you're my worst roomate, kind of nightmare (scarlett)

Il avait encore la tête à l'envers, même pas à cause d'une gueule de bois, il avait juste très mal dormi. Le jeune homme avait bossé tard, la faute au retard qu'il avait pris dans ses cours, mais pas question de reconnaître que tout ça était du à lui. Non il préféra mettre la faute sur le soi-disant vacarme de sa colocataire la veille. Leo se leva en traînant des pieds, claquant la porte de sa chambre derrière lui pour bien faire comprendre qu'il n'était pas d'humeur et se rendit dans la cuisine pour déjeuner. Il râlait intérieurement, se disant que ça avait été une erreur de prendre une colocataire, que ce n'était même pas une question financière puisque avant Jeisa, et avant Beezus il vivait seul. Non, même si ça lui permettait de faire des économies c'était contraignant. Surtout qu'il devait se supporter Scarlett tous les jours. Il fit couler son café, cherchant dans le placard des céréales. Au même moment le diable roux apparaissait. « J't'ai déjà dit quand tu finis quelque chose, il y a des post-its sur le frigo, d'ailleurs c'est à toi d'aller faire les courses. » dit-il froidement avant de se rabattre sur des biscottes qu'il tartina avec application en en cassant une au passage. « Faut faire des efforts quand on vit en communauté hein. »

C'est une guerre de territoire perpetuelle, entre toi et moi. Mais Scarlett reste, un peu par question de principe, beaucoup parce que tu l'aides à penser à autre-chose. Autre-chose qu'à sa famille qui part en vrille, à Jude qui est malade, à Tamsin. T'es ma soupape, et tu prends ma rage pour les autres. Ouais, tu m'aides, sans en avoir conscience. Alors vas-y râle, peste, t'as même le droit de me détester alors que j'suis la personne la plus adorable au monde. Selon mes critères, évidemment. « J't'ai déjà dit quand tu finis quelque chose, il y a des post-its sur le frigo, d'ailleurs c'est à toi d'aller faire les courses. Faut faire des efforts quand on vit en communauté hein. » L'encore endormie ferme les prunelles un instant, fouillant dans les placards en soupirant, une grimace s'affichant sur ses traits poupons. « Pas déjà Leo, putain... » Pas l'matin, pas directement, de front. « Commence pas à faire chier dès que j'me lève. » Attrape un fonds de céréales, évidemment pas rangé dans le bon placard. Un moyen d'éviter que ce gouffre finisse tous les paquets. Se retournant, s'appuie contre le plan de travail et plonge sa main dans le sachet, pour les grignoter avec un sourire un brin provocateur. « Même les biscottes te supportent pas, faut t'remettre en question. » Pose le paquet, et se serre un jus d'orange. « Et j'ai pas le temps pour les courses cette semaine, j'ai une vie, moi. » Tu parles.

Comme si ça allait changer quoique ce soit qu'elle lui demande d'être moins chiant avec elle dès le matin. Leo sourit, se moquant clairement de la tête de sa colocataire. Tant pis pour elle, elle avait signé pour la vie avec lui, et si ça allait pas dans sa vie, Scarlett s'en prendrait plein la gueule, c'était en petites lettres en bas du contrat. Et puisque Leo ne pouvait décemment pas s'en prendre à Calypso et qu'il avait déjà suffisamment gueulé sur Sharon, qu'il n'était pas le genre à s'apitoyer auprès de ses potes, il n'avait trouvé meilleur souffre-douleur que la rouquine. « C'est mon problème ça ? » dit-il sur un ton mauvais, retournant à son café avant de la voir manger ses céréales. Elle se foutait de lui ou quoi ? « Pourquoi tu caches les céréales, il me semble qu'on est autant propriétaires l'un que l'autre de cette boîte, t'as pas le droit de les cacher ! » Il pointa accusateur en direction de la jeune femme avant d'ignorer ses attaques, mâchant ses biscottes en faisant le plus de bruit possible, sachant à quel point ça pouvait être insupportable. « Et alors ? Tu crois que j'ai que ça à faire moi aussi ? J'ai cours. » Il allait ajouter qu'il avait une meuf, mais c'était totalement faux, ce qui ne fit que le mettre encore plus de mauvaise humeur.

Ca va, on a cet accord tacite où on s'utilise mutuellement pour exercer nos nerfs. On a chacun les épaules assez large pour encaisser les mauvais mots de l'autre, ça en devient un jeu. Ils râlent, constamment. Parfois y a des pauses, mais elles ne sont jamais bien longues. « C'est mon problème ça ? » Particulièrement mordeur ce matin, le Leo. Scarlett s'en fout, mais complètement. C'est la routine dans le duo, et ça glisse parfaitement. Puis en plus, c'est elle qui a les céréales, qu'elle mange devant son nez. Si tu n'avais pas la vue, tu entendrais forcément le bruit. « Pourquoi tu caches les céréales, il me semble qu'on est autant propriétaires l'un que l'autre de cette boîte, t'as pas le droit de les cacher ! » Gad, ne glousse pas. Tout cet argumentaire pour une boite de céréales, c'est moche. « T'as qu'à mieux chercher. Et vu ce que tu descends comme nourriture, heureusement que je m'en garde de côté, sinon j'crèverais de faim. » Et oh god, il sait pas manger, j'entends d'ici sa façon de machouiller. Une grimace se trace, et elle arbore une jolie mine dégoûtée face à ce spectacle. L'avantage pour lui, c'est que ça la tient à distance. « Ouais, t'as que tes cours à gérer, t'as laaaaargement le temps en dehors. » En allant chercher un bout de brioche, passe à côté de lui et pose sa main sur son épaule. « Puis franchement, c'est pas près de changer, ça commence à s'voir l'excès de bouffe et de bière. » Une main qui vient tapoter son ventre, provocatrice, avant de se relever pour aller chercher son précieux. Elle peut se permettre, elle.

En réalité, Leo était soulagé d'avoir une colocataire comme Scarlett. Attention, il n'était pas content mais soulagé. Une ou deux fois, il avait tenté de se poser, de réfléchir sagement à demander à la rousse de quitter l'appartement, s'engageant à lui trouver un autre logement s'il le fallait. Parce que voilà l'ambiance quoi ! Mais d'un côté, s'imaginer seul dans cet appartement, sans mouvement autour de lui, sans une présence, ça le terrifiait assez. Puis il avait besoin d'un punching ball, on va pas se mentir. « Je mange pas plus que toi, sauf qu'au lieu de manger en traître dans ma chambre, moi au moins je mange ici, devant tes yeux. Je cache rien. » Il faisait toujours de grand geste, s'imaginant sans doute dans la peau d'un avocat du barreau de New York, près à impressionner un jury qui n'existait pas. Les deux seuls juges étaient Scarlett et Leo et ils ne fallait pas compter sur eux pour arriver à un consensus. « Non j'ai une vie sociale moi. » dit-il avant de se rétracter. Comment ça, ça se voyait ? Sans analyser ce qu'elle venait de dire, il regarda son ventre. Bon ok, il y avait peut-être un très léger laisser aller depuis qu'il avait rompu avec Caly et qu'il était entré dans sa période chasteté et pureté. « Et toi tu t'es vue ? Tu te mets quand aux pilates ? »

Le pire dans cette guerre sans gagnant, c'est qu'elle était volontaire, souhaitée, et jamais finie. Inutile, aussi, puisqu'aucun des deux n'était dans la nécessité de s'administrer ce traitement. Tu sais Leo, j'ai la Cabot House, avec mon lit, et des filles adorables. Pourtant je te choisis comme compagnie la plupart du temps. J'ai pas vraiment d'amour pour la souffrance pourtant, et j'aime pas les conflits. Ouais, mais ça, ça m'fait penser à autre-chose que le pire qu'il y a ailleurs dans ma vie. « Je mange pas plus que toi, sauf qu'au lieu de manger en traître dans ma chambre, moi au moins je mange ici, devant tes yeux. Je cache rien. » Hausse un sourcil, le regarde de sa hauteur. « Je préférerai que tu caches, tu manges vraiment comme un porc. » Que des qualités ce mec. Célibataire, tu m'étonnes. Quand à sa vie sociale... ouais, peut-être plus qu'elle. Mais elle se garderait bien de lui faire remarquer, préférant s’asseoir à table, en face de lui, se coupant une part de brioche. « Soit pas dégoûté de ne pas avoir touché de fessier aussi ferme que le mien depuis longtemps. » Prend une bouchée, qu'elle mâche le sourire aux lèvres. Insupportable rousse. « Ca fait combien de temps ? Tu sais encore t'en servir au moins ? » Ouais, j'ai envie de t'emmerder dès le matin. Fallait pas me dire d'aller faire les courses.

Visiblement la technique de mastication de Leo ne plaisait pas à sa colocataire, grand bien lui fasse, il continuait toujours, alternant des slurpements de café et des machouillages de biscottes. Il n'allait pas commencer à être agréable avec elle maintenant, de toute façon c'était trop tard, ils avaient décidé que ce matin était le meilleur pour se prendre la tête. « Je n'arrêterai pour rien au monde, ça me fait un trop grand plaisir que ça puisse t'énerver. » dit-il sur un ton mielleux, un sourire hypocrite aux lèvres. Puis elle l'attaquait sur un sujet sensible, il s'arrêtant en plein déglutissement. C'est qu'elle en devenait presque vulgaire. Non vraiment il s'occupait de sa vie affective et sexuelle à elle ? « T'inquiète pas pour moi, je suis comblé, c'est pas parce que tu fais rien de tes nuits que j'ai une vie aussi pourrie que la tienne. » Pour une fois il ne mentait pas, il avait retrouvé un semblant d'activité ces derniers temps ce qui n'enlevait en rien sa mauvaise humeur. Un sourire moqueur animait son visage alors qu'il se levait pour mettre sa tasse dans l'évier pour la rincer avant de se tourner vers la rousse. « Pendant que j'y pense, la poubelle doit être sortie. »

Evidemment que ça te fait plaisir. De manger comme un porc, de m'emmerder dès le matin, de faire de mon quotidien un enfer. D'ailleurs, heureusement que j'ai gardé ma chambre à la Cabot House, je supporterais pas de devoir vivre ici constamment. Le brouhaha de filles qui jacassent, ou tes bruits d'animaux, le choix est hasardeux. Mais je continue. Je continue car ça me permet d'être énervé pour des raisons que je comprends. C'est facile, de te hurler dessus. « Ca devrait te rendre moins hargneux pourtant. » Je ne me rappelle même plus d'un moment où tout était calme entre nous. Je ne me rappelle plus pourquoi, un jour, on a décrété qu'habiter ensemble était une idée brillante. « Tu sais, tu devrais prendre une femme de ménage. Et en profiter pour l'épouser, si elle te supporte. » Qu'elle vient pester en s'approchant de l'homme d'un pas. Passe à côté de lui, ouvre le couvercle de la poubelle et en retire le sachet plastique plein. Non, ne croit pas que je suis devenue docile. Revient vers lui. « Le proprio vient tout à l'heure, non ? » Ou peut-être que j'ai oublié de te prévenir, tiens. « Faudra que tu penses à nettoyer, si tu veux pas qu'il abîme ta caution. » Nettoyer ? Ah, oui, Scarlett a agrippé le dessous du sac, et redressant son bras, en vidé son contenu sur les pieds de l'homme. Et, pour parfaire sa provocation, dépose un baiser sur le bout du nez masculin. Ouais, comme ça.

Il avait un tas d'amies gentilles, calmes, posées, avec qui il s'entendait très bien à qui il aurait pu proposé de venir prendre la chambre libre de son appartement. Mais non, il restait avec cette espèce d'allumée rousse, insupportable, mal élevée, insultante, ils étaient où là les atomes crochus ? Ils vivaient ensemble bordel, ils devaient bien avoir un point commun outre le fait qu'ils ne se supportaient pas. « Ouais mais quand je vois ta gueule le matin, ça me déteint pas, justement, j'aurais bien besoin d'une meuf pour m'aider à me détendre un peu. » dit-il avec un sourire qui dévoilait les sous-entendus de ses mots. Tout ça était bien sur exagéré puissance 1000 pour énerver encore un peu Scarlett. Il avait comme l'impression que ce genre de comportements la saoulaient et il était le roi pour passer pour le petit con de service. Il fit mine de réfléchir à la proposition de la rouquine. « Oh oui, je pourrais la mater pendant qu'elle récure les toilettes c'est charmant. » Puis la garce s'était approchée de lui pour vider le contenu de la poubelle sur ses pieds. Leo se décomposa. « Va te faire voir Scarlett. » Il attrapa un vieux pot de yaourt qui était tombé sur ses pieds pour l'écraser sur les cheveux de la jeune femme.

A se demander pourquoi Scarlett revient toujours, perpétuellement, sur les lieux du crime. Parfois, demoiselle va chez les Cabots, dans sa chambre dédiée, fait une cure de rires féminins, de potins, de « loin de Leo »... et elle revient. Toujours. C'est une constante. Parce que ça la distrait je crois, d'entendre l'homme pester. Et qu'au fonds, vraiment tout au fonds de sa carcasse, il doit y avoir une rousse masochiste qui apprécie cette tête de fouine. « Il fallait prendre une coloc plus moche, elle aurait peut-être bien voulu de toi. » Qu'elle réplique avec un léger sourire moqueur aux lèvres. Oui, j'aime assez me lancer des brouettes de fleurs. Il faut bien quelqu'un dans cette pièce qui remarque combien je suis géniale. Mais la suite ôte la mine réjouie de l'hystérique, qui préfère la grimace face à cette révélation de fantasme. Très premier degré sur ce coup, la Scarlett. Mais passons sur tes désirs de soubrette, il n'y en aura aucune pour t'aider à te sortir les pieds du contenu de la poubelle. Un rire sort de sa gorge, vu la tête que tire le mather. Épique. Moins drôle quand c'est sa chevelure de rêve qui trinque. Bouche ouverte, regard vert qui s'obscurcit. « Tu me dois un brushing. » Ouais, comme si je m'étais coiffée ce matin, la bonne blague. Et c'est un pot de mousse un chocolat qui reçoit ses faveurs, ses doigts récupérant le reste pour venir l'étaler sur le visage masculin, tout en douceur. « T'as la peau grasse, il te faut un masque. » La voix est douce-heureuse, presque bienveillante.