barely breathing ➸ w/ lulu

✪ Lulu&Otto

« En même temps, ce serait une belle vengeance de lui faire des petits enfants moches. » Ca eut le mérite de me faire sourire. Ma mère avait toujours été une casse-pied, une vraie. Elle avait peut-être l'esprit le plus fermé et que je le connaisse et elle avait tout de la petite princesse française, théâtrale à souhait. Elle avait toujours été sur mon dos et quand mon frère aîné avait fait son coming-out, le monde avait paru s'effondrer pour elle. Au niveau des garçons de la famille, il n'y avait plus que moi pour redresser la barre. Il fallait donc me pousser dans les bras d'une princesse, histoire de viser le haut du panier. Lulu, voyant sa détresse, vint s'asseoir à côté de moi. Je l'entendais, le sentais, même si j'avais détourné les yeux. Je fixais un point dans le vide, comme pour me visualiser l'avenir auquel j'allais avoir droit, un avenir régit par les choix de mes parents. Elle me donna un petit coup de coude pour me réconforter et je tourna la tête, croisant à nouveau son regard. « Tu vas sans doute me trouver trop sentimentale mais... Tes parents ne seront jamais capables de diriger ton coeur. » Je le savais bien, mais ça me semblait être plus compliqué que ça. Lulu ne cessait de sourire maintenant, comme dans l'espoir que ce soit communicatif, mais je peinais à me prêter au jeu, là tout de suite. « Et l'heureuse élue, elle en pense quoi ? » J'eut toutes les peines du monde à retenir un soupire. « Elle m'a l'air résignée. Elle a un gosse, avec un mec qu'elle voit plus vraiment je crois. Je pense qu'elle est paumée, alors elle doit penser que ça va l'aider. Je crois qu'elle fait confiance à sa grand-mère. » Je n'avais jamais été totalement sur la même longueur d'ondes que mes parents, mais je m'étais jamais figuré qu'il puisse me faire un truc pareil. Peut-être que j'étais trop naïf. « Car elle est princesse d'Angleterre, au fait. Ah et elle s'appelle Minnie. Minnie Disney, t'imagines ? Je trouverais ça drôle si ça me rendait pas aussi triste. A moins que je sois sensé prendre son nom, je sais pas comment ça marche dans la monarchie. »

Otto sourit pour faire plaisir à Lulu. Elle a bien conscience qu'il n'a pas du tout le coeur à rire. Quand elle lui donne un coup de coude et que leurs regards se croisent à nouveau, il a cet air triste dans les yeux qu'elle aurait souhaité ne jamais voir. Lulu prenait toujours les choses à coeur. Et même si Otto et elle s'étaient éloignés avec les années, elle sentait un besoin de le protéger comme une amie, comme elle l'avait fait par le passé. Tandis qu'il explique la situation, Lulu continue de se mordre nerveusement la lèvre inférieure. Elle se sent plutôt impuissante face à ce contexte. Elle regarde Otto et se rend compte que la situation est encore plus complexe que ce qu'elle avait imaginé. Une histoire d'enfant et de fille paumée. L'histoire typique de la princesse en détresse. Qui sait, le beau prince allait peut-être finir par tomber amoureux de la princesse ? C'était l'histoire parfaite pour un futur film à l'eau de rose. " Car elle est princesse d'Angleterre, au fait. Ah et elle s'appelle Minnie. Minnie Disney, t'imagines ? Je trouverais ça drôle si ça me rendait pas aussi triste. A moins que je sois sensé prendre son nom, je sais pas comment ça marche dans la monarchie. " Aucun sourire ne naît sur les lèvres de Lulu. Elle trouve la "blague" drôle, pourtant. C'était cocasse, comme situation. Pourtant, Lulu ne rit pas, loin de là. Le visage de la jeune femme est fermé et elle laisse échapper un long soupir. " Merde... " souffle-t-elle. Lulu ne jure  jamais. Les gros, elle ne connaît pas et Otto le sait très bien. Alors pour qu'elle dise simplement ce mot, c'est qu'elle est chamboulée par la situation d'Otto. " Tu devrais changer de nom et partir chasser le gnou en Afrique. " Lulu n'avait même pas dit ça sur le ton de la blague. Elle ne voulait pas faire rire, elle était sincère. Peut-être pas pour le gnou, mais pour l'idée générale qu'elle mettait en avant  Elle essayait d'imaginer comment elle aurait réagi à la place d'Otto. Mal, très mal sans doute. " Je serais incapable de tous les compromis pour mes parents. Je l'étais dans le passé mais... Je ne sais pas, les gens changent. " Elle sait que les paroles sont belles mais que l'acte est difficile. Elle n'était pas certaine d'envoyer promener ses parents si jamais ils la mettaient dans la même situation qu'Otto.  

✪ Lulu&Otto

« Merde... » J'en sursauta limite, car Lulu était bien la dernière personne à employer des grossièretés. C'était dire combien ma situation craignait. « Tu m'arraches les mots de la bouche » marmonnais-je. Oui, j'étais vraiment dans la merde. « Tu devrais changer de nom et partir chasser le gnou en Afrique. » J'eut un petit rire, bien qu'il sonne tout de même plutôt jaune. « C'est une idée » dis-je. Je songeais pas à l'Afrique où à la chasse au gnou, mais la perspective de me tirer était tentante. J'en serais incapable, je le savais bien, pas indéfiniment, mais ça restait carrément tentant. « Je croyais que j'allais avoir un peu la paix pendant le séjour ici, mais non, je dois partager ma chambre avec elle et son gosse. D'où l'envie d'aller dormir sur la plage, au calme, ou presque » dis-je, clôturant ma prise de parole par un petit soupire. Même ça, ça semblait un luxe désormais hors de portée. Non, j'étais coincé dans un ascenseur. Au moins, c'était avec Lulu. Ca Si cela s'était passé quelques minutes plus tôt, j'aurais été coincé avec ma future fiancée. C'était déjà ça. « Je serais incapable de tous les compromis pour mes parents. Je l'étais dans le passé mais... Je ne sais pas, les gens changent. » Je me mordis la lèvre, pensif. Ma mère était déjà plus distante avec moi depuis mon entrée à Harvard. Je n'étais pas sûr que notre relation perdure avec une autre dispute toute aussi sujette à la dévastation. « Ca pourrait bousiller mes relations avec mes parents. Ils me gonflent vraiment parfois et carrément tout le temps en ce moment, mais je sais pas. J'imagine que j'ai peur de les perdre. Enfin, c'est compliqué tout ça » ouais, ça l'était. Je poussa un énième soupire. « Peut-être que je me prend trop la tête. Peut-être que les choses s'arrangeront d'elles-même, d'une façon ou d'une autre. » Je l'espérais vraiment de tout coeur, car je doutais de pouvoir continuer ainsi bien longtemps autrement.

"C'est une idée." Otto aurait sans doute fait un très mauvais chasseur de gnou. Elle savait pourquoi que l'idée de changer de vie du tout au tout, de prendre un nouveau départ, loin de la pression des parents, était tentante. C'était fou comme leurs parents avaient une influence énorme sur leurs vies et ce malgré le fait qu'ils soient tous deux entrés depuis un moment dans la vingtaine. C'était même un peu pitoyable, sans doute. Ils étaient toujours aussi dépendants que lorsqu'ils étaient petits. Lulu ne pouvait pas jeter la pierre à Otto. Ils étaient pareils, tous les deux. Et Lulu aurait fait une tout aussi mauvaise chasseuse de gnou qu'Otto. " Je croyais que j'allais avoir un peu la paix pendant le séjour ici, mais non, je dois partager ma chambre avec elle et son gosse. D'où l'envie d'aller dormir sur la plage, au calme, ou presque " Lulu soupire et ne peut s'empêcher de dire : " Et au lieu de ça, tu es coincée dans un ascenseur avec moi. La tare. " Elle sourit d'un air taquin mais perd bien vite sa malice quand elle entend la suite des paroles d'Otto. Elle se reconnaissait tellement dans ce discours qu'elle en avait le cœur serré. Elle en voulait à leurs parents d'être si directifs, de ne pas être capables d'accepter leurs enfants tels qu'ils étaient. " Alors quoi ? " finit-elle par demander, après plusieurs secondes de silence. " Tu te résignes et tu te maries à cette fille ? " La voix de Lulu montre presque sa colère face à la situation. Elle prend le désespoir d'Otto très à cœur. " Tu sais très bien que ce ne sont pas les valeurs que tu défends. " Comme toujours, Lulu emploie des grands mots mais elle sait très bien qu'Otto la comprend. Jamais le jeune Disney n'imposerait à ses enfants d'épouser une personne qu'ils n'avaient pas choisie. Il croyait trop, comme Lulu, à la liberté.

✪ Lulu&Otto

Aussi loin que je m'en souvienne, j'avais toujours eut mes parents sur mon dos. Ma mère surtout, mon père étant moins casse-pied, bien qu'ayant des idées toutes aussi tranchées en matière d'éducation et de vie en général. Comme si ce n'était pas assez, j'avais deux soeurs aînées, toutes aussi maternelles avec moi que ma mère l'était. J'étais le bébé de la famille, même si pas le plus jeune de ma fratrie. (dieu merci) J'avais appris à faire avec, tout en ayant de plus en plus de mal à canaliser mon envie de les envoyer bouler, par moment. Lulu avait toujours été dans une situation comparable. Nos familles sortaient en quelque sorte du même moule et c'était peut-être pour ça que j'avais eu toujours éprouvé une certaine facilité à me confier à elle, même après m'en être éloignée comme ça avait été le cas durant ces dernières années. « Et au lieu de ça, tu es coincée dans un ascenseur avec moi. La tare. » Je lui rendis son sourire. « Ouais, enfin ça pourrait être pire. » C'était même sympas de retrouver Lulu, même si le cadre n'était vraiment pas paradisiaque, très loin de là en fait. Je vis le sourire de mon amie s'effondrer au fil de mes paroles, comme en écho au mien, qui n'avait pas mit longtemps pour disparaître. « Alors quoi ? Tu te résignes et tu te maries à cette fille ? Tu sais très bien que ce ne sont pas les valeurs que tu défends. » J'obtempéra mollement à ses mots, d'un mouvement de tête. « C'est clair que je ne souhaiterais même pas ça à mon pire ennemi. » Dis-je. Ca non. C'était limite de la cruauté à mon goût, même si clairement, mes parents ne voyaient pas la chose de cette façon et idem pour ma promise d'ailleurs. Ils me donnaient tous l'impression de sur-réagir en fait, alors que je savais bien que j'étais dans le vrai. C'était ma mère, la reine du drame, pas moi. « Je sais pas, j'arriverais peut-être à couper à ça en discutant avec ma mère. Parfois, faut juste savoir la prendre pour la faire craquer » pas sûr que là-dessus, ce soit si simple, mais c'était un peu mon seul espoir pour éviter au maximum la casse.

Lulu ne comprenait pas comme l'on pouvait forcer son enfant avec quelqu'un. Si jeune, en plus. Otto avait toute sa vie devant lui. Il n'avait pas à se marier à la première princesse venue. Ca révoltait Lulu qui comprenait désormais pourquoi elle se rebellait de plus en plus contre ses parents. Elle se rebellait pour toutes les Lulu et tous les Otto du monde. Elle se rebellait pour espérer un jour faire comprendre aux parents qu'on ne fait pas un enfant pour en faire un jouet, un pantin. Depuis la mort de son frère Valentin, Lulu avait l'impression que ses parents voyaient en elle l'unique chance de faire perdurer leur belle famille. Un beau mariage, de beaux petits enfants, une belle maison et un beau labrador blond. C'était la vision idyllique des parents de Lulu. Quant à la blondinette, elle n'en avait que faire. Elle préférait de loin profiter de sa jeunesse. Elle avait tout le temps devant elle pour bâtir tout ça. Même si elle finissait par vivre en banlieue, elle s'en moquait. "C'est clair que je ne souhaiterais même pas ça à mon pire ennemi."Lulu hausse les épaules. Comme elle est rancunière, elle aurait bien souhaité ça à son pire ennemi. Elle n'était pas du genre à faire dans la demi-mesure. " Je sais pas, j'arriverais peut-être à couper à ça en discutant avec ma mère. Parfois, faut juste savoir la prendre pour la faire craquer " Lulu se mord une nouvelle fois la lèvre inférieure et soupire. "C'est beau de rêver." Elle ne dit pas ça méchamment, mais Lulu a toujours été une fille très franche. Connaissant très bien la mère d'Otto, elle savait qu'il n'y avait aucune chance qu'elle change d'avis. "Ou sinon... Tu sais quand le prêtre demande 'Si vous connaissez une raison empêchant ces deux personnes de se marier, parlez maintenant ou bien taisez vous à jamais' ?" Elle ne laisse pas le temps à Otto de répondre, elle a décidé que c'est le moment d'arrêter de se lamenter alors elle se lève et se met à parler très rapidement et en rigolant à moitié :"Là, j'interviens en criant : 'Arrêtez tout ! Otto, tu ne peux pas faire ça... J'ai une très bonne raison de stopper ce mariage.' " Elle prend un air faussement dramatique. "Souviens-toi de cette nuit merveilleuse que nous avons passé ensemble. Je... Je suis enceinte !" Lulu se pince les lèvres pour ne pas rire et elle se met à faire des grands gestes. "Et là tout le monde se met à faire des "AAAAH" et des "OOOOH" avec l'air choqué et estomaqué. Du coup, le mariage est annulé et tu te sauves avant que tes parents te bottent les fesses." Lulu reprend doucement sa respiration, pose ses poings sur sa taille et lance ironiquement : "Avoue. Je suis une excellente comédienne" Elle sait qu'Otto n'a pas le coeur à rire mais elle a envie de détendre l'atmosphère. Ca l'angoisse de voir Otto dans un état pareil alors elle tente de lui faire voir une autre facette de cette situation.

✪ Lulu&Otto

« C'est beau de rêver. » Je fus forcé d'acquiescer. Ma mère était une butée finie et elle était capable de fondre en larmes pour me pousser à faire ce qu'elle voulait. Elle savait me manipuler, en somme, moi, son petit bonhomme pacifiste et facile à vivre. Je facilitais la tâche aux gens en fait, peut-être trop. « Ouais » reconnus-je. Ma mère avait beau m'aimer à n'en pas douter, elle avait une vision bien conforme du futur qu'elle me préparait, futur que j'avais déjà perturbé en quittant la France pour partir étudier aux USA. « Ou sinon... Tu sais quand le prêtre demande 'Si vous connaissez une raison empêchant ces deux personnes de se marier, parlez maintenant ou bien taisez vous à jamais' ? » J'ouvre la bouche pour répondre, mais elle ne m'en laisse pas l'occasion. En deux-deux, elle est debout, moi toujours assis et elle démarre son speech. « Là, j'interviens en criant : 'Arrêtez tout ! Otto, tu ne peux pas faire ça... J'ai une très bonne raison de stopper ce mariage.' Souviens-toi de cette nuit merveilleuse que nous avons passé ensemble. Je... Je suis enceinte ! Et là tout le monde se met à faire des "AAAAH" et des "OOOOH" avec l'air choqué et estomaqué. Du coup, le mariage est annulé et tu te sauves avant que tes parents te bottent les fesses. » Un sourire plus vrai, plus pur, s'est dessiné sur mon visage tandis qu'elle faisait son cinéma. Lulu a au moins le mérite d'être divertissante et là, tout de suite, je dois bien reconnaître que c'est tout ce que je veux. « Avoue. Je suis une excellente comédienne » je secoue la tête, un petit sourire gentiment moqueur accroché à mes lèvres. « Hum, en tant qu'étudiant en théâtre, permet moi de te dire que non. » La taquinais-je. C'était bon de plaisanter un peu, mais il ne me fallait pas longtemps pour revenir à l'aspect plus froid de ma réalité actuellement et là, c'était le drame. J'en avais marre d'en parler, même sur le ton de la plaisanterie. Je décida donc que c'était à son tour de me raconter sa vie. « Bon, j'ai assez parlé de mon petit drame personnel comme ça, alors raconte moi un truc sur toi, quelque chose de bien nul, pour que je sache que je suis pas le seul à avoir une vie de merde » dis-je en m'efforçant d'employer un ton plus léger. Je déconnais pas, ça me ferais du bien.

Lulu est plutôt fière de sa petite représentation et elle se redresse inconsciemment, heureuse d'avoir réussi à le faire sourire. Elle ne veut pas qu'il croit qu'elle prend la situation à la légère mais elle ne veut pas qu'il se laisse à déprimer et à ressasser sans cesse les mêmes questions sans réponse. Seul l'avenir lui dirait s'il allait se sortir de cette situation. Lulu ne doutait pas qu'il s'en sortirait. La question était de savoir avec combien de cicatrices. " Hum, en tant qu'étudiant en théâtre, permet moi de te dire que non. " Lulu fronce méchamment les sourcils, faisant semblant d'être vexée. Elle sait qu'elle n'est qu'une piètre actrice mais au moins, elle avait essayé. Elle hausse les épaules et dit : " Tu as de la chance que je ne suis pas du genre à insulter les gens, Disney. " Ses lèvres s'élargissent en un sourire immédiatement après sa réplique. Puis elle ajoute, tout de suite après, beaucoup plus sérieusement cependant : " Par contre vraiment, si t'as besoin que je te rende un service un jour, je serai là. Tu dois avoir mille amis à contacter avant moi mais... Je suis toujours là. " Désormais, le sourire de Lulu est nostalgique mais elle le cache bien vite. Pas si mauvaise comédienne que ça, au final... "Bon, j'ai assez parlé de mon petit drame personnel comme ça, alors raconte moi un truc sur toi, quelque chose de bien nul, pour que je sache que je suis pas le seul à avoir une vie de merde" Lulu se passe la main dans les cheveux et réfléchit à ce qu'elle peut bien lui raconter. Il veut quelque chose de nul ? Il aurait quelque chose de nul. " Tu sais, tout à l'heure je t'ai dit que je m'étais fait poursuivre par un chien affamé ? Tu ne sais pas tout. " Encore une fois, elle se met à faire des grands gestes avec les bras. " Donc le chien me poursuit en aboyant genre Touffu dans Harry Potter, tu vois ? Et moi je cours, je cours, je crie un peu aussi puis je me rends compte que si je ne veux pas me faire avaler par le monstre, je n'ai qu'une seule solution, monter dans un arbre. Donc je grimpe comme je peux. Ensuite, un homme arrive pour faire fuir le chien à l'aide de son dogue allemand. Mais ce n'est pas la fin de l'histoire. En gros, la branche sur laquelle je suis craque et en poussant un long "Aaaaaaah", j’atterris dans les bras de l'homme. Sauf que son dogue allemand pense qu'on est en train de jouer, qu'il nous saute dessus et nous fait tomber au sol et vient nous lécher la figure. " La situation avait eu le don d'être ridicule à souhait. " Tu te sens mieux ? " Lulu fait quelques pas et retourne s'asseoir près d'Otto. Elle savait qu'il l'attend au tournant. Parce que Lulu est douée pour raconter des choses futiles... Mais dès qu'il s'agit de se confier, c'est bien plus compliqué.

✪ Lulu&Otto

« Avoue. Je suis une excellente comédienne » Je m'apprêtais à rétorquer que quand bien même ce serait son genre, elle n'oserait pas, mais elle reprit bien vite la parole, avant que j'ai eut le temps de rebondir. « Par contre vraiment, si t'as besoin que je te rende un service un jour, je serai là. Tu dois avoir mille amis à contacter avant moi mais... Je suis toujours là. » Je crus reconnaitre une pointe de nostalgie sur l'expression de mon amie, mais ce fut aussi rapide qu'une éclipse. Sur mon visage en revanche, la nostalgie se lisait effectivement. « Pas mille, t'es encore assez bien placée, dans mon top perso. » Commentais-je, tout en véhiculant de la reconnaissance à travers mon regard. Je ne mentais pas lorsque je disais que je la considérais encore comme une amie. Preuve était, je venais de me livrer à elle sans peine, chose que je n'avais pas encore fait avec les gens dont j'étais super proche en ce moment. Comme quoi, les amitiés d'enfance comme la notre étaient du genre résistantes. En même temps, autant d'années de souvenirs comme ça, cela ne s'oublie pas. Je décidais ensuite de renverser la vapeur en la poussant à me parler d'elle. J'estimais avoir suffisamment exposer mes ennuis du moment, plombant sacrément l'ambiance déjà tangible à la base. C'était à elle maintenant et elle ne se fit pas prier. « Tu sais, tout à l'heure je t'ai dit que je m'étais fait poursuivre par un chien affamé ? Tu ne sais pas tout. » Et ça y est, nous étions repartis pour un véritable show, Lulu ne pouvait décemment pas raconter d'histoire sans gesticuler dans tous les sens en faisant de grands mouvements. Ca avait le mérite de m'arracher des sourires de ci et là. « Donc le chien me poursuit en aboyant genre Touffu dans Harry Potter, tu vois ? Et moi je cours, je cours, je crie un peu aussi puis je me rends compte que si je ne veux pas me faire avaler par le monstre, je n'ai qu'une seule solution, monter dans un arbre. Donc je grimpe comme je peux. Ensuite, un homme arrive pour faire fuir le chien à l'aide de son dogue allemand. Mais ce n'est pas la fin de l'histoire. En gros, la branche sur laquelle je suis craque et en poussant un long "Aaaaaaah", j’atterris dans les bras de l'homme. Sauf que son dogue allemand pense qu'on est en train de jouer, qu'il nous saute dessus et nous fait tomber au sol et vient nous lécher la figure. » J'avais ouvert de grands yeux, concentré sur son petit drame perso. Ca c'était de l'histoire et c'était le genre de scène dont j'aurais vraiment bien aimé être spectateur. « Tu te sens mieux ? » Elle revint sur ces mots s'asseoir à côté de moi, tandis que je la dévisageais toujours. « Ca c'est vraiment le genre de trucs qui n'arrivent qu'à toi » soulignais-je, un petit sourire légèrement rieur dessiné sur le visage.  « Le type était à ton goût, au moins ? » Demandais-je en arquant un sourcil, la taquinant. Ca avait au moins le mérite de me changer brièvement les idées, cette histoire.

Lulu pense déceler la même part de nostalgie dans le regard d'Otto. C'est le genre de chose qui la touche. Dans le fond, elle sait qu'ils ont mis leur amitié aux oubliettes il y a bien longtemps mais que leur complicité ne pourrait jamais s'évanouir. Pourtant, en croisant le regard mélancolique d'Otto, elle a un instant peur que dès qu'ils seront sortis de cet ascenseur, ils redeviennent de simples connaissances. Elle se rend compte que l'amitié d'Otto lui a manqué. Beaucoup. " Pas mille, t'es encore assez bien placée, dans mon top perso. " Elle lui renvoie son sourire mais elle doute de ses paroles. Elle reprend bien vite ses esprits et se met à raconter son histoire en faisant des grands gestes. Elle est comme ça, Lulu. Pleine de vie et extravagante. Décalée et colorée. Puis elle aime faire rire les gens. Elle aime les voir heureux. Alors elle y met les formes et rend ses histoires plus vraies que natures. Otto doit avoir l'impression d'assister au spectacle tellement elle bouge ses bras dans tous les sens. Lulu se calme finalement pour se rasseoir à côté de son ami. Il lui lance que c'est le genre d'histoire qui n'arrive qu'à elle. Elle lâche un rire et hoche la tête. Il n'a pas tord. " Le type était à ton goût, au moins ? " Elle ricane à nouveau. " Plus âgé que moi mais plutôt pas mal, oui. Puis tu sais, le côté super-héros qui vient sauver la fille en détresse, c'est toujours sexy. " Elle allonge ses jambes devant elle et se passe une main dans les cheveux. Par chance, elle ne s'était rien cassé, ce jour-là. Elle regarde fixement le sol et se mord la lèvre inférieure. Quelque chose la tracasse. Une phrase tourne en boucle dans son esprit depuis plusieurs jours et c'était l'une des raisons pour laquelle elle avait décidé de venir au Spring Break : pour se changer les idées. Elle sait qu'Otto connaît la situation et qu'il saura sans doute trouver les mots justes mais... Comme toujours lorsqu'elle doit se confier, une petite appréhension se forme. Fixant le bout de ses pieds, elle finit par lancer : " Ca va faire huit ans demain pour Valentin et... " Sa voix se brise et elle se stoppe net. Elle sait que ce n'est pas le genre d'histoire qui va remonter le moral d'Otto. Pourtant, elle a besoin d'en parler. Huit ans ont passé depuis la mort de son frère dans un accident de voiture mais le même vide se faisait ressentir. Le temps n'avait rien arrangé, au contraire.