Destinés à se revoir (Alie-Jane)

Alie-Jane & Priape
   

mise en page par .Stay Away

La rentrée à peine débutée et déjà j’étais à la bourre. Ma voiture faisait des siennes et j’avais eu bien du mal à démarrer le moteur ce matin. Je savais qu’avec l’arrivée du bébé, j’allais devoir sérieusement envisager de me séparer de mon vieux break, mais pour le moment c’était encore difficile pour moi. Cette voiture avait une valeur sentimentale toute particulière pour moi. Ce fut donc après un peu de persévérance que je parvins à faire ronronner le moteur avec un ouf de soulagement. Direction la fac donc. Je garai mon véhicule, priant intérieurement pour ne pas avoir le même gag ce soir en voulant rentrer chez moi. Puis je sortis, mon bloc note sous le bras, je refermai la portière avec empressement et commençai à avancer sur le parking, un peu précipitamment et sans être suffisamment attentif probablement puis que je me cognais contre une brunette après seulement quelques pas. « Excusez-m… » Je me stoppai en reconnaissant la malheureuse que je venais de percuter : Alie-Jane. « Décidément, nos chemins se croisent souvent ces derniers temps… » Je passais cinq jours au SC et je tombais sur elle par hasard et voilà que l’on se rencontrait dès le premier jour de fac. « Comment tu vas ? » lui demandai-je alors.

Alie-Jane & Priape
   

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La brunette avait le regard un peu perdu lorsqu’elle croisa finalement le mien. Un sourire ne tarda pas à faire son apparition sur ses lèvres et la petite lueur de nostalgie dans son regard se dissipa. Elle me fit savoir que la reprise était dure, avant de me retourner la question. « Oui ça va, pareil c’est dur dur de reprendre le rythme mais ça va venir… » Je repensais à notre dernière rencontre, au summer camp, et j’ajoutai : « Au fait, j’attends toujours tes sms… T’as été débordée au point d’oublier de m’écrire ? » demandai-je avec un petit sourire. Je n’étais pas vexé de ne pas avoir eu de nouvelles de la demoiselle, je me doutais que l’annonce de ma future paternité avait du la refroidir quant au fait de garder contact avec moi. Mais je voulais qu’elle sache qu’on pouvait se voir, apprendre davantage l’un de l’autre, pourquoi pas devenir amis… « T’es sûr que ça va Alie ? T’as l’air ailleurs… » fis-je alors en l’observant. De toute façon, c’était fichu, j’étais trop en retard déjà pour mon premier cours, alors je proposai : « Viens dans le hall avec moi, je te paie un café si tu veux… »

« L’arizona te manque ? » En tout cas, je réclamai mes photos moi… Même si je ne lui en voulais pas de ne pas m'avoir écrit. J’avais changé depuis notre nuit ensemble. Elle s’était surement attendue à me retrouver célibataire, séducteur, cherchant encore à la mettre dans mon lit. Au lieu de ça, elle m’avait retrouvé célibataire, certes, mais futur papa, encore amoureux de son ex, ayant du mal à tourner la page… Mais l’absence de mms n’était pas du à cette révélation, ces changements qui s’étaient opérés dans ma vie. Non juste un manque de réseau. « Bah oui faut que tu montres tout ça alors. » J’étais rassuré dans un sens. A défaut d’être amants, on pouvait rester amis elle et moi. Alie semblait alerte, tendue, regardant à droite à gauche nerveusement, comme si elle cherchait quelqu’un. D’ailleurs, elle me confia avoir entendu quelque chose, mais se coupa avant de poursuivre, me rassurant avec un sourire, me disant qu’elle allait bien. Je restais septique, mais on se dirigea à l’intérieur, vers la machine à café la plus proche. J’introduisis quelque pièces dans la machine et appuyai sur la touche expresso deux fois. Les gobelets se remplirent et je repris : « Tu peux me le dire si tu as quelqu’un et que ça te gêne qu’on nous voit ensemble… » Genre un nouveau mec jaloux ou je sais pas… Elle avait l’air tellement sur le quai vive que j’étais intrigué.

Une fois devant la machine, je décidais de mettre les pieds dans le plat, de plus en plus intrigué par l’attitude de la demoiselle : elle essayait de se planquer de qui ? Mais non non, elle me rassura, ce n’était pas ça. La révélation qu’elle me fit alors provoqua un certain malaise chez moi, gêné d’avoir insisté ainsi et d’avoir imaginé des choses. Alie avait cru entendre le nom de sa sœur. Et vu son regard, pas la peine d’être devin pour deviner que la jeune femme n’était plus de ce monde. Je saisis mon gobelet et lui tendis le sien, une expression de peine et de compassion sur le visage : « Ca t’arrive souvent ? D'entendre son nom ? » J’étais bien placé pour la comprendre j’avais perdu ma sœur et j’étais sorti avec une fille qui s’appelait comme cette dernière. Alors autant dire que son prénom, Talya, je n’avais pas fini de l’entendre. « Tu veux en parler ou bien ? Si tu préfères on boit juste notre café hein… » Je voulais pas forcer la demoiselle à quoi que ce soit, mais peut être que d’en discuter, avec quelqu’un qui avait subit ce genre de deuil, ça lui ferait du bien aussi.

Elle me confia un peu gênée qu’elle avait parfois l’impression de voir sa défunte sœur… C’était normal non, moi même quand je croisais des jeunes femmes parfois, dont les traits me rappeler ceux de ma petite sœur, je me perdais à imaginer quelle belle jeune femme elle serait devenue si le destin ne l’avait pas emportée alors qu’elle n’était qu’une enfant. J’hochais donc la tête, pour lui montrer que je comprenais, que je ne jugeais pas. Et Alie finit par avouer qu’elle n’en parlait pas, elle avait plutôt essayé de faire comme de rien n’était, d’occulter tout cela. Mais finalement ce n’était pas la bonne solution. Le gobelet de la demoiselle plein, je lui montrais deux fauteuils un peu plus loin : « On devrait aller s’asseoir un peu… » Et une fois installés là bas, je lui avouais moi aussi, comme pour la mettre en confiance et l’aider à m’en dire plus : « Tu sais j’ai perdu ma sœur quand j’étais ado, alors je crois que les hallucinations, son prénom que t’entends partout, je peux comprendre. Je suis passé par là aussi. » C’était un stade normal du deuil, on ne voulait pas se résoudre, accepter le fait que l’être proche était parti et qu’il nous manquait. « Elle est décédée comment ? » demandai-je doucement, prudemment, pour ne pas la brusquer dans ses confidences.