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Le corps engourdi dans le moindre de ses recoins, je passe la porte accompagné de cette même personne avec qui j'ai déjà passé une bonne partie de la soirée. Je masque avec difficulté mon sourire en coin, signe de ma satisfaction évidente quant à la décision de mon tendre ami. Il n'a pas hésité une seconde avant de me suivre, ce qui conforte mon égo démesuré en soif d'affection externe. Je le suis, mes pas accordés aux siens dans une longue marche sans retour. Il se retourne, je coupe mon sourire ainsi que mon souffle et lutte pour rester neutre tant que je le peux, tant que je le veux. « Rien Eustache, rien. » Je préfère nier ma jalousie bien qu'elle soit plus visible que le nez rouge d'un clown tant ma précédente réaction est stupide. Vouloir partir soudainement sans pouvoir donner d'explication, ma crédibilité est partie aussi vite que je suis arrivé au bar. Je laisse mes yeux balayer le sol, préférant éviter son regard comme si il pouvait lire dans mes pensées les plus profondes et enfouies. Je reprend la marche à ses côtés, les mains dans les poches, l'air de rien. « Ne cherche pas à comprendre pourquoi je voulais partir, tu me connais, moi et mes caprices... » Je lâche un rire presque muet, pourtant plus parlant que ce qui cogite dans ma boite crânienne à ce moment même. « Tu as des bouteilles chez toi pour terminer la soirée ? Quelque chose à manger ? » Sans la moindre gêne je pense déjà à ce que je vais pouvoir me mettre sous la dents, l'estomac proche de faire plus de bruit qu'un chanteur de metal en plein concert. Je sors mes mains de mes poches et en pose une sur l'épaule d'Eustache de façon à intégrer sa sphère personnelle, son intimité. Récupérer une certaine proximité à ses côtés pour oublier cette sensation qui me noue le ventre, celle de le perdre d'une façon ou d'une autre. Tout me semble si fragile, si éphémère que je redoute son départ. Sans Eustache, bien évidemment ma vie continue mais s'en retrouve bien plus fade, moins agréable. Même nos quelques disputes m'apaisent quand j'y repense, tout autant que les souvenirs de notre rencontre. « T'es quand même bien drôle à voir quand t'es plus tout frais. » Je tapote sa tête, légèrement moqueur tout en sachant qu'à l'heure actuelle je ne suis pas mieux que lui. L'espace entre les réverbères semble s'accentuer, des illusions. Je cligne des yeux, perplexe et continu ma traversée tête baissée dans un désert moderne, une nuit endiablée. Des douleurs aux corps, des blessures de guerre, des traces de tous ces coups que j'ai enduré plus tôt dans la journée surgissent. Je grimace, je suis faible ce soir, faible à en avoir honte d'être avec Eustache dans cet état.
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