Visite : Abby

Après toutes les nouvelles qu’elle lui avait annoncées depuis qu’ils s’étaient retrouvés à Harvard, Abby ne devait vraiment pas s’attendre à ce que Noah soit tendre avec elle. Une partie de lui, évidemment, quand il la voyait triste, avait envie de la consoler. Mais c’est la raison qui prit le dessus – il se devait d’être dur avec elle pour qu’elle comprenne enfin qu’elle faisait vraiment n’importe quoi de sa vie : « Mais de quoi tu me parle Abby ? Je suis le premier à ne pas vouloir que ça se sache. T’as idée de la raclée que mon père va me mettre quand il apprendra que depuis le début j’étais au courant de tout ce qui te concernait et que je ne lui ai rien dit ? Arrête d’être égoïste un peu, tes histoires ne t’affectent pas que toi. T’as beau pas vouloir du titre d’héritière, ça ne change rien, tu mets ta famille, toute ta famille, et moi le premier, dans une situation délicate et quasi insupportable. Nous sommes en Amérique et au 21ème siècle, il y a des tribunaux et ton copain là, Eden, ne peut pas s’en tirer comme ça. Alors fais-moi le plaisir de le retrouver, qu’il assume son rôle un minimum. Pour le reste, je pense que tu devrais parler à tes parents, malgré tout ce qu’il y a eu, tu dois leur parler, on est une famille Abby. »

Sans doute Noah avait-il touché un point sensible. Il n’avait jamais vu Abby dans une telle rage. Mais il n’y pouvait rien. Il en avait assez de jouer les grands frères protecteurs sans jamais osé lui dire ce qu’il pensait vraiment de tout ça. Il valait mieux qu’elle sache la vérité et peut-être, du moins il l’espérait, que ça la pousserait à réfléchir : « C’est ça Abby, c’est exactement ce qu’il faut faire. Rejeter le dernier membre de ta famille avec lequel tu as encore un contact. Ce qui t’es arrivé est dur, et je le sais. Et ça me rend malade, complètement. Mais bon sang Abby, un titre ce n’est pas une robe de la dernière collection dont tu ne veux plus et que tu jette ! Un titre c’est ton sang, c’est ton héritage, c’est une histoire qui dure depuis des siècles et qui continuera encore pendant des siècles ! Tu crois pouvoir d’un coup, comme ça, effacer notre histoire et notre culture en rejetant toute ta famille et tes responsabilités ? C’est bien vas-y, range moi dans le même carton que le reste de la famille. J’ai beau les détester tous, un par un. Mais moi au moins, je n’oublie pas d’où je viens. Et quoique tu fasses, tu ne pourras jamais, oh grand jamais, cessé d’être l’héritière du royaume. J’en ai marre de faire semblant de supporter une situation insupportable. Tu me mets devant le fait accompli, à chaque fois, depuis qu’on se retrouvait. En m’annonçant d’abord ce terrible secret de but en blanc. Puis en m’annonçant ton mariage, et enfin ton bébé. Tu veux que je dise quoi Abby ? Que j’aille à l’encontre de mes principes pour soutenir tes caprices ? Non, ne désolé, c’est pas le rôle que je veux jouer. Pendant toutes ces années tu ne m’as pas envoyé un seul email, alors fais pas comme si t’étais triste d’arrêter de me parer. Dans la famille ils sont tous minables, mais t’as au moins ce point commun avec eux. Tu l’es encore pire, et j’en ai ma claque de tes conneries ». Noah était dur, il le savait, mais il n’y pouvait rien. Abby était allé trop loin. Alors sans réfléchir, il tourna les talons, claqua la porte et disparu.