Altercation : Maëlys Helington

« Je n’ai pas besoin de toi ». Cette phrase résonnait dans l’esprit de Noah comme l’écho d’un couteau qui tombe sur le sol. Le fait que la jeune fille s’affirme, soit difficile à dompter, et surtout, lui fasse comprendre qu’il avait tord, et qu’elle n’avait absolument pas besoin de lui, le firent tomber de six étages d’égo d’un coup. Une réaction étrange se produit alors en lui-même. Il se voyait agir en connard, et détestait l’image qu’il renvoyait de lui-même à cet instant précis, c’était comme un mauvais gag. Et, par la force des choses, il fut forcé d’admettre, même si ce n’était qu’en lui-même, que s’il restait, en réalité, ce n’était pas par obligation (rien ne l’empêchait de partir, après tout sa voiture n’avait pas grand-chose), mais c’était par conscience (il savait que c’était de sa faute cet accident et ne voulait pas que la jeune fille paye les pots cassés), et surtout par envie. Cette fille l’interpellait. Elle était irrésistible, d’une beauté évidente et presque affligeante tant elle semblait ne pas s’en rendre compte. Noah se sentit faible, complètement démunit. Il détestait cette sensation qui le confrontait à sa véritable nature : un mec un peu gauche, très maladroit, presque timide, qui n’avait aucune confiance en lui et une peur phobique d’être rejeté.

Elle lui serra la main et Noah sentit quelque chose d’étrangement agréable. Sa main était si petite, à la fois douce et ... rassurante ? Il la lâcha avant d’ajouter, en la regardant sans trop d’insistance, les yeux fuyants : « Je reviens ».

Il se rendit à sa voiture, grimpa côté passager pour attraper un nouveau constat, revint au niveau de la jeune fille, et posa les papiers sur le capot de sa mini. Il parapha les pages et mis sa signature, avant de tendre les feuilles à la jeune fille : « Tiens, je sais c’est bizarre. Je suis un salo sans doute schizophrène mais … tu peux y mettre ce que tu veux ». C’était sa manière à lui de présenter des excuses sans avoir à les formuler.

Lorsqu’elle lui eut parlé des hormones, Noah eut un rire en se désignant des doigts : « Quoi, ma poitrine et mes jambes fines se voient tant que ça ? ». Il cessa de rire dans un léger sourire entendu qui annonçait une atmosphère plus détendue. Et, dans un regard encore fuyant, trahissant une timidité insoupçonnée, il lui dit : « Je vais y aller ». Il la regarde, cette fois dans les yeux, avec de lâcher un petit hochement de tête et de tourner les talons, direction sa voiture.

En cours de marche, il s’arrête net, et se tourne vers la fille, à qui il lance d’une voix suffisamment forte pour qu’elle l’entende, tout en avançant vers elle : « En fait, j’aimais bien l’idée de faire quelque chose de plus intéressant après le constat ». Il secoue les mains en signe de négation : « Ne te méprends pas, rien de malsain ou … bizarre ». Il se retrouve de nouveau face à elle, pouvant presque sentir l’odeur sucrée de ses cheveux : « Mais, tu ne voudrais pas qu’on aille boire un verre, ou manger un morceau ? ».

Cette première rencontre avait été étrange, Noah en dressait un bilan mitigé dans sa tête. Au début, il se fichait de ce qui allait se passer, un accident est un accident, on règle le problème et basta. Mais il fut interpellé par le physique et l’attitude de la jeune conductrice. Ce qui le poussa à jouer au connard, comme à son habitude, se trouvant des prétextes odieux et une arrogance effroyable pour justifier du fait qu’il reste, sans avoir à avouer qu’il avait au fond de lui envie de rester. La séduction frontale n’était pas son fort, et de toute manière il ne pensait pas à aussi long termes. Il avait juste était interpellé par cette jeune fille, qu’il trouvait être, objectivement, la plus jolie d’Harvard. Au moins, leur première conversation n’avait pas été banale et allait marquer son esprit à ce titre. Il la regardait refuser son invitation et Noah fut, étrangement, soulagé et content. Il sourit légèrement, sans trop le laisser paraitre, en hochant la tête vers le bas. Il avait espéré une réponse du genre : plus une fille le faisait galérer, plus elle gagnait son respect, plus, a fortiori, elle l’attirait.

Lorsqu’elle lui eut dit son prénom, Noah leva les yeux vers elle un sourire en coin caché dans le visage, leva le constat en l’air qu’il pointa avec le doigt de son autre main : « Je sais, il y a aussi ton numéro de téléphone ». Il s’éloigna de quelques pas, manière de la laisser partir en paix, et lui faisant comprendre qu’aujourd’hui il ne la retiendrait pas. Il valait mieux, à cet instant, se contenter de lancer le coup d’envoi du jeu du chat et de la sourit. Noah n’avait aucune idée de ce que Maëlys pensait de lui, mais lui savait qu’il allait, quoiqu’il arrive, essayer de la revoir. Et puis, comme elle n’avait pas l’air consciente de ses atouts, il pensa qu’un garçon qui lui court après, au moins un peu, ne pouvait que lui faire plaisir et lui redonner un peu confiance en elle.

Dès lors, voilà ce qu’il y avait à retenir : elle l’avait marqué par son physique et son attitude, et il allait essayer de la revoir. Il n’avait aucune idée d’où il voulait aller avec elle, incapable de faire des projections sur la base d’une première rencontre, mais était convaincu qu’il allait faire le grand prince, et la séduire subtilement. Et puis, il ne fallait pas qu’elle le découvre trop vite non plus, c’était bien d’entretenir le mystère.

Il lança un dernier regard à Maëlys, avant de tourner les talons et de se diriger, de sa démarche assurée, robotique et impérieuse, vers sa voiture. Une fois installé, il attendit que Maëlys sorte de sa place, comme s’il avait retenu la leçon de cette altercation, pour pouvoir s’engager.