Be honest. (Jacob Carter)

Be honest Ft. Jacob Carter

Nous étions samedi soir et je venais de quitter mon poste au Peery Hotel. Poste qui fut plus dur qu'à l'accoutumée. J'avais eu à faire à un homme qui avait été très exigeant. Traversant le parc du centre-ville, je recomptais les billets que j'avais dans les mains alors que l'éclairage faible des réverbères m'éclairaient. Mon pas était sûr et rapide, je n'aimais vraiment pas cet endroit, plutôt mal fréquenté en règle générale. Je rangeais mon argent dans la poche, relevant les yeux vers l'horizon et soupirant d'avoir passé une soirée si dégoûtante. J'étais de plus en plus mal en ce moment, j'étais déprimée, je n'arrivais plus à rien et j'avais de la mélancolie qui emplissait mon cœur chaque nuit. Je travaillais dur autant à l'hôtel qu'à Harvard. Je n'avais pas le temps de décompresser et personne à qui parler. Je n'en pouvais simplement plus et j'avais envie de tout abandonner pour repartir en Norvège, auprès de mon père. Le bruit de mes talons résonnait, il n'y avait personne autour de moi et je n'aspirais qu'à revenir le plus rapidement à ma voiture. Soudainement, je vis un homme me regarder, il se dirigeait vers un banc où était assis un autre gars. Ils échangèrent quelques mots tout en m'observant, j'avais l'impression de déranger. Je ralentis la cadence et entrai la main dans ma poche gauche où se trouvait un spray au poivre.

Le samedi soir, c'était la soirée du rush pour moi. Mon petit commerce allait plutôt bien et mes bénéfices grimpaient en flèche. Bien que le job était risqué, je pouvais me payer ma conso perso et mon loyer. Moi, j'avais débarqué depuis un an et mon réseau commençait à être solide. Je dealais depuis longtemps en Angleterre, mais j'avais dû m'adapter à la coutume américaine : il fallait réussir à faire sa place au milieu des différentes bandes. J'avais également adopté un flingue, en cas de coup dur.
Le parc était désert en ce milieu de nuit. Il me restait plus qu'un deal avant de rentrer chez moi. Mes poches étaient quasiment vides. La silhouette de mon prochain client se dessinait dans l'obscurité du parc. Le deal s'effectua rapidement. Les clients commandent au téléphone, je prends le cash et je livre la dope. Le plus souvent, c'est sans un mot, ni même un regard. Ils ne connaissent même pas mon nom, juste mon numéro. Des bruits de pas se font entendre et brisent le silence qui régnait alors. Je relève la tête et distingue une jeune femme. Je replonge les mains dans mes poches par précaution. On n'est jamais trop prudent.

Ces deux gars étaient vraiment trop étranges. Ils me regardaient passer et je vis le second garçon, celui qui était sur le banc, remettre ses mains dans ses poches subitement. J'en conclus qu'il avait quelque chose à cacher et qu'il devait certainement dealer avec cette autre personne. Je passais mon chemin un petit peu, et me stationnai un petit peu plus loin, croyant qu'ils ne me verraient pas. J'attendis que le premier homme s'en aille pour faire demi-tour et me diriger vers l'homme assis sur le banc. Je ne savais pas vraiment ce que je faisais, peut-être que j'avais envie d'oublier tout ça, ma vie, ce qui se passait en ce moment et surtout ce que je subissais à chaque fois que j'allais bosser. J'avais une boule dans le ventre et je tenais fermement mon spray dans ma main gauche. Après-tout, je n'avais presque plus rien à perdre à aller voir ce gars, juste les quelques billets que j'avais dans la poche. «Tu aurais quelque chose pour moi...?» Dis-je d'une manière assez timide, toujours prête à dégainer mon arme au moindre mouvement étrange.

Fausse alerte, la jeune femme passa son chemin. Je conclua rapidement l'affaire avec mon client. Trente-cinq dollars pour cinq grammes de weed. En additionnant mon chiffre total de la soirée, j'avoisinais les trois cents dollars. J'en avais plein les jambes. J'avais envie de me poser et de me taper mon petit rail de coke tranquille.
Le répits fut de courte durée, la jeune fille semblait revenir vers lui. La main dans mon blouson, j'agrippais mon arme. J'avais pas vraiment le temps d'avoir des ennuis avec la police. Je songeais rapidement à mon plan d'évasion. Quelques coups de feu, traverser le parc en sprint et se réfugier dans son local de répète. C'est fou ce qu'on devient parano quand on est en manque. Je sens mes mains qui tremblent. Avant même que je n'ai mener a terme ma réflexion, la jeune fille se trouvait déjà à quelques pas de moi.
"Je sais pas de quoi tu parles..."
Il fallait tout nier en boucle. Cette fille pouvait être un agent infiltré des stups. Je ne lâchais pas mon flingue et jetais des coups d'oeil nerveusement autour de moi.

Il semblait flipper. J'avais l'impression que c'était moi l'agresseur dans l'histoire. Il devait surement se sentir en détresse par rapport au fait que je pouvais très bien le dénoncer ou quoi que ce soit d'autre. Mais en fait, j'en avais rien à faire de son affaire, de sa drogue, ou quoi que ce soit d'autre. J'avais juste envie qu'il me donne ce dont j'avais envie, ce qui pouvait me libérer de ces pensées si négatives. Il me dit qu'il ne savait pas de quoi je parlais, et je compris rapidement qu'il jouerait la carte de la négation jusqu'au bout.
"Je ne vais pas appeler la police, j'aimerai juste savoir ce que tu peux me vendre..." Alors oui, j'avais l'air totalement cruche, parce que je ne savais pas du tout ce que je devais faire pour ne pas qu'il soit méfiant envers moi mais à mon avis, il ne devait pas avoir souvent à faire à des filles comme moi...

Qu'est ce que je faisais là ? J'étais totalement dépendante du mal-être qui m'habitait depuis quelque temps. Je ne fumais pas, je n'avais jamais pris de drogue, à part pour essayer, comme ça, une seule fois... Je ne buvais pratiquement jamais non plus, et là d'un coup, j'avais envie de prendre ce genre de trucs, plus destructeurs qu'une déprime. De toute façon, j'étais trop triste pour réfléchir de manière éclairée, alors j'allais foncer dans le mûr et voilà tout...
Oublier mon quotidien morose ? Ça se voyait donc tant que ça...
"Combien je te dois ?" Dis-je en le regardant dans les yeux et en commençant à fouiller dans mes poches pour y récupérer mes billets.
Il me tendit un paquet de cigarette pour que j'en prenne une, j'allais avoir l'air bête puisque je ne fumais pas. "Non désolée, je fume pas..." Bon, il allait surement rire mais tant pis. Je refusais une cigarette et lui demandais de la drogue, ce n'était pas forcément très logique.

Je me sentais tout bizarre. J'étais comme pris d'affection pour cette jolie inconnue qui semblait un peu pommé. Mes règles étaient en générales assez strictes vu que mes clients ne connaissaient pas même mon prénom... Je devais faire le maximum pour rester incognito pour que mon trafic perdure. Mais la c'était plus fort que moi. J'étais le premier à me défoncer la tête quand j'avais pas le moral, alors pourquoi juger cette pauvre enfant.
"Moi c'est Jacob..."
Je lui proposais finalement une solution.
"Je te connais pas vraiment, mais tu as l'air de pas être dans ton assiette. Tu as surement envie de te défoncer la tête. Mais quelque chose me dit que c'est pas vraiment dans tes habitudes. J'ai raison non ?"
Je laissais le temps à la jeune fille de me répondre. Puis j'enchainais.
"J'ai pas vraiment l'habitude de faire ça mais je me lance... Voila le plan... On bouge chez moi. Il me reste des brownies au chocolat d'hier. Le genre de truc super bon qui te permet d'oublier tout tes soucis. C'est une recette perso. Il y a de la place pour dormir. Je te laisse mon lit et je prends le canapé. Tu peux te doucher et rester autant que tu veux, tu flanques juste la porte en partant demain matin."

"Amanda" Lui répondis-je de manière neutre et sans plus de sentiments. J'étais moi-même étrange et je le ressentais. C'était un peu comme si j'étais totalement vidée de mes propre émotions. Je l'écoutais parler, il me proposait d'aller chez lui, de dormir, de prendre une douche et tout ça. Mais c'était impossible, je pouvais tout simplement pas rester chez un gars que je connais pas comme ça... J'étais d'accord pour manger un bout de son gâteau mais rien de plus... Je n'avais pas envie qu'il m'arrive encore quoi que ce soit ce soir.
"Non, désolée, je peux vraiment pas... Et puis on se connait pas..." Dis-je d'un air un peu intimidé. Il avait quand même l'air louche et j'essayais de me protéger au moins un petit peu, même si je savais que prendre une substance ce soir n'allait pas du tout me réussir. Je n'en avais plus rien à faire, il fallait juste que j'oublie mon environnement, ma vie, tout.

La jeune fille avait refusé mon invitation. J'étais un peu étonné mais, pas dérouté. Voilà ce qui arrive quand on veut faire dans le social... J'ai encore laissé parler mes émotions... C'était de ma faute. Il fallait que je conclue ce deal au plus vite et que je rentre chez moi.
"Ok, comme tu voudras."
Je plonge la main dans ma poche et en sort un petit sachet plastique contenant quelques grammes de weed.
"Tiens c'est cadeau..."
Je lui tendais le petit sachet en la regardant droit dans les yeux. Même si ce sachet coutait quelques unes vingtaines de dollars, je n'étais pas vraiment à ça près. C'était dommage, j'aurais bien passé la soirée avec cette jolie jeune fille. Même sans arrières pensés. J'arrêtais pas de ressasser ce que j'avais dit. Comment j'aurais réagis moi si un garçon m'aurait proposé ce plan ? De la même manière surement.
"Par contre, il te faudra du tabac avec ça..."
Je lui tends le paquet de clope une seconde fois. Avec un sourire.