I need a doctor • Jude

J'essaye de me répéter mentalement que je vais rester alitée dans une chambre ultra blanche pendant des semaines et des semaines, seule, pour le bien du bébé. Oui ça me calme, cinq minutes, parce qu'à la sixième je me dis que je ne vais jamais tenir et que je vais devenir folles avec le va et viens des infirmières, avec le petit déjeuner à sept heures le matin et tout ce que je vais avoir en plus du reste parce que papa Blackburn est l'un des chirurgiens les plus réputés du pays et qu'il est dans le service donc qu'il ne va autoriser aucun faux pas. Je finis quand même par reprendre le fil de la conversation, c'est le meilleur moyen de ne pas penser aux futures semaines ici et il m'informe qu'il a déjà oublié mon entre jambe, compliment ou non je m'en fiche, je lui souris, contente de voir qu'il est si compréhensif. « Merci les visas et la paperasse alors ! » Sans ça je ne sais pas ce qu'il en serait de ma grossesse. « Qu'est ce qu'il s'est passé au Summer Camp que ça te fait fuir si loin ? » Est ce que je suis un peu voyante ? Non je n'ai pas de supers pouvoirs, mais je suis assez bien placée pour savoir que partir loin c'est la solution de tout le monde pour oublier les problèmes, je suis la première à l'avoir testé, et même si la mission a un bon fond, je me doute que ce n'est qu'un emballage, qu'une apparence, que ça camoufle quelque chose. Après qu'il se décide à m'en parler où qu'il ne le fasse pas... C'est son choix, il est entré dans mon intimité parce que je n'avais pas le choix, lui a le choix de partager cela ou non.

J'avoue être un peu surpris que Talya ait remarqué que j'avais une tonne de papiers, de documents et autres quand je l'ai prise en charge. Elle était tellement paniquée que je pensais qu'elle n'avait pas forcément fait attention, et je m'en fichais parce que le plus important était de la rassurer et de voir ce qui n'allait pas. Au final, il semblerait que la demoiselle ait toujours un fin sens de l'observation, même dans les moments les plus critiques où tout semble aller mal et où elle ne sait pas quoi faire. C'est une qualité je dirais, de toujours être observateur. Je possède aussi cette qualité et je crois que tout étudiant en médecine se doit d'avoir cette qualité pour faire un bon médecin.  « Merci les visas et la paperasse alors ! » J'hoche la tête en riant un peu et je repose son dossier sur le bureau, la regardant, « Qu'est ce qu'il s'est passé au Summer Camp que ça te fait fuir si loin ? » Je la regarde, je la regarde un long moment sans rien dire. Enfin, un long moment.. pour moi, ça a duré une éternité mais je pense qu'en réalité, je suis resté quelques longues secondes à la regarder en silence. « Disons que c'est une accumulation de choses.. »  Je souris, très légèrement. Un sourire forcé, il faut bien l'avouer. « On m'a enlevé la garde de mon fils temporairement parce que quelqu'un m'a accusé de violences, la femme que j'aime est.. amoureuse d'un autre. »  J'hausse les épaules; « J'ai besoin de souffler, de prendre un peu l'air tu vois ? Là-bas j'me sens utile, c'est agréable de se sentir utile et on déborde tellement de boulot qu'on a pas le temps de penser à tout c'qui va pas. Tu te lèves tôt, t'arrêtes pas de la journée, tu rentres le soir t'es crevé et tu dors direct.. pas le temps de se sentir seul ou triste. C'est c'qu'il me faut.  »

Monsieur partait pour faire de bonnes actions mais avant le départ il avait fait sa BA ici, et j'étais heureuse vraiment, d'être tombée sur lui. Entre étudiants, entre médecins on se connait un peu et quand on cède à la panique c'est bien qu'il y a un souci. S'il pensait que dans ma panique je n'avais pas remarqué ce qu'il faisait cependant, c'était raté. Du coup maintenant que ma peur était légèrement retombée et que les contractions commençaient à se réduire avec la perfusion, je pouvais m'intéresser à comment il allait occuper la fin de son été. « Jude ? Ton fils ? Aaron ? C'est Roxanna qui l'a non ? Je suis perdue... Tu sais que c'est ma cousine ? » J'étais perdue avec les enfants de ma cousine de savoir qui elle avait mis au monde, qui elle n'avait pas mis au monde mais considérait comme son enfant alors une petite remise à niveau ne ferait surement pas de mal, mais il ne me semblait pas que Jude ait eu un autre enfant qu'Aaron à moins que je ne me trompe ou que j'ai loupé une étape. Quand il me dit qu'il part en Afrique et qu'il m'explique pourquoi je ne peux pas m'empêcher de lui demander : « J'ai vraiment pas le droit de bouger ? T'as vraiment pas le droit de me trouver une petite place dans ta valise ? Ou même en première classe à côté de toi pour me surveiller si ça va pas ? » Au secours sortez moi de là, de cette vie, de cette ville, c'était un cri du coeur, aussi profond que celui du médecin, aussi profond que celui que je venais d'entendre. « Si je disparais après la naissance du bébé tu sauras où je serais partie... D'ailleurs tu rentres quand ? »

« Jude ? Ton fils ? Aaron ? C'est Roxanna qui l'a non ? Je suis perdue... Tu sais que c'est ma cousine ? » Je ris un peu et je tire un tabouret pour venir m'assoir à côté d'elle. Je savais que Roxanna était la cousine de Talya, mais je ne pensais pas qu'elle était aussi paumée par rapport à la famille. « Bon okay: mon fils, Aaron je l'ai eu avec une meuf qui l'a abandonné quelques jours après sa naissance et qui n'est plus jamais revenue. C'était un coup d'un soir et voilà. Après j'ai eu Aylin avec Roxanna, elle elle était voulue. En ce moment Aaron est avec Roxanna parce que Roxanna a adopté Aaron quand sa mère biologique l'a abandonné du coup comme j'ai perdu sa garde temporairement, c'est Roxanna qui l'a en attendant que tout ça se résolve. Tu vois ? »  J'espère que c'est un peu plus clair pour elle maintenant. Je sais que tout ça peut paraître un peu compliqué vu de l'extérieur, mais ça ne l'est pas tant que ça au final.  « J'ai vraiment pas le droit de bouger ? T'as vraiment pas le droit de me trouver une petite place dans ta valise ? Ou même en première classe à côté de toi pour me surveiller si ça va pas ? » Je passe ma main sur la sienne de manière réconfortante, « Tu peux bouger, mais pas énormément, j'conseille vraiment que tu restes ici.. ton père peut te trouver une bonne place non ? Je sais que c'est chiant l'idée de rester allongée jusqu'à la fin de ta grossesse mais je pense vraiment que c'est le mieux pour le bébé.. »  Et j'espère que tu vas me faire confiance là dessus Talya. « Si je disparais après la naissance du bébé tu sauras où je serais partie... D'ailleurs tu rentres quand ? » Je souris, Je rentre fin Août, pour la rentrée scolaire. « Et quand je rentre je veux que ce bébé soit encore là-dedans d'accord ? » , dis-je en montrant son ventre du doigt.

Rapide topo sur la famille de Jude, sur la blonde qui me sert de cousine et tout et tout. Voilà, maintenant j'y vois plus clair et c'est bien mieux pour avoir une discussion construire avec lui autour de ça. « Je suis mieux oui. » Je garde le silence quelques instants avant d'ajouter. « C'est mieux pour sa stabilité. » Et oui si la mère adoptive du petit a été assez bête pour l'abandonner et que Roxanna a eu le coeur de l'adopter et de l'élever c'est mieux que ce soit elle qui le garde si Jude a des problèmes avec la garde, mais quand même, je ne comprends pas qu'on puisse créer de tels soucis autour d'un enfant. Si on l'aime, on ne doit vouloir que son bonheur et son équilibre pour qu'il puisse grandir et s'épanouir correctement. « Bien bien.. J'ai pas le choix alors, je ne veux pas prendre de risques. » J'allais me reposer à l'hôpital puisque mister Montgomery l'avait dit et ça allait être un calvaire, surtout qu'il ne serait pas là pour venir me raconter quelques blagues pendant ses pauses comme il partait. Ce n'était surement que partie remise, en attendant j'étais contente pour lui si ce voyage lui aérait l'esprit comme il en avait envie et comme il avait l'air d'en avoir besoin. Nous étions beaucoup trop dans ce cas là. « Je te promets que bébé sera encore au chaud, si tu me promets d'être là quand il viendra au monde ! » Accouchement normal ou césarienne, qu'importe, je voulais une tête connue au milieu des meilleurs médecins que mon père rameuterait surement. Je voulais qu'il soit là, après toi il n'était plus à une fois près de voir mon entre-jambes.