Priape ▬ What if I'm far from home? Oh brother I will hear you call !

La jeune femme me parlait avec fierté de son fils, même si elle n’oubliait pas de citer quelques uns de ses défauts. Mais la fin de son petit speech sur son fils attira mon attention : ancienne dunster. Comme si elle ne rejoignait pas les jaunes à la rentrée ??? « Attends une minute… Ancienne dunster ? Tu reviens pas chez nous ? Tu reprends bien ton cursus en droit ? » Parce que si elle reprenait son statut d’étudiante, ça signifiait qu’elle pouvait aussi nous rejoindre à nouveau à la DH, après un bizutage réglementaire bien sûr. Puis ce fut au tour de ma révélation. Les images des échographies lui parlèrent aussitôt, lui rappelant probablement les clichés réalisés au cours de sa propre grossesse. Mon sourire s’élargit alors qu’elle me félicitait pour ma future paternité. « Et oui, tu vois, je vieillis aussi. Bientôt on se croisera à la crèche, on pourra parler legos, petits pots et marques de lait. » plaisantai-je en riant avant de répondre à ses questions avec plus de sérieux. « Talya en est à cinq mois là, c’est prévu pour le mois d’octobre. Et on n’a pas demandé le sexe… Et oui, je suis très content, enfin c’était compliqué au début, c’était pas prévu… » Et puis une grossesse après une séparation ce n’était pas des conditions idéales, mais je tus ce détail préférant me concentrer sur le positif. « Je suis toujours un peu stressé, tu me connais… Mais t’es passée par là, Leanne est passée par là, j’suis entouré de super mamans qui m’aideront à gérer et à devenir un super papa. »

« Lâcheuse !!! » commentai-je avec une petite moue vexée lorsqu’elle confessa qu’elle allait rejoindre la Eliot à la rentrée. Oui parce que j’avais tout de suite compris à quelle confrérie elle faisait référence en parlant des gosses de riche. Mais pour moi, Lilia resterait toujours une dunster dans l’âme. Elle était pas du genre a fanfaronner et à mettre en avant le milieu social aisé dans lequel elle avait grandi ou même encore l’argent dont elle disposait, contrairement à d’autres bleus. « Tu me vends du rêve là… » Couche, nuit sans sommeil, ça tuait un peu l’amour tout ça. « Parler pipi caca avec des yeux tout cernés, on va devenir les étudiants les plus chiants du campus. » Enfin, vu l’épidémie de grossesses qui allait contaminer la fac et qui allait être annoncée au cours de l’été, nous n’allions pas rester longtemps les seuls jeunes parents étudiants d’Harvard. En tout cas, la jeune femme se montra tout de suite rassurante : elle m’imaginait très bien papa. Ce n’était pas la première à me le dire, mais bizarrement j’avais toujours du mal à me projeter, à m’imaginer avec ce petit bout de choux dans les bras… Pourtant la pédiatrie m’avait donné l’occasion de pouponner. Mais là, ça allait être complètement différent : ça allait être MON bébé… Puis vu la situation, je manquais clairement d’assurance. Un détail n’échappa pas à Lilia qui reprit finalement le prénom de mon ex que j’avais laissé échapper. Je levais les yeux au ciel, ne pouvant me retenir d’avoir un petit sourire amusé devant la curiosité de mon interlocutrice… « Elle s’appelle Talya en effet. » Mon sourire s’effaça finalement, difficile de le conserver quand il fallait expliquer notre situation. « C’est compliqué aussi ça… En fait on n’est plus ensemble. » lâchai-je avec un petit soupir. D’un autre côté, Lilia venait de m’assurer qu’on pouvait très bien élever un enfant seul de nos jours, alors c’était surement pas la jeune maman qui allait me juger, d’autant plus que ce n’était pas son genre.

Le sourire de Lilia s’effaça alors qu’elle comprit que le sujet était quelque peu tabou. « Non t’inquiète, ça va, ça va… » fis-je en jouant les forts alors qu’elle proposait de ne pas en parler. Elle élevait un enfant seule la tête haute, j’allais pas faiblir en parlant de ma rupture avec Talya et puis surtout je voulais pas qu’elle se sente gênée d’avoir abordé le sujet. Ce qu’elle ajouta néanmoins ensuite me tira un petit sourire : les histoires compliquées étaient un terrain connu. « On en a des points communs alors. » rigolai-je un instant avant de reprendre concernant la fin de mon couple : « On s’est séparés début mars et elle a découvert qu’elle était enceinte quelques semaines après… » Jusque là pas trop de hic, ça arrivait à bien des couples. J’avais omis volontairement de préciser la cause de la rupture, la suite allait éclairer Lilia sur ce point : « En fait, quand elle m’a appris qu’elle était enceinte, elle savait pas trop qui était le père encore. » Oui voilà le gros hic était là : Talya m’avait trompé, c’était ce qui nous avait séparé, et encore plus quand on savait qu’elle aurait pu tomber enceinte de son meilleur ami. « Mais on a fait des tests depuis et c’est bien moi le père. » Voilà je faisais pas mal en matière de compliqué aussi. Je saisis mon verre et vidai de moitié le cocktail brésilien. Comme à chaque fois que je racontais nos déboires, ça avait le don de me donner soif.

Je mesurais sa surprise au cours de mes révélations, l’expression de son visage se modifiant peu à peu. Une lueur de compassion passa dans ses yeux et elle laissa échapper une petite remarque pour souligner mon ascendant sur elle en matière de compliqué. « Je t’aurais bien laissé la première place tu sais… » soupirai-je en essayant ensuite de lui servir un petit sourire que je devinais déjà peu convaincant. Je repris une nouvelle gorgée de mon verre alors que mon ex belle sœur s’inquiétait finalement de mes relations avec Talya. « J’y arrive… Parfois. Et ça dégénère vite ensuite, parce que ce type c’est son meilleur ami, il est partout. » Dans son téléphone quand il lui écrit, dans son appart quand il lui rend visite, dans sa vie, dans sa tête, dans son cœur, et quand je repense au fait qu’il a même été entre ses cuisses ça me rend dingue. « Je lui avais demandé de couper les ponts avec, elle a pas pu. Il est, je cite un "pilier de sa vie" » fis-je sur un ton mauvais, mimant les guillemets de mes doigts. Je me demandais souvent à quoi ça aurait pu ressembler si le jour de cet ultimatum, elle avait rayé Matthéo de sa vie. Je pense que j’aurais craqué, qu’on se serait remis ensemble à l'heure qu'il était… Mais là, l’ombre du mather planait au dessus de nous. Du coup, je pouvais comprendre Lilia, même si pour le coup Em’ ne l’avait pas trompée. Il l’avait quittée pour Charlie alors je pouvais surement mieux saisir ce qu’elle avait traversé désormais. J’étais désolé en tout cas que ça n’ait pas marché avec son nouveau conjoint, même si son statut de mère célibataire ne semblait pas être un fardeau. « Et toi avec ton ex, enfin le papa de ton fils, vous avez gardé contact ou pas du tout ? » demandai-je très prudemment, parce que j’avais compris le sujet délicat.

Je ne pouvais qu’imaginer ce qu’elle pensait de mon histoire, et vu l’expression de son visage, elle devait penser que j’étais un grand malade. Oui certains auraient surement tiré un trait sur la nana et le bébé, sans demander leur reste, mais moi ce gosse, c’était plus fort que moi je l’aimais déjà… Et mon amour ne se réduisait pas qu’à cet enfant d’ailleurs, malgré mon incapacité à pardonner. J’avais ensuite cherché à en savoir plus sur Lilia, son histoire avec le père de son enfant, prudemment et discrètement, ne souhaitant pas la forcer à de quelconques confidences. Elle attrapa son verre, comme je l’avais fait après avoir abordé le sujet –Talya- et m’imitant, elle ingurgita une bonne dose de son fameux cocktail avant de commencer à me répondre. Aucun contact. Il avait rompu. Coupé les ponts. Mais elle avait appris ensuite qu’elle était enceinte et avait géré seule sa grossesse, l’arrivée du bébé etc. « Tu veux dire que lui, ce gars, il est pas au courant ? » J’avais du mal à imaginer qu’on puisse priver une personne de ça, de ce contact, de ces moments, de ce lien privilégié et unique qui unissait un homme à son enfant. Je me gardais bien de juger la demoiselle, je ne savais pas dans quelles conditions elle s’était séparée de son ami, mais je ne pus m’empêcher de réaliser la chance que Talya m’avait accordé : être présent pour sa grossesse, assister aux écho, participer au choix du prénom, du parrain, de la marraine, être un père pour son enfant tout simplement. Lilia avait conscience surement, que le sort qu’elle avait réservé au père de son enfant était rude, puisqu’elle reprit la parole pour affirmer qu’elle n’était pas un exemple à suivre, que je ne devrais pas prendre le risque de perdre Talya définitivement surtout si je l’aimais toujours. « En même temps je crois que si je prends le bébé à la maternité et que je tente de m’échapper avec pour l’élever seul, je vais pas passer inaperçu. » ironisai-je en riant n’ayant aucun projet de kidnapping. « On va réussir à trouver un terrain d’entente. Je suis content qu’elle me laisse ma place de père à ses côtés, même si le fait qu’on se soit séparés, en plus dans ses conditions, ça rend souvent les choses électriques entre nous. »