Trouble de la personnalité borderline ; Les personnes souffrant du TPB peuvent manifester des colères intenses, de la dépression ou une anxiété débilitante. Il arrive que ces épisodes soient associés à des périodes d'autodestruction, de comportements suicidaires et de toxicomanie. Les personnes atteintes peuvent modifier fréquemment leurs objectifs de carrière et démontrer une instabilité dans leurs amitiés, leurs comportements sexuels et leurs valeurs. Chez certaines personnes, on observe une attitude de dévalorisation. Elles se sentent incomprises et ressentent souvent un sentiment d'ennui et de vide ; elles ont souvent du ressentiment face au jugement des autres. Douglas, Institut Universitaire en Santé Mentale.
J'ai besoin de toi comme d'une cigarette ou d'un verre à chaque fois que je dois sortir dans la foule
Je me dis que ça peut pas être comme ça qu'il doit y avoir autre chose
Jusqu'ici j'ai pas trouvé des tas de raisons d'exister
Mais j'ai besoin de croire en quelque chose de profond de solide
J'ai besoin d'être porté par un espoir
Je voudrais faire l'effort permanent et sublime
Je voudrais être à tes côtés, simplement
Pour que la vie ne puisse jamais nous mettre à genoux
Un, deux, trois, quatre coups. Elle finissait par ne plus rien sentir, la malheureuse, elle finissait même par s’habituer à cette violence conjugale déplacée. Comme si c’était normal, comme si c’était
inévitable. Foutaise. Désillusion. Elle ne méritait pas cette vie, elle ne méritait pas cet homme, et pourtant, elle ne se plaignait pas, non,
jamais. Elle se contentait de fermer les yeux et d’encaisser, sans ciller. Au fond, peut-être même qu’elle aimait ça, au fond, peut-être que c’était ça l’amour. Ce sentiment auquel tout le monde semblait aspirer, ce sentiment qu’elle avait cru éprouver envers cet homme.
Son mari. Tout semblait alors si différent. Si lointain. Comme un rêve oublié. Souvenirs effacés. Lorsqu’elle fermait les yeux, elle essayait de se rappeler ce qu’elle lui avait trouvé de différent, ce soir là. Elle essayait de se souvenir comment il avait réussi à faire battre son cœur meurtri, cet homme de la nuit. Au volant de sa voiture décapotable, il s’était arrêté au bord de ce trottoir obscur, au détour d’une ruelle malfamée. Juste devant elle. Cette putain.
Cette trainée. Qu’est ce qu’il lui voulait ? Vêtue d’une robe extrêmement moulante –trop, sans doute, même- qui laissait voir ses longues jambes dénudées, elle s’approchait de lui, sans un mot. En même temps, elle n’avait rien à lui dire. Et visiblement, lui non plus, puisqu’il ouvrit sa portière dans un silence déconcertant. Pas de prix. Pas de négociation. Peut-être qu’il avait l’habitude, lui.
Mais pas elle. Elle venait de commencer. Un concours de circonstances, peut-être, le fruit du hasard, sans doute. Elle n’avait pourtant pas besoin d’argent. Elle n’était pourtant pas dans le besoin. Ses parents étaient à la tête d’une immense fortune, en plus de ça. Ironie du sort, non ? Certes, mais ils n’étaient plus là pour la surveiller, non, ils étaient restés là-bas, à Paris, et ils avaient certainement mieux à faire que de suivre les moindre faits et gestes de leur
petite fille chérie. Peut-être qu’elle voulait attirer leur attention, peut-être qu’elle voulait leur montrer qu’elle existait, elle aussi, qu’elle était réelle, pas comme pouvait l’être ces foutus peintures, ou ces vulgaires films de cinéma. Parce que oui, il avait fallut que ses parents soient épris de toute forme artistique quelle qu’elle soit. Les sept arts.
Pff. Quelles belles conneries. Elle tout ce qu’elle demandait, c’était un peu de reconnaissance pour ce qu’elle était, un peu d’amour, même. Ha l’
Amour, nous y revoilà, encore une fois, une belle connerie en fin des comptes ; une promesse d’un avenir meilleur, d’une vie heureuse … Bercée d’illusions. Pourtant, elle aurait du le savoir, en montant dans la voiture de cet inconnu, pourtant, elle aurait du s’y attendre … Tout était si prévisible. Il faisait sombre, elle n’avait pas encore pu bien distinguer les traits de son visage, elle n’avait pas la moindre idée à quoi cet inconnu ressemblait lorsqu’elle claqua la portière derrière elle. Tant pis, c’était son boulot, elle ne pouvait pas refuser, elle ne pourrait pas le juger. Il l’avait choisie pour assouvir ses fantasmes, soit. Elle se demanda brièvement comment il les choisissait,
ses putains, pourquoi elle plutôt qu’une autre ? Peu importe, après tout, elle n’était pas là pour poser des questions. Non.
Sombre idiote. Sois belle et tais toi. Elle n’était bonne qu’à ça. Probablement. Ce fut seulement une fois à l’intérieure de sa vaste maison, éclairée, qu’elle put enfin dessiner les traits de ce visage au préalable inconnu. Son cœur battait étrangement vite, sa respiration était saccadée, elle avait peur. Qu’est ce qu’elle foutait là ? Ce n’était pas pour elle, ces conneries, elle n’était pas comme ça. Et pourtant, plus elle regardait cet homme, plus elle le trouvait attirant, plus elle regardait cet inconnu, plus ses craintes disparaissaient, petit à petit,
comme par magie. Elle le regardait de ses grands yeux foncés, telle une petite fille frêle et fragile, telle une proie apeurée, alors que lui, il avait cette prestance et cette assurance naturelles. Doux contraste entre une bête sauvage sanguinaire et sa proie. Prise au piège. Elle n’osait plus bouger. Elle était comme envoutée par son hôte. Il ne ressemblait en rien aux autres clients, non il était différent, ou du moins, elle le voyait différemment. Il n’avait pas besoin de
ça, il n’avait pas besoin de se payer une
pute pour
baiser, alors, pourquoi est-ce qu’elle était là ? Incompréhension. Debout devant lui, dans ce vaste couloir, elle l’interrogeait du regard. Elle n’avait pas besoin de parler, il la comprenait, elle en était certaine. Son corps tout entier frissonnait, alors qu’il n’avait encore rien fait. C’était bien la première fois qu’elle désirait un inconnu de la sorte. Elle espérait secrètement qu’il ne l’ait pas amené ici pour rien. Quelle déception. Quelle frustration. Peut-être qu’elle devait prendre les devants ? Après tout, il la payerait bien pour
ça,
sa prestation ? Alors qu’elle fit un pas en direction, il s’avança lui aussi avant de la plaquer contre le mur, presque sauvagement. Un nouveau frisson. Ses mains plaquées contre le mur de ce foutu couloir, elle était soumise à lui. Elle lui appartenait, et bizarrement, elle aimait ça. Elle pouvait sentir son souffle chaud s’abattre dans son cou, elle pouvait sentir ses lèvres s’emparer de son lobe d’oreille. Bordel. Elle allait devenir folle si jamais il continuait. Elle allait céder à ses caprices si jamais il ne s’arrêtait pas.
Faites qu’il ne s’arrête pas, bon dieu. Elle le désirait, malgré elle. Elle n’avait toujours pas entendu le son de sa voix très certainement rauque et grave, non, il n’avait toujours pas prononcé un seul mot. Comme s’il était muet. Incapable de parler. Elle ferma alors les yeux, penchant légèrement sa tête en arrière, prête à lui offrir plus amplement son cou.
Pas ce soir. Son sang se figea. Il venait de parler, cet inconnu. Elle ouvrit les yeux. Son visage à seulement quelques centimètres du sien, il la regardait intensément, comme si elle était un trésor inestimable à ses yeux. Elle se mordit la lèvre inférieure, hocha la tête, malgré elle, sans trop réellement comprendre ce qui lui arrivait, et sentit son corps s’élever dans les airs. Littéralement. Il la portait, l’inconnu, un bras autour de sa taille et l’autre sous ses genoux, il la portait telle la princesse qu’elle n’était pas. Il gravit les marches une à une, d’un pas lent mais déterminé, avant de déposer ce corps frêle et délicat sur un lit, dans une chambre. Sa chambre ? Visiblement non, puisqu’il referma la porte derrière lui, après lui avoir déposé un doux baiser sur le front. Geste ultime d’affection. Elle ne comprenait pas. Elle avait l’impression de vivre un rêve éveillé. Peut-être que c’était le cas, après tout. Ce n’est que le lendemain matin, lorsqu’elle se réveilla dans cette vaste chambre, vide, qu’elle réalisa que tout ceci était bien réel. Un mot sur sa table de nuit disait -
Jamais plus vous ne retournerez là bas, sur ce trottoir- Un ordre ? Une menace ? Dans tous les cas, cet inconnu avait raison, plus jamais elle n’eut le besoin, ni même l’envie, de faire la tapin. Cet homme avait réussi, cette nuit là, à lui voler son cœur ; pour le meilleur, et
surtout, pour le pire.
Elle est pourtant tellement jolie
Elle est pourtant tellement tout ça
Elle est pourtant toute ma vie
Madeleine qui n’viendra pas
Madeleine, qu’est ce que c’est pourri comme prénom, qu’est ce que c’est moche comme nom, il avait fallut que ses parents l’appellent comme ça. Cadeau empoisonné dès la naissance. Comme pour lui montrer dès le départ qu’elle n’était pas la bienvenue ici. L’enfant maudit. De toute manière, ils étaient bien les seuls à l’appeler encore comme ça, personne ici, aux States, était au courant que son vrai nom c’était pas
Arizona. Ouais, elle l’avait choisi comme ça, sur un coup de tête, en arrivant ici, loin de sa chère France, loin de ses chers parents. Elle préférait, ça sonnait mieux, ça lui correspondait mieux aussi, surtout. Lorsqu’on l’appelait Madeleine elle avait l’impression qu’on désignait une sainte, un disciple de jésus, un gâteau, ou une connerie du genre, non vraiment, c’était pas un nom pour elle. Ca ne l’avait jamais été. Alors quand ses connards de parents lui disaient «
T’as vraiment de la chance d'être mariée à un type comme lui » et bien, clairement, elle avait juste envie de leur encastrer leur belle gueule contre le mur. Ils ne la connaissaient pas, pour dire des âneries pareilles, ils ne se préoccupaient pas d’elle pour avancer des propos aussi absurdes. Elle savait très bien qu’ils insinuaient explicitement qu’elle devait être reconnaissante qu’il veuille bien d’elle,
lui, l’homme beau et riche,
le gendre idéal, le mari parfait sur bien des aspects … Que bon nombre de filles aimeraient être à sa place, se demandant très certainement ce qu’il lui trouvait de si exceptionnel à
elle, la fille dérangée, la fille tatouée, la fille impulsive,
la fille bizarre … Qu’ils parlent, elle en avait rien à foutre, Ari, s’ils savaient. Ils étaient tous bien naïfs de croire à toutes ses excuses plus tordues les unes que les autres, lorsqu’ils la questionnaient à propos de ces bleus, de ces blessures, bien que parfaitement dissimulés sous ses vêtements et ses tatouages –un avantage. Parfois, elle ne leur répondait même pas, préférant éviter le sujet. Elle n’aimait pas parler d’elle, peut-être parce qu’elle trouvait sa vie banale et peu intéressante, et surtout, parce qu’elle ne voulait pas lire de la pitié dans leurs yeux. A d’autres. Personne ne savait ce qu’elle endurait réellement, personne n’était au courant de l’enfer qu’elle vivait au quotidien. Elle avait appris à souffrir en silence. Se taire. Se cacher. Camoufler sa peine sous de faux sourires, hypocrites. Parfois, après avoir frappé trop fort, il s’en voulait terriblement, mais d’autre fois, il lui disait simplement que c’était de sa faute.
Entièrement de sa faute. Elle le méritait. Parfois, poussée à bout, elle le croyait et s’excusait de la piètre épouse qu’elle faisait.
Paradoxalement. Mais d’autre fois, elle se contentait de subir en silence, quelques larmes perlant le long de ses joues. Elle expliquerait la semaine d’absence qui suivra en improvisant un soit disant week-end en amoureux, et tout le monde venterait alors la gentillesse de son tendre époux. Pff. Foutaises. Balivernes.
Quand mes os apparaissent translucides
Quand mon cœur tape et perce, limpide
Contre ma peau
Encore les mêmes larmes
Et moi je me surprends à les faire tomber sur la cigarette qui diffuse
Je passe mon temps à pleurer n'importe quand
Pleurer dans mon lit, pleurer sur les chiottes, pleurer sous la douche
Mais surtout pas devant les autres, non, ce serait être salaud
Y'a que les écrivains qui savent rendre ça beau
Tout ce que je peux faire c'est de passer la journée à brûler comme une braise
Brûler comme une braise, le cul vissé sur ma chaise, à faire
Ces minables sourires qui puent l'encens
Ces sourires jaunes d'arnaqueur, avec toujours ces dents et ces lèvres sans couleurs
Elle était là, les yeux fermés, dans cette eau gelée. La glace avait cédé sous ses pieds, se retrouvant malgré elle dans ce lac qu’elle traversait, l’inconsciente. Elle ne pensait plus à rien. Son esprit se vidait, divaguait. Ses soucis s’envolaient. Ses problèmes se dissipaient.
Elle était bien. Peut-être que c’était mieux ainsi, peut-être qu’elle devait mourir. Ca ne la dérangeait pas. Tout le monde mourait un jour ou l’autre, et elle trouvait cette mort bien plus belle, bien plus pure, que de finir assassinée sous les coups de son propre mari. Il l’aimait pourtant, elle en était certaine, mais il ne savait tout simplement pas se contrôler, il n’en avait jamais été capable, d’ailleurs. Elle aurait du s’en apercevoir, bien avant, elle aurait du s’en rendre compte, au début. Il était trop tard maintenant. Elle avait franchi un point de non retour, prise dans un cercle vicieux. Les yeux fermés, elle commençait à manquer d’air, l’empêchant de respirer correctement. Peu importe.
Elle était bien. Elle ne manquerait à personne, de toute manière. Elle était insignifiante. Certainement transparente. Sauf, peut-être, pour
lui. Peu importe. Elle avait déjà songé au suicide, plusieurs fois, même. Mais elle n’avait jamais eu le cran de passer à l’acte, non, elle n’avait jamais eu le courage nécessaire pour se foutre en l’air. Pourtant, là, dans ce lac, tout semblait si facile, si évident. Si différent. Dernier souffle. Dernière expiration.
Enfin. C’était le moment. Elle pouvait partir en paix. Sereinement. Ou presque. Elle sentit son corps se soulever vers la surface. Quelqu’un la ramenait à la vie. Elle ouvrit les yeux. Elle
le vit. Son ange gardien. Son sauveur.
Lui. Tout était trouble. Elle avait du mal à distinguer ses traits. Son visage, elle voulait voir son visage. Il sortit son corps de l’eau glacée, et puis plus rien. Le néant. Le trou noir. Elle venait de sombrer, ayant beaucoup de peine à respirer convenablement. Lorsqu’elle se réveilla, entourée de quatre murs blancs, elle crut d’abord qu’on l’avait interné. L’asile. Ca y’est, ils avaient enfin compris qu’elle était folle alliée, son psy avait certainement du donner son accord, son feu vert, son autorisation.
Le salaud. Elle lui ferait payer son infidélité. Il n’avait pas le droit. Elle commença à se débattre, faisant aller sa tête de gauche à droite, afin de montrer son refus catégorique, lorsqu’elle sentit une main se poser délicatement sur son bras, geste qui se voulait rassurant, et qui, pourtant, la fit tressaillir de peur. Il était là.
Lui.
Son mari. Il était venu. Au chevet de ce lit d’hôpital. Tout revenait alors, sa dispute, sa fuite, sa chute dans ce lac gelé, son désir d’en finir une bonne fois pour tout, son sauvetage in extrémis … Et sans crier garde, il l’embrassa, son mari, il posa ses lèvres contre les siennes, avant de la prendre dans ses bras. Malgré elle. Et là, dans son dos, près de la porte vitrée, elle le vit,
lui, l'autre homme,
son sauveur. Ou peut-être était-ce qu’un mirage. Peut-être qu’elle avait rêvé tout ça. Elle voulu lui sourire, en signe de reconnaissance, mais il avait disparu aussi vite qu’il était apparu. Un soupir. Elle ferma les yeux, alors bercée par l’image trouble de cet inconnu.