Il y a des amis, il y a la famille; et puis il y a des amis qui deviennent la famille (Joey)

La nouvelle Zélande s’avérait être un pays magnifique. Les excursions de la veille et de l’avant veille avaient été géniales : la baignade aux chutes ainsi que la découverte des lieux où avait été tourné le seigneur des anneaux. Néanmoins après tout ça, j’avais envie de profiter de cette journée libre pour me détendre un peu. Autant profiter d’être dans un quatre étoiles. Après ces six derniers mois à enchainer les auberges de jeunesse douteuses où l’eau chaude était une option qu'ils ne semblaient pas connaitre, cet endroit me paraissait être un palace et j’avais l’impression d’être une princesse. J’avais également proposé à une de mes connaissances de l’an dernier, Joey, de venir me rejoindre au spa. Je l’attendais devant l’entrée de l’espace aquatique, impatiente de profiter des installations de luxe proposées par l’hôtel.

J'avais été super heureuse de recevoir un message de Judith m'informant de son retour de la mission humanitaire au Pérou et de sa présence au Spring Break. J'adorais la jeune femme qui était pour moi une véritable amie malgré notre différence d'âge et les liens du sang qu'il y avait entre nous et qui n'étaient pas portés à sa connaissance. Et oui elle était ma petite soeur, petite soeur biologique mais je n'avais pas osé lui dire encore, je ne pouvais pas, en fait je ne trouvais pas comment lui dire sans que cela ne la fasse tomber de haut... Parce que oui depuis septembre 2012 que j'étais là et que je la cotoyais je ne lui disais pas vraiment la vérité. Bref à 14h je me rendis devant l'espace aquatique et de détente où elle se trouvait déjà. Je fus prise d'un élan de tendresse, ma petite soeur était revenue. « Hey comment tu vas ? Je suis contente que tu sois de retour ! Comment ça s'est passé ? »

La Cabot arriva alors et je l’accueillis avec un large sourire : « Joey ! » fis-je avec entrain en lui faisant la bise, contente de retrouver une tête connue. « Ca va super bien et toi ? T’as l’air en forme en tout cas. » répondis-je en l'observant de haut en bas avant de me concentrer sur sa deuxième question : « Olala, j’ai trop de trucs à te raconter. Mais oui ça s’est super bien passé. » J’étais quand même heureuse de rentrer, de retrouver mes camarades, le luxe et le confort, et puis j’avais hâte aussi de retrouver mes grands parents une fois à Cambridge. « On va parler de tout ça quand on sera au spa si tu veux... Puis toi va falloir que tu me racontes tout ce que j’ai manqué aussi ! » J’avais eu vent des évènements tragiques qui avaient eu lieu bien sur, j’étais rassurée de pouvoir retrouver mon amie en chair et en os et qu’elle ait échappé aux agressions. On passa la porte du spa pour se diriger vers les vestiaires, chacune dans notre cabine. Le moment délicat que je détestais toujours : celui de me dévêtir pour enfiler mon maillot. Si j’avais pu faire un sauna toute habillée, j’aurais sauté de joie… Mais ce n’était pas le cas et j’enfilais rapidement mon maillot de bain une pièce avant de me glisser tout aussi vite dans l’un des grands peignoirs fournis par l’établissement, bien plus à l'aise une fois mon corps recouvert par le coton douillet. Je retrouvais mon amie de l’autre côté et lui demandai : « On commence par quoi ? Sauna, haman, jacuzzi ? » Les douches froides des auberges péruviennes ne me manquaient pas du tout.

« Pleine forme oui mais c'est rien à comparer à toi ! » Judith était pétillante et cela faisait plaisir de la voir comme ça. Alors certes elle avait les traits un peu tiré, surement la fatigue et tout mais elle avait un bon teint et le sourire aux lèvres, comme toujours. J'étais vraiment heureuse de retrouver mon amie, et ma petite soeur aussi au passage. « Jacuzzi ? J'ai l'impression d'être une grand mère, j'ai été courir hier je m'en remets pas.» Et oui je me faisais vieille et les bulles du jacuzzi m'aideraient surement à soulager mes muscles douloureux. En fait ce n'était pas la vieillesse mais bien le manque d'habitude. Nous filions vers les cabines et une fois en maillot de bain alors que nous nous installions dans le bain à remous, je lui demandai : « Je veux tout savoir, si t'as fait des rencontres intéressantes, ce que tu as fait, si le pays est beau... Tout quoi ! » Je n'avais pas les moyens de voyager à outrance alors à travers elle j'allais pouvoir le faire et je ne doutais pas des talents d'oratrice de la jeune quincy.

Joey était vraiment adorable, elle me retourna le compliment. Elle me répondit également qu’elle voulait commencer par le jacuzzi parce qu’elle avait été courir la veille. « Aïe t’as des courbatures ? Je crois que y'a des masseuses aussi ici je crois… Si tu veux on peut demander des renseignements à l’une des hôtesses ? » J’admirais Joey d’avoir le courage d’aller courir. Pour ma part, ces vacances rimaient avec farniente totale. « En tout cas le jacuzzi ça me va… » On se retrouva près du bassin à bulles et je retirais mon gros peignoir au dernier moment, me dépêchant ensuite d’entrer dans l’eau en ayant pris soin de vérifier de chaque côté que nous étions bien seules dans la pièce. Une chance, le spa était calme aujourd’hui, j’aurais difficilement supporté de devoir rester à tremper en maillot avec des yeux d’inconnus rivés sur moi. Enfin, Joey chassa cette pensée en me demandant des détails sur mon voyage. Je retrouvais aussitôt mon aisance et mon sourire : « Oh bah j’espère que t’as tout ton temps ! T’auras encore plus l’impression d’être une grand mère parce qu’on aura la peau toute frippée à la fin si on reste dans l’eau aussi longtemps ! » plaisantai-je avant de commencer mon récit : « Alors le pays est magnifique déjà ! Si t’as l’occas il faut y aller. Au nord, t’as des spots de surf, sur la côté t’as des dunes magnifiques, des lacunes sensas, et puis surtout t’as des trek de malades, si tu aimes la montagne et la rando tu peux être servie. Et puis surtout, surtout, tu as un patrimoine extraordinaire ! Je me suis vraiment plue sur le chantier de fouille. Et puis j’ai vu l’une des septs merveilles du monde, la classe quoi ! J’ai décidé qu’il fallait absolument que je visite les 6 autres avant ma mort. » Je parlais avec entrain, enchantée de mon voyage et de l’expérience que cela m’avait apporté mais je ne voulais pas en oublier mon interlocutrice, ces derniers mois avaient du être moins drôle pour elle. « Désolée, je m’emporte. J’ai entendu ce qu’il s’est passé au fait… Comment t’as vécu tout ça ? » demandai-je avec un air plus grave.

« Le jacuzzi sera déjà pas mal, ne t'en fais pas pour la mamie que je suis, ça va passer. » Quelle idée est ce que j'avais eu d'aller courir la veille mais surtout si longtemps, j'avais trop forcé. Mais cela m'avait fait aussi du bien, repousser mes limites me permettait aussi de ne plus me sentir malade.« On ira aux massages après, enfin je m'en fou tant que je passe du temps avec toi. » Nous entrions dans l'eau et je remarquais la gêne de la jeune femme. Je ne pus m'empêcher de la souligner et de m'inquiéter. « Tas mal à l'aise Ju ? Ca va pas ? On reste pas longtemps si t'es pas bien dans cette situation tu sais. » Je pouvais comprendre le malaise, qu'on ne soit pas vraiment bien avec son corps alors je ne voulais pas imposer une situation gênante à mon amie, à ma petite soeur. Sa gêne s'évapora lorsqu'elle se mit à parler du pays. Visiblement elle avait adoré puis qu'elle ne tarissait pas d'éloge sur le pays. Ca petite phrase de fin me donna un léger frisson, la mort, je l'avais déjà plus ou moins approché et j'aimerais pouvoir me donner des objectifs comme elle le faisait parce que je savais que la mort pouvait arriver plus vite qu'on ne le pense. « Ca va t'as encore plein de belles journées devant toi tu vas pouvoir toutes les faire largement.» Moi en revanche ce ne serait peut être pas mon cas, j'étais toujours très positive mais il fallait rester réaliste aussi et accepter ce risque de rechute. « J'étais sur un lieu d'une prise d'otage quand ça s'est passé... Depuis j'ai un peu de mal à dormir et surtout je me sens pas complètement en sécurité, mais j'espère que ça va passer... Enfin, j'espère pouvoir partir en voyage humanitaire un peu cet été, je me sentirais peut être mieux après m'être éloigné d'Harvard ! » Pour le moment je ne me sentais pas mieux alors il allait falloir renouveler l'expérience, une expérience plus dépaysante ,avec moins d'étudiants ayant des têtes connues peut être.

« Et moi je m’en fous pourvu que tu te sentes bien… » répondis-je avec un sourire franc. Probablement mon côté quincy, j’aimais pas savoir que mon amie avait ses muscles endoloris alors que l’infrastructure où nous logions proposait tout un panel de solutions. Alors si Joey préférait les massages je l’accompagnerais… Même si il allait falloir pour cela me faire violence en me dénudant devant la personne chargée du massage. « Tu crois que c’est des masseurs ou des masseuses par contre ? » Enfin pour le moment, on avait opté pour la jacuzzi, une première étape pour moi, et ça ferait déjà du bien à mon amie. Joey dut sentir mon malaise, parce qu’elle me demanda aussitôt si ça allait : « Non ça va t’inquiète pas… » la rassurai-je avec un sourire. Une fois enfouie dans l’eau bouillonnante de bulles, je me sentais à l’abri des regards. Et puis le fait que le spa ne soit pas bondé, que je sois avec elle, en qui j’avais confiance, cela m’aidait à me sentir mieux. Surtout quand on parla de mon aventure péruvienne. « Et toi Joey alors, ça serait quoi ton voyage de rêve ? » demandai-je avec curiosité après avoir énoncé mon objectif fou de faire le tour des sept merveilles du monde. On évoqua ensuite les événements tragiques qui avaient secoué le campus durant mon absence. J’écoutais mon amie me raconter son expérience, en la regardant avec un regard soucieux. « Ca a du être horrible Joey… Je suis désolée je savais pas que tu étais sur place quand ça s’est produit. » A sa place, je ne savais même pas si j’aurais été capable de retourner sur le campus. Elle était très courageuse et parlait déjà de partir en voyage humanitaire, une façon aussi de mettre de la distance avec la fac. « C’est une très bonne idée, tu voudrais partir avec le club du lycée ou avec une autre asso ? »

Judith était adorable. Je voulais ce qu'elle préférait et il en était de même à l'inverse, vraiment trop gentille. Enfin nous entrions dans le bain à bulles et je remarquais son malaise mais la demoiselle préférait ne pas en parler. J'haussais les épaules, c'était comme elle voulait, je ne voulais pas la forcer, cependant j'espérais qu'elle savait que j'étais là pour elle si jamais elle voulait en parler, si elle voulait parler de quoique ce soit en fait. Sans savoir qu'elle était ma soeur biologique et que j'étais sa grande soeur, nous nous comportions déjà un peu comme tel et c'était un plaisir pour moi. J'espérais que le jour où je me déciderais à lui dire, elle ne changerait pas vis à vis de moi. Nous parlions ensuite des voyages, des prises d'otage, du mouvement dans nos vies. « Ne t'en fais pas ça va... C'était juste assez bizarre. Je ne me suis pas sentie du tout à l'aise, en sécurité alors que j'étais avec Chris. » Mon petit ami depuis plusieurs mois ne m'avaient pas rassurée ou pas assez, je ne comprenais pas pourquoi. « On n'est plus ensemble... » Il fallait que je dise à Judith que ma relation avec le dunster était terminée, elle allait bien l'apprendre à un moment ou à un autre de toute manière alors autant lui dire au plus vite. « J'aimerais commencé par partir avec l'université, histoire d'avoir des têtes connues autour de moi, tu sais je suis un peu sauvage, mais après pourquoi pas avec d'autres associations. Mon voyage de rêve ça serait... Laisse moi réfléchir. Ben un truc simple en fait où je pourrais aider plein de petits enfants, les soigner peut être, sauver des vies même si je ne suis pas médecin ou un truc du genre. »

J’écoutais avec attention Joey me raconter ce qui s’était produit sur le campus, comment elle l’avait vécu, et comment son petit ami avait échoué à la rassurer. Et elle lâcha ensuite qu’elle n’était plus avec le dunster. « Oh… » fis-je avec une expression désolée. « Comment ça se fait ? » Dans le petit monde de Judith, les amoureux s’aiment jusqu’à ce que la mort les sépare, pas de place pour les ruptures… C’était pas des principes religieux ou quoi que ce soit, juste de la naïveté, et surement un grand manque d’expérience de ma part. « Je veux dire c'est à cause des évènements justement ? Peut être que ça va s’arranger ? » fis-je avec un petit sourire encourageant. « Ou alors sinon, tu peux toujours rejoindre le club d’abstinence avec moi… » la taquinai-je avec un petit coup de coude. Impossible pour moi de ne pas tenter. Ce club, c’était ma nouvelle lubie depuis mon retour du Pérou. D’ailleurs, on parla ensuite de mon voyage et de ceux que mon amie souhaitait réaliser à l’avenir. « Je suis sûre que ça pourra se faire. Faudra que tu me racontes tout ça en tout cas. Moi je vais essayer de freiner un peu mes envies d’ailleurs et me remettre dans les cours. Je peux pas vadrouiller à travers le monde et valider mon année. »  

« Le club d'abstinence ? Tu y vas ? » Je rigolais doucement à l'idée de ce club même si je pouvais tout à fait comprendre qu'elle l'ait créé. Je ne la jugeais pas du tout sur ses croyances, sur ce qu'elle aimait, bien au contraire. Et puis c'était ma soeur, je ne pouvais que respecter ce qu'elle voulait dans sa vie si c'était sain pour elle, j'espérais vraiment qu'elle aurait toujours une vie super saine. « On va dire que je ne suis pas sûre que ça s'arrange... Priam m'a embrassé, je l'ai dit à Chris, du coup il avait perdu un peu confiance en moi, c'est pour ça qu'il est resté détaché je pense... Du coup... Je crois qu'il va falloir que je ravale mes sentiments tout simplement. » Ouai je n'étais plus avec Chris, j'avais peut être voulu lui coller un petit électrochoc mais maintenant je ne savais plus trop ce que je devais espérer. Puis il fallait bien dire que ce baiser avec Jasper m'avait déboussolée...« Tes envies sexuelles ? Ou tes envies de voyage ? Non parce que tu viens de me parler du club d'abstinence et t'étais pas trop le genre à copuler de partout avant que tu partes alors je préfère demander. Je veux savoir si ma copine a changé que je sois pas surprise. » Eventuellement je voulais savoir qui était vraiment ma soeur et qu'elle ait le meilleur même si elle ne savait pas qui j'étais. Et puis je voulais qu'elle réussisse la petite, qu'elle ait une belle vie, aussi belle que celle que mes parents adoptifs avaient pu me donner.