Oh let's go back to the start feat Hay'm

La vague à l’âme, j’errais sans réel but dans les couloirs. Je devais aller à la bibliothèque pour rendre un foutu bouquin que j’avais emprunté il y a quelques semaines. Manque de bol, un bouquin de plus au sein du bordel de bouquins dans ma chambre, j’avais oublié de le rendre et la bibliothécaire m’avait fait tout un bouquant pour que je le rende aujourd’hui dernier délai. C’est donc après les cours que j’avais pris le chemin pour la bibliothèque. Les couloirs étaient déserts, un peu comme l’Université en ce moment à vrai dire. Les bâtiments d'Harvard prenaient des allures de château fantôme lorsque la plupart des étudiants avaient déserté. Le Spring Break en avance, les examens mais aussi les vacances, bref il y avait tout un tas de raisons pour que je sois un des seuls élèves à errer à cette heure-ci dans les couloirs sombres. Arrivé devant la bibliothèque, j’avais eu la bonne surprise de constater que la mégère avait pris des congés. Je soufflais longuement et posais le livre sur une table ayant des flyers, juste à côté de la porte, puis je faisais demi-tour. Laissant mes pieds me guider, je plongeais mes deux écouteurs au creux de mes oreilles et balançais de la musique apaisante. Mains dans les poches, je continuais ma marche jusqu’à me retrouver dans un endroit que je ne connaissais que trop bien, le mémorial de l’épisode tragique d’Harvard. Une vague de froid transperçait mon corps alors que je relevais le regard sur une tête blonde que je ne connaissais que trop bien. Automatiquement, une main venait retirer un de mes écouteurs alors que mes pas dans sa direction se faisaient plus hésitants. « C’est plutôt à moi de te poser cette question… » Elle était revenue ? À nouveau à Harvard ? J’avais dû louper un épisode… Quoi qu'il en soit, j’ignorais comment réagir.

Tout d’abord, je ne m’attendais pas à me retrouver au Mémorial, à vrai dire j’essayais d’éviter un tant soit peu cet endroit qui était comment dire… sombre. Ces bougies, le nom des personnes inscrites dans la pierre, les étudiants ne sachant pas quoi dire, scrutant cet espère d’autel, l’air de rien, tout ceci n’était plus pour moi. J’avais été touché en pleine poire par l’une des bombes, j’étais tombé dans le coma et les débris avaient créé sur ma peau de nouvelles cicatrices, une de plus ou de moins, je n’étais plus à ça prêt. Je ne faisais pas partie de ceux qui avaient perdu le plus dans cette affaire, beaucoup de personnes avaient péri et d’autres ne s’en étaient pas remis. Moi j’avais continué mon bout de chemin, il faut dire que, quelque part, la bombe m’avait aidé à viser un autre avenir. Du mec étrange que l’on accusait de meurtre, j’étais devenu certes, le mec le plus mystérieux d’Harvard mais dans le sens plus gentillet pas comme un serial killer pour lequel on aurait pu me prendre auparavant. Je relevais la tête vers cette blonde que j’affectionnais tant. Elle m’avait tellement manqué… sa présence, ses messages, chaque soir j’étais désespéré de ne plus voir son sourire qui m’apportait ma lumière quotidienne. « Ah… okay… » Je me fichais, qu’est-ce que je pouvais répondre à ça ? Elle était rentrée depuis quand, quelques jours ? Une semaine ? J’enlevais mon second écouteur alors qu’elle me balançait que ça faisait des mois et mon cœur avait subitement un raté, avais-bien entendu ? Un pas vers elle plus qu’hésitant, je penchais la tête sur le côté tel un chien qui ne comprenait pas tout à la scène qui se déroulait devant lui. « Tu… tu es rentrée depuis quand ? » Ma voix était aussi hésitante que mes gestes, elle se sentait coupable, je pouvais le voir, le sentir, tout son corps montrait qu’elle était perdue.

Je ne comprenais plus rien à la situation, pourquoi m’avait-elle caché son retour ? Est-ce que j’avais fait quelque chose de mal ? Je me mordais l’intérieur des joues à cause de l’angoisse et de l’incompréhension, qu’est-ce qui clochait chez moi ? Car oui forcément, quelque chose n’allait pas puisque au fur et à mesure tout le monde m’abandonnait. J’avais perdu Dayana, Milena, Poppy, puis venais ensuite le tour de Roxanna, Mackenzie, Salomée puis Brynn, et encore ce n’était que la partie féminine du lot. Je ne savais plus où donner de la tête, je causais la mort et la destruction autour de moi si bien que les gens se sentaient obligés de fuir. J’avalais alors ma salive avec difficulté alors qu’elle m’entourait de ses bras tout en se rapprochant de moi. Ce geste me faisait tellement du bien autrefois mais aujourd’hui je n’avais plus la force de faire quoi que ce soit. Les bras ballants, je laissais mon regard se perdre sur la lueur d’une bougie derrière elle. « Je ne comprends rien… » Un mélange d’émotions parcourait mon corps, il y avait de la tristesse, de la colère et surtout je me sentais perdu et terriblement abandonné. J’avais du mal à faire confiance aux gens, à me mêler à eux car le caractère de l’ancien Haytam était toujours quelque part en moi, enfoui mais toujours présent. Et voilà que tour à tour, les personnes autour de moi disparaissaient, mais jamais je n’aurais imaginé que River m’aurait fait ce coup-là. L’annonce de son départ m’avait foutu un mauvais coup mais l’annonce de son retour avait été pire encore. Parfois je me disais que l’ancien Haytam lui au moins, n’avait pas de soucis et je repensais à quel point il était facile de sombrer dans les ténèbres de son passé. « Toi aussi mais… » Mais j’ignorais quoi dire.

« Mais pourquoi… ? » Mes lèvres ne pouvaient rien sortir d’autre, elles étaient tremblantes. Ce n’était pas tant le fait qu’elle m’ait caché son retour qui m’attristait, c’était tout ce lot de connerie que j’avais dû encaisser depuis des années, oui River n’avait pas choisi sa place mais tant de fois des gens m’avaient abandonnés par le passé… Elle était tout pour moi, je lui avais même confié des choses dont personne n’était au courant et à l’heure actuelle je me sentais à nu, souillé par son mensonge. J’avalais le peu de salives que j’avais alors que ma gorge était au même titre que mon ventre et chacun de mes autres organes : en feu. Ma tête tournait, j’avais juste envie de me laisser tomber sur le sol froid et de fixer le plafond qui s’étendait de moi. Oui c’était ça, j’avais juste envie de me déconnecter, de ne plus songer à mes émotions et à mes pensées. Je soufflais longuement tout en essayant de me raccrocher à la réalité alors que sa main glissait dans la mienne et l’air ailleurs, je lui répondais. « Si tu veux, je n’ai plus rien à perdre après tout. » Je passais une main sur mon visage fatigué et sur mes cheveux en bataille. Je sentais mes jambes trembler, j’avais l’impression que j’allais m’écrouler une fois de plus, comme à chaque révélation qu’on avait pu me faire au cours de ma triste vie. C’était quoi ce bordel, pourquoi étais-je un raté que tout le monde fuyait ? Pourquoi je ne cessais pas de me battre puisque de toute manière le destin avait prévu de m’écraser à chaque fois que je me relevais ? Je me mettais en marche plus que silencieuse vers le café en compagnie de la blonde qui avait été ma meilleure amie, mon tout, et qui l’était toujours ? Je l’ignorais.

J’avais pourtant envie de la serrer dans mes bras, de glisser ma main dans la sienne et de sourire tout en profitant de son odeur enivrante, oui j’avais envie de ressentir chaque émotion que je partageais avec elle, comme avant, mais depuis son départ, quelque chose s’était brisé, ouais ce n’était vraiment plus pareil. Qu’est-ce qu’elle me reprochait bordel, je n’étais pas digne d’elle ? Avait-elle trouvé quelqu’un dans sa vie ? Des tas d’hypothèses chamboulaient mon esprit, ce qui était le plus dingue, c’est que j’étais doué pour savoir ce que les gens pensaient, j’étudiais leur comportement corporel mais disons qu’avec les personnes proches de moi… Ce sixième sens était brouillé par mes émotions et mon stress. Je marchais alors pour quitter ce lieu froid et macabre afin de me diriger vers le café le plus proche. Je ne lâchais sa main, à vrai dire j’étais incapable de faire quoi que ce soit à part d’aligner un pas devant l’autre. Je ne relevais pas alors qu’elle me parlait de seconde chance, qu’est-ce qu’elle voulait dire par-là, elle avait craqué sa première ? J’étais paumé. Je me contentais de hocher la tête tout en continuant à avancer, puis j’entrais quelques longues minutes après dans le café, me postant dans la file d’attente. « Pas de soucis. » Je ne relevais pas, pourquoi l’emmerder avec les problèmes qu’elle avait visiblement en ce moment. Et puis ce n’était pas pour ça qu’elle m’avait invité à prendre un café non ? Je me contentais de fermer ma gueule tout en continuant à me mordre la joue, donnant alors ma commande au serveur. Les mains dans les poches, je fixais le sol tout en me balançant d’avant en arrière sur mes pieds. Je trouvais le temps long, ce malaise était en train de me tuer de l’intérieur. Mon café prêt, j’attendais que celui de mon amie soit prêt, puis je me dirigeais vers une table qui était dans un coin isolé, sans trop de monde autour. Je prenais alors place et posais mon gobelet en carton, l’enveloppant de mes deux mains afin de les réchauffer. Je posais alors mon regard sur River, restant tout ouïe à ses explications.