[Fini] Lilly Morgan ▲ Dakota Johnson

Poste de police - Cambridge - 3 Février 2012

Trois heures de garde à vue, j'étais fatigué. Je n'en pouvais plus. Debout devant moi, deux agents de polices, leurs regards noirs transperçaient mon être comme pour le sonder, récupérer la moindre information susceptible de me mener à ma perte. Trois heures qu'ils tentaient de me faire parler mais aucun mot ne sortait de ma bouche. Il ne me croiront pas de toute manière. Et Ethan... J'ai eu le temps de l'appeler..de mentir pour ne pas qu'il ne m'attend. "Je suis désolé, je ne peux pas." Ce sont les seules choses que j'ai pu lui dire avant de raccrocher. Il doit me prendre pour une femme immonde, absolument infâme qui l'abandonne au pied du mur.
A cette simple pensée, mes yeux rougissent et s'humidifie. Je ne veux pas lui dire où je suis ni pourquoi.

- Mademoiselle Morgan, je ne vous le répéterais pas deux heures, où étiez vous le 18 Janvier 2012, à partir de deux heures du matin ?

Mes paumes rejoignent mon visage, le frotte. J'ai uniquement eu le temps de me changer. Vous m'auriez vu dans un endroit pareille avec la robe que je devais porter pour me marier ? Non, impossible. Je pince lentement mes lèvres. Je sais très bien où j'étais, ce que j'y faisais et même pourquoi je suis ici.
Mais peu importe si je mens ou si je raconte la vérité, ils ne me croiront pas. Pour eux, je ne suis pas grand chose.
Je lève finalement les yeux de la table à l'apparence immonde pour les poser sur l'un des deux policiers.

- Au café où je travaille.. Je faisais la fermeture.

Avais-je simplement murmurer. Je suis fatigué, je voudrais juste rentrée chez moi mais ils ne me lâcheront pas de ci-tôt. Maintenant, je me dis que je n'aurais même pas dû remplacer cette idiote pour fermer le café. Je n'ai rien dit à personne sur cette soirée. Je ne veux plus parler.
Attention, je suis loin d'être stupide. Je sais très bien pour quoi ils me prennent. Une personne de sang-froid, qui ôte la vie de leurs collègue pour le plaisir. Mais ce n'est pas le cas.

- C'est là-bas que vous avez rencontré l'agent Thomas. Pourquoi l'avoir poignardé à mort ? Refus de payer l'addition ? Un sourire de trop ?! Dites moi ! Vous avez assassiné de sang-froid un père de quatre enfants. Vous savez ce que vous risquez ? La perpétuité.

Rencontré.. Il m'a sauté dessus. Mais ça, ce que les agents de police font entre leurs rondes. Ça, tout le monde s'en fiche. Mes yeux fixent le visage de l'officier le plus proche de moi. Je ne tente pas de l'amadouer. En fait, je ne le vois même pas. Il n'est qu'une forme humaine que je fixe pour faire le tri dans mon esprit. Quand il commence à hausser la voie, je me surprend à sursauter sur ma chaise. Ce n'est pas ce que j'ai fais. Je ne l'ai pas assassiné froidement, pas par plaisir..

- Même si je vous dit ce qu'il s'est réellement passé, vous ne me croiriez pas ! Pour vous, tout les flics sont irréprochables..

A partir du moment où un homme porte un uniforme d'agent de police, il devient subitement un bon samaritain. Ce flic n'en était pas un. Et que ce genre de mec puisse avoir des enfants me répugnent encore plus. Mais ça, je préfère le garder pour moi.
A ma phrase, les deux hommes se regardent, ne comprennent pas ce que je veux dire, où je veux en venir. Bien entendu, ce sont des hommes... Incapable de ressentir quoi que ce soit d'inconnu pour eux.

- Ne commencez pas à jouer la femme apeurée, ça ne marche pas ici. Cet agent était un homme respectable, sans le moindre vice. Qu'est ce qui s'est passé ?! Vous l'avez draguée, il n'a pas voulu donner suite alors vous vous êtes senti tellement humilié que vous lui avez lâchement ôté la vie ? Vous ne sortirez pas de là indemne.

Je ne joue pas. Je suis tout à fait normal. Fatigué mais normal. Je ne l'ai pas dragué, je suis loin d'être une femme comme ça. Et même si j'avais essayé et que j'aurais été rejeté, je me vois mal assassiner comme ça... Non, je ne suis pas assez insensible pour ça.
Je prends une profonde respiration.

- Je me suis juste défendu ! J'ai pris la première chose que je voyais pour me défendre contre lui ! J'ai frappé jusqu'à ce qu'il ne me touche plus ! Il est arrivé par derrière, je n'ai pas pu le voir et m'a repoussé dans le café... disant que je l'avais cherché, que je n'avais pas arrêté de le provoquer et de l'aguicher..

Il ne me croit pas et je le vois très bien à leurs visages. L'un me regarde avec suspicions tandis que l'autre n'a rien à faire de ce que je raconte. Je pince mes lippes avant de reprendre.

- J'ai refusé de répondre à ses avances et il a commencé à devenir violent envers moi.. J'ai pris la première chose que j'ai vu sur le comptoir et quand il a vu celui-ci, il est parti en sens inverse. Je pensais qu'il était partie mais il est revenu par derrière..
J'ai frappé une fois dans ses côtes et... j-j'ai pas réfléchi.. Quand je me suis retourné, j'ai continué à frapper dans son thorax avec le couteau...  Il a essayé de me violer! Vous vouliez que je fasse quoi !

Suffolk County Jail - Boston - Avril 2012

Quatre mois que je suis là. Que je partage une cellule avec trois autres femmes. Je n'ose pas dormir.. Je dors d'un oeil, j'ai peur à chaque fois que je bouge.
A présent, il est dix heures. Certaines détenus sont dehors, d'autres sont à la bibliothèque... Je suis encore allongé dans le lit. Je n'ose rien faire. Dormir...manger. Je ne sais même pas combien de kilos j'ai perdu depuis mon arrivée.
J'ai l'impression d'être épié à chaque pas que je fais. Ce n'est pas des rumeurs quand on dit que les détenus couchent entre elles. Plusieurs ont tentés déjà...

Suffolk County Jail - Boston - Avril 2014

Ça fait deux ans maintenant. Je hais cet endroit. Ethan me manque un peu plus à chaque fois mais lui, il ne doit pas penser à moi. Je suis sûr qu'il me prend pour quelqu'un d'horrible. Peut-être a t-il déjà refait sa vie avec une autre femme ? Je ne veux même pas y penser puisque c'est plus douloureux qu'autre chose.
Par moment, j'imagine comment se passerait ma vie si je n'étais pas là. Si je n'avais pas fermé ce foutu café et que ce policier n'ait pas débarqué. J'aurais été aussi heureuse qu'avant. Avec lui, chez nous.
Il me reste un an maintenant. J'ignore si je vais pouvoir retourner à Cambridge ou si je vais rester à Boston. Si je le vois au détour d'une rue ? Qu'est ce que je vais pouvoir lui dire ? Non, il ne faut pas que je le vois... J'ai tellement peur de tout ça.

Cambridge - Septembre 2015

J'ai pris un appartement non loin d'Harvard. J'ai pu trouver à nouveau du travail malgré ma détention. Mais je n'aime pas sortir... Je n'aime plus rien. Je crois que j'ai beaucoup changé ces dernières années. Temps physiquement que moralement. J'ai déclenché des phobies que je n'avais pas avant... J'ai peur dès que je me retrouve toute seule avec quelqu'un. J'ai l'impression d'être plus qu'une ombre dans un corps. C'est monstrueux à dire mais je pense qu'il va me falloir plusieurs mois avant de retrouver un état normal.
Je ne fais que des allers et retours entre le travail et la maison.. Les magasins par moment mais rien de plus.. J'évite les lieux où j'allais avec Ethan par peur de le recroiser. J'ignore ce que je pourrais lui dire...

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