Contre toute attente, Cameron retint sa respiration en attendant la réponse de la jeune femme. Il ne s’en rendit toutefois compte que lorsqu’elle accepta son offre, et son sourire ravi aurait fait fondre n’importe quelle fille. Sa joie se mua néanmoins rapidement en indignation lorsque cette intrigante demoiselle refusa qu’il lui paie sa simple bouteille d’eau qui ne lui aurait coûté absolument rien. Rendre service aux autres venait naturellement pour lui, et le fait que l’on puisse refuser son aide le surprenait au plus haut point ; d’habitude, au contraire, les gens avaient tendance à profiter de lui.
Puis le jeune garçon incrédule se rendit compte que, ne le connaissant pas de réputation, Madison ne pouvait être au courant de la position de ses parents, du fait qu’il était riche de naissance. Curieusement, cette révélation lui procura une raison de plus de garder cette femme pour lui toute la journée, voire plus longtemps. Une forte envie de la prendre dans ses bras, de la serrer jusqu'à ce qu’elle étouffe, de ne jamais la laisser le quitter, l’étreignit tellement qu’il faillit succomber au désir.
Cependant Madison le tira de ses rêveries et l’attendrit d’une simple phrase prononcée sur un ton parfaitement innocent ;
« Tu as une idée de l’endroit où on pourrait aller ? »Puisqu’elle précisait ensuite qu’elle n’en avait, personnellement, aucune ide, il fit un effort, passa en revue tous les coins de la ville où il aimait se rendre, avant de se rendre compte qu’il ne s’agissait pas de lui faire plaisir, mais de choisir quelque chose que sa charmante compagne aimerait également.
« Et si on marchait le long de Charles River ? Je sais ! Avant, on n’a qu’à aller s’acheter une glace à Christina’s Ice Cream. Et cette fois, que tu le veuilles ou non, c’est moi qui paye ! »Il y avait une certaine détermination entêtée dans sa voix qui trahissait le fait qu’il n’aimait pas qu’on refusât ses avances. Il faisait, en effet, un bien piètre perdant, ce qui, en plus de son entêtement presque insupportable, enrichissait son fort caractère.
Tandis qu’ils marchaient à travers la ville, prenant toutefois le train afin de changer de quartier, puisque la rivière où ils souhaitaient se rendre se trouvait de l’autre côté de la cité, tout en mangeant leur glace – Cameron avait pris son parfum préféré, la noix de coca, et y avait ajouté du chocolat – le jeune charmeur bavardait joyeusement, provoquant les rires de sa nouvelle amie en introduisant dans leur conversation une pointe d’humour, parfois par blagues, parfois en faisant des erreurs stupides dont il riait ensuite ouvertement afin de détendre l’atmosphère.
Puis, lorsqu’ils parviennent ensuite aux abords de l’eau, il devint un peu plus sérieux. Le soleil, toujours haut dans le ciel, poursuivit désormais une course vers le couchant. Il souhaitait aborder un sujet important, au cas où cette charmante demoiselle ne le trouve pas à sa hauteur – ce qu’il redoutait et comprendrait parfaitement – et refuserait son invitation quand il l’inviterait à manger un petit dîner chic avec lui.
« Tu sais, tu m’as parlé plusieurs fois de ton livre, maintenant, lui fit-il remarquer en détournant son regard du sien.
Alors qu’ils bavardaient tout en s’esclaffant librement, regarder les gens en face ne lui gênait nullement, néanmoins ce n’était pas pareil quand la discussion prenait une tournure sérieuse. Pour lui, les sentiments et les affaires sérieuses s’exprimaient bien plus facilement par l’écrit – surtout alors que personne ne pouvait les lires – et les évoquer à haute voix créait pour lui quelques fois des problèmes. Il lui arrivait même parfois, en de rares occasions, de se mettre à balbutier, et il en avait extrêmement honte.
Cependant, pour des raisons parfaitement innocentes, il souhaitait aider cette femme.
« Pourquoi tu ne veux pas le publier ? Je ne l’ai pas encore lu, mais vu la façon dont tes yeux… s’embrasent quand tu parles de la littérature, je devine que tu es douée. Et puis, peu importe, s’il est bon ou pas ! Si tu ne l’envoies à aucun éditeur, personne ne pourra te donner le moindre conseil, et tu ne sauras jamais si tu es à la hauteur ou non… Je t’en prie, laisse-moi le lire, au moins. Je te promets que je ne me moquerai pas de toi. Je t’aiderai même, si tu veux. »Il se retourna brusquement vers elle, la prit par l’épaule afin de l’obliger à s’arrêter devant lui. Ses yeux braqués sur les siens, il prit une mine sérieuse qui en disait long sur son honnêteté naturelle, avant de sourire afin de détendre l’atmosphère légèrement gênante ;
« Putain, sérieux… j’ai l’impression d’entendre un vieux crétin de prof’ parler ! Pas toi ? Je suis vraiment con, des fois… »Il rougit alors bêtement, conscient qu’il devait en effet avoir l’air bien bête, se demandant ce que Madison, qui lui inspirait bon nombre de sentiments curieux, pouvait bien penser de lui dorénavant, s’il l’avait vexée.