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"You're gonna change my life"
Cette journée était définitivement la plus difficile, que ce soit du côté émotionnel ou physique. Je venais de tendre la preuve qui montrait bien à Olivia que je n'étais pas une fille qui venait par hasard faire son numéro de cirque ! Je n'étais pas ici pour m'amuser ou pour changer radicalement la vie de quelqu'un, je n'étais pas comme ça du tout, mais qu'en savait-elle...
Oui, j'aurais aimé venir pour une autre raison et non pour celle-ci, mais je ne pouvais rien faire, je ne pouvais pas changer ce que je venais de découvrir, je voulais juste tenter de retrouver la personne qui était censée être ma soeur et par un coup de chance, elle était juste en face de moi.
Je pensais être fille unique, je menais ma vie sans frère ni soeur, mais oui, aujourd'hui tout venait de changer. Qui devais-je remercier ou qui devais-je détester ? Je ne le savais même pas.
Olivia était dans une colère noire, m'attendre à une autre réaction était carrément impossible, c'était légitime. Annoncer à quelqu'un que sa vie venait de changer, c'était quand même difficile à accepter et surtout à croire, même en ayant ce fichu papier entre les mains. Elle pouvait très bien penser que c'était un exemplaire inventé, trafiqué, mais en voyant l'état dans lequel elle était, elle devait très certainement me croire un minimum et être au plus bas, je ne savais même pas si elle entendait tout ce que je disais. Je me rappelais très bien de la réaction et pour rien au monde je voudrais la revivre, car j'étais seule, sans personne autour pour m'épauler, il n'y avait que ce papier et moi, rien d'autre. J'étais restée enfermée une journée entière dans cette pièce, dans le noir, je ne voulais voir personne, rien entendre. Ce carton était posé à mes côtés, il y avait encore des choses à l'intérieur, mais sans même y réfléchir, je l'avais laissé ouvert, sans même y toucher de nouveau, je ne pouvais pas et surtout je ne voulais pas. Le lendemain je quittais le grenier, sans même prendre la peine de ranger tout ça. Je m'étais promise de ne plus y retourner, j'y avais des tas de souvenirs, mais ce douloureux moment venait de me faire regretter mon entrée ici. Quelques jours après, j'étais encore mal. Voir Olivia, la rencontrer était la dernière chose que je souhaitais faire et pourtant j'étais là, avec elle...
J'aurais aimé que ma mère prenne le temps de m'expliquer tout ça, pourquoi ne l'avait-elle pas fait ? Voulait-elle me protéger de quelque chose ? Je pouvais comprendre les choses, comme tout le monde, il y avait une raison derrière tout ça et j'étais incapable de deviner seule. Alors oui, depuis ce fameux jour, je me levais chaque matin en me disant - « Pourquoi maman ? ». - Et bien sûr, elle n'était plus là pour répondre. Verser des larmes, partir dans une colère, ne servait plus à rien du tout, peut-être qu'un jour j'aurais des réponses à toutes ces questions, mais venant de la part de qui ? J'évitais d'espérer, car je ne voyais pas comment ça pourrait arriver, honnêtement. Est-ce qu'une tante allait surgir de nulle part, pour m'expliquer tout ça ? Non. Donc ça ne servait à rien que je réfléchisse à tout ça, je devais complètement ridicule.
Olivia n'arrivait pas à se contenir, elle était à la limite d'hurler. - « Vous croyez sincèrement que ça m'amuse d'être là en face de vous ? De vous prouver par a + b que nous sommes liées ? Absolument pas ». - Il était hors de question que je me laisse faire, le ton qu'elle employait devenait presque insultant, il fallait qu'elle se contrôle. - « Je ne vous connais pas, je ne connais pas votre vie, mais acceptez tout simplement les faits qui sont là, un point c'est tout. Cette situation ne m'amuse pas, bien au contraire, apprendre que j'ai une soeur à 25 ans, croyez-moi, je suis sous le choc ». - Et je ne mentais pas, c'était vrai. Je pouvais percevoir chez elle la même fragilité que moi et sous l'effet du stress, de la colère, elle avait sa lèvre du haut qui tremblait, ce qui était impressionnant, car ça me faisait pareil, elle le remarquerait peut-être...
Elle venait de me lancer le papier au visage en me demandant de partir, je n'allais pas rester là, je pouvais à peine en placer une, elle était bien trop énervée pour me laisser la parole. Je n'allais pas non plus la faire taire, je n'avais pas ce pouvoir et ni ce droit. J'allais tout de même tenter quelque chose. Très bien. Tout en ramassant mon papier et en haussant la voix - « Vous voulez me mettre à la porte ? Très bien. Retenez juste ceci, votre vie vient de changer, vous êtes assez grande pour savoir quoi faire et comment agir face à une telle situation, m'user la voix pour vous je ne le ferais pas, faites le choix de l'accepter ou non, vous êtes libre, sur ce, au revoir ». - Cette fois-ci je venais de partir, sans me retourner. Le moteur venait de ronfler, je venais de quitter ma place de stationnement. En partant, j'avais volontairement laissé tomber mon acte de naissance.
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