felaska + au fond, on ne sait rien des gens.

J’essayais de venir à terme avec ce que les médecins m’avaient annoncé un peu plus tôt. Amnésie. Ce mot résonnait dans ma tête comme un écho incessant qui me rappelait ce qu’il m’était arrivé. Je me doutais bien qu’il y aurait des répercussions mais une amnésie. Pourquoi cela ne pouvait pas juste être mon coeur? Cela aurait été facile, des médicaments en plus et le tour est réglé. Ce n’était pas bien compliqué. La vie en avait décidé autrement, et je me retrouvais à présent avec un trou noir des derniers mois. Je ne savais pas ce que j’avais fais, dis, pensés, rien. La dernière bonne chose c’était le week-end à Aspen avec Alaska, et sinon, rien. Nous étions maintenant fin mars d’après les dires des médecins. Il me manquait plus de deux mois de ma vie, et tant de choses ont pu se passer en deux mois. Deux mois c’est soixante jours, c’est 1,440 heures, c’est 86,400 minutes, c’est 5,184,000 secondes; et moi je n’avais plus rien de ce temps-là, juste le vide. Je regarda Alaska, le regard vide. « Aspen. » Soufflai-je, essayant de trouver quelque chose en elle qui pourrait m’aider. Mais rien. Le néant. Alaska continuait de me bombarder de questions, insistant sur mon coeur. « J’ai fait une thrombose. A cause de mon implant et du fait que je fume, mélangé au long vol et l’altitude, ça n’a pas fait bon ménage. Ils m’ont dit que c’est pas trop grave, et que les dommages dû au manque d’oxygène ne sont que minimes. On va me retirer l’implant et il faut que j’arrête de fumer. » Bon ce n’était pas exactement la vérité. Lui dire que je faisais de la fibrillation ventriculaire, elle s’effondrait devant mes yeux, et je ne voulais pas ça. Puis ce que je lui disais n’était pas un mensonge. Mon implant et mes habitudes de fumeuses auraient facilement pu enclencher une thrombose, alors c’était juste un détournement de la vérité.

Aspen. Je resserrais ma main sur la sienne. J'avais l'impression de recevoir un coup de massue. Je n'avais pas envie de me rappeler ce qui avait pu arriver entre Aspen et aujourd'hui. C'était beaucoup trop douloureux. Feldt devait être encore un peu sonné, peut-être même sous le choc de la nouvelle, ça se comprendrait. Néanmoins, si elle fait bien attention, elle remarquera que mon ventre ne s'est pas arrondi. En effet, à Aspen, j'étais enceinte et en couple avec Alexander. Ma main se mit à trembler rien que d'y penser. Je n'avais aucune idée de comment aborder la question. Disons qu'il s'était passé beaucoup de choses dans ma vie, mais dans la sienne, je n'en savais rien. Enfin, peut-être que je pourrais lui donner des pistes. « Un mal pour un bien, je suppose... » C'était pas si mal pour elle d'arrêter de fumer. Pour elle et pour les enfants. Je me redressais un peu, en la regardant avant de finalement me décider à parler. « Il s'est passé beaucoup de choses depuis Aspen... J'ai quitté Alexander à notre retour quand j'ai appris qu'il était le papa du futur enfant de sa sœur. J'ai fait une fausse couche quelques semaines plus tard. Depuis, je me stabilise... Il y a eu le voyage à Hawaï entre mather et le spring break où il y a eu un tremblement de terre. Je crois que tout le monde va plus ou moins bien. » Je ne pouvais pas l'aider plus que ça. Je cachais mes pétages de plomb à répétition depuis ma fausse couche, elle n'avait pas besoin de s'en rappeler. « Je crois que tu es proche d'Hardin en ce moment... » lui glissais-je avec un sourire. Peu importe ce qui avait pu se passer entre Hardin et moi, si leur relation donnait le sourire à Feldt, alors c'était tant mieux.

J’essayais encore de venir à terme avec ce que les médecins venaient de m’annoncer. Amnésie et fibrillation ventriculaire. Tout me semblait comme un mauvais rêve duquel j’allais bientôt me réveiller. Malheureusement, ce n’était pas le cas. J’étais bel et bien réveillée, parlant avec ma soeur Alaska, ne lui racontant que la moitié des choses. Je ne voulais pas l’inquiéter encore plus. Elle devait avoir passée des jours d’enfer à veiller sur moi durant mon coma, et il n’était pas question qu’elle souffre d’avantages avec mes problèmes de coeur. Je lui avais dis ce dont je me rappelais vraiment. Notre week-end à Aspen. Elle était enceinte, et il y avait des problèmes avec Alex, et la suite était un peu inexistante dans mes souvenirs. Qu’avais-je pu faire ou dire après tout cela? Cela devait faire deux mois déjà, ou plus? Alaska tenait ma main, la serrant fort dans la sienne alors qu’elle me racontait tout ce qu’il se passait. J’avais du peine à réaliser tout ce qu’il se passait. Alex, il est, était mon meilleur ami et il a pu faire ça à ma soeur. J’avais du mal à croire que j’étais ami avec ce type. J’essayais d’assimiler du mieux que je pouvais ce que ma soeur me disait. « Je suis désolée… » De devoir lui faire revivre tout cela, qu’elle ait à m’expliquer ces choses. Elle me parlait d’Hardin ensuite. J’étais pas sûre pourquoi. « Je crois qu’on a fait la paix… » Avouais-je alors, comme la seule chose dont je me souvenais sur le moment était notre encontre à la gym quelque peu après le nouvel an.

Aspen. C'était la dernière chose que Feldt se souvenait et comment dire... des choses, il s'en était passé depuis. Dès mon retour de notre voyage, j'avais retrouvé mon petit ami de l'époque et il m'avait annoncé être le père de l'enfant de sa sœur, enceinte à ce moment-là. Je l'avais quitté. Il ne fallait surtout pas croire que ça avait été facile, mais avec le temps et le recule, je me disais que c'était certainement la meilleure chose que j'avais pu faire. Je n'aurais jamais réussi à être pleinement heureuse avec lui, j'en étais certaine. Puis, j'avais perdu le bébé que je portais. Certains diront que ce n'était pas encore un bébé à ce stade-là, que c'était beaucoup trop tôt, mais je l'avais vécu d'une manière tellement déchirante qu'encore aujourd'hui, j'avais du mal à réaliser que cela est pu m'arriver. Je faisais de mon mieux pour expliquer cela le plus naturellement possible, sans y mettre aucune émotion. J'avoue juste que la dernière épreuve que j’énonçais été la plus terrible de toute. Je devrais avoir un gros ventre arrondi et il n'y avait rien du tout. Ma main dans celle de Feldt se voulait rassurante. « Tout va bien maintenant... tout va très bien » lui confiais-je pour la rassurer. Elle était là, réveillée. Je ne pouvais pas espérer mieux. Pour changer de discussion, j'essayais de lui parler d'Hardin. Peut-être que de parler d'un garçon allait lui faire plaisir ? Il avait l'air proche et je ne faisais pas ça par curiosité, simplement pour essayer de raviver quelque chose en elle. « Ce qui est une bonne nouvelle » affirmais-je en souriant. « Peut-être même qu'il pourra t'aider à te rafraîchir la mémoire. Vous étiez ensemble durant le tremblement de terre, il pourra t'expliquer comment ça c'est passé ! » continuais-je ensuite avec toujours un sourire sur les lèvres. Je ne voulais que son bonheur de toute façon.

J’essayais de comprendre toutes les informations qu’Alaska me donnait. Je devais les assimiler encore, mais ma tête lourde m’empêchait de vraiment pouvoir réfléchir. Il y avait trop de choses qui s’étaient passés, trop de mémoires disparue pour l’instant que je ne savais par où commencer. Alaska me parlait d’abord de sa vie, de ce qui avait pu se passer pour elle. Je lui en étais un peu reconnaissante. Je ne voulais pas savoir ce qui avait pu se passer dans la mienne par quelqu’un d’autre. Si il y avait eu des choses importantes, elle me le dirait, non? Est-ce que cela devait être difficile pour elle? Avoir à toi m’expliquer à nouveau ne devait pas être facile pour elle, surtout si j’avais vécu les choses avec elle. Alaska continuait de me tenir la main, et pourtant j’avais cette sensation d’être terriblement seule dans ce monde. Rien ne pourrait combler ce vide. Etait-ce l’effet du coma? de l’amnésie? de la déficience cardiaque? Une question à laquelle je n’aurais jamais de réponse. Alaska continuait de me parler d’Hardin aussi. Nous avions été ensemble au moment du tremblement. « Je ne suis pas sûre qu’il va venir me voir. » Un pressentiment, comme cela, me disait qu’avant la tremblement, il y ait eu quelque chose qui faisait que notre paix n’était plus la même.

C'était une sensation étrange d'être la personne qui visite un malade. Habituellement, j'étais la personne malade, celle qui est allongée dans ce lit froid et qui pleure pendant des heures à cause de cette vie merdique. Ma vie merdique. Aujourd'hui, je rendais visite à ma grande sœur et je détestais cette sensation, là voir ainsi. J'aimerais savoir comment elle se sent, ce qu'elle ressent parce que je voudrais pouvoir lui dire de mon point de vue que finalement, pour l'avoir vécu plusieurs fois, tout ira pour le mieux. Néanmoins, je n'avais jamais eu de problème cardiaque ou de perte de mémoire. "Seulement" deux comas et une overdose qui m'avait cloué au lit pendant un bon nombre de jours. Je me demandais parfois comment je faisais pour être encore ici, moi qui aurais tellement aimé mourir le plus rapidement possible, je me retrouvais coincée dans cette vie. Mais avec le temps, je m'y faisais. La présence de Feldt me rappelait à quel point j'aimais me lever le matin juste pour voir son sourire et celui de ses enfants. Je ne voulais pas qu'elle souffre, je voulais qu'elle retrouve ce sourire qui me donne tant de force. « Tu ne sais pas, tu verras bien.. » lui affirmais-je en essayant de me montrer rassurante au possible. « Comment tu te sens ? Tu veux quelque chose en particulier ? » Tout ce qu'elle voudra, j'irais lui chercher.  

Je me sentais pas bien. Mon corps était lourd, mon esprit fatiguée. Je n’avais qu’une envie d’aller me rendormir, comme si le coma ne m’avait pas permis de vraiment me reposer. J’avais du mal à réfléchir correctement, encore trop sous le choc de tout ce qui venait de m’arriver. Je m’étais pris un poteau dans la figure, m’assommant dans la foulé. Je ne m’étais attendue à tout cela, une arrêt cardiaque, un coma, de l’amnésie. On venait de m’arracher une partie de ma vie sans que je ne demande quoi que ce soit, et ma soeur devait m’aider à recoller les morceaux. Pour le moment, je voulais surtout me reposer, reprendre de mes forces et pas réfléchir à ce qui pourrait se passer avec Hardin. Je regarde Alaska d’un air fatigué. « Je pense que je vais me reposer un peu, je suis vraiment fatiguée. T’es pas obligée de rester. Tu devrais aller te rafraîchir aussi, dormir dans un lit. » Je voulais surtout qu’Alaska arrête de me voir dans cet état. J’étais pitoyable, j’avais la mine tirée et je n’étais même pas sûr combien de temps j’allais pouvoir jouer la mascarade quand à mon coeur. Elle allait finir par apprendre de toute façon.

J'étais inquiète. Normal. C'était de ma sœur dont on parlait. Elle était allongée dans son lit d'hôpital et là, là voir comme ça, ça me faisait mal au cœur. J'espérais qu'il n'y ait rien de trop grave. Mais en même temps, avec une amnésie, ce n'était pas facile. Qu'est-ce que j'allais bien pouvoir lui dire ? Certainement que le meilleur remontant qu'elle allait avoir, ça allait être ses enfants, eux ils allaient pouvoir lui raconter ce qu'ils ont fait tous les trois. Ce sera certainement plus léger que de lui raconter mes malheurs. Moi-même, je n'avais aucune idée de comment je devais me comporter vis-à-vis d'elle. Je ne savais pas s'il fallait que je lui parle d'Hardin ou pas, je l'avais fait et finalement je me demandais déjà si ça avait été une bonne idée. Je changeais de sujet, me préoccupant de son confort et pour le coup, elle était claire, elle voulait être seule. « D'accord... » glissais-je avant de me pincer les lèvres. Je lui déposais un baiser sur le front avant de m'éloigner « Si tu as besoin, ton portable est dans le tiroir de la table de chevet.. » lui confiais-je en désignant l'endroit avec le doigt. « À demain » dis-je finalement avant de partir. 

FIN DU RP