FB. Keep closed feat. Bonaventure

Le shopping, Bonaventure n’aurait jamais cru possible qu’il puisse y prendre du plaisir mais depuis qu’une amie l’avait relooké, il avait pris le pli de soigner sa garde-robe d’autant plus que maintenant, il avait une petite-amie. Andrea méritait un homme qui prenne soin de lui, de son look également. Et puis égoïstement, il voulait reprendre du poil de la bête sans compter qu’au mois de mars, il y avait le Spring break. Le métisse comptait bien en profiter en long en large et en travers et cela passait par l’achat de bermuda de bain et autres tenues plus d’été.

Il se trouvait donc dans une boutique lorsque son regard fut attiré par une tête blonde. Une demoiselle qui n’avait de tort que de ressembler à son ex-fiancée. Bonaventure détourna le regard, le visage crispé. Ce n’est pas qu’il n’appréciait pas Sanaa, c’est simplement qu’il n’arrivait pas à se concentrer, à prendre suffisamment de recul pour oublier cette différence, pour passer au-dessus. Le mieux encore était de l’éviter, de faire comme si elle n’existait pas qu’importe qu’elle lui en veuille ou qu’elle ne comprenne pas. Il se dirigea vers les cabines d’essayage, pensant y rester suffisamment longtemps pour qu’elle s’en aille d’où sa surprise lorsqu’elle vint s’enfermer avec lui. « Non mais ça va pas ? Cela t’arrive souvent de suivre des hommes dans leur cabine d’essayage ? » rétorqua-t-il froidement en la fusillant du regard. Bon sang, la ressemblance était tellement saisissante qu’il avait l’impression d’avoir son ex devant les yeux. C’était à la fois douloureux et énervant. « Fiche le camp ! J’aimerai bien essayer mes futurs achats » reprit-il en faisant mine de déboutonner sa chemise, espérant qu’elle se dégonfle et qu’elle ressorte mais quelque chose dans son regard que son bluff n’allait peut-être pas fonctionner.

Bonaventure n’était vraiment pas le genre d’homme à prendre les autres en grippe pour une raison aussi puérile que : tu ressembles à mon ex-fiancée, dommage pour toi. Pourtant, quand son regard se posait sur Sanaa, toute sa rancœur, sa colère, sa tristesse lui revenaient en pleine poire. Son histoire avec Lucy s’était terminée sur un simple note manuscrite. Quelques mots couchés sur un papier pour mettre fin à six ans de relation. C’était léger n’est-ce pas ? Oh le métisse avait tout fait pour contacter son ex mais cette dernière avait tout simplement disparu de la surface de la Terre. C’était il y a trois ans.. le temps aurait dû jouer en sa faveur surtout qu’il avait une petite-amie à présent. Or Sanaa lui faisait comprendre qu’il n’avait jamais mis de réel point final à cette ancienne relation d’où tout son ressentiment. « Tu ne vas pas me faire croire que je suis le premier qui ne peut juste pas supporter ta présence ? Je veux dire, le monde n’est pas bisounours » grommela-t-il s’en voulant déjà de ses paroles. Sanaa ne lui avait rien fait et pourtant, il continuait de lui parler aussi mal. « J’ai pas besoin de ton avis… mais pourquoi tu ne veux tout simplement pas faire en sorte de ne pas croiser mon chemin Lu..Sanaa » se reprit-il à la dernière seconde. Il avait failli l’appeler Lucy. Bon sang, elle allait le prendre pour un taré de la pire espèce mais la ressemblance était troublante surtout lorsqu’elle faisait cette tête. « Tu n’as rien de mieux à faire sérieusement ? » reprit-il avec plus de douceur. Le chaud et le froid.

Sanaa n’avait pas tort ! Il était légitime qu’elle cherche à comprendre ce qui se passait entre eux mais Bonaventure n’avait pas envie de se taper la honte ou qu’elle se moque de lui. Lucy était un sujet bien trop douloureux et puis… Bon sang, leur histoire s’était terminée sur une note de papier et là, il avait son portrait craché devant les yeux. Sanaa n’avait pas conscience des envies contradictoires qui se déchiraient dans sa tête : l’envie de l’étrangler, de l’embrasser, de la repousser, de l’ignorer ; Seulement Sanaa n’était pas Lucy et elle ne méritait en aucun cas à ce qu’il la traite avec aussi peu de respect. Elle avait le droit à des explications. « Tu t’appelles Sanaa… C’est pas un prénom commun donc je m’en souviens » lui dit-il avec plus de douceur pour essayer d’étouffer le petit lapsus qu’il avait failli faire. Comment réagirait-elle si elle apprenait la vérité ?! Alors, il tenta à nouveau de l’éloigner, de lui faire comprendre qu’elle avait mieux à faire que de se cloitrer avec lui dans une cabine d’essayage mais soudainement, ils furent plongés dans le noir. « Je crois que nous sommes tout simplement dans la merde »lâcha-t-il avec une vulgarité qui lui était étrangère. « Bouge…s’il te plait » tenta-t-il de se montrer plus courtois. D’ailleurs, c’était beaucoup plus aisé de traiter Sanaa avec gentillesse maintenant que son visage était en partie soustrait à son regard. Le duo sortit de la cabine d’essayage. « Je crois que nous sommes enfermés dans le magasin » lâcha-t-il finalement en s’approchant de l’entrée où une grille métallique les empêchaient de sortir. « La vendeuse n’a pas du vérifier qu’il y avait du monde dans les cabines ! Génial ! »

Sanaa n'imaginait pas à quel point c'était une torture de respirer le même air qu'elle. Son visage, son attitude lui rappelait tellement sa Lucy. Pourtant, il savait que ce n'était pas elle, qu'elle ne pouvait être elle.  La jolie blonde ne méritait en aucun cas un tel traitement. La culpabilité avait beau jouer dans la balance, il ne pouvait se défaire de ses vieux démons. Et maintenant, il venait de l’entraîner dans une nouvelle aventure puisqu'ils se retrouvaient coincés dans ce magasin suite à l'incompétence manifeste d'une vendeuse. "Elle était peut-être pressée" argua-t-il pour défendre l'employée même si clairement, il avait eu d'autres projet que d’être enfermé avec elle. En prime, il n'avait pas de réseau, pas étonnant : les grands centres commerciaux avaient tendance à limiter le réseau pour éviter d'éventuels piratages. "On évitera si possible la colonne des faits divers ! Normalement les boutiques ont toujours une sortie dans leur réserve pour l'approvisionnement. Cela évite de le faire à la vue des clients et permet un achalandage fréquents et non soumis aux heures d'ouverture" lui expliqua-t-il avant de se passer la main sur son crâne rasé de près. "Ecoute Sanaa, pour être franc, tu ressembles à quelqu'un que j'ai connu par le passé et j'ai du mal à passer outre mon ressentiment. J'ai bien conscience que c'est idiot et que tu ne m'as rien fait ni même rien demandé...Je peux juste te promettre de faire des efforts" lui dit-il après avoir pris une grande inspiration. Ils étaient coincés ensemble donc autant montrer patte blanche.  "Allez viens, ce serait peut-être mieux de chercher cette sortie n'est-ce pas? A moins que l'idée d’être coincée avec moi t'enchante" plaisanta-t-il vers la fin de ses paroles pour montrer qu'il faisait concrètement des efforts. La pénombre l'aidait beaucoup en ce sens, il le reconnaissait à demi-mots.

Qu’est-ce qu’il n’avait pas dit ?! Pourquoi lui dire qu’elle ressemblait à une de ses connaissances ? Bonaventure aurait dû comprendre que Sanaa lui poserait des questions en retour. Malheureusement, il n’avait pas envie de l’entendre rigoler ou même râler parce qu’elle lui faisait penser à Lucy. Comment expliquer la douleur et la rancœur ? Pour elle, peut-être qu’elle jugerait que sa réaction est disproportionnée ou totalement débile. Le métisse n’était pas certain d’avoir la bonne réaction si jamais Sanaa venait à juger sa vie privée. « Elle s’appelle Lucy… c’est mon ancienne fiancée. Elle m’a quitté après les attentats car elle ne supportait pas l’idée de se marier à un homme amputé d’une jambe. Ecoute, je sais que tu n’y ais pour rien et crois-moi, je m’en veux déjà bien assez pour deux de me montrer aussi peu respectueux de ta personne mais je n’y peux rien. Lorsque je te vois, dans un premier temps, c’est mon ex qui s’impose à moi. Je n’ai jamais pu lui reparler, m’expliquer avec elle alors j’ai une certaine rancœur et un sentiment d’injustice » commença-t-il par lui dire avant d’hausser les épaules en signe d’impuissance. « Peut-être que si j’apprenais à te connaitre, je saurais vous différencier mais Rome ne s’est pas faite en un jour » termine-t-il par dire en se dirigeant vers l’arrière-boutique en sa compagnie. Face à son trait d’humour, il lâcha un sourire amusé comme si cette petite discussion commençait déjà à porter ses fruits. « Dis-moi, tu sais crocheter une porte ? » lui demanda-t-il à tout hasard après avoir essayé d’ouvrir la seule porte de l’arrière-boutique.