Priape & Reyna ☼ La curiosité est un vilain défaut.

Après les cérémonies de remise de prix, l’officielle avec le doyen et l’officieuse de CS, je m’étais engueulé avec Talya. Une énième prise de tête. Nous commencions à exceller dans le domaine. Et c’était donc tout naturellement que j’avais pris le chemin du bar. Un verre me ferait le plus grand bien et puis j’allais peut être retrouver Zoïa. Je n’avais pas revu ma cavalière depuis un bon moment, mais elle n’était pas ici ce qui ne m’empêcha pas de m’accouder au comptoir et de demander au serveur de me mettre un cognac. Oui, aux grands maux, les grands remèdes, j’avais l’intention de sortir l’artillerie lourde pour cette fin de soirée. Mais j’avais à peine trempé mes lèvres dans mon verre qu’une élégante brune fit son apparition à côté de moi, petit sourire aux lèvres, me félicitant pour mon award. Avec tout cela, j’en avais presque oublié mon prix. « Merci… » fis-je avant de rajouter avec une note d’humour : « Ne répète pas que tu as vu le meilleur dunster en train de se bourrer la gueule au bar sinon ils vont vouloir me retirer mon prix. »

La réponse de la brunette m’arracha un petit sourire amusé. Je fouillais dans la poche intérieure de ma veste de costard pour en sortir la petite statuette qui m’avait été remise pour symboliser l’award que j’avais reçu. « Je devrais peut être te le confier, tu le cacheras pour moi et tu me le rendras une fois que mon taux d’alcoolémie aura diminué… » Et sur ces mots, je repris une nouvelle bonne gorgée de cognac. « Enfin si il baisse un jour… » A ce train là, c’était pas gagné. La demoiselle se présenta : elle s’appelait Reyna King. Je lui tendis la main et me présentais solennellement : « Enchanté. Priape Zacharias, meilleur dunster. » Avant de me mettre à rire pour montrer que je ne me prenais à ce point au sérieux. « Tu passes une bonne soirée Reyna ? » demandai-je alors poliment à mon interlocutrice. Parce que souvent quand on finissait au bar à cette heure, c’est qu’on avait besoin de se noyer dans l’alcool. Mais la jeune femme ne semblait pas ivre, du moins pas autant que moi.

A ses mots, mon regard dévia automatiquement vers le décolleté plutôt aguichant de la jolie inconnue et un petit rire s’échappa de mes lèvres : « Il serait pourtant bien logé ici mon award. Un sacré chanceux… » L’alcool me réussissait pas toujours, je risquais de me prendre une baffe pour finir, je me dépêchais donc de relever les yeux et de les fixer aux siens alors qu’elle me conseillait de lâcher mon cognac pour un verre d’eau. Je grimaçais : « Tu connais pas la règle d’or : jamais d’eau au bal ! » Règle que je venais d’inventer. Les présentations officielles eurent ensuite lieu et Reyna me fit savoir qu’elle avait tenté d’intégrer la dunster. « Pourquoi il a refusé ? C’est trop dommage ça… » me désolai-je alors avant de la questionner sur le déroulement de sa soirée qui apparemment était bonne. « Excellente soirée ! » répondis-je ensuite sur un ton chargé de sarcasmes. J’attrapai ensuite mon verre pour en reprendre une nouvelle gorgée, geste suffisamment évocateur pour deviner que ma réponse était un énorme mensonge. Il me fallait plus de cognac pour oublier le désastre de ce soir.

La brune ne semblait pas s’offusquer de mes yeux baladeurs. Toujours souriante, elle rit un instant avant de me parler de son ex et de son fils. « Tu as un enfant ? » m’étonnai-je donc. « Il a quel âge ? » Elle devait avoir dans mes âges, elle était maman, et elle n’était apparemment plus en couple puisqu’elle avait parlé d’EX mari. Trop de points communs pour que je ne cherche pas à en savoir plus sur la demoiselle. Elle acquiessa ensuite à ma règle sur l’eau, avant d’ajouter que pour sa part, elle tenait toujours debout, sous entendant par la même occasion que ce n’était pas mon cas. Je rétorquai donc : « Hey ! Je tiens toujours debout aussi… » Pour le moment… Pas sûr qu’après quelques cognacs ce soit toujours le cas. Elle m’expliqua alors que le nombres d’étudiants au sein des confréries avait entraîné son adhésion à la confrérie des quincys, j’hochais la tête en souriant. « C’est une super frat' aussi la quincy. Leur présidente est top. » J’adorais Addi alors normal que je fasse la publicité des oranges. La révélation qui échappa ensuite des lèvres de mon interlocutrice me laissa sans voix un instant. Je repris ensuite la parole, étonné. « Ton père ? Sérieusement ? » J’étais un scientifique, les lettres, la littérature tout ça, ce n’était pas forcément mon dada. Mais même pour un inculte dans mon genre le nom de Stephen King était parlant. « Waw, c’est pas trop dur d’être une –fille de- ? » demandai-je alors avec curiosité. Je l’informais ensuite avec une certaine ironie que je passais une excellente soirée. Elle décela mon sarcasme et me surprit en évoquant mon ex, Talya donc, et son prix. Y avait-il encore une personne dans cette fac qui ne soit pas au courant de mon statut de cocu ? Comme quoi avoir une vie privée sur ce campus semblait mission impossible avec CS qui furetait à l’affut du moindre potin. « Je suis désolé alors. Avec ton mari c’est ça ? Qu’est-ce qui s’est passé ? » Mais la brunette voulait parler d’autre chose, probablement gênée d’évoquer ce sujet. « Excuse moi, je voulais pas me montrer indiscret ou te mettre mal à l’aise… » Elle me questionnait ensuite sur ce que j’aimais dans la vie. « Plein de choses… Ca se voit peut être pas comme ça… » Alors que j’étais avachi au bar, le nez dans mon verre, broyant du noir. « …mais je suis un mec plein de vie d’habitude. Et toi alors ? Qu’est-ce qui t’intéresse ?» Est-ce qu’elle était du genre littéraire comme son père, ou bien avait-elle choisi une voie différente ?

La jeune femme parlait de son fils avec fierté et une lueur s’alluma dans ses yeux. « Waw, c’est déjà un grand garçon en fait. » Le temps passait trop vite, c’était bien connu j’allais bientôt avoir mon propre petit, qui changerait et grandirait à une vitesse folle, m’illustrant à merveille ce dicton. J’insistais pas pour ses histoires familiales. On ne se connaissait pas, c’était normal que la brunette ne veule pas s’étaler sur son passé.  D’ailleurs, j’avais aussi mis les pieds dans le plat concernant son ex qui apparemment n’était pas le roi de la fidélité. On avait donc un nouveau point commun elle et moi, nous étions les trompés de service. Je grimaçais en écoutant son histoire. C’était carrément dégueulasse de la part de son mec. La demoiselle avait tout plein de passions, je souris en l’écoutant m’en lister quelques unes. Je bus une nouvelle gorgée de mon verre alors qu’elle me demandait si j’étais sur de ne pas vouloir parler de moi. « J’ai pas l’habitude de me dévoiler aussi vite aux inconnues… Même si elles sont jolies. » Et hop comme ça je glissais un petit compliment pour la jeune femme. « Enfin, si tu veux savoir, ce soir j’aime surtout le cognac. » Et hop j’amenais une nouvelle fois mon verre à mes lèvres. Oh moins, elle savait dans quoi elle se lançait : une conversation de bourré quoi.