A traveler without observation is a bird without wings (FB)

Thomas termina d'enfiler son second gant. Jaune et d'une texture collante, c'était tout sauf agréable à mettre mais il fallait bien qu'il s'y fasse, il risquait de devoir les porter pendant plusieurs jours. Les étudiant étaient arrivés deux jours plus tôt en Namibie, logés sous une tente d'une association locale. Pour la première fois, Thomas s'était lavé avec un simple bassin d'eau froide et quelques savons fournis la veille. C'était sommaire, mais il n'avait pas à se plaindre ; il était en bonne santé, contrairement aux enfants qu'il rencontrait depuis hier. Thomas avait assigné avec Leanne, à un centre d'enfants malades. Leur rôle était d'établir un diagnostic et de faire remonter l'information à l'association qui les accueillait ; ils travaillaient tous les deux sous une grande toile tendue, sous laquelle il faisait horriblement chaud.

Le grand jour était arrivé, le voyage humanitaire en Afrique et plus précisément en Namibie. Nous étions arrivés deux jours plus tôt et logés sous une tente prêtée par une association locale. Première journée sur place et autant dire que les conditions sont assez rudimentaires mais un retour aux sources ne fait pas de mal de temps à autre car nous capitalistes oublions souvent un peu trop vite que nos ancêtres sont passés par là aussi. Enfin pour l'heure, on nous avait mis en binôme afin d'examiner des enfants malades. Et à ma grande joie, j'avais été mise avec Thomas, un jeune homme rencontré quelques temps plus tôt à la réunion d'information. Alors je vins le saluer.

Hey Thomas, contente de savoir qu'on va travailler ensemble. Tu vas bien ?

J'appréciais ce jeune homme alors je vins lui adresser un sourire, attendant sa réponse afin d'aller soigner des enfants malades et de voir ce qu'ils ont. Après tout, ils comptent sur nous.

Sous la chaleur, Thomas s'était retenu plusieurs fois de se passer une main sur le front, raison de sécurité sanitaire oblige.
- Leanne, dit-il avec enthousiasme en découvrant les traits reposés de la jeune femme. Travailler avec un visage connu lui ôtait un poids. C'était déjà assez éprouvant de se retrouver ici, sous une chaleur écrasante. Pareil, répondit-il en souriant. Aussi bien que possible avec un soleil de plomb, dit-il en montrant du menton la tente qui faisait effet de serre. Malgré tout, il gardait le sourire, fier de ce qu'il allait accomplir. Du défi qu'il s'était lancé. Il tendit une paire de gant à Leanne et désigna ensuite ce qui ressemblait à une petite remise, au fond de la tente.
- On a une paire de gant chacun, des lunettes spéciales et une tenue blanche règlementaire... Thomas se dirigea vers la remise, pour récupérer les deux blouses blanches, ainsi que les paires de lunettes. Il se retrouva bientôt avec deux couches de vêtements, comme si la chaleur ne suffisait pas...
- Si tout est prêt, on peut voir un premier patient...

On sait tous que la chaleur africaine peut être écrasante alors j'avais prévu de quoi tenir pendant cette mission humanitaire. Après tout, ce n'était pas la première mission pour moi et donc je savais comment réagir en cas de grosses chaleurs. Surtout que je souhaite être pédiatre et que ce sont bien souvent les enfants les premières victimes. Mais pour l'heure, je transpirais fortement quand je vis Thomas qui allait être mon binôme pour la journée, ce qui me esquisser un sourire car travailler avec quelqu'un que l'on apprécie est toujours plus agréable et de plus il semblait être content de devoir travailler avec moi, ce qui me fit sourire. il me fit savoir qu'il allait aussi bien qu'on pouvait l'être malgré un soleil de plomb. Alors je vins lui répondre.

Contente qu'on travaille ensemble et que le plaisir soit partagé. Sinon oui c'est vrai que lorsqu'on a pas l'habitude de la grosse chaleur, c'est insoutenable. Tu as pas une casquette à mettre sur ta tête ? Au pire, j'ai des brumisateurs si tu en veux un.

Puis il vint me tendre une paire de gants et toute la parfaite petite tenue pour pouvoir commencer à examiner nos petits patients qui devaient nous attendre avec impatience. Car les médecins se font rares en temps normal par ici alors quand ils en voient un ou deux, ils sont heureux. Alors je vins lui répondre.

Je suis prête donc on peut y aller si tu es prêt aussi.

Je vins lui adresser un sourire avant de rentrer là où se trouve nos patients du jour. Des petits enfants malades qui ont besoin d'un peu de chaleur humaine en plus de soins.

Parler de "patient" alors qu'il allait rencontrer des gosses hauts comme trois pommes, ça avait de quoi refroidir d’emblée. Des gosses nés au mauvais endroit, dans de mauvaises conditions. Des gosses qui grandissaient dans des maisons pleines à craquer, qui n'apprendraient que quelques mots au cours de leur vie et avaient plus de chance d'y passer en chopant une maladie qu'en se faisant renverser par une voiture. C'était ça la réalité du terrain. Alors peu importait s'il suait à grosses gouttes dans son habit de rigueur, Thomas avait tout ce qu'il pouvait désirer dans la vie. Il hocha la tête lorsque le mot casquette fut prononcé, non, il n'y avait pas vraiment pensé en faisant ses maigres valises.
- Bonne idée, mais j'ai oublié la mienne. Il soupesa le pour et le contre du brumisateur, ça le rafraichirait quelques secondes seulement. ça ira sans, dit-il en souriant. Un enfant d'une dizaine d'années se présenta, d'abord timide, ne sachant pas vraiment à qui il avait à faire. Même s'ils ne parlaient pas la même langue, ils arriveraient bien à installer le dialogue.
- Comment tu t'appelles ? demanda t-il sans trop savoir s'il allait avoir une réponse.
- Pili, répondit le garçon en levant les yeux vers les deux médecins. De là où il était Thomas remarqua qu'il tremblait alors que la température devenait avoisiner les 45° au bas mot.
- Tu as du mal à dormir ? demanda t-il à l'enfant avec une idée en tête. Lorsqu'il eut confirmation, un diagnostic commençait déjà à germer dans son esprit. Il se rapprocha de Leanne :
- ça ressemble à une trypanosomiase africaine, par rapport à ce que j'en connais...Ton avis ?

Aider de pauvres petits enfants qui n'ont rien demandés à personne, qui sont venus au monde dans d'atroces conditions car dans ce pays qui est l'Afrique, ils manquent tellement de tout au niveau médical que les jeunes mamans accouchent bien souvent comme à l'époque de nos grands parents voire arrières grands parents, enfin j'exagère peut-être. Mais tout cela pour dire que ce ne sont pas les conditions modernes qu'on peut avoir aux États Unis et cela peut se vérifier facilement en comparant l'hôpital de brousse où nous sommes à l'hôpital de Cambridge. Alors après avoir appris que mon binôme serait Thomas -un étudiant en neurosciences rencontré peu de temps avant le départ pour la mission à la réunion d'information- et de lui demander comment se passait ses premiers jours ici, il me fit savoir qu'il avait très chaud alors je lui dis que j'ai un brumisateur en cas de besoin. Il m'informe qu'il pense qu'il n'en aura pas besoin mais ne jamais dire jamais dans ce pays. Alors je vins lui répondre.

Pas de souci, si tu as besoin d'un coup de frais, hésite pas à me la demander. Crois moi, cela aide bien dans ce genre de cas et cela devient vite notre meilleur ami.

Puis un enfant d'une dizaine d'année vint se présenter à nous de manière timide car évidemment la barrière de langue ne joue pas en notre faveur mais on arrive toujours à se faire comprendre dans ce cas de figure, du moins pour ma part. Alors Thomas décide de commencer à prendre les choses en demandant au petit garçon son prénom, ce qu'il nous donne assez facilement. Puis il lui demande s'il a du mal à dormir et l'enfant lui répond que oui. A ce moment, mon collègue vint me demander mon avis sur un diagnostic probable pour l'enfant, la maladie du sommeil. Ce diagnostic peut être possible mais cette maladie ne se transmet que par un moustique répandu en Afrique. Alors je vins lui répondre.

Oui cela peut être possible, il faudrait lui demander s'il a été piqué par un moustique récemment et on sera vite fixé. Parce que cette maladie ne se transmet que par le moustique Tsé Tsé, connu en Afrique. Tu lui demandes ou tu veux que je le fasses ?

Je vins adresser un sourire à mon binôme tout en attendant sa réponse et en gardant un œil sur l'enfant qui se demandait ce qui se passait. Il était toujours allongé sur la table de consultation ou du moins ce qu'il en ressemblait.

Le plus perturbant était peut-être de retrouver ici des maladies qui n'existaient presque plus dans des pays ayant accès aux soins. Difficile de croire qu'il était encore possible de mourir d'une déshydratation ou de carences en vitamines, et pourtant. Thomas réajusta ses lunettes de protection, et dire que les fontaines pullulaient à Las Vegas, le monde était carrément mal fichu. ç'avait été un coup de chance de tomber sur Leanne, c'était déjà assez compliqué de se retrouver parachuter à des milliers de kilomètres de chez lui, un visage connu était plutôt rassurant. Il attendit l'analyse de Leanne sur son diagnostic, il était encore trop tôt pour affirmer à 100% qu'il s'agissait bien de la maladie du sommeil, mais il ne fallait pas oublier que les mouches tsé-tsé étaient très nombreuses en Afrique subsaharienne. Il échangea discrètement avec son binôme :
- Tu penses qu'il l'aurait forcément senti ? Trouble du sommeil...il serait déjà en stade 2 de la maladie, il faudrait qu'on prévoit un suivi rapide. Cette étape avait fait l'objet d'un cours théorique pendant sa deuxième année à Harvard, puisque le stade 2 touchait le système neurologique. Comme pour répondre à Leanne, il se rapprocha de l'enfant qui lui semblait minuscule sur la table d'examen.
- Je peux ? demanda t-il doucement en montrant sa main gantée puis le cou du garçon. D'une main, il souleva doucement le menton de l'enfant et vérifia l'était de ses ganglions. Ses ganglions sont enflés, confirma Thomas. Même si c'était plutôt du domaine de la médecine, il savait qu'il s'agissait d'un symptôme de la maladie envisagée.

Lors des missions humanitaires, il faut faire à des maladies qu'on n'a pas l'habitude de voir et soigner dans notre pays riche car on a accès aux soins contrairement aux pays en développement. Alors voir des enfants atteints d'une maladie du sommeil ou d'une déshydratation peut être difficile à croire pour nous pauvres occidentaux mais pourtant c'est le quotidien de tous les africains. Être en binôme fut une agréable surprise et un honneur de guider cet étudiant pour sa première mission. Alors on venait de commencer à examiner un petit garçon et Thomas avait trouvé la maladie du sommeil dont le garçonnet semblait avoir tous les symptômes. Je valide son diagnostic car dans cette région d'Afrique, cette maladie est assez fréquente lié à un moustique bien connu dans les pays en sous développement comme celui où nous sommes actuellement. Thomas me demande s'il l'aurait senti et qu'il semblait être en stade deux. Puis il se rapproche de l'enfant afin de vérifier le cou du garçonnet et me confirme que ses ganglions étaient enflés, ce qui confirmait en tout point notre diagnostic de base. Alors je vins lui répondre.

Ne t'en fais pas, les moustiques qui donnent cette maladie sont comme nos moustiques à nous et en général les personnes qui ont cette maladie l'ignorent pendant un moment s'ils ne sont pas examinés. Et pour le suivi rapide, tu préconises une intraveineuse en mélasorpol pas vrai ?

Alors je vins lui adresser un sourire pour son diagnostic rapide et efficace mais aussi car il a su rassurer le garçonnet qui allait pouvoir être rapidement suivi et soigné puis remis sur pied. J'avais de la chance d'avoir Thomas en binôme car il était un bon médecin en devenir.

Mis à part les notions qu'il avait, Thomas et la médecine, ça faisait trois. Il était étudiant en neurosciences, sa spécialité n'avait rien à voir avec le cursus de Leanne. Il comprenait à présent pourquoi ils étaient aussi complémentaires sur le terrain, ils avaient deux visions différentes, deux angles d'attaque, deux façons d'analyser la maladie. Deux fois plus de chance de ne pas se tromper, normalement. Le garçonnet semblait attendre le verdict, sagement assis sur la table d’auscultation. Le pauvre ne devait pas y comprendre grand chose, regardant tour à tour les deux étudiants.
- Je pensais plutôt à une association de nifurtimox et d’éflornithine. L'association en avait en stock, ces médicaments leur avaient été fournis gracieusement par l'OMS. J'ai entendu dire que le Mélarsoprol agissait de moins en moins sur le continent, le virus résiste mieux à ce traitement.
Thomas s'étonnait d'avoir aussi bien retenu ce cours, dispensé des mois auparavant.

Je n'en revenais pas que Thomas ait réussi à trouver presque tout seul le diagnostic de cet enfant sachant qu'il n'est pas véritablement étudiant en médecine mais plutôt en neurosciences. Mais au final ces deux matières devaient être plutôt complémentaires, ce qui m'apportait un oeil neuf sur mon travail après tout. Alors on venait de diagnostiquer la maladie du sommeil à ce petit garçon et Thomas venait de repérer des ganglions sur le cou du garçonnet. Il préconise un suivi rapide, ce qui était judicieux sachant que le petit garçon en était au stade deux de la maladie. Je venais de lui conseiller de le traiter par intraveineuse mais il me propose autre chose et en réalité il avait raison, d'autant plus qu'on les avait en stock. Alors je vins lui répondre tout en plaisantant légèrement.

Ah oui exact, on dirait que le soleil me tape sur la tête pour en venir à me tromper sur quel médicament lui donner, tu crois pas ? Bref plus sérieusement je trouve que l'association des deux est une bonne idée pour qu'il se remette plus vite que le Mélarsopol. Donc je dirais qu'on peut lancer le suivi avec l'association des deux dès maintenant, t'en dis quoi ?

J'attendais sa réponse mais après tout, si le petit était au stade deux, il fallait le traiter au plus vite et maintenant qu'on avait le diagnostic et les médicaments, il ne restait plus qu'à soigner le petit garçon.

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