C'était trop aimable à elle tiens ! Je devais m'incliner à ses pieds pour la remercier de son amabilité. Oh reine des méduses, tu as daigné t'inquièter de l'état dans lequel tu m'as laissé ! Jamais je ne t'en remercierai assez ! Peux tu me renverser de la sauce bolo à chaque fois qu'on se croisera ? Je rêve tellement de t'entendre me parler à nouveau ! Ou peut être pas... S'arrêter pour regarder si en fautant on avait fait des dégâts, et venir s'excuser si c'était le cas, c'était on ne peut plus normal. Alors non je n'allais pas la remercier pour ça. Je ne lui dirai pas des mots doux sous la douce lumière de cette belle journée, je ne la prendrai pas dans mes bras en lui criant que j'aimais son sourire, que j'aimais son odeur, que je l'aimais tout simplement.
La colère me faisait penser n'importe quoi mais pire encore je l'avais frappée. Aussitôt ma main avait-elle heurté sa joue, même si j'avais dosé ma force, je m'en voulus. Et pourtant le fait que j'ai frappé pas fort indiquait clairement que l'acte avait été prémédité. "On ne résout rien par la violence". Je me souvenais de cette phrase que mon père m'avait dit alors qu'il était convoqué dans le bureau de ma directrice de primaire pour la seule bagarre à laquelle j'avais participé un jour. Il avait raison. Seulement dans la vie il fallait savoir s'affirmer, montrer qu'on est là, montrer qu'on existe. Je n'avais donc eu aucun autre choix que de la frapper, visiblement mon vocabulaire m'avait fait défaut cette fois-ci. Si on ne parlait pas, si on n'avait pas notre propre caractère à nous, alors on se faisait marcher dessus.
Longtemps je me questionnerai sur les raisons ce geste. En attendant je présumais que c'était un geste pour me défouler. C'est que j'avais tellement rêvé de me venger de personnes m'ayant diminué durant ma petite enfance, que je m'étais tellement repassé ces scènes encore et encore en rêvant de pour y changer quelque chose, qu'aujourd'hui même si cette chance ne se présentait pas de la même façon que je l'aurai souhaité en frappant cette fille j'avais pu extérioriser cette douleur qui m'avait tellement habité. J'avais cru en retirer une fierté quelconque, j'avais cru pouvoir me dire "c'est bon je suis une dure, une vraie" je pouvais encore rêver... Ce que je ressentais envers moi était loin d'être de la fierté. Si j'avais été plus intelligente j'aurai agi différemment à la place de me donner en spectacle.
- Je me prends pour la fille que tu as insulté malgré toi. J'espère bien que tu n'as pas fait exprès, sinon je t'invite à un bain gratuit de sauce bolo... On pourra tester ses bienfaits sur notre peau tiens...
J'avais réussi à l'énerver visiblement. Elle semblait complètement hors d'elle tandis que je m'efforçais de respirer et de me calmer. Je voulais éviter que la situation ne dégénére... Pas ici du moins, pas au milieu de toute cette foule de curieux. J'étais persuadée qu'ils étaient déjà en train de lancer les paris, que bientôt l'argent circulerait entre eux.
J'étais la première à la gifler donc...
- Et bien il faut bien un début à tout, non ? Et ne me dis pas que ça te fait mal. D'ailleurs ça n'a laissé aucune trace mais on peut toujours arranger cela si tu veux.
Je me reconnaissais peu. Seulement j'aimais toujours avoir le dernier mot, pour ça que certaines personnes qui ne me connaissaient pas pourraient très facilement me traiter de petite peste avant de se rendre compte qu'il avaient tout à fait tord sur mon compte.
- C'est bien aimable de ta part d'avoir proposé ton aide. Peut-être aurais-tu fuir lachement, je te remercie d'être restée. Quant au fait de me lècher, il se trouve que c'est la première chose à laquelle j'ai pensé...
En fait je crois que si je réagissais comme ça c'était peut être un peu parce qu'elle m'impressionnait. Là comme ça elle faisait peur c'était évident... Je n'étais pas très forte, et on ne pouvait jamais savoir jusqu'à où la folie de la situation pourrait la mener. Alors mieux valait que je me fasse petite même si mon visage restait toujours impassible. Aucune émotion ne se lira sur ce dernier, et surtout pas la peur.
Elle me serra le poignée comme si elle avait besoin de passer ses nerfs sur quelque chose. Elle serrait tellement fort que moi nul doute n'était possible, je garderai quelques jours sa marque de fabrique...
- Je trouve ça dommage que tu me tiennes le poignée. Vaudrait mieux qu'on se donne la main, non ? Tu comprends ça serait tellement plus romantique.
Bon ok des fois faudrait mieux que je me taise. Non seulement parce que comme ça j'éviterai de dire des bêtises mais également comme ça je n'embêterai personne et je courrai moins de danger... Seulement parler c'était plus fort que moi. Elle finit par aller me chercher de quoi me nettoyer, je l'attrapais au vol. Elle profita aussi pour insulter ma tenue...
- Je te le fais pas dire c'est de loin pas la plus belle tenue qui m'appartient mais vois-tu certaines personnes ne sont pas superficielles.
Je baissais un instant les yeux avant de les relever pour la regarder, puis je me saisis de serviettes pour me nettoyer comme il se le devait.
- Merci pour ça en tout cas.
Mon moment d'énervement semblait être passé, et j'étais retournée dans mon je m'en foutisme habituel pour la plus grande déception de la foule attablée à la salle à manger. Seulement il suffirait d'un rien pour que je m'énerve à nouveau.