La tête comme une bombe, je la sens prête à exploser. Je puise le peu de force qu'il me reste et fini par me relever, étourdi, désorienté. Mon regard se lie à celui qui tout sourire, perverti, laisse ses pupilles épouser des tissus plus intimes que la peau. Perplexe sur la situation, un poil jaloux à l'idée de ne pas être son centre d'intérêt puisque les culottes semblent plus intéressantes, je lui tend mon bras. « Aller, tu regarderas les culottes une prochaine fois, sauf si tu souhaites que je te laisse là... » Non, peu importe sa réponse, peu importe ce qu'il pense, le compte à rebours est lancé, dans quelques secondes il est sur pied. Je me mord la lèvre nerveusement. Mon cœur comme une bouteille contenant un bout de papier mâché bonne à jeter à la mer, je sens que quelque chose ne va pas, ou ne va plus. J'ai raté des épisodes, des saisons, j'ai laisser passer le temps bien plus que de raison. J'ai pour habitude d'être à la barre, de diriger, pourtant je sens que quelque chose m'échappe, se faufile entre mes doigts. Quand bien même que je me questionne, je retourne toutes les idées qui errent dans ma tête, je ne vois pas une réponse à l'horizon. Je m'avance lâchement jusqu'au bar à quelques mètres, deux poids mort aux bouts des jambes, sans même chercher à regarder si Eustache me suit. Je sors à nouveau quelques billets et attrape deux cocktails alcoolisés. Il n'est pas raisonnable de continuer à boire mais je préfère noyer mes mauvaises pensées que de les laisser flotter, tant elles ont presque réussi à me dégoûter pendant un instant. Je glisse une main dans mon débardeur, aère un peu cette seconde peau bien que de courte durée tant elle est devenu humide et pose mes coudes péniblement, la tête penchée et appuyée sur l'une de mes mains. Je parle dans ma barbe, laissant s'échapper à basse fréquence des sons inaudibles ou presque. « Putain ça m'énerve ça, c'est bon... » Ma jalousie excessive à son égard n'est bonne qu'à me perdre. Une véritable carte aux traits inversés, déviés. La suivre ne peut mener qu'à des embûches, des erreurs, des culs de sac, des allers-retours à répétition. Un mécanisme sans fin, sans but. Moi naïvement, j'espère qu'elle révèle la position d'un trésor, de quelque chose de valeur et bêtement du bout de l'index je trace mon chemin, toujours plus confus et étroit. Sans surprise, même avec les plus grands coups de pelle possible, rien, toujours rien. Je creuse seul, à vide, je déterre ce que je possède déjà. Je racle la gorge, agacé mais non pour autant énervé et monte le ton de façon à ne pas avoir à me répéter . « Tu ne veux pas qu'on parte d'ici ? J'ai besoin de changer d'air là, maintenant. Peu importe où tu veux aller, voir même si tu veux déjà rentrer mais je n'ai pas envie de rester ici une seconde de plus. Tu peux même venir dormir chez moi si tu veux, toutes les chambres sont libres ce soir, je n'ai pas d'invités. » Je sais de toutes évidences que ma réaction est excessive mais avoir l'impression de n'être que décor me semble insupportable. C'est un supplice, ou en tout cas quelque chose de ce niveau, je ne sais trop quoi à vrai dire. J'attrape mon manteau, le dépose à peine sur mon dos, bien trop fatigué et confus pour passer mes bras dans les manches et me plante un peu plus loin, inexpressif, le regard posé sur cette identité que je veux m'approprier et que je ne compte pas lâcher de si tôt. Il a le choix, me suivre et m'accompagner, rentrer ou tout simplement rester. Les mains dans les poches, tout se hâte dans ma tête, mes pensées sont brouillons, j'espère simplement qu'il va me choisir.