why does it take a minute to say hello and forever to say goodbye (Joey)

J'avais fui la table un instant. Cette agitation, ce remue ménage, ces robes hors de prix, ce champagne qui coulait à flot, ça ne me ressemblait pas... Bien sûr je venais d'un milieu plutôt aisé, je n'avais manqué de rien, matériellement parlant, durant mon enfance, mais après six mois passés au Pérou je n'étais plus à l'aise avec cette surabondance et ce gaspillage. Ca ne me faisait que me confirmer que ma place n'était pas ici... Mon regard voyagea un instant, balayant la piste de danse du regard. Voilà ce que j'allais laisser donc : un joli rêve de princesse, des robes, des paillettes, du luxe, une éducation prestigieuse dans la meilleure faculté du pays. Et pourtant, je n'arrivais pas à regretter cette décision. Ce fut seulement quand mon regard se posa sur Joey qui se trouvait un peu plus loin que mon coeur se pinça. J'étais peut être sûre de moi mais certaines personnes allaient terriblement me manquer. A commencer par elle. Elle dut remarquer l'expression songeuse de mon visage parce qu'elle s'avança vers moi. J'essayais d'afficher un sourire que j'espérais convaincant : "Hey, ça va ? Tu passes une bonne soirée ?"

« Hey Ju ! C'est ton histoire avec Raphaël qui te rend si songeuse ? » Je regardais ma petite soeur avec un sourire en coin avant de la prendre par le bras et de l'entrainer dehors. Elle paraissait complètement ailleurs et je voulais savoir pourquoi. Maintenant que j'avais la chance d'avoir une soeur qui acceptait ce lien, je ne souhaitais pas que cela disparaisse, au contraire, je voulais vraiment prendre ma place dans sa vie et qu'elle prenne la sienne dans la mienne. Puis elle connaissait mon secret, celui de la maladie, cette leucémie qui pouvait revenir me pourrir la vie à n'importe quel moment... Je ne lui avais simplement pas parlé de la possibilité qu'elle soit compatible avec moi pour la greffe de moelle... On avait du temps à rattraper avant d'en arriver là, mais peut être avait elle déjà fait des recherches et s'était elle renseignée... Ca ne m'étonnerait pas d'elle. « Priam vient de me dire qu'il m'aimait et j'ai parlé à Jasper alors je crois que ça s'approche de la soirée parfaite... » Enfin si on oublie Kyla et Chrysta à la même table que moi et la réticence de Jasper à me décrocher un mot.

Mon air songeur n’avait pas échappé à Joey. Ma sœur était observatrice et ne se laissait pas duper par un vague sourire. « Euh non… Enfin si, en partie… » bredouillai-je avant qu’elle ne m’entraine dehors. Elle était souriante et paraissait épanouie. J’avais du mal à croire qu’une fille aussi jolie, douée et sûre d’elle soit ma sœur, mais j’étais très fière d’elle. En tout cas, un sourire bien plus franc étira mes lèvres alors qu’elle me confiait que sa soirée s’approchait de la perfection. « Waw, il t’a dit qu’il t’aimait ? C’est trop romantique ça !» fis-je avec des petites étincelles dans les yeux avant d’ajouter : « Je me suis peut être trompée sur lui tu sais… » Si il était amoureux de ma sœur c’était forcément un type bien. Enfin mon sourire s’effaça un peu en repensant à ce que j’allais devoir annoncer à la cabot. Pour sûr, sa soirée ne serait pas parfaite et cela serait en grande partie ma faute.  

« Vous êtes mignons tous les deux, tu sais il a peut être changé... » Je savais ce que Judith avait vécu avec Raphaël et à le voir comme ça ce soir je n'avais pas du tout l'impression qu'il se moquait d'elle, j'avais plutôt l'impression qu'il avait envie d'être avec elle, de creuser un peu leur histoire bien trop vite terminée des années avant. Enfin j'avais bien vu les petites étoiles dans les yeux de ma soeur quand elle le regardait et j'espérais qu'elle allait vivre le même conte de fées que moi. « Je ne sais pas si tu t'es trompée... Je ne sais pas si je dois m'abandonner entièrement dans cette histoire, mais je suis amoureuse de lui aussi, tout est allé si vite, enfin je ne sais pas, j'ai juste envie de me laisser porter et de profiter tu vois ? Je l'ai lui à mes côtés, je t'ai toi aussi maintenant et c'est juste parfait comme ça tu comprends ? » J'étais bien loin de me douter de la nouvelle qu'elle voulait m'annoncer et avec tout ce que je lui disais je ne lui rendais surement pas la tâche facile. Mais elle était importante, son bonheur était important pour moi et je ne voulais pas qu'elle en doute.

« Il a changé. Enfin je crois… » acquiesçai-je  avec un petit sourire. «Il a un petit bébé trop chou, il est plus mature plus posé, il sait ce qu’il veut… » Le Raphael d’aujourd’hui était bien différent de celui que j’avais connu au lycée, mais il était toujours aussi beau. Mais il ne se profilerait rien de plus entre nous, et cette fois ça serait uniquement de ma faute. J’étais contente de voir ma sœur me raconter les avancées de son idylle avec Priam. Elle était amoureuse également, elle voulait profiter. J’hochais la tête pour signifier que oui je voyais très bien ce qu’elle voulait dire. La fin de sa phrase fit néanmoins s’estomper mon sourire. Je devais lui dire, je ne pouvais pas attendre plus longtemps, lui laisser entrevoir des choses qui ne se produiraient pas. « Joey je… Il faut que je te dise quelque chose.» fis-je très sérieusement. « Je suis contente que Priam et toi ça marche parce que… Parce qu’il sera là pour toi comme ça. Oui il sera à tes côtés comme tu le dis, mais moi, je… » Je me stoppais, fermant un instant les yeux, hésitant sur les mots, bafouillant un peu. Ma gorge était nouée par l’émotion, je ne regrettais pas ma décision mais le fait de ne pas pouvoir embarquer Joey dans ma valise me brisait le cœur. J’avais pas pris conscience avant à quel point elle allait me manquer. « Moi, je ne serais pas là. »

« Ma petite soeur sous le charme d'un mec avec un bébé qui lui a brisé le coeur en volant sa virginité il y a des années... Je crois que si on me l'avait dit plus tôt je ne l'aurais pas cru ! » Enfin surtout j'avais bien du mal à voir ce Raphael papa, quoi que ça lui allait bien : pas stable du tout à faire un bébé à la première venue. Oui, enfin non, bon j'avoue que je n'avais peut être pas la meilleure des impressions sur le winthrop, comme Judith avec Priam en fait... Ce Priam qui me rendait tant heureuse et dont je ne me lasserais jamais de parler je crois. D'ailleurs je voulais vraiment que ma soeur sache que c'était quelqu'un de bien. Je n'hésitais pas à lui dire et lui rabâcher tout comme je le faisais pour sa présence dans ma vie... Mais sur ce point elle tiqua et finit par me dire qu'elle ne serait pas là. Qu'est ce qu'elle voulait dire par là ? « Tu ne seras pas là ? Comment ça ? »

Je secouais la tête en riant : « Je suis pas sous le charme… Je… C’est juste que… » bredouillai-je avant de finalement reconnaître : « Ok, ok, je suis sous le charme. Je t’ai dépeint Raphael comme le plus grand des connard mais au final ça reste mon premier amour. » Et un premier amour durait toujours non ? Ce n’était pas ce que disait le diction ? Dans tous les cas, il me fallait me montrer honnête avec ma sœur. Je ne voulais pas gâcher son bal seulement voilà, elle ne devait pas se projeter de faire des choses avec moi, de vivre certaines expériences à mes côtés alors même que j’avais pris la décision de ne pas rester sur le sol américain. « Joey je ne serais pas là car… J’ai pas ma place ici. » Je grimaçais. Je m’en voulais un peu de ce choix égoïste que je faisais. « Tu te rappelles au SB je t’ai parlé de mes envies d’évasion… Et bien on est en plein dedans. J’ai demandé mon transfert pour la fac de Lima, parce que le pérou me manque, parce que je suis tombée amoureuse de ce pays, et parce que tout simplement j’ai l’impression que c’est là bas que je dois être. Le transfert a été accepté. » Je déglutis et relevais finalement les yeux, plongeant mon regard dans le sien en attente d'une réaction de sa part.

J'eus du mal à prononcer le moindre mot après les paroles de Judith. Je venais juste de retrouver la soeur que j'avais toujours rêvé d'avoir, la soeur que je connaissais depuis plusieurs mois et à qui je n'avais jamais osé parler de la vraie nature de notre lien et voilà maintenant qu'elle me disait qu'elle allait retourner au Pérou. Je savais que sa place était là bas, qu'elle s'y sentait mieux mais je ne pus retenir les larmes de monter à mes yeux lorsqu'elle me dit que son transfert avait été accepté... Elle avait déjà tout prévu et il était trop tard pour la convaincre de ne pas le faire... C'était juste trop tard...« Tu pars quand ? » C'était les trois seuls mots qui acceptaient de sortir de ma bouche, trois mots qui pouvaient sembler froid alors que je n'avais qu'une envie : la prendre dans mes bras et ne plus jamais la lâcher. « Qu'est ce que je vais faire sans toi ? »

Les yeux de ma sœur s’embuèrent et je sentis que les miens se chargeaient de larmes également. « Oh non Joey ne pleure pas… Si tu pleures, je vais craquer aussi… » fis-je d’une voix tremblante. Elle prit la parole pour me demander quand était prévu mon départ. « Je vais passer l’été là bas. » Je ne voyais pas l’intérêt de m’inscrire au SC d’Harvard alors que ma nouvelle faculté se trouvait désormais à Lima.  La question suivante fissura un peu plus ma carapace, ça devenait de plus en plus dur de maintenir les vannes fermées. D’ailleurs, une petite larme s’échappa pour couler le long de ma joue gauche alors que je répondais : « Et bien déjà tu peux prévoir une petite escapade au Pérou pour tes prochaines vacances… » suggérai-je avec un petit sourire désolé avant d’essuyer ma joue. « Joey, y’a que les imbéciles qui disent loin des yeux, loin du cœur… Moi en tout cas j’y crois pas. » Je savais qu’on pouvait devenir des sœurs soudées et complices, même si nous étions géographiquement éloignées.

C'était trop dur de ne pas être triste, beaucoup trop dur de me dire qu'à peine l'avais je retrouvée que je la perdais déjà. Alors oui les larmes montèrent rapidement jusqu'à mes yeux et je ne les retins pas. «Je suis désolée... » Plusieurs larmes coulèrent le long de mes joues, c'était nul de ma part surement mais je n'arrivais vraiment pas à les retenir. « Tu peux être sûre que dès que j'aurais économisé assez je viendrais découvrir le Pérou ! » Je n'avais pas le même niveau de vie qu'elle, pas les mêmes moyens offerts par une mère absente mais je me débrouillerais. « Tu pars si vite... Tu sais qui je suis depuis si peu de temps... Je ne crois pas au long des yeux loin du coeur et tu as intérêt de ne pas me donner envie d'y croire hein ! »