J11 - Une gorgée de vodka pour oublier sa voix, puis deux pour oublier ses yeux. (Talya)

Je crois que le barman me connaissait par cœur. Lorsque je m’installais au comptoir devant lui ce soir, il me salua en m’appelant par mon prénom et en me demandant à quoi j’allais tourner ce soir. Un petit sourire amusé se dessina sur mes lèvres alors que je commandais une vodka. Il fallait mieux en rire qu’en pleurer, mais dans le fond j’savais que ce spring break n’avait rien eu de drôle. Devenir le meilleur pote du barman, s'inventer une petite amie et se friter avec ses vrais amis comme Chase ou Léonora, ce n’était pas une fierté. Mais l’alcool, ce bar, ces verres que j’enchainais, étaient mon refuge, ma solution de facilité. Pourtant, après avoir ingurgité plusieurs vodka, l’effet escompté n’était toujours pas là puisque la blonde que j’essayais de chasser de mes pensées surgit justement à côté de moi. Je l’avais déjà croisée le matin même sur la plage lorsque j’étais avec Leanne, voilà qu’il fallait que l’on se rencontre à nouveau. « C’est pas vrai, tu me suis ou quoi… » soupirai-je en finissant mon verre d’une traite. « Il m’en faut une autre s’il vous plait. » réclamai-je au serveur en tachant d’ignorer Talya.

En revenant d'Australie j'avais prévenu Priape que je n'abandonnerai pas comme ça aujourd'hui il en avait la preuve même s'il avait du prendre mes mots à la légère et même s'il avait sûrement pensé qu'en portant l'enfant de Mattheo je me tournerais vers lui. Mais j'avais beau adorer mon meilleur ami et m être posée des questions sur ce que je pouvais ressentir pour lui aujourd'hui c'était très clair. Il n'y avait que de l'amitié entre lui et moi accompagnés de quelques sentiments trop forts pour être de l'amitié mais mon coeur était à Priape et rien qu'à lui même s'il n'en voulait plus. Il avait tenté tant bien que mal de me faire croire qu'il avait une petite amie et finalement je l'avais peut être un peu cru ce matin en le voyant avec Leanne mais ce n'était pas parce que je les avais vu ensemble que j'allais baisser les bras. Au contraire je voulais le récupérer encore plus vite alors qu'elle ne laisse pas trop traîner ses sales pattes sur MON homme. Je descendis au bar j'étais sûre de le trouver la et je ne me trompais pas. Il ne fut pas heureux de me voir m'installer à côté de lui et commanda une nouvelle vodka. J'en fis de même juste pour le provoquer. « Une pour moi aussi s'il vous plaît ! » Je le toisais du regard avant d'ajouter: « Aller buvons ensemble ! Non tu ne veux pas ? » Je lui souris même si je voulais le ravoir que pour moi, pour lui j'espérais aussi qu'il se calme sur la bouteille. « Je suis pas sûre que tu aies envie de me voir boire ce verre en me sachant dans cet état mais si tu veux l'éviter je crois que tu n'as pas d'autres solutions que de ne pas boire le tien et venir te promener dehors avec moi ! »

J’avais décidé de l’ignorer mais quand sa voix s’éleva pour réclamer également une vodka au barman, je ne pus m’empêcher de tourner la tête dans sa direction. Mon regard se posa sur le sien qui me toisait alors qu’elle me proposait de boire ensemble. La surprise s’afficha surement sur mon visage et Talya poursuivit alors. « C’est quoi ça ? Du chantage ? » Le barman déposa deux verres devant nous et j’interceptais celui de Talya. « Elle le boira pas, elle s’est trompée. Elle préfèrerait un jus d’orange. » fis-je au barman avant de reporter à nouveau mon attention vers mon ex petite amie. « T’es l’avant dernière personne avec qui j’ai envie d’aller me promener Talya… » répondis-je sur un ton dur. Je ne touchais néa çanmoins pas à mon verre, respectant le deal lancé par la jeune femme. Je ne l’avouerais pas devant elle, mais je me souciais effectivement bien de son état malgré tout.

« Le jus d'orange avec de la vodka, ce n'est ni mon père, ni mon mari, je bois ce que je veux. » Non pas de chantage, il me connaissait tellement bien en si peu de temps qu'il savait que je ne boirais pas parce que je tenais à ce bébé et s'il y avait encore une chance que le médecin de Sydney ce soit trompé et que le bébé soit de Priape, je voulais qu'il soit en bonne santé. En fait, même s'il était vraiment de Matthéo je ne voulais pas lui faire de mal, il n'y était pour rien. Mais mon regard disait le contraire, j'allais boire ce verre oui, j'allais le convaincre. « Ah j'ai de la chance alors ! Matthéo est derrière moi je suppose... Je suis quand même étonnée que Théo soit devant... » J'haussais les sourcils avant de finalement écarter les deux verres que le barman venait de déposer devant nous. Je me plantais devant Priape, les yeux dans les yeux. « Je t'en prie Priape viens avec moi, ton petit jeu de nouvelle copine et tout ne marche pas avec moi, viens prendre l'air. » J'en avais mare de le voir saoul à longueur de journée, ce n'était pas l'homme que j'aimais, l'homme qu'il était et je m'en voulais qu'il soit ainsi à cause de moi.

Je laissais échapper un soupire agacé alors qu’elle insistait auprès du serveur pour avoir sa dose d’alcool également. Le pauvre gars nous regardait à tour de rôle un peu paumé, ne sachant plus trop qui écouter. « Théo n’a pas couché avec toi à ce que je sache ? Parce que sinon je le relègue à la même place que ton meilleur pote. » ripostai-je sur un ton aigri. Talya balaya ensuite nos verres de la main pour venir se placer devant moi, ses yeux se plantant dans les miens. Cette proximité me troubla un instant. Je baissais la tête, incapable de soutenir son regard. Elle me redemanda alors de la suivre, me disant qu’elle n’était pas dupe de mes histoires de nouvelle copine. J’ancrais alors mes mains sur ses hanches délicatement mais suffisamment fermement également pour la repousser sur le côté. Je relâchai ensuite mon étreinte et attrapai mon verre rapidement : « Si je te suis j’vais avoir besoin de ça je crois. » Je bus le verre d’une traite et le reposai vide sur le comptoir. C’était probablement pas ce qu’elle aurait voulu que je fasse, mais je sentais que j’avais besoin de ce petit shoot pour affronter la suite. En même temps que pouvait-elle vouloir me dire qui ne soit pas pire que ce qu’elle m’avait déjà annoncé ?

« Que Matthéo... La même place que Matthéo. » Oui cette histoire avait fait du tort à notre relation et je n'étais pas sûre qu'il puisse toujours être qualifié de meilleur ami, ni même qu'il le veuille. En fait nous étions tellement en froid tous les deux actuellement que ce n'était pas vraiment le moment pour en discuter. « Bois en deux si tu veux si ça peut me permettre de passer du temps avec toi... » Mon regard ne cherchait plus le sien, il regardait le sol, sol qui n'était pas instable pour moi alors que pour Priape ça devait l'être. Il finit pas se lever de son tabouret de comptoir et me suivre dehors, sur la terrasse, dans un endroit beaucoup plus calme et où il y avait bien moins de monde. En fait, personne n'était autour de nous c'était une bonne chose pour parvenir à mes fins, pour aller droit au but dans ce que je voulais. Lorsqu'il s'appuya contre le mur je m'approchais de lui pour lui demander. « Jure moi que tu es avec cette nana et que tu as ne serait-ce qu'un brin de sentiments amoureux pour elle et je te foutrais la paix Priape. » Mon visage n'était qu'à quelques centimètres du sien, ses lèvres me tentaient plus que grandement mais je ne voulais pas prendre le risque qu'il me repousse. J'étais motivée à le récupérer mais mon moral n'était pas sans faille et ça, ça ne l'arrangerait pas. « Jure moi en me regardant dans les yeux que tu ne m'aimes plus et que tu ne veux plus me voir, m'avoir... pour toi... » Je rapprochais mon visage pour lui dire les derniers mots dans un souffle alors que mes mains étaient déposées sur son torse. Un instant je fermais les yeux pour profiter de cette sensation, d'être si proche de lui, je ne savais pas pourquoi mais je sentais que mon moral allait dégringoler d'un coup qu'il allait me repousser et me cracher des misères à la figure...

« Quoi c’est plus ton meilleur pote à présent ? » ricanai-je après qu’elle m’ait corrigé… Et en même temps, ça ne m’étonnerait même pas. C’était du déjà vu pour moi, je me rappelais très bien avoir passé une partie du summer camp à éviter Elia après notre –dérapage- alors dans un sens si il y avait de l’eau dans le gaz entre le mather et mon ex petite amie, c’était presque prévisible… Je m’enfilais ensuite un verre, Talya m’en autorisa un autre et je ne me fis pas prier. Après ce deuxième cul sec, j’étais armé pour l’affronter, enfin c’était ce que je pensais. Je la suivis à l’extérieur et je m’adossais nonchalamment contre un mur, attendant avec un air volontairement blasé d’écouter ce qu’elle tenait tant à me dire. Mais dès qu’elle vint se planter devant moi, je sentis ma volonté faiblir peu à peu. « Je tiens énormément à Leanne alors laisse la en dehors de nos histoires… » assurai-je. J’essayais d’éviter son regard, de me concentrer sur les tables vides de cette terrasse, sur n’importe quoi d’autre que sur son visage qui me scrutait, ses yeux qui cherchaient les miens, ses lèvres qui me tentaient…  Mais Talya ne s’arrêta pas là, elle poursuivit, réclamant mes yeux dans les siens, me demandant de nouvelles vérités que je n’étais pas capable d’énoncer sans mentir. Elle était si près que son souffle venait caresser mon cou, faisant s’affoler les battements de mon cœur, affolement que devaient très bien percevoir ses doigts qui étaient désormais contre mon torse. Je regrettais soudain ces verres que je venais de boire, j’aurais eu besoin de plus de lucidité et de maitrise de moi. Mes mains se posèrent néanmoins sur ses épaules, repoussant à contre cœur et avec douceur la jeune femme pour instaurer une distance plus raisonnable entre nous… «A quoi tu joues Talya ? » fis-je pour toute réponse.

« Je ne suis pas venue te trouver pour parler de lui, ni pour parler de cette soi disante Léanne. Alors oui laissons les tous les deux de côté. » Laisser mon ex meilleur ami et ma dernière coucherie de côté était une très bonne idée en présence de Priape, je n'avais nullement envie qu'il s'énerve. Et moi, l'écouter parler de sa nana, qui n'en était pas une d'ailleurs j'étais persuadée de ça, je n'en avais pas envie. Mes émotions faisaient déjà assez le yoyo comme cela... Mais elles n'étaient pas les seules. En effet, j'avais senti les battements du coeur de Priape s'accélérer en me rapprochant puis il m'avait repoussé... Triste vie, triste histoire, est ce que j'étais condamnée à ce qu'il me repousse tout le temps ? Je n'en savais rien mais pour le coup j'étais un peu désemparée et surtout nulle en drague. Je me laissais glisser contre le mur à côté de lui jusqu'au sol pour me retrouver assise par terre. « Je ne joue pas Priape. Mais toi qu'est ce que tu attends pour me répondre si tu me détestes au point de ne plus vouloir que je t'approche, de ne plus vouloir être avec moi, de ne même pas vouloir avoir une discussion, essayer de parler comme des adultes, pas de comprendre mais de tenter d'expliquer les choses et surtout de s'excuser ? Parce que oui mes excuses servent à rien surtout dans ton état, mais c'est quand même la moindre des choses, le moindre des respects... Mais ça ne suffit pas... » Lui présenter mes excuses cela ne suffisait pas à combler ce truc immense, ce vie immense dans ma poitrine, j'avais besoin de lui bordel, dans ma vie, dans mon coeur et s'il ne le comprenait pas je ne savais pas comment faire pour cela. Je glissais ma main dans la sienne et tirais légèrement dessus afin qu'il s'assoit. Une fois par terre il ne pourrait plus se relever vu son état alors allait il prendre le risque d'être "coincé" à côté de moi ?

Talya balaya le sujet Matthéo et le sujet Leanne par la même occasion, mais je ne pus m’empêcher de noter qu’elle n’était pas dupe de ma pseudo love story… Il allait surement falloir que mon amie et moi nous nous montrions plus convaincants. Prenant sur moi ensuite pour écarter raisonnablement Talya, je vis la jeune femme se laisser glisser contre le mur pour s’asseoir par terre et avec dépit elle me redemanda pourquoi je ne lui avais pas répondu… Tout simplement parce que je ne voulais pas lui mentir, alors la seule chose que je pouvais affirmer, qui était vraie, que je pensais sincèrement, c’était cela : « T’as raison Talya, ça suffit pas… » Sur ce point on était d’accord… Pour le reste j’étais trop paumé, j’avais bu, je n’étais pas apte à lui servir de beaux mensonges comme quoi je l’avais complètement oubliée et rayée de ma vie. Mais je voulais pas non plus lui laisser entrevoir un quelconque espoir… Lorsque je sentis la main de mon ex petite amie prendre la mienne, ce contact m’électrisa. Je me figeai, résistant néanmoins à la pression qu’elle exerçait pour me voir prendre place à ses côtés : « Tu vas avoir froid, c’est ridicule. Reste pas par terre, viens… » fis-je sur un ton bien trop protecteur pour un type censé l'avoir zappée de sa vie. Ma main tira doucement la sienne à son tour pour l’aider à se relever.  

« Est ce que t'as l'impression qu'il fait froid ? » L'air n'était pas plus froid que le sol mais il avait surement trop bu pour se rendre compte de chose aussi basique. Cependant lorsqu'il tira sur mon bras pour m'aider à me relever, je ne résistai pas, pas plus qu'après avoir râlé un petit peu parce que j'étais plutôt bien assise par terre. Me relevant donc doucement je me retrouvais une nouvelle fois en face de lui, tout près de lui et cette fois je ne contrôlais pas plus mon élan ma bouche allant trouver la sienne. Je n'avais pas bu moi, non impossible dans mon état, mais c'était plus fort que moi, il me manquait, tout me manquait chez lui et me retrouver si près de lui était un suplice. J'allais encore une fois me faire repousser, ou peut être pas... Non en fait je ne voulais pas prendre ce risque, après à peine quelques secondes mes lèvres sur les siennes je m'écartais me confondant en excuse. « Je suis désolée Priape... Je sais que tu ne voulais pas... Tu me manques... Vraiment... » Il ne voulait pas que je lui dise que je l'aimais, il me l'avait interdit, même si je l'avais déjà dit plusieurs fois et surtout par téléphone, pour une fois j'étais encline à me plier à son exigence.