Assis, la tête entre mes mains, j'écoutais Loïs, tremblant de rage et de tristesse, ne sachant pas comment il était possible de ressentir les deux en même temps. Mon cœur allait exploser, mon corps voulait se lever et marcher jusqu'à atteindre un endroit inconnu, quelque part où je serais totalement perdu comme ça je ne pourrais pas revenir ici, là où tout avait commencé. Mes mains étaient emplies d'une sorte d'énergie qui devait être libérée en frappant, cognant tout ce qui se trouvait sur mon passage. Rester immobile me semblait impossible et pourtant je restais assis, ne disant rien, voulant redevenir poussière, disparaître et ne plus rien ressentir. Tout ça était trop dur, si seulement il pouvait y avoir un interrupteur qui permettait de désactiver tout sentiments mais évidemment non, cela n'existait pas, l'homme était destiné à subir son fardeau, à assumer ses actes et son passé sinon la vie ne serait pas marrante. « Si tu savais tout ce que j'ai fait.. Tout le mal que j'ai causé, tu ne dirais pas ça Loïs. Tu partirais en courant avant que je t'en fasse aussi, avant que tu te retrouves par terre à pleurer ou que tu te tranches les veines pour en finir avec toutes ces conneries. Si je ne méritais pas qu'on me laisse de côté alors je ne serais pas dans cet état. Pourquoi tu veux pas comprendre hein ? Je suis mauvais, capable de nuire même à mes proches. » Dégageant ma main de la sienne, je me levais pour aller vers la porte. « Tu devras te contenter de ça, tu sais très bien que je ne te forcerai pas à partir alors si c'est pas toi qui dégage, ce sera moi. Il y a plein d'autres endroits où je peux me détruire et tu ne pourras pas m'en empêcher. Même les menaces du diable ne pourraient pas me faire changer d'avis. Donc accepte que je sois un cas désespéré et retourne avec tes potes. » dis-je d'un ton sec, sans même me retourner. Je voulais sortir, passer le pas de la porte mais quelque chose m'en empêchait, comme si laisser Loïs s'inquiéter ainsi m'était impossible, comme si elle avait déclenché quelque chose en moi.
Je m'en fichais pas mal de ce que Damon avait pu faire, ou pouvait faire de mal, tout ce que je voulais c'était qu'il aille mieux et que notre relation reste semblable encore pour très longtemps. Si seulement il n'avait pas eu ce comportement auto-destructeur, si seulement il avait pu rester celui que j'avais connu il y a quatre ans... Une chose était sûre, rien n'aurait pu me faire partir en courant, comme il le disait, je tenais bien trop à lui pour cela et j'avais besoin de lui, tout autant qu'il avait probablement besoin de moi, même s'il ne l'avouerait sans doute jamais... Je le regardais, incrédule alors qu'il repoussait ma main, chose qu'il n'avait jamais fait auparavant. J'étais totalement déboussolée, je n'obtiendrais plus rien de lui, ou du moins ce soir et cela me fendait le cœur, c'était la première fois que nous avions une telle confrontation, c'était vraiment compliqué à vivre. J'avais le cœur brisé en mille morceaux avec pour impression de n'être rien pour le jeune homme, d'être un fantôme qui errait dans la pièce sans que l'on ne puisse l'entendre ni le voir, d'être totalement inutile. Je restais silencieuse l'espace de quelques secondes, tentant d'apaiser mon émotion, après avoir abandonné l'idée d'avoir quelque geste affectif envers le jeune homme, malgré tout. « Mais quand est-ce que tu comprendras enfin que je n'en ai rien à faire de tout ça ? Quand est-ce que tu comprendras que même si tu m'avouais que tu avais tué froidement un type innocent et que tu me demandais de t'aider à te débarrasser du cadavre je le ferai malgré tout ? » Je déglutis difficilement à cette dernière répliques, quelques sales images avaient soudainement envahit mon esprit, des images qui me hantaient depuis des années. J'essayais de reprendre le contrôle de mon esprit, non sans mal. « Tu ne m'as jamais jugé comme moi je ne te jugerai jamais, essaie de le comprendre pour une fois...» Ma respiration était de plus en plus saccadée, je paniquais à l'idée seule de devoir passer la nuit à m'inquiéter pour lui. « Tu as raison, je ne pourrai pas t'empêcher de partir, je n'en ai ni la force, ni la persuasion... Si tu veux partir fais le parce que moi je resterai ici... Au pire qu'est-ce que ça peut faire de me laisser m'inquiéter toute la nuit ? J'irai juste me coucher dans ton lit, comme je l'ai souvent fait mais seule cette fois, à attendre le regard rivé sur mon portable que tu te décides à m’appeler... Ou alors d'avoir le coup de fil d'une ambulance peut-être... Et alors quoi ? Tu viens de te décrire comme étant un monstre sans cœur donc rien ne t'en empêche, pas même de laisser ta petite sœur... »
J'avais attendu d'avoir de l'aide depuis si longtemps, combien de fois avais-je espéré entendre les paroles que Loïs prononçait maintenant ? Que quelqu'un reste à mes côtés peu importe ce qu'il se passerait, pas comme ma stupide sœur qui s'était barrée lorsque mon père avait changé. Je me souvenais encore de ses derniers mots, bonne chance petit frère, comme si elle avait prévu que ma vie serait difficile, comme si elle avait aperçu l'avenir et décidé de s'enfuir pour ne pas avoir à l'affronter. Oui, le monde m'avait toujours laissé de côté, jouant avec mes sentiments jusqu'à ce qu'il n'en reste plus. Le nombre de fois où j'avais cru m'en sortir et que la vie m'avait foutu à genoux une nouvelle fois. Cette fois serait différente, je ne me laisserai pas avoir, les autres ne se moqueront pas de moi et de mon espoir stupide pour la simple et bonne raison qu'il n'y en avait plus. Pourtant Loïs était là, pensant sûrement qu'il y avait une partie de moi qui l'écoutait, qui croyait en ses mots, s'acharner était son erreur, pas la mienne. Mais même si je l'envoyais voir ailleurs, elle reviendrait en courant, s'accrochant à moi comme si j'étais une lueur dans les ténèbres, ne comprenant pas que j'étais les ténèbres. Voilà pourquoi je devais mettre fin à notre relation qui lui était nocive. « Je me fous que tu me juges. Tu crois sincèrement que j'en ai quelque chose à foutre de ce qu'une gamine pense ? » crachais-je tel du poison, l'air dédaigneux. Loïs devait me croire, c'était son seul moyen de ne pas plonger avec moi. Pour cela, elle ne devait avoir aucun doute, je ne devais pas craquer devant cet air qui me brisait le cœur. « Quelle petite sœur ? Tu crois que t'es ma famille ? Je suis Damon Adam Lloyd, tu n'es personne pour moi alors reste là à t'inquiéter si ça te fait plaisir, j'en ai rien à foutre. Je vais boire, me saouler, me droguer, tout oublier et je rentrerai crevé, voulant dormir alors t'as pas intérêt à être encore dans mon lit quand je reviendrai. J'te remercie de ta loyauté mais comme tu vois il n'y aucun cadavre et tu n'as pas de drogue donc tu deviens sans intérêt. Donc soit tu dégages, soit je pars. » Dur, cruel, elle avait en face d'elle le Damon que tout le monde connaissait, celui dont les femmes se méfiaient. Celui que je haïssais être.