Je n'ai pas accepté par erreur ton invitation

© Kaiji
Les gens venant se balader près de Charles River seraient bien étonnés s'ils te connaissaient. Il n'était déjà pas forcément courant de te voir dans ce coin-là, hormis en cas de projet photographique... mais il était encore plus rare de t'y croiser, simplement assis sur le bord, jambes pendant au-dessus de l'eau et une cigarette à la main. Observant les volutes s'envoler sous tes yeux, tu tiras une bouffée de temps à autre, regardant entre deux d'un œil vide les flots sous tes pieds. Tu étais fatigué de beaucoup de choses en ce moment, tu dormais mal et cela se ressentait dans ton travail. Tu n'étais même pas inspiré par les projets de fin d'année alors que tu les adorais en temps normal, c'était pour dire. Non, tu préférais encore ne rien faire et fumer que de faire des choses ne te plaisant pas, ce qui ne te ressemblait absolument pas.

Tu étais même relativement éloigné de tes chers Lowells, c'était pour dire. Tu t'occupais certes de ta bizute du mieux que tu pouvais, ce n'était pour autant que tu te mêlais aux autres, ne participant pas aux récents événements qu'ils avaient lancés, te repliant sur toi-même comme tu l'étais avant ton entrée à la confrérie. Tu ne les croisais en fait qu'en cours, et c'était tout. Ce fut sûrement pour cela que tu ne fis pas particulièrement attention à la brunette qui se posa à tes côtés.

je n'ai pas accepté par erreur ton invitation

Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas réveillée d'aussi bonne humeur. Aujourd'hui le ciel semblait plus bleu, les arbres plus verts et la vie plus belle. Peut être que c'était dû au printemps, au soleil qui apparaissait légèrement ou aux heures que je venais de passer à peindre. J'étais de nature souriante et joyeuse mais aujourd'hui mon sourire ne servait pas à cacher ma douleur. J'avais décidé de courir, c'était normalement quelque chose que je faisais pour me changer les idées quand je sentais que j'allais craqué mais le soleil étrangement présent me donnait envie de sortir dehors. Bien qu'introverti, j'avais fini par connaitre tous les recoins de ma chambre à la lowell house et un peu d'air frais ne pouvait que me faire du bien.

En remontant Harvard Square jusqu’à Charles River, je savourais la douceur de l’air après la longue période de froid humide. J'allais continuer mon chemin quand je reconnus la silhouette assise, une cigarette à la main. Je m'arrêtais net avant d'enlever mes écouteurs et de m'approcher. Devyn avait le regard dans le vide, l'air profondément chamboulé. Je l'avais croisé plusieurs fois dans les couloirs de la lowell house et c'était devenu un ami, bien que je ne le connaissais pas énormément. J'aurais juré qu'il ne fumait pas. Il ne remarqua même pas ma présence lorsque je m'assis près de lui, fixant le vide sous mes pieds; je n'avais pas peur de grand chose. "J'imagine que tu n'es pas vraiment venu ici pour la vue donc je suppose que quelque chose ne va pas", dis-je en regardant la rivière polluée et sale, brisant ainsi le silence et le tirant de sa rêverie.

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