souffle quand même Scarlett, de son air malin.

Je ne m'arrêtera pas, parce que j'aime ce jeu et au final je sais même plus si ça en est un. Est-ce qu'on joue encore à se faire mal ou alors est-ce qu'on dit la vérité en pretextant à un jeu ? Je sais plus, et j'ai pas envie de savoir. Il nous arrête, avec une remarque déplacé, je m'énerve, et j'allais vraiment finir avec mon pied entre ses jambes et tu le sais, tu le sais parce que je déteste ce genre de personne, mais tu m'empêche. Toi et ta sagesse. Le jeu continue, ou notre vérité le temps d'une soirée, j'en sais rien, je pourrais pas dire. L'alcool gagne sur moi, et peut-être que toi aussi, un peu. " T'as qu'à être ma cavalière ce soir. " hoche la tête, conquise. L'idée me va, c'est parfait. Je scelle ce pacte avec un énième baiser sur ses lèvres, ma main joue dans ses cheveux ensuite, et la soirée termine tranquillement, alors que je la raccompagne chez moi. Chez moi, oui. "Dors ici." ici avec moi, tu l'entends ? Rigole débilement "ou alors on dort pas mais tu reste !" j'ai de quoi manger, de quoi boire. Tire sur la main de la rousse, l'attire vers elle et pose de nouveau mes lèvres contre les siennes. Ne m'arrête pas Scarlett, ne m'arrête pas. Cesse, murmure contre les lèvres adverses, "j'te ferais rester de toute façon.." sans même avoir besoin d'utiliser la force, je suis sûre que je peux faire ça.