Le regard concentré sur la surface de l’eau, son esprit oscillait entre une colère qui montait en elle, comme une montée de lave, et l’idée qu’il ne fallait pas qu’elle s’énerve. Elle ne pouvait pas en arriver à exploser comme ce volcan qui trônait en face, et se mettre dans tous ses états pour un énergumène qui au fond n’en avait sans doutes rien à faire. Aussi, quand il chercha à lui chercher des noises, ses poings se serrèrent instinctivement. Autrefois elle se serait probablement ruée sur lui comme une teigne pour lui mettre la tête dans la boue. Elle l’avait déjà fait d’ailleurs, dans ce champ vaseux, une fois, quand ils étaient en désaccord sur une broutille (le fait qu’il reluquait le décolleté de la prof d’histoire probablement) – mais avait fini aussi crade que lui --. Autrefois lorsqu’ils se disputaient, même les engueulades les plus tonitruantes se finissaient par un fou rire. Sauf que là c’était différent. Déjà parce qu’ils n’avaient plus le même âge, ensuite parce qu’il était à ses yeux impardonnable. Or il savait pertinemment que la meilleure arme qu’elle dégainait lorsqu’elle était vraiment blessée, c’était l’indifférence. Là elle avait l’impression de lui mettre le nez dedans, de l’enfoncer, voire même de lui écraser la tête jusqu’à l’en étouffer. Il n’aimait pas ça, elle le sentait bien. Mais il savait aussi qu’elle était bien trop une teigne pour l’écouter gueuler sans se faire entendre aussi bien longtemps.
«
Oui je m’en fous !! » cria t-elle en se retenant de justesse de lui mettre son poing sur le nez. «
T’as perdu le droit de me blesser et que je m’intéresse à ce que tu vaux le jour où t’es parti c’est clair ?! » ajouta t-elle dans un déferlement incontrôlable. «
Pour moi, t’étais mort. » Des mots lourds de sens, mais qu’elle avait longuement, trop longuement peut-être, ruminé dans sa tête pendant des mois avant son départ, tout en ayant cet espoir vain qu’il lui referait un signe. Sauf qu’elle s’était rattachée à un espoir vain. Sa santé n’était pas réjouissance, elle avait de plus en plus conscience qu’elle se rapprochait de l’échéance, et qu’il allait qu’elle vive avec. Elle avait appris à se détacher des parasites et des souffrances inutiles avec beaucoup de sagesse pour son jeune âge. Quoiqu’il en soit, Lily haussa un sourcil face aux remarques qu’il fit sur son père. Elle s’apprêtait à lui demander de plus amples explications, mais la nature alentour avait désormais toute son attention. Tétanisée, son cerveau semblait s’être mis en mode pilotage automatique. Son cœur battait la chamade, le rythme effréné de leur course l’empêchait de respirer correctement, si bien que ses poumons se remplissaient à peine de l’air dont elle avait besoin. La sensation de la terre qui tremble, par secousses au début légères, puis de plus en plus violentes jusqu’à ce que la terre entière semble vouloir hurler. Ses jambes tremblaient au rythme du sol, et tout alla si vite, qu’elle eut juste le temps de crier un «
Attention !! » aux vues d’un énorme rocher qui dégringolait dans leur sens. Elle crut que ses jambes s’étaient brisées ensuite, mais en vérité non, c’était Sachka qui les avait précipité dans une fissure, presque une mini crevasse. Retombée sur le côté, il avait suffisamment amorti la chute pour qu’elle n’ait rien de cassé. En revanche, tomber ainsi sur les côtes dans un endroit chargé de poussière lui coupa brusquement la respiration, et ses poumons se chargèrent de poussière. Autrement dit, rien de bon pour quelqu’un dont les poumons ne fonctionnaient pas en autonomie, et qui étaient endommagés à 75%. C’est probablement ce manque d’air non chargé en poussière qui lui fit perdre connaissance, son corps semblait se rabattre sur le minimum vital syndical. La peau de son visage commença à blanchir, et ses lèvres à bleuir. Comme si tout son corps se déchargeait en oxygène. Ce n’est que lorsque par chance, un éboulis de la taille d’un petit poing lui tomba sur le plexus, que cela sembla remettre en route un minimum son système respiratoire. Cela lui fit le même effet que les massages que lui faisaient les médecins pour qu’elle puisse recracher toute la merde qui s’accumulait dans ses poumons, et ne s’évacuaient pas naturellement comme tous les gens en bonne santé. Prenant d’un seul coup une immense bouffée d’air en ayant le torse qui se convulse presque, elle se mit à tousser si fort qu’elle frôla de vomir toute la poussière qui s’était accumulé dans ses poumons. Son visage reprit immédiatement quelques couleurs, et les yeux rouges encore embué, elle ne vit même pas Sachka à ses côté au départ. «
Sachka ?! » ses mains cherchèrent à tâtons, continuant de toussoter en même temps. Dire qu'il y a quelques secondes elle était presque morte, et voilà qu'elle s'inquiétait de son sort. Lamentable. Et lorsqu’elle le distingua à ses côtés dans l’obscurité, elle se força à reprendre un rythme régulier. Mais ils ne pouvaient pas rester ici plus longtemps. «
Ça va t’as rien ?! » Puis la panique sembla saisir son rythme cardiaque de nouveau, les informations au dehors atteignant son esprit avec une vitesse fulgurante. La terre continuait de trembler, parfois par secousses plus fortes. Il fallait qu’ils sortent d’ici avant que les éboulis au-dessus d’eux ne leur tombent sur la tête et surtout … «
Sach' écoute moi ! On ne peut pas rester ici. Le volcan de tout à l’heure, celui dont je t’ai parlé, et où tu écoutais rien comme d’habitude. C’est un volcan effusif. » En même temps qu’elle vérifiait rapidement l’ampleur des dégâts, elle continua ses explications. «
Les séismes d’une grande intensité peuvent être le signe de son éruption, surtout si près. » Consciente qu’elle partait peut-être trop dans des explications, et que Sachka était plutôt du genre à vouloir aller à l’essentiel, elle simplifia alors. «
Pour faire simple, si on reste ici, on est cuits. » Au sens propre, et littéral du terme. S’ils restaient ici elle donnait peu cher de leur peau. Au dehors, elle entendit des cris de panique. Dont une femme qui semblait hurler d’agonie, qui d’un seul coup, cessa tout bruit. «
Oh c’est pas vrai la femme dehors … » Ses cris lui avaient glacé le sang. Et cette interruption soudaine … Est-ce qu’elle était ? … Retenant les larmes dans sa gorge elle plaqua sa main contre ses lèvres avant d’essayer de trouver rapidement une issue dans laquelle se frayer. «
Par-là ! » Elle avait repéré un interstice au-dessus. En dégageant une pierre, ils ne risquaient pas de tout faire s’ébouler, et comme ils n’étaient pas bien gros, ils pourraient facilement se frayer un chemin vers l’extérieur. «
Faut qu’on arrive à s’éloigner vers la ville avant qu’il soit trop tard. » murmura t-elle pour elle-même, trop poussée par l’adrénaline pour se rendre compte qu’elle saignait du nez, et qu’elle avait actuellement le teint de Dracula sortant de sa tombe.
PS : Classe le nouvel avatar chou :finger: ACIDBRAIN