JASEY ✤ You're gonna sing the words wrong.

Bien sur fallait qu'il me sorte ça. Pour une fois que je m'affiche pas au bras du pire des cons, on ne pouvait pas tout simplement s'en réjouir, on aimait beaucoup top se charrié pour ça. Mais y a des fois où ça blesse plus que d'autres. « Pas ce soir Jasper... » S'il-te-plait n'entrons pas dans ce sujet là alors que nous passons un si beau moment. J'ai fais des erreurs, beaucoup même, sans doute plus souvent qu'autrement mais j'ai changé depuis ou du moins j'essaie très fort. Alors je t'en pris Jasper, concentre toi là-dessus sinon des piques dans le genre tu risques de m'en sortir pas mal. Et parce qu'on parle d'erreurs là, mes pieds aussi étaient plutôt doués pour ça, je venais quasiment d'estropier mon frère. « Vois les choses du bon côté, tu pourras jamais m'oublier comme ça ! » Car quand tu réaliseras que tu n'as que quatre orteils sur cinq obligatoirement tu vas penser à la personne que tu aimes le plus au monde : moi.

Dodeline de la tête, concède que ce soir n'est peut-être pas l'occasion rêvée pour lui rappeler qu'il ne cautionne quasiment aucun de ses choix de relations. Tous des connards, pour résumé brièvement. La demoiselle était juste incapable de choisir ses copains selon les critères de stabilité et fidélité essentiels. Mais après tout, était-il bien placé pour parler ? Franchement pas. Ca ne l'empêchait pas de le faire d'habitude, mais Jasper essayait de changer ça. Surtout pour maintenir ce joli sourire sur le visage de sa sœur. Ca lui allait tellement mieux que son attitude renfrognée qu'elle lui sortait souvent. Qu'ils se sortent souvent, en réalité. Des râleurs de première. Mais vu qu'elle vient de lui massacrer le pied, Jasper a le droit de pester non ? Gentillement, avec humour. « Tu sais, c'est difficile de t'oublier vu qu'on porte le même nom. » Toujours l'occasion de le rappeler. Ca sonnait de moins en moins étrange. « Et que la moitié des cicatrices sur moi sont dues à ta maltraitance. » Qu'il rajoute avec un rire taquin, menteur. On va dire un quart, pour être réaliste.

Au fond si on se prend souvent la tête par rapport aux relations que j'entretiens avec la gente masculine, je sais très bien que c'est car il s'en fait pour moi. Pour mon avenir, pour mon bonheur. Il savait que j'étais incapable de me satisfaire de quelqu'un qui me rende heureuse. J'avais besoin de drames. Et comme ce soir je n'en avais pas encore eu j'avais décidé d'en créer en faisant râler son frère un peu. Parce que malgré nos efforts nous n'étions pas les plus doués pour passer une soirée normale à danser et sourire comme tous les autres étudiants. Ça m'allait très bien comme ça, j'aimais l'entendre faire l'Ellington. À force ce n'était presque plus bizarre que je l'étais moi aussi. « La moitié, seulement ? Je suis déçue ce n'est même pas la majorité. » Grand sourire, petit tirage de langue avant de reprendre place dans les bras de son frère, doigts entrelacées, pour tenter une nouvelle fois de montrer au reste du monde à quel point ils ont la danse dans le sang.

A chaque famille sa dynamique. Ne nous demandez pas de devenir ennuyants juste pour rentrer dans votre moule trop petit. On est bien comme ça nous, à nous emmerder à la moindre occasion, à se provoquer. On s'ennuie dans les relations calmes, y a qu'à regarder l'état de nos relations amoureuses. On est pas doué. Par contre, on l'est plutôt pour former un semblant de famille. Finalement, on a toujours eu ce côté frère et sœur qui se chamaillent, sans savoir qu'on avait le sang qui correspondait. « Rassure-toi, ce sont les plus douloureuses. » Ouais, étrange qu'elle puisse être rassurée par cette information, mais c'est Leyna après tout. Ses lèvres tracent un sourire, et le garçon se remet dans le rythme, avec une frangine bien plus petite du coup. La faisant tourner au bout de sa main, pour finir par la ramener contre lui. Son esprit divaguait, jusqu'à : « Au fait, tu vas au Summer Camp cette année ? » Ouais, il lui avait même pas demandé son plan pour les vacances. Honteux.

Le fait qu'il tente de me rassurer en disant que mes blessures sur son corps étaient les plus douloureuses représentait parfaitement l'étrangeté de notre relation. Étrangeté que j'affectionnais disons le. S'il y a une relation pour laquelle je ne changerais rien c'était celle là. Avec le temps, nous devenions un duo plutôt solide, rien qu'à sentir la complicité qui se dégageait dans nos mouvements de danse. Je pourrais presque m'habituer à ça. Mais pas trop quand même, avec l'été qui arrivait... « Non, j'ai décidée de me centrer un peu sur moi en allant voir ton.. enfin notre... Je vais à New-York quoi. » Il savait de quoi que je parlais mais c'était encore douloureux de mettre l'expression sur tout cela. Entre Jasper et moi ça avait été beaucoup plus facile, nous étions proches depuis toujours et que ce soit officiel ou non je le considérais comme mon frère depuis toujours. Pour ce qui était du paternel c'était différent. Pendant 22 ans je n'avais que très peu côtoyer Ellington senior et qu'on le veuille ou non l'idée qu'il ait voulu m'abandonner était toujours douloureuse. Pas de rancune mais un petit pincement au coeur.

Oui, on est pas pareil que les autres, on se balance des trucs que les autres n'osent pas. On est juste.. dans notre petite bulle. On s'permet, car on se connaît par cœur. On peut s'envoyer des piques, se chambrer, juste pour notre petit plaisir personnel. Pour le plaisir de voir un air renfrogné sur le visage d'en face. Il nous en faut pas plus pour nous réjouir. Sauf que là, ce que lui balance Leyna, ça refroidit un peu Jasper. La demoiselle souhaitait se rendre à New-York, en évitant le passage par le Summer Camp. Depuis quand la fêtarde faisait une impasse sur des vacances ? Surtout pour aller .. voir notre père. Oui, j'accepte de le partager. Mais juste avec elle. Ralenti la danse, pour pouvoir mieux fixer ses prunelles. « Tu vas passer tout l'été à New-York avec lui ? » On pourrait sentir une pointe de jalousie, fils à papa. « Tu vas faire quoi, bosser ? » Parce que si c'était pour la détente, autant venir au camping avec le reste d'Harvard.

Malgré le lien de sang qui se faisait très bien sentir lorsque nous étions tous les deux, Jasper et moi n'étions pas non plus toujours fourrés ensemble. On était de ça. Du coup il arrivait que l'on doive faire des choix l'un sans l'autre sans forcément nous prévenir préalablement. Et parfois l'annonce de ces choix refroidissent l'ambiance... « Entre autre, oui... » Parce que tu n'as pas trop à t'en faire mon frère, je ne compte pas passer 24 heures sur 24 avec lui. Le voir chaque semaine sera déjà bien assez difficile. Et surtout, je ne compte te retirer le titre de favoris de la famille, je veux juste essayer d'y faire un peu ma place si c'est possible. « Bosser oui, mais j'ai surtout besoin de prendre du temps avec moi-même. La dernière année a été assez difficile et j'ai cette étrange impression de m'être perdue... J'ai besoin de savoir où je m'en vais. » S'il y a bien quelqu'un qui peut comprendre cette sensation de tourner en rond, d'aller nulle part, de n'être que l'ombre de soi-même c'est mon frère. Il me connaît depuis toujours et récemment il me voit grandir pour devenir l'adulte que je n'aurais jamais cru pouvoir être.

T'façon, ça se saurait si Jasper aimait en général les idées de sa petite sœur. Surtout quand ça incluait le fait d'aller voir leur père tout l'été, pendant que lui serait dans un camping pour les vacances. Mais le père Ellington y tenait, voyant son fils épuisé de son année. Deux mois, loin des responsabilités. Et à la rentrée, il prendra pleinement ses fonctions dans l'entreprise. Les deux hommes de la famille pensaient même à s'implanter vers Cambridge, chacun dirigeant un pôle de la société dans sa ville. Peut-être faudrait-il inclure la demoiselle un jour dans ce jeu familial. Pour l'instant, elle devait trouver, faire sa place. Et surement Jasper n'avait-il pas sa place pendant ce moment. « Prendre du temps avec toi-même ? Ca fait très spirituel.. » Se moque-t-il gentillement, sourire aux lèvres. « J'comprends, retour aux sources, toussa. » La fait tourner au bout de ses doigts, n'oublions pas que l'on danse. « J'espère que ça t'aideras.. J'serais pas très loin de toute façon, tu pourras toujours m'appeler à l'aide ! » Même si tu le feras pas, ego d'Ellington oblige. « Je sais pas si je vais faire ma dernière année. » Qu'il lâche, comme un besoin d'exprimer ce qu'il pense, ce qui le tourmente, aussi. « J'crois que j'suis arrivé au bout de ce qu'a à m'offrir cette fac. » Je le sens aussi chez toi Leyna, ce besoin d'évoluer.

Qu'il approuve entièrement je n'en espérais quand même pas tellement de sa part, mais qu'il comprenne au moins voilà ce que j'espérais. Du jour au lendemain on m'avait balancer en plein visage que ma vie, nos vies, avaient été des mensonges depuis toujours et si notre relation de frère et soeur n'en avait été que plus solide au fil des mois, je n'en restais pas fragile. J'avais besoin de me faire une petite place à travers tout cela sans pour autant empiéter sur celle que lui avait déjà. Je me permis donc de soupirer de soulagement quand il me dit qu'il comprenait, me laisser porter dans ses mouvements et surtout par le son de la musique que j'avais presque pu oublier derrière. « Merci Jasper... » Oui parce que je sais que c'est vrai. Avec le temps tu m'as bien prouver que si quelqu'un serait bien toujours là pour moi c'était toi qu'importe combien je suis stupide. « Mais oh ne croit pas que je ne viendrai pas t'espionner quelques jours, faut bien veiller sur toi !» Une blague ou une promesse, je crois que c'est un peu des deux. Je ne pourrais quand même pas rester loin de tout le monde sans contact durant deux mois. Et si mes pieds avaient fait quelques pas vers la droite pour suivre la cadence, mes oreilles elles n'avaient pas manqués un seul mot de ce qu'il venait de dire. J'étais surprise d'une telle confidence mais aussi touchée. « Et t'aurais envie de faire quoi ? » Que je m'interroge, parce que j'avais toujours cru qu'il bosserait dans l'informatique d'une quelconque façon.