Altercation : Maëlys Helington

Plus tôt dans la journée
Comme son père l'en avait sommé, Noah s'était rendu à la soirée du PDG de Boeing sans faire d'esclandre. Pas un signe, pas un mot de remerciement depuis deux jours. Et ce matin là, le réceptionniste de l’hôtel avait fait livrer à Noah une enveloppe. Il l'ouvre : "Voici de quoi féliciter ton obéissance". Rien d'autre n'était inscrit sur la carte, mais un trousseau de clef était glissé au fond de l'enveloppe. Noah l'attrape, et descend les escaliers de l’hôtel, avant de remarquer que devant le bâtiment était garée une magnifique Mustang Shelby GT 500 cabriolet. La correspondance avec les références sur la clef était évidente : son père lui avait offert une voiture, et Noah était partagé entre la colère à l'idée d'être acheté encore une fois, et la joie, c'était quand même une superbe voiture.

Comme il manquait des documents dans son dossier d'inscription, l'administration lui avait demandé de les rapporter au plus vite. Noah saisit le prétexte pour faire rouler son nouvel engin, et se rendit à l'université.


A présent :
En suivant les indications, il pénètre dans le parking, a une allure assez déconcertante, la radio à fond jouant Bon Jovi.



Il ne faisait attention ni à ceux qui roulaient autour, ni à sa propre vie, dépassant largement les limites de vitesse prescrites. Au second sous-sol, il s'engage dans un couloir remarquant qu'une place était libre, sans ralentir pour autant son allure. Et dans sa folle course, il heurte l'arrière d'une voiture qui était entrain dans le même temps de sortir de sa place.

Au bruit de choc, Noah ralentit, et s'arrête quelques trois mètres plus loin. Il sait qu'il est en tord, mais n'a pas l'intention de se faire disputer comme un enfant. Il ouvre le toit de sa voiture, s'accoude à la portière, arrange ses cheveux dans le rétroviseur, baisse le son de la radio, et attend. Un sourire assuré, un air hautain clairement affiché.

Au volant de sa voiture, Noah attendait que la fille vienne à lui. Sauf qu'elle ne semblait pas s'exécuter, ce qui le froissa profondément. Il jeta sa tête en arrière contre les repose-tête, et souffla un bon coup, avant de se redresser et de redémarrer la voiture. La jeune fille qu'il voyait dans le rétroviseur semblait monter en pression.

Noah roula quelques mètres avant de garer sa voiture, à quatre place de celle qu'il venait de percuter. Il en sortit des papiers à la main, et tout en avançant dans le couloir du parking arrangea le col de sa chemise dans une démarche impérieuse et arrogante. Son air froid et présomptueux dessinait chacun des traits de son visage.

Il arriva au niveau de la jeune fille, et dit du ton le plus calme au monde : "C'est quoi ton problème ? Ta voiture dépassait de sa place, tu étais mal garée.". Sans se présenter, il poursuit son chemin jusqu'à la voiture en question, avant de déposer sur le capot les papiers qu'il tenait en main. Légèrement appuyé dessus, il sortit un stylo de sa poche et le tendit à la jeune fille, sans esquisser le moindre signe de compassion, lui faisant comprendre qu'elle devait remplir le constat.

Depuis qu'il était à Harvard, Noah avait une facheuse tendance à s'attirer des ennuies et les foudres de toutes les filles jolies et caractérielles du campus. Il restait de marbre, de sa stature impérieuse, en observant la jeune fille s'agiter. Elle était énervée, et cela lui plaisait, d'autant que ça la rendait craquante. Il avait toujours eu cette facheuse tendance à cultiver la colère, la haine et le mépris. Pourquoi ? Il n'en savait rien, c'était sa marque de fabrique : pousser les gens à bout jusqu'à ce qu'ils aient envie de l'égorger.

"Et tu roules comme un connard". Noah s'approcha d'elle de son air sévère et de son ton grave : "Tu devrais commencer par apprendre les bonnes manières et éviter d'insulter les personnes que tu ne connais pas". D'un coup, comme une furie, il attrapa le constat vierge et le déchira sous ses yeux. Ce n'était pas très grave, il en avait plusieurs dans la voiture. Mais ce geste était fait pour l'agacer encore plus et lui faire comprendre qu'il n'était pas du genre à se laisser dicter sa personnalité et ses actions : "Maintenant je suis un connard, et tu peux légitimement me désigner comme tel". Il jeta les feuilles en morceau aux pieds de la jeune fille avant de prendre un peu de recule et de faire comme s'il allait retourner à sa voiture la laissant là, sans s'occuper de ce léger incident : "Je n'en ai rien à faire que ce soit ta voiture ou pas. En l’occurrence, il s'agit de mon temps. Et je n'ai pas l'intention de le perdre avec toi tant que tu n'auras pas révisé tes bonnes manières". De toute son arrogance, et d'un geste de dédain provocateur, il tourna les talons et se mit à marcher vers sa voiture, clefs en main.

Cette attitude colérique et provocatrice de Noah trahissait un intérêt certain qu'il portait à la jeune fille. C'était sa manière à lui de montrer qu'il était sensible au charme d'une personne. Si vraiment il n'en avait rien à faire, il ne se serait ni arrêté, ni aurait perdu son temps en paroles.

Dans un espèce d'élan mélodramatique, de toute son arrogance, une fois le constat déchiré, Noah tourna les talons et pris le chemin vers sa voiture. Lorsque tout à coup la jeune fille le rattrapa et se mit en travers de sa route. Noah fit hocha la tête de gauche à droite en laissant s'échapper un léger sourire narquois, se mordant la lèvre pour ne pas rire plus expressément. Cet air qu'il arborait était celui du joueur invétéré : en voyant la jeune fille rappliquer, Noah se dit à lui-même "on va bien s'amuser".

Il la regardait et la trouvait très belle. Plus belle que la plupart des filles qu'il avait rencontré jusqu'ici à vrai dire, et ce n'est pas peu dire. Elle était tout ce qu'il aimait : petite, brune, des yeux expressifs, sourire parfait, et cet air croisé entre l'ange et la mijaurée. Elle le regardait et prenait soudainement une tonalité suave et charmeuse, un regard étonnamment envoutant. Noah soutint son regard, le sourire aux lèvres, tandis qu'elle lui proposait quelque chose .... de plus cocasse et tendancieux semblait-il. Noah sentit au creux de son dos le départ d'un léger frisson, qu'il souligna d'un sourire entendu. L'espace d'une fraction de seconde, il lui aurait signé tous les constats du monde juste pour savoir et voir ce qu'était ce "s'occuper autrement".

Mais, le sang froid de Noah n'avait pas tourner vite au point d'embourber ses sens et de lui faire perdre ses moyens. Il sourit de plus belle en réalisant qu'il venait presque de se faire avoir par le plus vieux tour du monde : la fille qui charme le garçon pour obtenir ce qu'elle veut de lui. Alors, Noah sourit de plus belle, acquiesçât et lui lança, en désignant sa voiture d'un signe de tête : "J'ai un autre constat dans ma voiture, et la mienne est un peu plus grande, il y a un peu plus de place ...". Il lui fit un clin d’œil provocateur, avant d'ajouter en riant : "Tu ne crois tout de même pas que je vais me faire avoir par ce tour de passe-passe stupide ? Range tes charmes et augmente les enchères si tu veux que j'obéisse". Il s'approcha d'elle lentement, en prenant lui cette fois la tonalité charmeuse et suave, comme pour inverser la vapeur, et lui dit : "C'est toi qui attend quelque chose de moi, alors c'est moi qui pose les règles. D'abord, on se détend, on ... s'occupe autrement, comme tu dis. Et ensuite, je te signe ton constat". Il sourit de toutes ses dents face à elle comme pour la narguer, une véritable tête à claque !

Bien. Ce qui partait d'un accident limite routinier, était entrain de se transformer en déflégration. Non pas à l'égard des voitures, mais à l'égard des deux jeunes gens qui semblaient fermement décidés à camper chacun sur ses positions.

L'aisance et la sincérité dont la jeune fille fit preuve tout à coup laissa Noah pantois. Elle reculait de quelques pas en affirmant : "Je n'attend rien de toi, ni d'un autre homme". Il était déconcerté, et intérieurement ravie de voir qu'il ne s'agissait pas là d'une fille facile à déshabiller. Elle venait, sans le savoir, en plus d'avoir gagné son intérêt, de gagner son respect. Ce qui était une grande victoire en soi étant donné les exigences de Noah en termes de relations sociales !

Noah fut presque attendrit. L'espace d'un instant il se dit qu'il allait signé le constat : ce n'était pas la peine d'en faire tout un fromage, après tout, ça prend deux secondes, ça ne coute pas grand chose, et on n'en parle plus. Et puis, il ne voulait pas la laisser en mauvaise posture, il savait au fond que c'était à 95% de sa faute ce qui s'était passé. Son côté gentil surgissait bien plus vite que d'habitude, ça en était presque effrayant. Alors tout à coup, Noah referma son visage, comme s'il venait de se sentir menacé, et reprit un ton froid. Il se dit qu'il ne la connaissait pas : après tout, il s'agissait peut être là d'une autre de ses manœuvres, non plus l'attaquer frontalement, mais le prendre par les sentiments.

Détachant le sourire de ses lèvres, et d'un air sérieux qu'il prit par mimétisme, il lui dit : "Comme tu voudras.". Il fit également quelques pas en arrière, avant d'ajouter : "Je ne veux rien te prendre de force, rien te faire que tu n'ai envie que je te fasse.". Il fit une mine un peu triste et vexée avant d'ajouter : "Écoute, je ne voulais pas perdre mon temps, et je suis entrain de le faire. Allons au plus simple : tu t'excuse pour m'avoir insulter de connard, et moi d'être le plus imbécile de tous les hommes, ça te va ?"
Il lui tendit la main pour la lui serrer, comme s'il s'agit d'un traité officiel. "Et puis, je te promets de disparaitre, tu ne me reverras plus jamais". Noah n'arrivait pas à cerner la jeune fille, et préférait rester sur ses gardes, en lui faisant exactement ce qu'elle faisait : si elle l'insultait, il l'insultait, si elle le charmait, il la charmait. Si elle voulait l'attendrir, il en ferait de même.