Une sirène d'enfer. PV.

Ce week-end, je commençais de bosser l'après-midi à l'Aquarium de Boston. J'avais commencé ce travail il y a quelques semaines et ça me plaisait toujours autant. Vous savez, les poissons, sous l'eau tout ça, c'était super quand on était défoncé. Cela nous emmenait dans un univers parallèle, un truc de dingue. Bref, j'avais encore fumé pendant ma pause et personne m'avait cramé. Depuis le temps que je fumais, j'avais pris l'habitude des réactions à adopter pour ne pas se faire griller. Je devais retourner bosser, ramasser les papiers dans les salles, un truc que j'adorais - ou pas. J'avais une vieille tenue immonde, une casquette avec un dauphin dessus et un sac poubelle dans une main. Alors que je vérifiais s'il n'y avait pas des déchets sur le sol, mon regard croisa celui d'un homme métisse. Bonaventure. Haha, le voilà. Je me demandais bien quand est-ce que j'allais recroiser son chemin. La dernière fois, on s'était lancé un vieux pari avec une pote pour savoir si j'étais capable de le séduire et de le pécho. Au début, j'ai refusé, car je le trouvais beaucoup trop gentil pour ça. Mais maintenant, en y repensant, il devait pas être si mauvaise que ça. Je veux dire, rien qu'à voir son physique, il me plaisait. Je lui faisais un petit sourire mais je me rendais compte que j'étais pas du tout dans la tenue idéale pour draguer un mec. Je retirais ma casquette et mes gants, ainsi que mon tablier qui ressemblait à rien. Mon dieu si mon patron me verrait, je serais rivée sur le champ. « Salut Bonaventure! » lui adressai-je avec un sourire en venant près de lui. « T'es perdu? Tu as besoin d'un plan? J'ai peut-être une carte dans mes affaires... je peux te montrer le chemin. » dis-je d'une voix qui se voulait séduisante en me mordant la joue. C'était juste pour m'amuser, rien de plus.  

En fait, cela me faisait plaisir de voir un visage connu dans cet endroit. J'étais souvent seule à me balader dans les couloirs, dans les différents aquariums, c'était pesant, surtout aujourd'hui car il n'y avait pas grand monde. Donc dès que j'ai vu le charmant Bonaventure, je n'ai pas hésité une seconde pour aller vers lui. Peut-être que je pouvais lui apporter mon aide? Etre utile autrement que de faire les poubelles. La seule chose à laquelle je servais, c'était indiquer les toilettes lorsque les gens me posaient la question. J'étais un peu madame pipi en fait et ça ne me plaisait pas. Mais quoi qu'il en soit, j'aimais quand même bien de travailler ici, ça me coupait du monde. Il me disait bonjour, et pas salut. J'étais plus en mode copain et lui plus en mode sérieux. C'était l'impression qu'il me donnait. Je faisais une petite grimace lorsqu'il capta que je travaillais ici. En même temps, je me suis grillée toute seule quand je lui ai proposé de lui montrer ma carte. « Ouais, je travaille ici, étonnant hein? » dis-je en remettant la casquette dauphin sur ma tête. Les baleines, il voulait voir les baleines. « Tu ne pourras pas voir les baleines aujourd'hui, ils nettoient leur bassin, ça prend du temps. » je mentais mal, mais j'espère qu'il allait me croire. Je voulais pas qu'il aille les voir, je voulais qu'il reste près de moi. « Ne dis pas de bêtises, je suis contente de te voir. » je souriais en coin puis une idée me traversa l'esprit. « Tu veux que je te montre quelque chose que les autres n'ont pas le droit de voir? » lui proposai-je d'un air amusé en jetant un coup d'oeil par-dessus son épaule pour voir si quelqu'un nous entendait.

Dommage pour Bonaventure, j'ai décidé que les baleines n'étaient pas disponibles aujourd'hui. S'il découvre que je mens, je n'aurais qu'à dire que je me suis trompée de jour, rien de grave, il me pardonnera. Je faisais une petite grimace en voyant la déception sur son visage. Je viens de briser un rêve je crois bien. En plus, il disait qu'il était loin de m'imaginer ici. Je sais, peu de personne savent que je suis là et c'était mieux comme ça. « Je ne sais pas trop comment je dois prendre ta remarque. » si c'était la honte ou si ça l'impressionnait vraiment. J'avais du mal à déchiffrer certaines réflexions mais je pense que Bonaventure n'avait pas dit ça méchamment. Pour me rattraper de ma maladresse à propos des baleines, je lui proposais de me suivre pour lui montrer autre chose. Je riais lorsqu'il me posa plusieurs questions à la suite. C'est un interrogatoire de police? Je souriais en le tirant par le bras pour qu'il ne me perde pas d'une semelle. Ça serait vraiment dommage de le perdre. « Tu es bien curieux! Patience et oui, tu peux rester les yeux ouverts. » car comme guide, j'étais un peu nulle donc je préférais le savoir vivant qui ne risquait rien avec l'usage de sa vue. Je prenais les clefs qui ouvraient une porte et qui nous conduisait dans un long couloir sombre. « Surtout, tu ne dis rien, ça restera notre petit secret. » si quelqu'un me voyait avec un visiteur, je serais virée sur le champ. Je poussais une autre porte et il faisait déjà un peu plus lumineux. Ça sentait l'odeur du poisson mais ça passait, notre odorat s'y habituait. Cet endroit était le bassin des bébés dauphins. Ceux qui étaient encore trop jeunes pour être dans l'aquarium avec les autres. Je regardais le quincy pour guetter son expression « Ils sont trop mignons, tu trouves pas? » je m'agenouillais près de l'eau et je passais ma main à la surface pour attirer un bébé dauphin pour lui caresser le museau.

Tiens, il faisait des études de journalisme. Heureuse de l'apprendre. Je pense que c'était un domaine qui aurait pu me plaire mais j'ai finalement craqué pour la psychologie, un cursus beaucoup plus intéressant selon moi. J'apprenais pleins de choses qui pouvaient m'aider dans la vie de tous les jours. J'avais envie d'impressionner Bonaventure, ça crevait les yeux. Mais je n'avais pas envie de me jeter sur lui, de l'embrasser et de lui dire que j'avais envie de lui. Ça, c'était ce que je les gens s'imaginaient en m'approchant et quand je commençais à leur parler. Tout le monde savait que j'avais une réputation de petite allumeuse, aguicheuse et tout ce qui suit. Lui montrer un de mes endroits préférés me faisait plaisir et ça donnait un côté attendrissant de ma personnalité qui était d'habitude plutôt loufoque. Je souriais lorsqu'il s'extasia devant les dauphins et je ne pouvais pas passer un meilleur moment que celui-ci. « C'est encore mieux que les baleines hein? » c'est vrai, ça l'était. Les baleines ne faisaient pas grand chose à part rester immobile dans l'eau. Les bébés dauphins étaient plus distrayants. Bonaventure me demanda depuis quand je travaillais ici et je tournais ma tête vers lui pour le regarder. « Pas très longtemps. J'aurais pu travailler comme serveuse dans un bar, ou à la plonge dans un restaurant, mais je préfère ici, ça change. » Soudain, des pas se firent entendre, ainsi qu'un trousseau de clé. Oh merde, quelqu'un approche, et on ne pouvait pas être ici, enfin pas Bonaventure. « Quelqu'un arrive, cache-toi! » il n'y avait pas beaucoup de solutions, soit il sautait dans l'eau, soit il priait pour se rendre invisible, mais il ne pouvait pas rester là. Merde, moi qui voulais bien faire les choses, ce n'était que de courte durée.

Comme c'est chou. C'était touchant ce qu'il me disait. Il me donnait un coté adorable et attendrissante et ce petit côté de ma personnalité se montrait rarement. Donc oui, cela me faisait plaisir. Je n'arrivais pas à effacer le sourire sur mes lèvres. J'allais lui répondre mais quelqu'un venait vers nous. Je me redressais, les bras tendus et j'étais en train de me dire que j'étais dans la merde. Qu'est-ce qu'on pouvait bien faire? Je ne veux pas non plus que Bonaventure se sente obligé de faire quoi que ce soit. Mais il ne semblait y avoir qu'une solution. « Nager avec les bébés dauphins, je suis sure que c'est encore mieux. Heureusement qu'il n'y a pas de requins. » même dans les moments de panique je gardais mon humour et je le plaçais bien là où il fallait. Nager avec les dauphins, c'est le rêve tout gosse. Je prenais le téléphone du quincy et je le glissais dans ma poche. Il y avait juste quelques secondes de décalage entre son plongeon et la porte qui s'ouvrait. C'était un des gardiens qui venait nourrir les dauphins. Ah, super, c'était le genre de truc qui prenait du temps. « Laissez-moi vous aider, je tombe à pic pour vous donner un coup de main. » je lui faisais mon plus grand sourire en espérant être toute mignonne. L'homme me disait que je pouvais les nourrir toute seule car il devait aller nourrir les requins. Je devais juste ramener le chariot de poisson vide après. J'hochais la tête puis je le laissais partir. Je me ruais au bord de l'eau et je regardais vite où était Bonaventure. « Tu peux sortir! Bonaventure?! » l'appelai-je en remuant ma main dans l'eau. Okay s'il n'est pas là dans dix secondes, je saute dans l'eau.