Hello, It's me. « Ne t’inquiète pas Papa, tout va s’arranger, j’en suis sûre. » Étaient les derniers mots que j’avais prononcés avant de lui souhaiter une bonne soirée au téléphone. C’était mon père, il n’allait pas bien ces derniers temps. Son travail lui prenait beaucoup de temps et bien que sa place lui conférait de grandes responsabilités, ses supérieurs hiérarchiques ne laissaient passer aucune baisse de régime provenant de sa part. Moralement, cela était très dur pour lui et malgré la distance qui nous séparait, j’essayais tant bien que mal d’être présente au plus possible. De plus, le trois mars approchait à grand pas et chaque année était pareille, mon père sombrait dans une tristesse incommensurable un ou deux mois auparavant. Il était difficile pour lui de tourner la page et il s’était juré de ne jamais se remettre avec une autre femme tant l’amour qu’il avait éprouvé pour ma mère avait été grand. Même si moi j’avais réussi à admettre que la mort de ma mère ne signifiait pas que je devais arrêter de vivre, je m’inquiétais énormément pour mon faux géniteur, la simple idée qu’il puisse avoir pleuré au téléphone me donnait des frissons et me rendait mal au plus haut point. Mes talents de consolatrice n’étaient certainement pas suffisants étant donnée la distance qui nous séparait, mais je n’avais d’autres choix.
Je posai le téléphone sur la table basse du coin salon et soupirai un bon coup afin d’essayer d’évacuer la tristesse qui me berçait depuis quelques heures. J’étais pensive au plus haut point, je n’arrivais pas à me défaire de cette idée, celle selon laquelle j’étais la pire des enfants de rester loin de lui alors qu’il n’était pas bien. Je me sentais coupable et malgré tous mes efforts, je jugeais cela trop insuffisant.
J’étais vêtue d’un jean clair et d’un petit pull bordeaux, aucun artifice, aucun bijou, seule une bague mettait en valeur mes doigts. Je traînais à mes pieds des chaussons roses abîmés par le temps et j’avais attaché simplement mes cheveux par une natte coiffée sur le côté qui entourait mon visage laissé au naturel.
Les fêtes de Noël étaient passées rapidement et bien que cette période était faite pour ingurgiter des tonnes de nourriture bien meilleure que tout le reste de l’année, paradoxalement, j’avais perdu du poids et je m’étais retrouvée les joues creusées et la taille anormalement mince. Mon père m’avait transmis son souci et l’inquiétude était telle que je n’arrivais plus à avaler plus d’un quart d’une assiette. Je m’étais complètement refermée sur moi-même et malgré le soutien que j’avais obtenu de Bonaventure, les idées étaient toujours là, toujours encrées dans mes pensées comme de lourds parasites.
Juste avant le coup de fil, j’avais pris un long bain censé me relaxer, ce qui avait plutôt bien fonctionné sur le moment. J’avais allumé de la musique et laissé une petite lumière tamisée, ce qui fit que mon studio avait été mis presque dans le noir. Muse passait en boucle et je pouvais l’entendre de la salle de bain étant donné que je ne fermais jamais la porte, trop l’habitude d’être complètement seule.
Soudainement, alors que je revenais de ma chambre, j’entends quelqu’un toquer à la porte. J’étais surprise puisque je n’attendais personne à ce moment-là. La seule personne qui me vint instinctivement à l’esprit était Noah. Mon cœur se mit à battre plus que de raison et je commençais à avoir de grosses sueurs froides au niveau de ma colonne vertébrale. Nous avions échangé un ou deux textos il y avait quelques jours de cela et il me paraissait logique qu’il ne pouvait s’agir que de lui. Je mis un moment avant de me décider à me diriger vers la porte et, prenant mon courage à deux mains, l’ouvrit finalement.
Hello, It's me. Tout, absolument tout était étrange, Noah était étrange, l’ambiance était étrange et pour finir, j’étais étrange. La lourdeur de l’atmosphère se faisait ressentir et m’amenait à réfléchir péniblement. Maintenant que j’allais refermer cette porte, qu’adviendra-t-il des politesses ? Allais-je lui proposer un thé, un chocolat… Un scotch ? Non, je ne pouvais, je n’avais pas de scotch. Je n’en savais rien, mais si je devais être sûre d’une chose, c’était que sa présence provoquait en moi un tas d’émotions. Absolument tout ce que nous avions vécu me revenait en mémoire et laissait dans ma gorge une sorte de goût amère, était-ce cela que l’on appelait « regret » ? Noah avait été indéniablement la personne la plus importante pour moi l’espace de quelques semaines. Quelques semaines qui, comparées à l’intégralité d’une vie ne représentaient rien, mais qui au final, comptaient énormément pour moi.
Mes mains repoussèrent délicatement cette porte trop lourde pour moi et doucement je me retournai vers Noah. Rien n’avait changé, ni sa prestance, ni son air froid et hautain, ni cette indifférence indéniable qu’il portait sur le visage et malgré tout, malgré toutes ces inquisitions, je n’arrivais pas à trouver en lui le mal lié à tout ce qu’il m’avait fait. Je n’arrivais pas à trouver la moindre petite étincelle de la grenade qu’il pouvait être par moment. Au fond de moi, je savais que tout était resté là-bas, sur cette île. Rien n’était mort entre nous et je m’étais convaincue qu’il nous suffisait d’un moment esseulés pour que tout redevienne comme avant. Pour l’heure, je n’attendais rien de ce moment, nous étions là pour nous parler, pas pour reconstruire ce qui avait été détruit.
Je m’approchai timidement du jeune homme, resserrant mes doigts entre eux et prenant une bouffée d’air avant de bloquer ma respiration jusqu’à ce que je me trouve à sa hauteur. Mes mains étaient moites et j’avais le ventre qui se tordait dans tous les sens. C’était la première fois que je me sentais si mal devant lui, j’avais peur, peur qu’il se passe exactement la même chose que lorsque nous nous étions vus au café. Il arborait le même air, je ne pouvais que me sentir en alerte devant tant de froideur et tant d’insécurité. Ma gorge était complètement asséchée par l’angoisse et le fait d’avaler ma salive n’y changeait strictement rien. Qu’allais-je bien pouvoir lui dire ? Ou pire, qu’allait-il me dire ? Je ne savais pas ce qui me faisait le plus peur entre ces deux options.
Finalement, il me tendit le paquet qu’il détenait entre ses mains et me dit qu’il lui avait fait penser à moi tout en ajoutant « Joyeux Noël ». J’avais très envie de rire comme je le faisais habituellement tout en lui disant qu’il était un peu tard pour me souhaiter un joyeux Noël mais rien ne sortit de ma bouche. J’étais complètement abasourdie et je me mis à fixer le paquet durant de longues secondes, les lèvres entrouvertes comme si c’était la plus belle des choses qu’il avait pu faire, comme si je ne m’étais plus jamais attendue à recevoir ce genre de signe de sa part. Pourtant, à l’intérieur, un tas d’émotions s’entrechoquaient entre elles, tantôt de la joie, tantôt de la nostalgie et même de la tristesse mais de tout cela, rien ne ressorti. Mes mains vinrent fébrilement attraper l’objet et durant encore quelques secondes je le fixais avant de relever le visage vers Noah, avec toujours ce même air. Je n’avais vraiment aucune idée de la manière dont je devais réagir, devais-je l’enlacer, devais-je l’embrasser amicalement… A vrai dire, même les réactions les plus simples me semblaient être insurmontables avec lui. Alors, de mes lèvres ouvertes sortit un mot, un seul mot prononcé doucement, lentement, avec toute la fragilité du monde : « Merci ». Mon regard s’encra dans le sien, ne sachant que faire, je regardais alternativement son œil droit, puis le gauche, puis le droit. Lorsque soudain, en arrière fond, se mit à résonner cette musique. Celle qui m’avait tant égaillée la nuit au phare et celle qui m’avait fait tant pleurer lorsque Noah mit fin à notre relation. Là, le regard fuyant, il fallait que je trouve un prétexte pour parler, pour faire quelque chose, je ne sais pas, pour camoufler ce bruit de fond. Alors, je raclai ma gorge péniblement et regardai le canapé plus loin. « Tu peux… T’asseoir, je te sers quelque chose à boire ? Par contre… Je n’ai pas de scotch. » Dis-je d’un air totalement paniqué et alerté. Je ne savais pas pourquoi un tel sentiment m’avait pris à ce moment-là et pourquoi j’avais agis de la sorte, mais cela me mit très mal à l’aise, à tel point que mes joues avaient pris la couleur des coquelicots. Je me précipitai quelque peu vers mon armoire afin d’y prendre des verres et lorsque j’y arrivai, je me rendis compte que moi aussi j’avais un paquet lui et que moi aussi j’avais pensé à lui… Alors, je le pris entre mes mains tout en déposant le sien, le regardai et sans vraiment écouter la réponse que me donnait le jeune homme, me redirigeai vers lui presque immédiatement. Je lui tendis et avec une once de confiance en moi, dis-je : « Tiens, moi aussi j’ai pensé à toi… » Un tas de choses se cachaient derrière cette phrase, un tas d’émotions, un tas de souvenirs, un tas… de tout. Cela voulait dire : « Regarde je ne t’ai pas oublié » ou « Tu vois, je suis toujours là pour toi » ou encore : « Je ne trahirais pas ma promesse… ». Un silence se fit entendre et Unintented continuait d’être jouée, j’avais le cœur qui battait la chamade sans raison valable et je me mis à fixer les yeux de Noah longuement…
Au fond, je n’espérais qu’une chose : Que tout redevienne comme avant et que nous puissions profiter de tout ce que l’un pouvait apporter à l’autre. Même si des tas de choses s’étaient passées depuis notre dernière rencontre, à l’intérieur, rien n’avait changé. Peu à peu l'atmosphère se désépaississait doucement, le fait d'avoir échangé ces cadeaux y avaient été pour quelque chose, peut-être. Malgré tout, nous étions certainement sur la bonne voie...
Hello, It's me. Mes yeux ne quittaient plus ceux de Noah, je ne voulais plus me séparer de ce regard si spécial. J’étais là, devant lui, les mains en avant pour lui tendre le petit paquet que je lui avais acheté. Je réfléchissais dans le même temps à ce qu’il m’avait dit, le fait que le cadeau lui faisait plus plaisir à lui qu’à moi mais il ne pouvait pas savoir à quel point cela avait de la valeur à mes yeux. S’il m’avait acheté cet objet, c’était qu’il avait pensé à moi et cela sonnait comme si je valais encore quelque chose pour lui. Au fond, mon cœur battait toujours pour lui et cette simple attention avait réveillé la minuscule flamme qui persistait toujours.
Finalement, il attrapa le paquet se trouvant entre mes mains, frôlant de ses doigts les miens, m’arrachant par la même occasion un frisson qui fit hérisser absolument toute la pilosité se trouvant sur mon corps et le posa immédiatement sur le canapé. Nous nous regardions toujours et j’aimais à croire que ses yeux exprimaient absolument toutes les émotions du monde. Tantôt j’y voyais de l’affection, tantôt de la gêne. Il était incroyable comme ses yeux pouvaient constituer le miroir de son âme et malgré cette mine qu’il arborait, je savais que tout ce qui était en train de se passer entre nous à cet instant précis signifiait énormément pour lui. Soudain, il se décolla du canapé, avança vers moi et la seconde d’après, mon corps se retrouva contre le sien. La surprise était telle que mes paupières, grandes ouvertes, restaient fixes et ne se refermaient plus durant quelques secondes. Mes lèvres en firent de même et j’inspirai quelque peu afin de me dégager de cette gêne insoutenable. Quelques petites secondes passèrent et mes yeux se fermèrent en même temps que mes bras entourèrent le corps du jeune homme. Mon visage s’enfouit instinctivement contre son torse alors que mes doigts agrippèrent sa chemise à l’arrière. Son odeur… Dieu que son odeur m’avait manqué. Mon cœur se mit à battre la chamade, presque comme la première fois que nous nous étions embrassés et j’avais même l’impression qu’à travers ce pull sans forme, il pouvait le ressentir. Les sensations que je ressentais à ce moment-là étaient parfaitement indescriptibles mais elles me prouvaient une chose : J’étais amoureuse de ce garçon étrange, malgré moi.
Mes bras se resserrèrent autour de lui et avec les forces qui me restaient, j’accentuais notre étreinte. Mon esprit était brouillé, l’acte en lui-même me paraissait tellement beau que quelques gouttes salées embrumaient mes yeux mais je ne devais pas me montrer si faible devant lui, je ne pouvais simplement pas. Alors, je retins l’espace d’un instant mon souffle et d’une voix faible, basse et douce je dis : « Si tu savais depuis combien de temps j’attends ça… » Je me sentais si bien dans ses bras. J’avais l’impression que plus rien ne pouvait m’atteindre, que toutes les peurs qui m’animaient auparavant s’étaient envolées et que grâce à lui, la paix était enfin revenue emprisonner mon cœur. Je voulais que notre embrassade dure éternellement et que Noah reste à mes côtés indéfiniment. Malheureusement, je savais qu’à un moment ou à un autre, il fallait que nous nous lâchions et cette fois, je voulais que ce soit moi qui brise le contact et c’est ce que je fis la seconde d’après en me reculant quelque peu du jeune homme. Mes yeux se redirigeaient vers les siens, cherchant son regard, mes mains se déposant délicatement sur son torse bombé. Je me mis à respirer calmement et mes lèvres s’étirèrent doucement et discrètement. Il fallait que je lui dise tout ce que je pensais, il fallait que je me délivre de toutes ces pensées qui m’avaient torturé pendant des semaines. « Je n’ai pas cessé de penser à toi… » Dis-je tout en baissant les yeux sur sa chemise ajustée. Il était beau, il me troublait, comme à notre première rencontre et j’essayai tant bien que mal de cacher tous ces sentiments qui me rendaient fébrile. « Je suis tellement contente que tu sois venu… » Dis-je avec toujours cette voix douce et paisible. Mes mains se décollèrent difficilement de son buste et avec un léger sourire, toujours présent je dis : « Assied toi, je t’apporte ton verre. »
Hello, It's me. Je n’avais eu de cesse de penser à Persée et Andromède durant ce laps de temps qui nous avait séparés. Pour cause mes observations stellaires toujours un peu trop nostalgiques et marquées d’une volonté sans faille de retrouver un jour cette complicité qui nous avait, sans doute, tous les deux marqués. J’étais consciente que rien ne pouvais être éternel, encore moins cette relation tumultueuses et si fragile qu’était la nôtre. Malgré tout, j’osais encore espérer quelques fois que cette petite infinité que Noah m’avait offerte se renouvellerait et qu’elle nous bercerait encore quelques temps ensemble.
Cette nuit-là, au phare j’avais fait un vœu devant l’étoile filante la plus scintillante et la plus belle que je n’avais jamais vue. Et pourtant, plus les semaines passaient et plus cet instant me démontrait toute la lâcheté des étoiles et des astres comme ceux-là ; ceux qui devaient rendre nos vœux réels. Pourtant, j’avais l’impression que nos deux silhouettes, nos deux émanations qui faisaient de nous deux étoiles complémentaires auparavant, n’avaient rien de faux et que malgré toute la pluie qui s’était déversée sur nous, le soleil n’allait pas tarder à montrer le bout de son nez.
Etait-ce hypocrite de ma part de garder l’espoir quant à nos péripéties amoureuses ? Ma mère m’avait appris une chose durant sa phase terminale, c’était bien cela, l’espoir. Et elle m’avait inculqué de nombreuses choses parmi lesquelles se trouvait : « S’il y a de la vie, il y a de l’espoir. » Pour elle, ça n’avait pas fonctionné mais j’étais persuadée que cela pouvait encore marcher pour moi… Une chose était sûre, si les astres étaient contre moi et si je ne pouvais plus compter sur les étoiles, alors j’allais me battre. J’allais me battre pour ce garçon qui en valait la peine, pour ce garçon qui m’avait fait rêver pendant de longues nuits parfaites… Ce garçon qui avait pu refaire battre cet organe inanimé dans ma cage thoracique.
Un étreinte et il m’avait semblé que tout était redevenu comme avant, à quelques choses près. En tout cas, j’aimais à croire qu’il l’avait fait sincèrement et pas parce que j’arborais une mine laborieuse. Malgré tout, je sentais la fusion de nos deux âmes, il y avait toujours cette petite chose qui nous rapprochait, je n’avais pas exactement la définition de ce phénomène mais je savais que quelque part deux entités voulaient que nous formions un couple et pas seulement deux amis avec plus si affinité. J’avais toujours cru en le grand amour, celui qui vous fait valser, celui qui vous fait rêver, chaque jour, chaque nuit. Et avec nostalgie je pensais que Noah avait fait partie un moment de ce concept qu’était l’amour, le vrai.
Il n’avait pas eu de réponse aux sincérités que j’avais prononcé et j’y vis là, non pas un affront, mais toute la personnalité de Noah. Il avait toujours été ainsi, alors, je ne m’en préoccupais guère et jamais au grand jamais je n’avais voulu de réponse absolument. Finalement, la tension qui m’avait habitée depuis sa présence chez moi s’était presque envolée, j’aimais le fait que malgré ce qu’il s’était passé, nous avions une attitude tout ce qu’il y avait de plus normal et que la haine n’était plus de mise entre nous. D’ailleurs, je n’en voyais strictement pas l’utilité et les fois d’avant avaient été bien assez pour moi.
J’avais ouvert mon paquet à côté de lui, le remerciant comme il se devait et l’embrassant au coin de la bouche. Je ne savais pas exactement pourquoi j’avais fait cela et si cela signifiait forcément quelque chose mais je m’étais laissée aller à mes envies et à ce moment précis, j’avais simplement hâte que nous nous rapprochions encore… Je ne répondis pas à sa remarque concernant le fait que je pourrais apprendre les constellations par cœur tout simplement parce qu’il n’y avait pas besoin de mots… Seul le geste avait compté. Puis je lui proposai d’ouvrir son cadeau à son tour. Il semblait déstabilisé, quelque chose clochait à ce moment précis, peut-être que cette proximité l’avait fait réfléchir, peut-être que ça ne lui avait pas plu et qu’il n’avait pas voulu de cela. Je ne savais pas du tout quoi en penser… Tout ce que je savais c’était que j’étais parfaitement excitée à l’idée qu’il soit ici, près de moi et que tout cela me forçait à agir de manière plus qu’inhabituelle. Sa visite était certainement la seule chose de positive qui me soit arrivée depuis un certain moment… Alors il me semblait plutôt logique d’être heureuse à cette idée. Mais il fallait que je garde tout de même une distance. Comme… Une distance de sécurité pour ne pas avoir à ramasser les pots cassés encore une fois par la suite et comme j’avais pu déjà le faire auparavant. Il était obligatoire que je calme mes ardeurs si je ne voulais pas attirer ses foudres ou tout précipiter encore une fois.
Finalement, il ouvrit à son tour son paquet. J’avais hâte qu’il découvre ce qu’il se cachait en dessous de ce papier cadeau bleu. Il eut une petite phrase, me disant que c’était adorable. Alors, mes lèvres s’étirèrent légèrement et timidement. Je l’observai quelque seconde avant de lui répondre. Il semblait songeur, lui avais-je remué certains souvenirs avec ce cadeau ? Je n’en savais rien mais il resta silencieux quelques secondes. « Il s’agit du plus vieux phare de Norvège. Je l’ai visité avec mon père et je dois avouer que c’était très différent du phare où nous avions été ensemble. » Dis-je avec un ton neutre tout en regardant le jeune homme encore et encore. « Certain dise qu’il est hanté par le fantôme de l’épouse d’un pirate qui se serait perdu en mer il y a des siècles. Et parfois, on peut même l’entendre chanter… » Pourquoi est-ce que je racontais ça ? C’était inutile, aussi inutile que tout ce que j’avais débité depuis le début… Noah n’en avait que faire, c’était indéniable. Peut-être était-ce là pour moi un mécanisme de défense et que dès que je voyais Noah songeur ou silencieux il fallait que je parle… Parle et parle de nouveau. « Enfin… Euh… Voilà. » Finissais-je. Je ne savais plus du tout quoi dire ou faire. Tout me semblait tendu désormais, encore une fois…
Hello, It's me. Je n’attendais pas que ce « rendez-vous » fasse des miracles, je ne m’attendais pas non plus à ce que Noah me livre ses pensées les plus profondes et les plus difficiles à sortir. Je m’attendais bien plus à quelque chose comme un discours prononcé simplement, sans détours et sans grandes émotions. Je connaissais le jeune homme maintenant et je savais que pour lui, l’extériorisation de ses sentiments les plus noirs et les plus obscurs était une chose quasiment impossible à faire. C’était la raison pour laquelle j’avais également cessé de croire à ces trois mots magiques, excessivement utilisés par ma propre bouche. Noah était ainsi et je l’avais amplement accepté mais malgré tous mes efforts pour l’intégrer totalement à ma vie et lui laisser entrevoir toutes les facettes de ma personnalité, il avait trouvé un moyen pour m’échapper ainsi qu’échapper à toute sorte de contrôle qui pouvait s’acharner sur lui. C’était peut-être cette faille qui m’empêchait de le connaître totalement, car même si j’avais l’impression de l’avoir découvert intégralement, j’avais toujours cette sensation qu’il restait des tas de choses non dites et des tas de choses cachées.
J’étais sûre d’une chose, c’est que je ne reproduirais jamais les erreurs que j’avais pu faire auparavant. J’avais provoqué sa colère et j’en avais payé les conséquences, j’avais retenu la leçon, je ne voulais plus que notre relation ternisse avec de telles absurdités. Pourtant, observant sans cesse et sans vergogne son regard j’avais l’impression de le voir pour la toute première fois perdu, sans plus aucune confiance en lui. C’était particulièrement étrange, il me donnait envie de le prendre dans mes bras et de le serrer très fort contre moi. Mais je ne pouvais décemment pas, c’était impossible, pas dans cette situation. J’avais déjà ressenti un froid après l’avoir embrassé au coin des lèvres, je ne voulais pas gâcher encore plus ce moment. Au fond, je m’étais résignée à m’obstiner tellement pour notre relation, si Noah était mieux ainsi et qu’il voulait garder sa liberté, alors je respectais son choix, je n’avais pas à m’opposer à cela. J’étais parfaitement consciente qu’il pouvait arriver que deux personnes pensent être faites l’une pour l’autre et qu’au final, ce fait se révèle être totalement faux, une illusion d’un soir, une pensée éphémère et animée par la passion d’une seule nuit.
Nos cadeaux étaient symboliques, ils étaient l’image parfaite de ce que nous ressentions présentement tous les deux : Sans avoir exactement quoi, quelque chose nous reliait et il fallait que nous arrêtions nos disputes inutiles. Alors, je l’écoutais, sans dire mot et il semblait troublé par le cadeau que je lui avais offert, à tel point qu’il resta fixé dessus pendant un petit moment. Puis j’eux l’impression qu’il reprit ses esprits avant de déposer l’objet sur le côté et de se frotter les mains sur ses cuisses. Noah avait soudain l’air plus anxieux, plus angoissé. Alors, je compris que ce qui allait poursuivre était plus important, beaucoup moins insignifiant. Je me déplaçai quelque peu, le buste tourné vers le jeune homme et, retirant mes deux chaussons, je me mis en tailleur juste à côté de lui. D’abord, il ne me regardait pas puis, lorsque son premier mot sortit d’entre ses lèvres, son regard se releva vers moi, y mêlant tout le sérieux que devait avoir cette conversation. J’étais toute ouïe lorsqu’il débuta son explication. J’avais l’impression qu’il se retenait, comme s’il ne voulait pas en dire trop, en fait, comme s’il ne voulait pas me donner de faux espoirs, pour une fois. Je l’écoutais attentivement, attirée et pendue à ses lèvres comme si je buvais ses paroles. Tout, absolument tout m’avait manqué, sa voix, ses mots et même si ce n’était pas les meilleures paroles que j’avais entendues, j’aimais l’entendre parler, simplement. Il finit par des mots sincères au plus haut point, du moins, c’est ce dont j’avais l’impression. Il pensait ce qu’il disait et malgré tout, je ressentis comme un pincement au cœur lorsqu’il eut cette intonation. Celle qui me montrait qu’il pouvait contenir de la fragilité malgré tout. Nos regards se divisèrent, je me mis à regarder mes doigts qui courraient les uns sur les autres frénétiquement, il me semblait avoir entendu la fin de tout espoir, la fin de toutes les illusions que je m’étais faite et la preuve comme quoi les étoiles étaient en réalité juste une absurdité qui nous poussait à rêver inutilement. C’était la fin d’un chapitre, la fin d’une histoire, la coupure entre ce qu’il s’était passé et ce qui allait se passer. Je n’étais plus sûre de rien, tout ce mélange de sentiment me donnait la nausée et je ne savais pas réellement pourquoi, je me sentis mal sur le coup. Le goût du passé m’hantait toujours et je ne voulais absolument pas que nous arrêtions de nous voir pour autant. Je réfléchis un instant et fis bonne figure, comme je le faisais très souvent avant de relever les yeux vers ceux de l’Eliot. « Noah… Je sais pertinemment que tout ce que nous avons vécu était d’une sincérité remarquable ; tu me l’as prouvé à chaque seconde… J’imagine à quel point ta vie doit être compliquée et je ne cherche pas à savoir pourquoi et quelle est la cause de tout ce qui s’est passé. Je ne t’en veux pas… » Lui répondis-je difficilement. Je ne lui en voulais plus, sur le moment, mais je lui en avais voulu, je l’avais pesté et détesté mais à quoi cela servait-il ? Tout bonnement à rien… Alors je m’étais résignée à rester ainsi, juste à ne rien attendre et à pardonner, encore et encore. Je me sentais faible face à tout ceci, aussi faible que la petite fille que j’étais il y a des années et je haïssais tellement cette personnalité que je détenais, c’était horrible.
Un sourire se dessina sur mes lèvres abimées par le froid, je devais combler ce malaise que j’avais, je devais le camoufler. J’avais du mal à croire en cette mimique et cela devait se remarquer mais le fait était que je voulais que Noah y croie. Mes mains se serraient entre elle, comme si j’avais voulu que ce soit le cas avec nos deux corps et je me mis à avaler ma salive péniblement. Pourquoi devais-je me sentir ainsi désormais ? J’avais l’impression d’être des montagnes russes sur lesquelles montaient et descendaient des tas d’émotions et cet ascenseur émotionnel était l’une des choses les plus désagréables que je pouvais connaître. Finalement, je pris une petite inspiration discrète et regardai Noah une nouvelle fois dans les yeux. : « Franchement, ce serait idiot de t’en vouloir pour ça… » J’essayais de me rassurer ou bien ? Quelle idiote j’étais… Comment allait-il le prendre désormais ? Peut-être que j’avais à nouveau tout gâché…